François Bayrou, invité de France Inter 

François Bayrou était l'invité de Carine Bécard et Éric Delvaux sur France Inter ce samedi 12 février à 8h20

📻 Réécouter l'entretien sur France Inter ▶️ https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-du-week-end/l-invite-du-week-end-du-samedi-12-fevrier-2022

 

François Bayrou, bonjour.

Bonjour.

Haut-commissaire au plan, Président du MoDem, Maire de Pau, Emmanuel Macron vous doit en partie son élection à l'Élysée il y a cinq ans.

Il y a, ce matin, des convois dits « de la liberté » qui veulent entrer dans la capitale pour exprimer non seulement leur lassitude du Pass vaccinal, mais aussi leurs difficultés face à la vie chère.

En cette fin de mandat d'Emmanuel Macron, François Bayrou, comprenez-vous cette forme d'abattement d'une partie des Français ?

Je la comprends, j'y réfléchis, j'essaie de comprendre.

En même temps, nous sommes devant un moment fascinant.

Nous entendons des bruits de guerre, des bruits de blindés à quelques heures de vol de Paris, à la frontière de l'Europe, en Ukraine. 

Il y a, toutes les semaines et tous les jours, des personnes qui meurent encore à l'hôpital de cette maladie, de la Covid-19 et il y a ce mouvement, qui est un mouvement de protestation avec volonté de blocage du pays pour obtenir, on ne sait pas quoi exactement, mais nous voyons bien qu'il s'agit d'un mouvement que j'appellerai « de sécession » d'une partie du pays, qui ne comprend pas, ne se retrouve pas et a un désir de révolte.

Christophe Castaner dit que ces convois seraient composés en partie de complotistes. Le dénigrement est-il la bonne méthode de gouvernance ?

Je ne sais pas ce que complotisme veut dire exactement.

Nous constatons bien qu'une partie de nos compatriotes, une partie importante et significative de nos compatriotes ne croit plus rien de ce qu'on lui dit. Ils ne croient plus les politiques - cela fait longtemps -, ils ne croient plus les journalistes, car vous êtes naturellement ciblés autant que les autorités. Ils ne croient plus les scientifiques et ils ne croient plus les médecins.

C'est la première fois depuis très, très longtemps.

C'est un mouvement de doute qui a commencé il y a des siècles, qui a commencé par la mise en doute de l'Église, par exemple, puis qui s'est poursuivi par le renversement de la monarchie et la révolte contre beaucoup, beaucoup de pouvoirs, mais c'est la première fois que l'on en vient, dans un pays comme le nôtre, qui était un grand pays scientifique, un grand pays de médecine, à mettre en doute la parole de ceux qui sont chargés de soigner.

Ils y sont en partie pour quelque chose. Je ne parle pas de cas individuel. C'est-à-dire que les Français, - pas seulement les Français, cela s'est passé dans beaucoup de pays du monde - les Français, stupéfaits, ont vu, sous leurs yeux, les médecins s'écharper entre eux.

Et la science prendre le pouvoir sur le politique, c'est ce qui est condamné aussi ?

Ce que je vois, c'est une mise en doute systématique de toute autorité.

Pardonnez-moi, nous nous égarons. Restons sur ces convois de la liberté.

Vous parlez d'un mouvement de sécession, certains parlent d'une nouvelle forme de gilets jaunes.

Je voudrais comprendre : dans la majorité, les redoutez-vous ou faut-il accepter maintenant très vite de leur parler ?

Je ne suis pas sûr que la peur soit, en quoi que ce soit, un bon guide.

Vous ne les redoutez pas ?!

Vous me demandez si je les redoute. Non.

Allez-vous oser leur parler ? Le faut-il ?

Je parle très souvent avec eux.

Quand vous êtes Maire d'une ville comme je le suis, puisque je vous parle depuis Pau, ce sont vos concitoyens, compatriotes, des personnes que vous avez croisées dix fois, vingt fois et avec qui vous avez échangé parfois de manière un peu… vous avez été pris pour cible.

Ce sont des compatriotes et ce ne sont pas des compatriotes différents. Ce sont des femmes et des hommes qui étaient tout à fait dans le sentiment général, partageant les événements et qui, tout d'un coup, se révèlent en marge, en révolte, tout d'un coup découvrent qu'ils n'arrivent plus à suivre et ils se mettent, c'est vrai, à écouter et à répéter des informations qui sont aussi fausses que l'on peut l'imaginer : l'idée que l'on va mettre des puces aux personnes pour les surveiller, l'idée qu'il y a dans le vaccin des choses que l'on ne connaît pas, pourquoi pas des aliens ou des germes d'aliens.

Ces choses que vous avez vues, que l'on voit sur les réseaux sociaux tous les jours.

