François Bayrou : "Il va falloir des compromis !"

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate était ce lundi 8 juillet l'invité de Darius Rochebin sur LCI à 20h30.

Seul le prononcé fait foi. 

Darius Rochebin : Bonsoir François Bayrou. 

François Bayrou : Bonsoir. 

Darius Rochebin : Vous voyez, Jean-Luc Mélenchon vous passe très directement la parole et invoque votre autorité sur la question de la proportionnelle. 

François Bayrou : Autorité, je ne sais pas. Obstination, je suis sûr. 

Darius Rochebin : Obstination de qui ? 

François Bayrou : De moi. Il m'est même arrivé de demander à Jean-Luc Mélenchon de signer une lettre avec moi pour défendre cette proposition qu'il vient d'évoquer et à laquelle, pardon de répondre directement sans vous laisser faire le préambule, de plus en plus de gens se rallient. 

20 ans de combat solitaire, un peu âpre, pour essayer de faire passer une idée et tout d'un coup, le réel est tellement plus fort que ceux qui étaient les plus opposés, François Hollande par exemple, vient de déclarer que oui, il était maintenant à 100% pour cette idée. 

Darius Rochebin : François Bayrou…

François Bayrou : Et pour moi, je suis content. 

Darius Rochebin : On en reparlera un jour. Pour l'instant, l'actualité très immédiate. Vous êtes comme Jean-Luc Mélenchon, dans un autre ordre d'idées, pilier historique du centre, pilier historique auprès d'Emmanuel Macron depuis maintenant 7 ans. On va parler des possibilités de gouvernement, mais d'abord l'actualité au sens le plus immédiat, Gabriel Attal, qui a remis sa démission, elle lui a été refusée. Il expédie les affaires courantes, situation un peu particulière de ce gouvernement qui est là pour l'instant. Combien de temps cela peut-il durer ? 

François Bayrou : Pour ma part, je souhaite que ça ne dure pas, comme on dit chez nous, « aussi longtemps que les contributions ». Je vois bien qu’il y a des gens qui souhaitent que ça dure pendant des mois. Si on pouvait éviter ça aux Français, c'est-à-dire le sentiment que cette dissolution nous aurait, au fond, renvoyés au statu quo ante à la situation d'avant. 

Darius Rochebin : L'hypothèse, pardon que ça dure tous les Jeux olympiques, puis tout l'été jusqu'en septembre, c’est trop long ? 

François Bayrou : Pour moi, c'est trop long. Mais cette hypothèse existe pour une raison qu’il ne faut pas oublier de rappeler, c'est qu'il n'y a pas de majorité. C'est une élection que nous venons de vivre, très importante, qui a mobilisé les Français, beaucoup, qui a suscité une passion dont vous avez rendu compte. Mais cette élection n'a pas fourni une réponse. En termes numériques, il n'y a pas de majorité, il y a 3 forces. Dimanche dernier, l'une paraissait dominante, les autres ont décidé d'un commun accord de faire barrage à la dérive vers l'extrême droite, mais il n’y a pas de majorité et même, c'est un peu plus complexe que ça. 

Darius Rochebin : Alors parlons-en, François Bayrou, on va chapitrer si vous le voulez bien. Nos confrères et consœurs du Figaro ont eu la meilleure idée sans doute de la journée. Ils ont fait une sorte de simulateur. C'est à la fois assez ludique et évidemment très instructif sur comment chacun peut composer sa majorité. C’est très intéressant d'entrer vraiment dans le détail de ce que pourraient être les majorités sur la droite ou sur la gauche. Il y a l'hypothèse Mélenchon, on va y revenir. L'autre hypothèse, la majorité Ensemble, MoDem, centre gauche, on a fait le compte, on peut détailler macronistes, vous, le MoDem socialiste modéré, dont le NPF se scinderait, à peu près 244 députés. Ce n'est pas une majorité absolue, mais est ce qu'on peut gouverner avec ça ? 

François Bayrou : Oui. Peut-être, si vous me permettez avant, d'aller dans les chiffres. Comme on a un peu de temps, il faut rappeler ce qui est arrivé. Devant le risque de voir l'extrême droite avoir la majorité absolue, la question du premier tour, c'était, « Est-ce que vous êtes content ? ». La réponse était « Non, pas du tout ». Et la question du 2e tour, « Est-ce que vous acceptez que le Rassemblement national ait la majorité absolue ? ». Et là, la réponse a été d'une clarté absolue, surprenante pour beaucoup de gens, c'est « Non, nous ne voulons pas de cela ». Les 2 groupes qui se sont rapprochés jusqu'à voter l'un pour l'autre pour empêcher cette dérive, ont à peu près des scores équivalents. 

