François Bayrou : « On peut parler à tout le monde mais pas céder à tous »
François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de la matinale « Le 8h30 France Info » ce mardi 27 août à 8h30, avec Hadrien Bect et Bérengère Bonte, sur France Info TV et Radio.
Seul le prononcé fait foi.
Hadrien Bect : Bonjour, François Bayrou.
François Bayrou : Bonjour.
Hadrien Bect : Emmanuel Macron ferme donc la porte à un gouvernement Nouveau Front Populaire. Après ses consultations pour Matignon, le chef de l'État dit vouloir entamer d'autres consultations. Est-ce que ce matin, c'est le blocage complet ?
François Bayrou : Non. Ce n'est pas le blocage complet, ça ne doit pas l'être et donc ça ne le sera pas. La question, vous avez dit, « le président de la République a fermé la porte ? ». Non, ce n’est pas du tout ça. Le président de la République…
Hadrien Bect : Il n’y aura pas de gouvernement Nouveau Front Populaire ?
François Bayrou : Attendez. Le président de la République est dans son rôle, c'est sa mission, il est là. La Constitution dit qu'il « est le garant du fonctionnement régulier des pouvoirs publics ». Il est le garant de la démocratie. Il a, de bonne foi, consulté tous les partis politiques et les 3 rassemblements principaux. Et il a constaté quelque chose d'extrêmement simple, qui était d'ailleurs dans les résultats du premier tour : il n'y a pas de majorité. Ceux qui prétendent qu'il y a eu un vainqueur dans cette élection savent bien qu'ils disent n'importe quoi : ce n'est pas vrai. Pourquoi ce n'est pas vrai ? Parce que le bloc du Nouveau Front populaire qui revendique la victoire ne s'est pas présenté devant les électeurs comme le Nouveau Front Populaire. Il s'est présenté devant les électeurs comme une partie, la moitié à peu près, de ceux qui disaient « Nous ne voulons pas que l'extrême droite ait la majorité absolue ». Et c'est sur cela que s'est passée la campagne. Jamais, on n’a dit, à aucun électeur français, « Madame Castets sera Premier ministre ». Jamais.
Bérengère Bonte : Castets.
François Bayrou : Ça s'écrit « Castets », comme c'est un nom béarnais, je le prononce à la béarnaise.
Bérangère Bonte : D’accord, j’ai cru que c’était intentionnel. Ça l’est, manifestement.
François Bayrou : Mais je suis tout à fait prêt à bouger.
Et donc, jamais on n’a eu le sentiment, ou jamais les Français n'ont été placés devant cette proposition-là.
Bérangère Bonte : Il y avait un programme, ils arrivaient avec un programme.
François Bayrou : Non. Ils ont eu un programme au premier tour qui a été devancé très largement, comme on le sait, et le nôtre aussi, par l'extrême droite. C'est l'extrême droite, c'est le Rassemblement national qui est le premier parti à l'Assemblée nationale. Et donc, ça n'est pas sur le programme, ni du nouveau Front populaire, ni du centre, que s'est constituée une majorité qui s’est exprimée des votes. C'étaient des votes qui disaient : « La démocratie française ne peut pas être dominée par une majorité absolue d'extrême droite », d’ailleurs des extrêmes en général.
Bérengère Bonte : Vous venez de désigner le vainqueur, en fait. C'est le front républicain, le vainqueur dans cette histoire.
François Bayrou : Oui.
Bérengère Bonte : Et donc, c'est le front républicain qui doit gouverner ?
François Bayrou : C'est exactement ce que le président de la République dit depuis le premier jour.
Bérengère Bonte : Mais cela implique les insoumis ? Puisqu'ils ont fait partie de cela.
François Bayrou : Oui, mais… L'attitude, les violences, au moins verbales, les provocations, ce que Jean-Luc Mélenchon appelle la « conflictualisation de tous les sujets », ça n'est pas compatible avec le fonctionnement régulier des pouvoirs publics.
Bérengère Bonte : C’est ça le principal obstacle à leur présence ?
François Bayrou : Non, le principal obstacle, c'est leur programme. Si vous ou qu’un de ceux qui nous écoutent comme auditeur et lecteur, lit le programme... Je prends des exemples très simples. La fin de toute régulation de l'immigration.
Hadrien Bect : Enfin, ce n'est pas ce qui avait été dit initialement. Au départ, c'étaient les Insoumis. Après, c'est devenu le programme.
François Bayrou :Non, non. Excusez-moi, si vous reprenez mes déclarations…
Hadrien Bect : Les vôtres, sans doute.
