François Bayrou : "Quelque chose est en train de se passer dans le pays, une prise de conscience."
François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Darius Rochebin sur LCI ce mercredi 3 juillet à 20h30.
Seul le prononcé fait foi.
Darius Rochebin : Nous recevons un pilier essentiel de la majorité présidentielle, François Bayrou, bonsoir.
François Bayrou : Bonsoir.
Darius Rochebin : Allié historique de la première heure d'Emmanuel Macron dans la grande recomposition que nous vivons, évidemment, votre voix est déterminante. On a entendu Marine Le Pen dire espérer encore une majorité absolue. Est-ce que c'est possible d'après vous ?
François Bayrou : Tout est possible. Ça dépend uniquement de l'expression des Français. Ce que je crois, c'est que quelque chose est en train de se passer dans le pays. Quelque chose qui ressemble à un éveil, à une prise de conscience parce que tout indique, aux yeux de tous, que les solutions, en tout cas les orientations qui sont celles du Rassemblement national, sont pour le pays, gravissime.
Darius Rochebin : Quel sera l'effet des désistements ? Si on entre plus dans le détail, si vous le voulez bien François Bayrou, actuellement on est au-dessus de 220 désistements. Est-ce que ça changera réellement la donne ? Peut-être qu'on peut voir même le détail, parce que, qu'est-ce que cela signifie en termes de duel par exemple ? On voit que bien souvent, il y a des duels, on peut voir la liste entre Rassemblement national, Front populaire. Vous savez que pour beaucoup d'électeurs, ce sera un peu les duels de la mort. Que choisir ? Rassemblement national ? Ensemble ? Est-ce que le risque, c'est celui du trompe-l’œil, c'est-à-dire que ce sont des désistements, mais les électeurs et électrices se diront « je m'abstiens » ?
François Bayrou : Les électrices et électeurs sont libres. Mais ce mouvement de centaines de personnes qui ne s'apprécient pas traditionnellement dans la vie politique française, qui sont réellement différentes, et parfois divergentes, et parfois opposées dans la vie politique française, et les électeurs et citoyens qui disent « Là, le risque est trop grand » et qui en parle autour d'eux, et qui se forcent ou se font une raison à dire « C'est un barrage, il y a des choses que, dans notre pays, nous ne pouvons pas accepter ».
Darius Rochebin : Comment nommer cela ? Pardon, est ce que vous appelez ça aujourd'hui un front républicain ? Est-ce qu'on peut dire que de LFI à vous, on peut parler d'un front républicain ?
François Bayrou : D'abord, je n'aime pas le mot de « front ». Le mot de « front » signifie une agressivité systématique. Ce que je vois, c'est un ensemble, en effet républicain…
Darius Rochebin : Hétéroclites ?
François Bayrou : …réunissant des gens très différents, dont certains ne peuvent absolument pas gouverner ensemble, ne l'accepteraient pas.
Darius Rochebin : Ça veut dire, pas de coalition possible ? Le mot « coalition » vous rebute aussi ?
François Bayrou : Je crois vous avoir déjà expliqué à ce micro ma différence sur ce point. Coalition, ça veut dire les partis qui s'entendent entre eux. Et le régime des partis, la France a déjà essayé ça, ce n’est pas la situation, c'est que des responsables politiques issus de traditions différentes acceptent de travailler ensemble, de se parler pour la première fois depuis 50 ans ou 60 ans.
Parce que la tradition en France, elle est très simple. C'est, on est « pour » ou on est « contre ». Et quand on est contre, on est contre tout. Qu'importe au fond ce qu'on pense du sujet présenté par le gouvernement ou la majorité. On est contre. Or, cette époque du « contre » est en train de prendre fin.
Darius Rochebin : Quelle est la stratégie ? Ce matin, Gabriel Attal a précisé, en quelque sorte en tout cas, sa ligne. Il dit « LFI ne peut pas avoir de majorité absolue », donc il y a une forme de logique tactique à faire barrage au RN. Est-ce que vous partagez ce point de vue ?