Darius Rochebin : Il faut rendre à César…Pardon, François Bayrou, déjà dans la composition du gouvernement quand il a été tout à coup envahi d'ex UMP sur ce même plateau, vous avez manifesté une certaine mauvaise humeur pour dire les choses poliment en disant « Non, non, le centre de gravité du pays n'est pas là ». Est-ce qu'effectivement, ici la réalité vous donne raison, c'est-à-dire le centre de gravité du pays est au centre-gauche ? 

François Bayrou : Est au centre, parce qu'il y a aussi des sensibilités de centre droit. On ne peut pas les écarter. Vous alliez me demander, c'était le sens de votre question « d'où à où va la majorité que vous imaginez ? ». 

Darius Rochebin : D'où à où alors ? 

François Bayrou : Il n'y en a qu'une possible. C'est de la gauche jusqu'aux limites de LFI exclue. 

Darius Rochebin : Monsieur Rufin par exemple ?

François Bayrou : Oui j’ai déjà dit que sa prise de distance avec LFI, qui a été spectaculaire et qui probablement est la clé de son élection, faisait que oui, il est tout à fait possible de discuter avec lui. 

Darius Rochebin : Qu'on comprenne bien, pardon, des gens comme Monsieur Ruffin, si on va un peu plus à droite, comme Monsieur Guedj, comme François Hollande, oui ? Qui d'autre encore ? Si on va plus à droite ? 

François Bayrou : Oui. De cette gauche démocratique et réformiste jusqu’aux frontières du Rassemblement national. 

Darius Rochebin : C’est là où ça se gâte un peu, jusqu'à où Monsieur Wauquiez n'en veut pas ? 

François Bayrou : Non, mais il y a des tas de gens qui disent qu'ils n'en veulent pas. Mais moi je dis que ce que les Français nous ont délivré comme message envoyé et même comme injonction, comme ordre, c'est d’abord « Nous qui ne voulons pas de la dérive vers l'extrême et vers les extrêmes, nous qui ne voulons pas de cette dérive, nous vous donnons l'ordre de travailler ensemble ». 

Darius Rochebin : Qu’est-ce que ça veut dire ? Les chiffres sont très importants, ce sont 244 sièges, c'est une majorité relative, est-ce que ça veut dire aussi que c'est assez puissant pour éviter la motion de censure ? Est-ce qu'il peut y avoir une sorte de non-agression avec les LR ? Ça compte beaucoup. 

François Bayrou : Ça, c'est extrêmement simple. Si vous additionnez les voix de LFI et du RN, il n'y a pas une majorité pour renverser un gouvernement. C'est totalement inédit. Jusqu’il y a peu, il y avait cette majorité dans les simulations. 

Darius Rochebin : Donc pardon, votre CQFD là c'est de dire « Voilà, ça, c'est la majorité assez forte pour gouverner et aussi qui éviterait la motion de censure qui ferait tomber votre gouvernement après un mois ou deux ». 

François Bayrou : On ne peut pas se permettre d'avoir un désordre dans les institutions, on a un an à passer, il ne peut pas y avoir de dissolution avant le 8 juillet 2025. 

Darius Rochebin : Pardon, par quel compromis ou concession cela passera ? Vous avez dit « On peut même amender la réforme des retraites ». Ça veut dire quoi par exemple ? 

François Bayrou : Vous ne me ferez pas entrer dans ce jeu-là. 

Darius Rochebin : Ah ça compte beaucoup…

François Bayrou : Mais bien sûr, il va falloir des compromis. Ce n’est pas un gros mot. On a besoin de réunir ce grand courant central du pays qui s'est exprimé parfois au centre-gauche, parfois au centre droit, parfois la gauche démocratique, parfois la droite républicaine et le centre. 

Darius Rochebin : Est-ce qu'ils en ont envie, au sens noble aussi du terme ? La gauche de gouvernement n'est pas au pouvoir depuis 7 ans, la droite de gouvernement depuis 12 ans.. Est-ce qu'ils ont, c'est pas du tout rabaissant de dire ça, envie de gouverner ? 

François Bayrou : Je pense que les appareils donnent comme consigne de dire « Non, jamais nous n'entrerons dans un compromis ». Ça, c'est le langage des appareils que vous avez entendu par tous les responsables. Même Monsieur Ciotti, quand il parlait du Front national de Madame Le Pen, il disait « Jamais de compromis ». Puis on a vu qu'il a plongé immédiatement, dès que la question s'est posée. Les hommes politiques, il arrive, en dehors de quelques-uns, qu’ils ne disent pas exactement ce qu'ils pensent. Moi j'essaie de dire ce que je pense, comme ça, c'est plus simple et c'est plus clair. Donc les appareils disent, « Nous n'en voulons pas, nous n'acceptons pas de compromis, nous n'acceptons pas de nous rapprocher » parce que ce sont des ennemis historiques. C'est évidemment une blague. 

