François Bayrou : « Contre l’absentéisme dans l’Hémicycle, il est urgent de réviser le règlement de l’Assemblée nationale »

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Retrouvez ci-dessous la tribune de François Bayrou publiée dans Le Figaro.

La question de l’absentéisme parlementaire est redevenue brûlante. Des désignations importantes, présidences de commissions ou responsabilités au bureau de l’Assemblée nationale, des votes symboliques essentiels, comme la contribution du budget de la France à l’Union européenne, ne sont acquis, contre le rapport de force loyal, qu’en raison de l’absence d’une partie des députés. Images de rangées de fauteuils vides, incompréhension des citoyens. Sensation d’autant plus choquante que l’élection de ces mêmes députés a eu lieu il y a à peine plus de trois mois !

J’ai exprimé à plusieurs reprises le sentiment de frustration qui est celui des défenseurs de la démocratie parlementaire. S’y ajoute pour nos compatriotes l’indignation de voir dans une situation grave pour le pays des attitudes qu’ils ressentent comme désinvoltes. Cette situation est dangereuse et tout montre qu’elle risque de s’aggraver, augmentant les risques d’un accident démocratique majeur. Cela est purement et simplement inacceptable.

Une telle attitude de désintérêt a, je le sais bien, des raisons substantielles. Prisonnière de règles archaïques, l’Assemblée travaille dans une désorganisation systématique et démobilisatrice, débats et votes sans programmation précise, suspensions de séance, rappels au règlement, députés obligés d’interrompre leur travail et de courir entre les commissions et l’Hémicycle lorsque retentit la cloche annonçant les scrutins publics.

Climat inédit de violence

Des horaires déraisonnables, prolongés en interminables et épuisantes séances de nuit, qu’aucun travailleur n’accepterait dans aucune entreprise, devant lesquelles aucun inspecteur du travail ne fermerait les yeux, mettent en danger l’équilibre et la santé des plus courageux et des plus robustes.

Il faut ajouter un climat inédit de violence, de hurlements, d’insultes, de cris si assourdissants dans la lumière artificielle de l’Hémicycle, que le vertige prend nombre d’élus et que leur concentration et leur équilibre nerveux se trouvent menacés.

Plus grave encore le sentiment qu’éprouvent les députés que les débats et les votes parlementaires ne comptent guère, qu’en l’absence de majorité le 49.3 viendra de toute façon mettre un terme au débat et que tout cela est vain et décourageant.

Que dans la semaine les débats se déroulent prenant tout le temps nécessaire. Mais que les votes des textes et des amendements soient tous regroupés en une seule demi-journée, par exemple le jeudi après-midi

Nos institutions méritent évidemment une réflexion large qui conduirait à une réorganisation profonde. J’ai sans cesse défendu une réforme de notre loi électorale, allant vers la proportionnelle, pour que les forces politiques apprennent à se respecter et à travailler ensemble.

Mais à défaut d’obtenir tout de suite une pareille réflexion et une reconstruction d’ampleur, sommes-nous condamnés à assister impuissants à pareille décomposition ? Je ne l’accepte pas et je ne le crois pas. Je pense qu’il faut agir. Tout de suite. Et qu’il existe au moins une réforme simple qui supprimerait l’absentéisme sans porter atteinte au libre arbitre et aux droits des élus.

Le temps des débats est un droit inaliénable. Mais on peut séparer le temps long du débat du temps concentré des votes. Que dans la semaine les débats se déroulent prenant tout le temps nécessaire. Mais que les votes des textes et des amendements soient tous regroupés en une seule demi-journée, par exemple le jeudi après-midi. Les délégations de vote n’auraient plus lieu d’être. La présence physique du parlementaire devient obligatoire au moment du vote et tous les scrutins sont publics. C’est la règle qui s’est imposée au Parlement européen.

Changer de culture

Ainsi, l’adoption des textes, des amendements, et les désignations sont-elles toujours décidées par des hémicycles au complet. Personne ne peut plus spéculer sur les absences au sein de tel ou tel groupe. Rien ne se fait plus par surprise. Chaque parlementaire est responsable personnellement du vote qu’il émet. Les électeurs peuvent vérifier la totalité des orientations soutenues par leur député. Le bilan démocratique est incomparable par rapport à la situation actuelle de l’Assemblée nationale française.

J’ajoute, même si ce n’est que secondaire, au moins à mes yeux un peu idéalistes, qu’au Parlement européen la participation au vote conditionne le versement de l’indemnité parlementaire.

On m’oppose parfois que cette méthode de votes regroupés « n’est pas la culture parlementaire française ». Mais lorsqu’on en arrive à un si profond malaise, il devient urgent de changer de culture.

Je sais bien que ces dispositions relevant principalement du règlement de l’Assemblée nationale, elles ne peuvent être établies que par une majorité des députés d’accord pour ces règles nouvelles, ce qui paraît à beaucoup inatteignable. Mais l’urgence doit imposer de dépasser sur ce point les clivages partisans.

J’ajoute que l’adoption d’un si simple changement de méthode permettrait des progrès substantiels, par exemple en autorisant l’examen simultané de plusieurs textes, tous en séance publique, dans le cadre de commissions élargies, ce qui permettrait d’échapper à la thrombose de l’ordre du jour. Il n’y aurait plus de blocage. Le tout sans aucun inconvénient et sans aucun coût.

Je suis certain que très nombreux sont les élus qui mesurent le risque que court notre démocratie, le ridicule et le désordre. Il est urgent d’agir.

Cette tribune est aussi disponible sur le site du Figaro.

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