François Bayrou : Les miennes, oui, comme je ne suis à peu près comptable que des miennes…
Hadrien Bect : Vous avez des alliés.
François Bayrou : … et que je ne souhaite pas l'être de quelqu'un d'autre.
La fin de tous les textes qui ont essayé de réguler l'immigration dans la grande inquiétude qui est celle des Français, la fin des textes qui ont été pris depuis 7 ans pour renforcer sur les questions de sécurité les moyens des forces de l'ordre. Un gendarme est mort ce matin dans la nuit. Et on a un certain nombre de textes qui ont été votés très largement. Et le programme annonce : « On va mettre un terme à ces textes ». Le programme dit, « on va immédiatement remettre le droit du sol intégral », qui n'a jamais existé en France. Laissez-moi finir en 2 phrases, je vous promets, pas plus. Le droit du sol intégral. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que tout enfant qui naît sur le sol français est immédiatement Français, déclaré Français, donc ses parents ne sont plus expulsables. Donc vous n'avez plus aucune régulation en matière d'immigration et vous avez un désarmement en matière de sécurité jusqu'à remettre en cause… Je suis maire et, je sais, ce que c'est à Pau, le réseau de vidéosurveillances. Tous les jours sans exception, plus de 360 fois par an, la Justice nous demande ces images-là. Donc on ne peut pas désarmer le pays, vous comprenez ? Et ça n'est pas seulement une question d'étiquette, ce n’est pas une question de personnalité.
Bérengère Bonte : Mais, François Bayrou, le fait est qu’il y a des Français qui ont voté pour eux.
François Bayrou : Non.
Bérengère Bonte : Si, il y a des Français qui ont voté pour eux. Il y a aussi d'ailleurs, des 2 côtés, des élus de gauche qui ont été élus avec des électeurs de droite et inversement.
François Bayrou : Exactement.
Bérengère Bonte : La colère, qui est la leur aujourd'hui, d'être exclus de ce processus, y compris des processus de discussion, pourquoi ne pas les inviter ? Et la question, je l'élargis au RN d'ailleurs. Pourquoi exclure du 2e round de discussion les Insoumis, mais aussi le RN qui a récolté 10 millions de voix…
François Bayrou : Parce qu'ils ont dit qu'ils n'iraient plus si le sujet n'était pas de leur donner le pouvoir.
Bérengère Bonte : Ils n'y sont pas invités.
François Bayrou : Mais en tout cas, moi, je n'ai aucun problème à ce que toutes les forces politiques représentées au Parlement soient reçues dans une discussion générale. Mais si c'est seulement pour rappeler, ou réclamer, ou exiger, ou mettre en demeure que les choix qui seront faits par le président de la République soient le choix de leur candidat et de leur programme, je comprends qu'il y ait des limitations. Mais pour moi, considérez qu'on peut parler avec tout le monde, mais qu’on ne peut pas céder à tout le monde. Ça, c’est autre chose.
Bérengère Bonte : On va s'interrompre quelques secondes. On reviendra bien évidemment juste après le fil info sur la colère de la gauche après l'annonce d'Emmanuel Macron qu'il n'y aurait donc pas de gouvernement Nouveau Front populaire.
Cette colère de la gauche dont on parlait à l'instant, il y a des appels à manifester, on reparle d'une procédure de destitution conformément à l'article 68 de cette Constitution. Quand Marine Tondelier parle de » dérive illibérale », quand on entend « crise démocratique », moi je sais que vous êtes président du MoDem, j'ai du mal à imaginer que vous n'êtes pas quand même chagriné par ce processus et que la gauche n’a pas un peu raison quand même.
François Bayrou : Non. Pardon si je vous contredis. Non, je ne crois pas que tous ceux qui font semblant d'être heurtés par le constat d'une situation qui est vérifiable tous les jours par vous, par tous les observateurs et par le président de la République…On est devant un rassemblement de partis qui affirme avoir gagné l'élection alors que ça n'est pas le cas.
Bérengère Bonte : Ils ont plus de députés, le fait est qu'ils ont plus de députés que les autres. Alors ça ne fait pas une majorité.
François Bayrou : Le fait est que, à peu près le double de leur score représente des députés qui ne veulent pas d’eux. Le président de la République a reçu tous les groupes parlementaires et tous les groupes.
Hadrien Bect : Mais ce n’est pas son rôle constitutionnel ça, François Bayrou.
François Bayrou : C’est absolument son rôle…
Hadrien Bect : La stabilité ne fait pas partie de l'article qui spécifie que le président nomme le Premier ministre.