Darius Rochebin : Encore faut-il, pardon François Bayrou, faire éclater ce qui est pour l'instant, le Nouveau Front Populaire. Tout ce centre-gauche dont on parle pour l'instant, ils sont cosignataires d'un programme à gauche. Vous, vous pensez qu'ils vont sortir, que c'est déjà fini ? 

François Bayrou : Je pense que, quasiment tous pris individuellement, savent que c'est un programme qui n'est pas viable, qui serait profondément dangereux et d'abord dangereux pour le seul atout dont la France dispose dans le monde difficile où nous sommes, c'est l'Union européenne qui n'y résisterait pas. Et ils le savent très bien. Et en privé, ils le disent naturellement. Mais il va falloir, en effet, un chemin pour qu’ils dépassent leur prévention, leurs obsessions, leurs éléments de langage comme on dit. 

Darius Rochebin : Ça passe par un certain nombre de mouvements et notamment les groupes tels qu'ils vont se constituer, François Bayrou, il y a un groupe Ensemble fort. Plus Ensemble sera fort, plus il va compter. Est-ce qu'il est souhaitable selon vous qu’il y ait une sorte de fusion entre Ensemble et le MoDem ? 

François Bayrou : Il est souhaitable qu'il y ait un intergroupe. C'est-à-dire que nous affirmions à l'Assemblée nationale et à la face des Français que oui, nous sommes ensemble. C'est le mot que j'avais proposé pour cette rencontre et ce rassemblement. 

Darius Rochebin : Qui sera dans cet intergroupe comme vous dites ? L’actuel ensemble ? Le MoDem ? Qui d'autre ? 

François Bayrou : Peut-être d’autres encore. Je pense qu'il y a des sensibilités un peu plus à droite ou un peu plus à gauche qui réfléchissent à manifester leur indépendance et leurs convictions personnelles. Qu'ils ne veulent pas être pris dans ce combat archaïque et qui disent « On ne veut pas travailler avec les autres ». 

Darius Rochebin : Est-ce qu'une partie des LR peut basculer ? Je crois que ce soir, n'est-ce pas, le président de la République rencontre certains d'entre eux, les invite à dîner ?

François Bayrou : Non.

Darius Rochebin : Alors c'est quand ? 

François Bayrou : Non. Je sais que ça a été écrit par des confrères à vous et c'est faux. 

Darius Rochebin : Il va les voir quand même, il va consulter tout le monde. 

François Bayrou : Je ne crois pas qu'il ait l'intention d'entrer dans ce type de manœuvre. Je pense qu’il pense, et c'est sa mission définie par les institutions et que De Gaulle avait pensé vraiment profondément, que le président de la République est au-dessus des partis. Il peut y avoir des partis proches de lui, il peut y avoir des partis indépendants de lui avec lesquels il y a cependant des liens amicaux, mais il n'est pas dans les combinaisons de partis. 

Darius Rochebin : A-t-il gagné plus que ce qu'on pense ? Rappelez-vous, beaucoup l'ont lâché, certains l'ont trahi, il y a eu des mots un peu choquant parfois du point de vue du président de la République. Au fond est ce qu'ils gardent la main dans ce gouvernement ou il va pouvoir attirer des gens, essayer de les séduire au sens, encore une fois, noble du terme ? Est-ce qu’il garde la main ? 

François Bayrou : Dans les institutions de la Ve République, le président de la République est la clé de voûte. Vous savez, dans l'architecture classique, vous avez des voûtes et au sommet, il y a une pierre qui les tient toutes ensemble. 

Darius Rochebin : François Hollande, sur notre antenne il y a 2 jours, disait « Pas du tout ». Une fois que le gouvernement se formera, ça se formera au Parlement. « Le centre de gravité s'est déplacé au Parlement », c'est ce que dit Gabriel Attal et en quelque sorte, le président n'aura qu'à prendre acte du Premier ministre qu'on lui servira. 

François Bayrou : Il se trouve que j'ai vu François Hollande récemment et que nous avons eu cette discussion. 

Darius Rochebin : Qui a convaincu qui ? 

François Bayrou : Et qu'il a lui-même défendu l'idée, parce qu'il a été président de la République, que c'est le président de la République qui choisit le Premier ministre. Vous avez entendu tout à l'heure Mélenchon affirmer avec certitude que ça n'est pas eux qui choisiraient le Premier ministre, mais le président de la République. 