François Bayrou, ces convois de la liberté rappellent les gilets jaunes…

Bien sûr.

… Qui dénonçaient un mode de gouvernance jugé trop vertical.

À l'heure des bilans, cette gouvernance verticale, jupitérienne, ce reproche a-t-il parfois été justifié à vos yeux ?

Non.

Je ne connais pas de mode de gouvernance qui, au bout du compte, ne trouve un responsable, quelqu'un qui va prendre la décision, après s'être informé autant qu'il le peut et tout le monde sait bien que le Président de la République est entré dans ces dossiers, y compris sanitaires et médicaux, de manière méticuleuse, poursuivie, obstinée, mais, au bout du compte, il faut quelqu'un qui prend la décision et celui qui prend la décision prend la responsabilité.

Mais il a très souvent pris ces décisions seul et c'est ce qui lui est reproché, à Emmanuel Macron, oui ou non ?

Il n'existe pas de responsable qui, au bout du compte, dans les situations graves, ne prenne les décisions seul.

Il s'entoure de conseils, il s'entoure de recommandations scientifiques, il s'entoure de conseils politiques, mais, au bout du compte, vous êtes seul à prendre la décision et les décisions graves.

Quand aura lieu son entrée dans la campagne présidentielle ? Emmanuel Macron est-il en train d'attendre la fenêtre de lancement idéale qui n'existera jamais ?

Je vous assure qu'elle existera.

Quand aura-t-elle lieu ?

Vous voyez bien les événements internationaux, qui sont d'une gravité absolument sans précédent depuis des décennies, les menaces en tout cas. Vous savez bien que les États-Unis ont ordonné à tous leurs ressortissants de quitter l'Ukraine, que le Royaume-Uni a ordonné à tous ses ressortissants de quitter l'Ukraine, qu'Israël a ordonné à tous ses ressortissants de quitter l'Ukraine, que les services de renseignements du monde entier ont les yeux braqués sur cette partie du monde, sur les rassemblements militaires, sur les armes qui sont massés là, y compris sur les hôpitaux de campagne.

Comme je le disais, il n'aura donc jamais le temps de lancer sa campagne, vu ce que j'entends et ce que vous décrivez ? Il n'aura jamais le temps de lancer officiellement sa campagne ?

Ce n'est pas à moi de vous rassurer sur ce point, mais je vous garantis que, bien entendu, dans les semaines qui viennent, le Président de la République dira évidemment aux Français pourquoi il a décidé de se présenter, puisque, comme vous le savez, il n'y a pas beaucoup de suspens sur ce sujet.

À propos de ce calendrier, le Gouvernement dit que le Pass vaccinal pourrait être levé en mars, à quelques jours du premier tour.

Comment ne pas entendre ceux qui n'y voient qu'une manœuvre électoraliste ?

Je ne partage ça du tout ce sentiment.

Je voudrais dire les choses à ma manière.

Le Pass vaccinal pourra être levé lorsque nous aurons la garantie que l'épidémie est réellement en décrue et que les services spécialisés des hôpitaux de réanimation sont réellement soulagés.

Pour moi, c'est par l'observation de l'évolution de l'épidémie et des hospitalisations, c'est par ces chiffres-là que l'on dira quand et si le Pass vaccinal doit être levé.

Annoncer des dates, je comprends très bien les responsables qui le font, pour montrer un horizon, mais, à mon sens, annoncer des dates ne peut se faire que si on annonce en même temps les critères qui vont permettre d'alléger cette obligation.

La fin du masque obligatoire le 28 février prochain, cela vous semble un peu excessif ?

Je pense que c'est l'épidémie, c'est le virus qui doit nous dire ce qu'il en est. Je ne dis pas que c'est excessif. C'est une charge que tout le monde ressent et surtout les enfants, dans les écoles.

C'est ce qui me frappe le plus, en pensant à l'Éducation nationale et en pensant aux écoles. Le plus tôt nous pourrons soulager cette obligation et bien sûr le mieux ce sera, à condition que ce soit en phase avec l'évolution du virus.

Concernant la fin du masque obligatoire le 28 février prochain, le rythme des mesures sanitaires n'est-il pas désormais fixé en fonction de l'agenda électoral d'Emmanuel Macron ? C'est tout de même l'impression qui peut s'en dégager.

Sûrement pas. Si nous pouvons éviter de vivre tout le temps dans le soupçon, je préférerais.

L'élection présidentielle, c'est le 10 avril. 28 février/10 avril, c'est une longue période de temps.

Cinq semaines.

Pour moi, en tout cas, la décision sur le masque, la décision sur les confinements successifs, la décision sur la vaccination, rien de tout cela n'a été pris sans raison.