François Bayrou : Je comprends qu'on puisse, pour tenir des controverses, dire ça. Mais le président de la République, par la Constitution, est chargé de 2 choses : le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et Dieu sait que la stabilité gouvernementale, c'est l'article premier du fonctionnement régulier, c'est sur ça qu'on a fait la Ve République contre la IVe où les gouvernements tombaient tous les mois. Et deuxièmement, il est chargé de nommer le Premier ministre et le gouvernement. Le Premier ministre, d'abord, parce que c'est lui qui va proposer une composition du gouvernement. Et le gouvernement ensuite. Et donc ce rôle-là vous dites « ce n’est pas son rôle ». C'est éminemment son rôle !
C'est d'abord son rôle et, je plaide ça comme vous le savez depuis des semaines parce que je ne crois pas et, je n'ai jamais cru qu'on arriverait à un accord des partis politiques.
Hadrien Bect : Mais quand Marine Tondelier dit, « dérive illibérale », elle exagère, c'est ça que vous dites ?
François Bayrou : Oui. Elle sait exactement, elle sait très bien, tout esprit de bonne foi sait, que la situation qui est là, ça n'est que le constat de ce que nous avons sous les yeux. Donc je plaide depuis longtemps, depuis des semaines et depuis le jour de l'élection, pour qu'on en revienne à l'esprit de la Ve République. Qu'est-ce que c'est l'esprit de la Ve République ? C'est le général De Gaulle qui a voulu ça. Il a dit, « Les partis politiques sont incapables de s'entendre ». Donc on ne peut pas faire comme si le pouvoir exécutif, le gouvernement, dépendait du pouvoir législatif. La séparation des pouvoirs, tout le monde a appris ça à l'école, c'est « il y a la justice, il y a un pouvoir législatif et il y a un pouvoir exécutif ». Quelle est la source du pouvoir exécutif ? Dans la Constitution, dans les mots mêmes de la Constitution, c'est l'élection du président de la République au suffrage universel. C'est pour éviter que les querelles des partis politiques, les manœuvres des partis politiques, c'est le mot exact que De Gaulle avait choisi, empêchent d'avoir un exécutif fort. Et donc il n'y a qu'une chose à faire à mes yeux, c'est : le président de la République nomme une personnalité pour former le gouvernement. Cette personnalité propose une équipe. Et cette équipe, elle ne demande pas l'accord préalable des partis politiques, elle ne l'obtiendra jamais. La personnalité chargée de former le gouvernement doit constituer une équipe de gens expérimentés qui ait non seulement la compétence, mais la capacité à s'adresser à l'opinion publique et à comprendre le moment historique dans lequel nous sommes.
Hadrien Bect : En pratique, François Bayrou, comment fait-on avec des gens qui ne veulent plus négocier désormais, qui ne veulent plus échanger avec le président de la République ? Olivier Faure, Marine Tondelier disent ce matin, « nous, nous ne voulons plus. Les négociations sont terminées ».
François Bayrou : C'est une faute de méthode de négocier un gouvernement avec les partis politiques.
Bérengère Bonte : Ça veut dire qu’Emmanuel Macron aurait su prendre son risque ? Nommer ?
François Bayrou : Je le crois, je l'ai écrit. Alors simplement de bonne foi, il a voulu…
Bérengère Bonte : Il vous entend quand vous lui dites ça ?
François Bayrou : Le président de la République a voulu a cru et je crois de bonne foi, que dans un moment comme celui-là qui était très difficile, on pourrait inviter les responsables politiques à s'asseoir autour d'une table et à accepter un constat de la situation et de dégager ensemble des priorités pour le pays. Par exemple, il y a une priorité pour le pays très importante, ce sont les finances publiques. C’est une priorité. On va vers la rentrée des classes. L'éducation, c'est moi qui vous le dis, est une priorité pour le pays. Les problèmes de la planète et l'évolution climatique, les questions d'environnement sont une priorité.
Hadrien Bect : Donc ce que vous nous dites, François Bayrou, c'est que le président, en quelque sorte, a fait un peu les choses à l'envers. Il aurait dû nommer et ensuite les partis échangent avec le Premier ministre ?
François Bayrou : Tout le monde, pardon de dire que je ne m'inclus pas dans le « tout le monde » est entré dans cette méthode qui est en réalité la méthode des pays qui cherchent des coalitions avec un scrutin proportionnel, l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, l'Italie. On passe des semaines à négocier des accords. Ça n'est pas la Constitution française. La Constitution française, pour éviter le risque de la mainmise des partis, de leur querelle et de leur manœuvre sur la vie nationale, elle a dit « On va prendre les choses différemment, on va proposer des équipes qui vont gouverner. Et puis ensuite l'Assemblée nationale, dans ces groupes différents, prend ses responsabilités ».