Darius Rochebin : Il a quand même dit que d'ici une semaine, ils proposeront un nom. 

François Bayrou : Je vais vous citer un des textes fondamentaux pour ceux qui s'intéressent à la démocratie et à la République. C'est ce qu'on appelle le discours de Bayeux de 1946. De Gaulle a libéré la France et puis il quitte le pouvoir parce que le régime des partis l'empêche de proposer les mouvements, les réformes et les changements qu'ils voudraient. Et il fait un discours à Bayeux qui est un discours formidable de clairvoyance. Alors, c'est drôle parce que la voix du général De Gaulle n'est pas encore ce qu'elle est devenue après, cette voix grave et puissante, une voix un peu floutée à cette époque. Le général De Gaulle, il dit, « Nous allons arracher l'exécutif aux combinaisons de partis, c'est le président de la République qui choisira le Premier ministre en tenant compte des nuances de l'Assemblée nationale ». 

Darius Rochebin : Un test important sera la présidence de l'Assemblée, ce sera le 18 juillet, n'est-ce pas ? Qui peut être président de l'Assemblée nationale ? Ce sera un des premiers tests décisifs dans le rapport de force.

François Bayrou : Je pense que ça fait partie de l'équilibre que nous cherchons. 

Darius Rochebin : Qui ? Alors quel type, au moins ? Quel profil ? 

François Bayrou : Moi je suis pour des personnalités fortes. Il se trouve que le choix qu'on va devoir faire est un choix qui sera lui aussi un choix de rassemblement. Beaucoup de gens imaginent que ça va être une élection parti contre parti, camp contre camp. Et ce que je voudrais, moi, c'est qu'on ait une approche plus large dans laquelle on puisse répondre à la gravité des problèmes du pays en montrant qu'on les prend au sérieux. 

Darius Rochebin : Est-ce que vous pourriez être celui-là ? 

François Bayrou : Je ne suis pas député. Alors ça, franchement….

Darius Rochebin : Est-ce que François Hollande pourrait être celui-là ? 

François Bayrou : Oui, c'est une personnalité forte. Je ne dis pas que c'est lui, mais ça correspond au type de personnalité que l’on recherche. 

Darius Rochebin : Pour vous, c’est ce centre de gravité dont on parlait ? Il est là, le vrai centre de gravité ?

François Bayrou : Si je voulais faire un jeu de mots avec vous, c'est d'abord la gravité. C'est d'abord qu’on ne se livre pas à des attitudes, à des combinaisons ou à des affrontements qui sont des affrontements de cours de récréation et puérils. En réalité, si vous regardez l'espace politique que je viens de décrire, on n'est pas d'accord sur tout, mais ce sont des nuances. Devant l'état du monde, devant l'état de la société française, devant ce qu'on vient de vivre depuis un mois, si on passe son temps à dire « Ceux-là, ce sont des ennemis héréditaires », mais on avancera et on n'ira jamais à rien. 

Darius Rochebin : François Bayrou, on ne va pas faire Noël sur les noms, mais Dieu sait si ça compte dans cette nouvelle configuration, cette galaxie que vous dessinez. Quel rôle pourriez-vous jouer ? Vous avez le Haut-commissariat au Plan. Respect au commissariat au Plan, mais évidemment, ce n’est pas tout à fait le centre de l'exécutif le plus actif. Ça vous fait sourire, je ne mets pas d'ironie. Je vous pose la question de façon tout à fait neutre. Est-ce que, pour vous, ce serait le moment de revenir au gouvernement sous une forme ou sous une autre ? 

François Bayrou : Je serai là avec une orientation simple, simplissime. Je suis là pour aider. 

Darius Rochebin : Ça, c'est la formule. 

François Bayrou : Non, ce n’est pas une formule. Et tout ce que je pourrais faire pour aider à une solution que je trouverai honorable pour le pays, que je trouverai à la hauteur des défis qui sont devant nous, je le ferai. Parce que je pense que le moment n'est plus à vouloir faire passer les questions d'intérêt personnel ou partisan avant la situation bien compromise, bien dégradée, bien inquiétante des esprits dans notre pays. Et je pense qu'il faut des démarches qui permettent en même temps de rassurer et d'entraîner. Et on ne va pas laisser le pays dans cet état. On ne va pas se satisfaire d'une solution qui conduirait inéluctablement à voir, par exemple, l'extrême droite prendre le pouvoir parce que nous n'aurions pas été à la hauteur.