François Bayrou : Je pense qu'il y a deux caractéristiques possibles. La première de ces caractéristiques, c'est qu’on se réunit pour dire qu’on fait un barrage et qu'on n'accepte pas. Il y a une deuxième orientation, c'est, « Est-ce qu'on peut, un jour, gouverner ensemble ? ». Et ce qui est clair, dans les propos de la France insoumise et dans les nôtres, c'est que gouverner ensemble, ce n'est pas du tout à l'ordre du jour. Mais le salut public qui consiste à dire, et c'est un mot que j'emploie naturellement en sachant ce qu'il veut dire, « il y a le feu à la maison, il ne faut pas que le feu continue à s'étende. Les Français se sont exprimés largement en faveur du Front national, est-ce qu'on leur donne la majorité absolue ? », la réponse pour beaucoup de Français, est non. Et je trouve que c'est salutaire. Ça veut dire quelque chose du tréfonds de l'âme française.
Darius Rochebin : François Bayrou, vous dites « Ce n'est pas à l'ordre du jour de gouverner un jour, d'imaginer gouverner un jour avec LFI », est-ce que ça veut dire jamais ? Est-ce que pour vous c'est, oui ou non, imaginable sur le principe de partager une fois un gouvernement avec les LFI ?
François Bayrou : Non, ce n'est pas imaginable. J’ai déjà eu l'occasion de dire que je ne mets pas tout le monde dans le même sac et que je vois des nuances et des différences. Mais le parti-pris de Jean Luc Mélenchon qui a un jour expliqué très clairement quelle était sa stratégie, il a dit, « Il s'agit de tout conflictualiser pour passer de la révolte à la révolution », je cite ses propres mots, « pour passer de la révolte à la révolution » et pour moi, la révolution, c'est quelque chose qui a dans notre histoire, un sens particulier et assez souvent redoutable. Pour passer de la révolte à la révolution, il faut a-t’il dit, je cite ses propres termes, « tout conflictualiser », c'est à dire faire de tout sujet une guerre. Et moi, je ne veux pas que la France soit perpétuellement en guerre, les uns contre les autres, les sensibilités les unes contre les autres. Et je ne veux pas de la dictature qu'une révolution représente. Et donc je vous dis clairement non. Ce n'est pas à l'ordre du jour et ce n'est pas imaginable. En revanche, parmi tous ceux qui sont dans cette alliance, pour moi contre-nature, une alliance qui avait été annoncée comme impossible par Monsieur Glucksmann quand il conduisait sa liste aux élections européennes il y a à peine 3 semaines, il y a des gens qui sont, pour moi, de vrais républicains. Je ne suis pas d'accord avec eux surtout. Et ils ne sont pas d'accord avec moi sur tout. Mais entre les gaullistes d'un côté, le centre que nous représentons, les socialistes de l'autre …
Darius Rochebin : François Bayrou, on va dans le concret, s'il vous plaît. Ça intéressera beaucoup de gens de se dire « Voilà les possibilités qui s'offrent à nous », un sens à leur vote, après ces désistements, est-ce qu'on peut imaginer un gouvernement d'union ? On comprend bien que ce n’est pas une coalition, ce n’est pas une tambouille de partis, mais un gouvernement d'union où siégeraient effectivement les démocrates-chrétiens historiques, des sociaux-démocrates et des gaullistes ensemble ?
François Bayrou : Non seulement on peut l'imaginer, mais moi, je le souhaite. C'est très clair, il n'y a plus que 2 hypothèses devant nous. La première hypothèse, et ce serait un malheur pour le pays, et je crois que beaucoup de Français le savent, c’est que le Rassemblement national ait la majorité absolue. C'est ce qu’il faut à mes yeux éviter. Il y a une 2e hypothèse. C'est qu'il n'y ait pas de majorité du tout. Et s'il n'y a pas de majorité du tout, alors il faudra que les femmes et les hommes qui sont responsables, c'est-à-dire qui se sentent en charge du destin du pays, et pas de leur propre avenir, pas de leur propre intérêt, pas de leurs intérêts partisans, mais du fait simplement qu’on ne peut pas regarder ses propres enfants, si on n'est pas capable de dire « Non, je ne laisserai pas le pays tomber dans cette espèce de dégradation ». Simplement parce qu'il ne serait pas gouverné.
Darius Rochebin : Comment nommer cela ? On a compris que le mot « coalition », vous le récusez absolument. Union, Union nationale, c'est ça, c'est un bon terme ?
François Bayrou : Union républicaine, Union pour le salut public, Union pour reconstruire.