Bérengère Bonte : Vous avez un nom qui cadre avec le profil que vous avez décrit il y a quelques minutes ?
François Bayrou : Non, j'y réfléchis, comme tout le monde, comme vous.
Bérengère Bonte : Cet espèce de mouton à 5 pattes... Parce que exit Lucie Castets, à gauche personne ne veut de Xavier Bertrand, ni même de Bernard Cazeneuve.
François Bayrou : Je ne cherche pas des moutons à 5 pattes comme vous dites. Je sais ce qu'il faut. Je sais quel portrait-robot est imposé par la situation. Pour moi, il faut quelqu'un d'expérience. Ça n'est pas une situation dans laquelle on peut improviser. Il faut des personnalités, femmes, hommes, qui soient capables de comprendre le moment, de s'adresser à l'opinion publique et de prendre des décisions, de faire bouger les choses et de rassembler des équipes, de faire qu'on sorte des querelles. Dieu sait que les gouvernements des querelles de couloir, c'est épouvantable. Deuxièmement, il faut quelqu'un que les Français créditent de bonne foi, créditent assez largement, parce que l'idéal n'existe pas. Il est difficile de plaire à tout le monde et à son père et il faut quelqu'un qui soit capable de discuter et de décider y compris avec des gens qui ne sont pas de son avis ou de sa couleur politique. Car la conviction qui est la mienne, c'est que dans la situation où est le pays, il est impossible de faire camp contre camp ou parti contre parti.
Bérengère Bonte : Si le Président vous le propose, vous y allez ? Disons les choses clairement.
François Bayrou : Je ne veux pas entrer dans cette discussion parce que ça voudrait dire qu’on se met dans une compétition de personnes et pour moi, ça n'est pas une compétition.
Bérengère Bonte : Mais c'est une hypothèse qui pourrait exister.
François Bayrou : Il y a une question de méthode. Et c'est cette question de méthode que je plaide. Il y a beaucoup de personnalités de bonne foi, j'imagine que le président de la République a ça en tête quand il dit qu'il va les consulter, il y a des présidents de la République, des personnalités qui ont exercé la fonction de président de la République, il y a des personnalités qui ont exercé des fonctions de gouvernement importantes, il y a des personnalités qui ont incarné des courants et des sensibilités politiques, à tous ceux-là, il faut parler, prendre une décision, choisir une personnalité qui prend son risque et qui, devant les Français, décrit une démarche et une méthode.
Bérengère Bonte : Il se dit que vous plaidez à nouveau ces dernières semaines, François Bayrou, en faveur de l'instauration de la proportionnelle pour les prochains scrutins comme un outil que pourrait finalement proposer Emmanuel Macron à ce nouveau Premier ministre. Est-ce que c'est le cas ? Et si oui, en quoi ça semble solutionner les choses ? Ça paraît très technique comme ça, mais c’est une vraie idée que vous avez.
François Bayrou : Il y a une chose qui est assez, je ne sais pas s'il faut dire amusante parce que peut-être, elle est triste aussi : c'est quand on s'aperçoit que des idées qu'on propose depuis très longtemps sont des idées justes et que tout le monde regrette de ne pas les avoir choisies. Il se trouve que je plaide pour cette idée d'une loi électorale juste qui donne à chacun sa représentation et qui, donc, écarte la nécessité de faire des accords contre nature. Vous voyez bien qu'il y a des alliances…
Bérengère Bonte : Le Nouveau Front Populaire ?
François Bayrou : …Qui sont contre-nature. Pas seulement. Vous avez des gens qui ont dit pendant des années, « jamais je n'aurai rien à voir avec lui ou avec elle ». Et puis qui, après, plongent et tombent de ce côté-là. C'est vrai à gauche, c'est vrai à l'extrême droite. Pourquoi ? Parce que nous avons une loi électorale dont la seule question est « il faut être au 2e tour », et pour être au 2e tour, il faut s'allier même avec des gens avec qui on ne pense absolument pas la même chose. Vous avez eu Glucksmann pendant la campagne des Européennes qui a dit à tous les Français, à chacun d'entre nous, c’est pour ça qu'il a fait des voix « Jamais plus avec Mélenchon ». Tout le monde a entendu ça. Et puis le soir de la dissolution, il n'en a plus jamais parlé jusqu’après le 2e tour.