Darius Rochebin : François Bayrou, un mot encore sur les hypothèses, parce qu’on les passait en revue. Il y a celles que vous dites souhaiter, on l'a bien compris ; il y a celle dans le calcul à droite, avec, là aussi, on peut faire les comptes, on a essayé de le faire. Si on compte avec les LR ou une grande partie des LR qui basculeraient, on arrive aussi à des chiffres qui sont toujours une majorité relative. Est-ce que c'est une possibilité ? Une majorité Ensemble et LR ?

François Bayrou : Je vais vous dire. Il n’existe aucune possibilité à mon avis, en dehors de celle que j'ai décrite. Si nous recommençons, si vous faisiez ça, vous auriez aussitôt la reconstitution de la gauche contre un accord entre la droite et le centre. Or, ce n’est non seulement pas ce qu'il faut, mais ça n'est pas possible de résoudre les problèmes du pays comme ça. 

Vous auriez toutes les motions de censure que vous avez évoquées qui uniraient l'extrême droite et l'extrême gauche et le gouvernement serait immédiatement renversé. Et ça ne serait que le symptôme le plus superficiel. Parce que la vérité, c’est que si vous continuez à opposer les gens entre eux, si vous continuez à avoir des sensibilités politiques qui décident d'être « contre » systématiquement, contre tout ce que proposent les gens qui seront en responsabilité, nous échouerons. 

Il n'existe pas de possibilité, ni sur la retraite, ni sur la dépense publique, ni sur le travail, ni sur les entreprises, ni sur l'Union européenne, ni sur la situation en Ukraine. Il n'existe aucune possibilité de le faire si on s'enferme dans l'affrontement des clans et des camps. 

Darius Rochebin : Un dernier mot sur Emmanuel Macron. Tous les grands politiques ont des facettes. On se rappelle Mitterrand qui avait des facettes peut-être de l'extrême droite à l'extrême gauche. Chirac avait un côté très à gauche, un côté très à droite. Et comment évolue Emmanuel Macron aujourd'hui ? Si vous deviez le classer ? Est-ce que l'évolution du pays se reflète en quelque sorte sur lui ? Où est-il exactement ? 

François Bayrou : je pense que c'est une personnalité, une figure, dont la nature est d'être centrale. Il l'a montré à plusieurs reprises.

Darius Rochebin : On l'a connu centre droit, centre gauche. Il y a eu plusieurs versions à part. Il y en a certaines qui vous plaisaient plus que d'autres. 

François Bayrou : Je ne suis pas absolument certain, mais je pense qu’il en est même la figure qui a permis que cet espace central s'affirme dans la vie politique française. Et c'est pourquoi nous avons tenu une alliance avec lui dans les moments critiques, parce qu'il a permis qu'on échappe à la fatalité d’un camp, une moitié du pays contre l'autre moitié, ce que j'ai toujours trouvé stupide et profondément nuisible. Donc il en est une et il est en même temps sensible à ce que ressentent ses concitoyens. Je suis sûr qu'il a été sensible à ce score que l'extrême droite a obtenu au premier tour. Et il se demande, il s'est demandé au fond, qu'est-ce qui était le plus profond dans ce choix ? Et je suis certain qu'il a réfléchi à un certain besoin d'ordre et que nous allons pouvoir tous ensemble, lui aussi, le traduire. Il y a eu tout un débat tout à l'heure sur l'écran avec Amélie Carrouër et Jean-Luc Mélenchon sur le décret. « On n'est pas obligé d'avoir une loi, on passera par décret ». Je suis désolé de rappeler à Jean-Luc Mélenchon, qui le sait très bien, mais qui fait semblant de l'ignorer, qu'un décret, ça nécessite l'accord du président de la République. Un décret sur ces sujets, précisément sur le sujet des retraites, ça nécessite une loi d'application avec la signature du président. 

Darius Rochebin : François Bayrou, on va continuer avec Daniel Cohn-Bendit et Luc Ferry. Un mot avant ça du latiniste que vous êtes. C'est peut-être un des meilleurs tweets de la journée. C'est la référence aux premiers mots de la guerre des Gaules. « Gallia est omnis divisa in partes tres », vous l'avez en tête ? 

François Bayrou : Oui, bien sûr. Jules César qui n’était pas mauvais politique, en vérité, pas mauvais observateur des sociétés, notamment de celles qu'il conquérait, il dit, « En Gaules, jusqu'au plus petit village, il y a toujours 3 partis ». 2000 ans après, ça me paraît encore justifié et, c'est nécessaire, que dans ces 3 partis, le parti qui cherche l'équilibre entre une force et l'autre soit le plus respecté et le plus soutenu. 

Darius Rochebin : Merci beaucoup François Bayrou.

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