Darius Rochebin : Pardon, on sait que ce n'est pas qu’une question de personnes, mais c'est aussi une question de personnes. Ça veut dire quoi, des gens comme Monsieur Glucksmann, comme Monsieur Hollande ?
François Bayrou : Tous ceux qui seraient en situation et avec l'expérience nécessaire de partager un idéal.
Darius Rochebin : Comme vous-même ?
François Bayrou : En tout cas, je ferai tout ce que je peux pour aider à une solution comme celle…
Darius Rochebin : François Bayrou, logiquement, quand on voit la composition quasi-inévitable de l'Assemblée, vous serez un pivot. Quoi qu'il en soit, un pivot peut-être plus déplacé vers la gauche ou non, mais vous serez un pivot ?
François Bayrou : Darius Rochebin, je ferai, et je vous dis ça de manière sérieuse, tout ce que je peux pour qu'on sorte du marasme dans lequel on est enfermé depuis des décennies pour une raison évidente, c'est que des gens qui, grosso modo, partagent la même vision de l'avenir et grosso modo les mêmes options d'idéal pour la France, au lieu de s'affronter perpétuellement, acceptent un jour de s'asseoir autour de la même table et de partager les responsabilités.
Darius Rochebin : Avec un programme de gouvernement ?
François Bayrou : Si cette solution advient, si elle devient possible, il faudra nécessairement de grands axes de gouvernement.
Darius Rochebin : Il faudra se mettre autour d'une table et avoir une forme de programme ?
François Bayrou : Si je puis me permettre encore une fois, nous ne savons ni vous ni moi ce qui va se passer à partir de dimanche soir.
Darius Rochebin : Alors précisément, pardon, où commence cette hypothèse ? Imaginons que le RN n'ait pas la majorité absolue 289 mais 270 même 260, est ce qu'il serait possible vis-à-vis du pays de dire voilà vous avez 260 sièges, mais on vous écarte quand même ? Ça veut dire même à 260, ils gouvernent d'après vous ?
François Bayrou : Ce n'est pas possible de dire a priori que la formation politique qui serait arrivée en tête serait exclue du pouvoir, ça serait quelque chose qui ne ressemblerait pas à nos institutions. Nos institutions, elles disent quoi ? Le général De Gaulle a dit ça sublimement, magnifiquement dans un discours célèbre, bien avant de prendre le pouvoir et après qu'il ait abandonné en 1945. Ce discours est de 46, c'est le discours de Bayeux, il a été fait sur la place de Bayeux et il y a un enregistrement absolument formidable, si vous pouvez le retrouver parce qu’il y a la voix du général De Gaulle à cette époque. C'est une voix un peu plus haute que celle qu'il a eu après. Et il y a un petit oiseau qui fait le contrepoint au discours du général De Gaulle. En tout cas, j'imagine que c'est un petit oiseau, c'est un chant d'oiseau.
Et il dit quelque chose de simple, il dit, « Le régime des partis, c'est pour la France un malheur ». Nous ne pouvons pas vivre dans, vous avez vous-même employé tout à l'heure l'expression, les tambouilles de parti, c'est-à-dire les combinaisons perpétuelles qui font que les gouvernements tombaient tous les 3 ou 4 mois.
Darius Rochebin : Donc pour être très concret, pardon, ça veut dire que le RN, même à 250 sièges par exemple, serait en position d'être appelé ? Que Monsieur Bardella soit appelé par Emmanuel Macron, le refuserait-il ou pas, c'est ça ?
François Bayrou : Je n'ai aucun doute parce que c'est l'esprit de l'institution et que le président de la République respecte l'esprit des institutions.
Darius Rochebin : Dans tous les cas de figure ?
François Bayrou : Vous voulez me laisser finir ma phrase. Merci, parce qu’on va dire les choses clairement. Je suis persuadé que le président de la République offrira la possibilité de gouverner au parti politique qui sera arrivé en tête, comme il l'a fait les deux dernières années. Nous n'avions pas la majorité. La majorité de l'époque n'avait pas la majorité numérique et cette majorité s'est vue offrir la possibilité de gouverner. Elle a essayé, ça a été très difficile. Élisabeth Borne, Gabriel Attal, ça a été très difficile. Je suis persuadé qu'il le proposera aux partis arrivés en tête. C'est ça, l'esprit des institutions.