Bérengère Bonte : Ce que vous voulez dire, c'est qu'une part, une dose ou une proportionnelle intégrale libérerait précisément les socialistes…
François Bayrou : Pas seulement les socialistes. Les grands courants politiques, il y en a 5 ou 6, ont le droit d'exister pour eux-mêmes et de défendre leurs idées, et pas d'être prisonniers d'alliances qui les obligent à aller contre leurs convictions profondes. Et donc oui, je pense que la proportionnelle, c'est d'ailleurs amusant parce que beaucoup de responsables politiques de premier plan qui se sont opposés à la proportionnelle dans les années et décennies précédentes, maintenant viennent me voir et disent « au fond, tu avais raison ».
Hadrien Bect : C’est la vie.
Bérengère Bonte : Emmanuel Macron s'y était engagé en 2017, cette fois-ci, c'est vraiment sur la table ?
François Bayrou : Emmanuel Macron s'était engagé, François Hollande s'était engagé et on peut remonter dans le temps, il y a eu beaucoup d’engagements de cet ordre.
Bérengère Bonte : Et il dit quoi aujourd'hui ? C'est sur la table, ça ?
François Bayrou : Je pense que c'est une nécessité. Je pense qu’une des clés de déblocage de la situation politique après qu'on aura eu un gouvernement, après qu'une personnalité aura été chargée de rassembler une équipe, c'est le changement ou l'établissement d'un mode de scrutin qu'on a déjà eu en France. Vous vous souvenez, dans les années 80, à l'initiative de François Mitterrand. C'est une des clés pour débloquer la situation.
Bérengère Bonte : Et vous assumez du coup la même conséquence, c’est-à-dire que cela puisse profiter aussi au RN ?
François Bayrou : Bien sûr.
Bérengère Bonte : Ils sont 126 aujourd'hui avec le scrutin majoritaire, ils pourraient être beaucoup plus ?
François Bayrou : Non, pas beaucoup plus. Ils sont 150, quelque chose comme ça.
Bérengère Bonte : 126 aujourd’hui, sans compter le bataillon Ciotti.
François Bayrou : Ils ont fait un peu plus de 30% des voix. Ils ont le droit à un peu plus du tiers des sièges. Et c'est la même chose pour chacune des forces politiques qui, du coup, se seraient présentées à son propre compte, et cela évite les affrontements artificiels ; qu'on désigne l'autre comme l'ennemi absolu qu'il faut abattre, “déni de démocratie”, enfin tous ces mots finalement.
Hadrien Bect : François Bayrou, vous parlez d'une loi qui est, semble-t-il, assez consensuelle…
François Bayrou : Qui est devenue consensuelle.
Hadrien Bect : …qui est devenue consensuelle. Un sujet qui va l'être un petit peu moins, ce sera le budget dans les prochaines semaines qu’il sera nécessaire d'adopter. Vous dites : “ il faut que tout le monde se parle”. Parmi les mesures du Nouveau Front Populaire, est-ce qu’il y en a une que vous, François Bayrou, avec vos députés du MoDem, vous pourriez inclure, vous pourriez accepter de voir dans le budget ?
François Bayrou : Dans le budget, je ne sais pas…
Hadrien Bect : Parce qu'il va falloir co-construire.
François Bayrou : Je pense qu'il y a une question qu'on peut poser de manière renouvelée, c'est la question des retraites.
Hadrien Bect : C'est-à-dire ?
François Bayrou : C'est-à-dire que je pense que la question des retraites a été mal posée ou insuffisamment posée. Je pense que les Français auraient dû y être plus associés parce que c'est leur vie, celle de leurs enfants et petits-enfants.
Hadrien Bect : Mais la réforme est faite ?
François Bayrou : Mon opinion est qu'elle est améliorable.
Bérengère Bonte : Vous souhaitez l'abroger pour la changer ?
François Bayrou : J'essaie de ne pas utiliser des mots qui soient des mots qui créent des réalités choquantes. Donc je pense qu’avec les partenaires sociaux, dont ça devrait être le travail, après tout, ils le font bien sur les retraites complémentaires, l'agirc et l'arrco, c'est eux qui …
Bérengère Bonte : Si on les sollicite, je pense qu'ils le seront.
François Bayrou : C'est eux qui ont les patrons, et c'est équilibré. Ils ont réussi à équilibrer le financement des retraites complémentaires. Et plus largement, je pense que tout ce qu'on appelle la démocratie sociale, c'est-à-dire pas seulement le pouvoir politique, mais le pouvoir de ceux qui représentent la société, les salariés, les retraités, devraient avoir plus de place dans notre débat démocratique. Donc voilà une mesure, mais il y en a beaucoup d'autres qui sont insupportables.
Hadrien Bect : On les détaillera une autre fois, François Bayrou, si vous le voulez bien, merci d'avoir été avec nous, Président du MoDem, invité du 8h30 de France Info ce matin. Merci Bérengère Bonte.