Darius Rochebin : Dans ce cas-là, pardon, comment imaginer ce gouvernement d'union ? Est-ce que ça ne risque pas de faire un petit peu popote ? Est-ce que vous n'êtes pas en train, même en émettant cette hypothèse, de vouloir contourner le vote démocratique ? Roland Dumas est mort, pensez à son esprit, peut-être même à son âme. Il avait cité souvent Heriot qui disait, « La politique, c'est comme l'andouillette, ça doit sentir la merde mais pas trop ». Est-ce que ça ne risque pas de sentir un peu l'andouillette, cette idée de faire, il y a un énorme RN, c'est le phénomène politique de cette élection, et on va bidouiller une espèce d'Union avec des gens tellement hétéroclites.
François Bayrou : Ceci est à écarter absolument.
Darius Rochebin : Ça risque d’y ressembler.
François Bayrou : Mais vous, avez-vous sauté dans votre raisonnement une étape.
Le président de la République, j'en suis sûr, proposera au parti arrivé en tête d'exercer le pouvoir et de former le gouvernement. Et 2e étape…
Darius Rochebin : Il peut refuser.
François Bayrou : …le parti arrivé en tête refuse de gouverner. Je ne sais pas si vous voyez ce que ça veut dire pour les Français que vous citez et dont vous vous faites le porte-parole. Ça veut dire que beaucoup de gens se sont mobilisés pour voter pour cette formation politique et elle dirait « Non, je ne veux pas et je ne peux pas ».
Darius Rochebin : Mais pardon, c'est vous qui sautez un peu. Il peut aussi accepter. Je vous rappelle que je crois que c'était avant-hier, Jordan Bardella sur TF1 dit « Même avec une majorité pas complète mais disons proche de la majorité absolue, on peut accepter ».
François Bayrou : Je n'ai aucun doute sur ce point.
Darius Rochebin : Donc ils iront ?
François Bayrou : Donc je pense qu'il est tout à fait possible que ce parti politique, avec un contingent de sièges importants, accepte de gouverner et forme un gouvernement. C'est dans la logique des choses. Ce qui n'est pas dans la logique, c'est qu'on soit arrivé en tête et qu'on dise « Non, je m'en lave les mains parce que ça ne me suffit pas ». Alors ça, c'est une étape très importante parce qu’elle est, je crois, la condition psychologique et morale de ce qui va se passer ensuite. Si le responsable de cette formation dit « Non, je n'ai pas assez de sièges », je crois que d'abord dans le pays, il y aura quelque chose comme des interrogations ou une incompréhension. Dans ce cas-là, il reviendra à ceux qui portent les sensibilités différentes du pays de réfléchir ensemble à la seule solution possible, c'est-à-dire une union des grandes sensibilités politiques du pays qui pour sortir de cette impasse qui durera nécessairement jusqu'au 8 juillet 2025.
Darius Rochebin : Une année avant une dissolution possible. Est-ce que ça fait de vous un Premier ministre possible dans ce cas de figure ?
François Bayrou : Je vous ai dit…
Darius Rochebin : Vous ne m’avez pas dit, non !
François Bayrou : Je vous ai déjà dit, mais je vais le répéter pour que vous compreniez ce que je veux dire. Je suis là pour aider. Je ne suis pas là avec l'idée que c'est pour les uns ou les autres, les intérêts personnels ou partisans qui vont nous guider.
Darius Rochebin : Il n’y a pas 1 000 personnalités qui se trouvent à peu près au centre du spectre, y’en a pas 2 000. Donc vous êtes parmi ceux-là.
François Bayrou : Je ferai tout ce que je peux pour que cette solution, si elle existe, si l'esprit de responsabilité l'emporte, si on peut dépasser les agacements, les énervements, les agressivités et qu'on se dit, « Cette fois-ci, on est au pied du mur »…
Darius Rochebin : François Bayrou un mot
François Bayrou : Je ferai tout ce que je peux pour aider à cela, pour aide. Pas pour mener. Pour aider.
Darius Rochebin : Quelques mots sur le président de la République. Vous êtes sans doute un personnage absolument clé, vous êtes son allié vraiment historique. Il faut toujours remonter à ça, 2017, il y a un lien, c'est assez rare. Il doit peu de choses à peu de gens, vous, il vous doit quelque chose depuis le début, vous l'avez aidé à devenir président de la République à ce moment février 2017.
François Bayrou : Oui, oui. Je l'ai aidé sans aucun doute. Mais est-ce que, quand on prend en main le destin d'un pays, on doit quelque chose à quelqu'un ? Mon avis est que non.
Je vais vous dire quelque chose d'étrange et que peut-être, vous ne croirez pas. Je n'ai jamais discuté de conditions d'intérêt avec le président de la République, pas une seule fois.
Darius Rochebin : Le fait est que vous êtes toujours auprès de lui depuis lors. D'abord, est-ce qu’on sous-estime, selon vous, le rôle qu'il aura quoi qu'il arrive après le 7 juillet ? C'est-à-dire le rôle de levier que donnent les institutions de la 5e ?
François Bayrou : Après un épisode ou une séquence comme celle-là, le rôle du président de la République sera nécessairement central. On a déjà vécu ça avec Jacques Chirac, on a déjà vécu ça avec François Mitterrand, j'étais moi-même au gouvernement, j'ai une petite idée de la manière dont ça se passe. Le rôle du président de la République est central parce que les décisions essentielles ne peuvent se prendre que dans un dialogue, un accord, au bout du compte un compromis entre les deux, puisque le président de la République, comme vous savez, doit signer les nominations les plus importantes. « Il nomme aux emplois civils et militaires de l'État », dit la Constitution. Ça, c'est le premier rôle. Son 2e rôle, dans le cas que je crois possible et souhaitable, on entrerait dans cette nouvelle époque de responsabilité républicaine. Dans ce cas-là, le président de la République a aussi un rôle absolument éminent parce que c'est dans un échange que les orientations et les décisions se prendront. La Ve République, c'est non pas le régime des partis, mais le pluralisme régulé par un président de la République qui a des responsabilités et notamment la responsabilité de faire respecter les grands principes.
Darius Rochebin : Est-ce que c'est son espoir, pour dire les choses ? Est-ce que c'est son espoir, le vôtre, c'est ce qui transparaît de tout ce que vous nous dites depuis quelques minutes, que, au fond, il ait cette marge de manœuvre qui peut être considérable s’il s'agit de mettre autour de la table des gens, sauf le RN ?
François Bayrou : Je ne crois pas qu'il s'agisse de marges de manœuvre, au sens d’une manœuvre que ferait le président de la République ?
Je ne crois pas ça. Vous me disiez, est ce que c'est son espoir ? Je ne pense pas du tout que sa décision de dissolution ait été prise dans cet espoir. Je pense qu’il voulait une clarification. Je pense qu'il avait conscience, comme nous avons conscience aujourd'hui vous et moi, qu’il y avait un abcès qui était en train de se développer, une inflammation perpétuellement croissante, qu’il y avait une fermentation dans le pays, quelque chose qui faisait monter la température et qu'il fallait qu'on y mette un terme. Cet abcès-là, il fallait l'inciser et il a été incisé.
Darius Rochebin : François Bayrou, les commentateurs commentent souvent, « Ceux qui savent, ne parlent pas », et vice versa. Comme dit la formule, on a beaucoup dit que c'était quand même un coup de déprime, ou en tout cas un moment de doute. Est-ce le cas ?
François Bayrou : Non. De ce que j'en vois, non.
Darius Rochebin : Malgré le choc du premier tour, malgré les résultats du premier tour ?
François Bayrou : Ce n’est pas la même chose. Je pense que c'est un choc, pour lui, comme pour l'ensemble des citoyens français. Je pense que c'est un choc et un choc plus important pour lui encore parce qu'il l'a suscité. Je pense que c'est, pour lui, une occasion de remettre en question un grand nombre des repères sur lesquels avaient été construits les 7 premières années. Et c'est tant mieux, parce que vous voyez bien que c'est exactement ce que le pays voulait obtenir. Et je pense qu'il est décidé, comme c'est son devoir, à favoriser l'entrée de notre vie démocratique dans une nouvelle époque qui soit une époque, non seulement de respect entre les grandes forces politiques, mais de compréhension réciproque.
Darius Rochebin : François Bayrou, merci beaucoup d'avoir été notre invité.