Nous sommes confrontés, pas seulement nous, tous les pays du monde… Les convois que nous avons sous les yeux aujourd'hui en France, c'est une idée qui vient du Canada et tous les pays d'occident du monde, car des pays comme la Chine ont, eux, pris des mesures infiniment plus drastiques et sans aucune forme d'hésitation ou de rébellion possible…

Car ce n'est pas possible là-bas non plus.

… Tous les pays du monde y sont confrontés.

La comparaison avec la Chine est peut-être délicate, car les droits de l'Homme ne sont pas les mêmes non plus.

Heureusement !

Un mot sur la campagne électorale : pour les candidats qui peinent à trouver leurs 500 parrainages, vous demandez aux élus MoDem d'aider tous ceux qui ont au moins 10 % d'intentions de vote. C'est donc une idée transpartisane.

Quels seraient les risques si les candidats n'obtenaient pas leurs parrainages ?

Je ne m'adresse pas seulement aux élus du MoDem, mais à tous les élus, collègues Maires, car je connais l'hésitation d'un certain nombre d'entre eux.

Tout ce que nous décrivons là, y compris les convois de la liberté, comme on les nomme, c'est une manifestation de défiance, d'incompréhension entre l'opinion publique, les citoyens et les institutions.

C'est cela, le point brûlant.

C'est la démocratie qui serait en danger ?

La démocratie se trouve, en effet, mise en cause, d'abord par beaucoup d'entrées et les élections présidentielles, c'est la clé de voûte d'une démocratie qui devrait retrouver la confiance.

Or, s'il se trouvait que des candidats majeurs soient empêchés de se présenter, car le système des signatures les aurait bloqués, alors que, par ailleurs, des candidats marginaux vont avoir ces signatures-là, et des candidats de courants politiques qui ne représentent pas des scores considérables vont être dans le même cas, s'il y avait cette situation, c'est une situation qui mettrait en péril la confiance et qui risquerait de provoquer des vagues de révolte parmi les citoyens et les électeurs.

Votre définition de la démocratie est un peu surprenante, François Bayrou.

Pourquoi ne pas aider tous les candidats et pourquoi choisir ceux qui potentiellement, car nous n'en savons rien non plus, feraient plus de 10 % dans les sondages ?

Vous voyez bien que, dans une élection, il y a des candidats majeurs qui représentent des courants très importants. Il faut que vous mesuriez : 10 % d'intentions de vote et 15 % d'intentions de vote a fortiori, cela représente entre 4 et 6 millions d'intentions de vote.

Pouvez-vous imaginer que des courants d'opinion, et que je n'approuve en rien - comme vous le savez, je suis opposé depuis mon engagement politique à ces courants-là -, mais comment imaginer que nous puissions, de gaieté de cœur, accepter qu'ils ne soient plus représentés, qu'ils n'aient pas le droit de se présenter ?

Mesurez-vous ce que cela signifie ?

Or, les Maires, les élus, sont les garants de la démocratie. C'est une partie de leurs responsabilités de faire que la confiance règne et c'est pourquoi j'ai dit, de manière transpartisane, sans appartenir à aucun courant, sans soutenir aucun des candidats, alors il est bon que les Maires, les élus se préparent éventuellement à donner le coup de pouce nécessaire pour que nous ne nous trouvions pas dans une situation aussi brutalement inacceptable que celle-là.

À part des élus MoDem, avez-vous réussi à en attirer d'autres ou pas ?

Je vous réponds.

C'est pourquoi nous avons créé ce collectif, ce site qui s'appelle www.notredemocratie.fr.

Il suffit de taper cette adresse pour des élus qui disent : nous n'approuvons pas ces candidats, nous n'approuvons pas ces courants, nous affirmons que nous sommes totalement étrangers ou indépendants, mais nous voulons que la démocratie fonctionne et ils peuvent affirmer leur volonté de participer, autant que possible, peut-être cela ne fonctionnera-t-il pas, à ce mouvement de garantie de la démocratie.

Aujourd'hui, ce matin, trois candidats ont leurs 500 signatures : Valérie Pecresse, Anne Hidalgo et Emmanuel Macron.

Puisqu'Emmanuel Macron a ses 500 signatures et que vous parlez d'esprit transpartisan, vous-même, à qui allez-vous donner votre parrainage au final ?

Vous savez bien que je soutiens le Président de la République…

C'est pour cela que je vous pose la question, mais il n'en a plus besoin, puisqu'il a ses 500 parrainages.

… Sans la moindre nuance.

Vous parliez d'une idée transpartisane.

Aujourd'hui, le parrainage est transparent et nous le saurons donc tôt ou tard.

J'ai réservé ma signature, car je pense possible que nous nous trouvions dans la situation que je redoute. Ce n'est pas certain, peut-être vont-ils trouver leurs parrainages, mais je vois bien le risque.

Si vous regardez aujourd'hui le bilan des parrainages reçus par le Conseil constitutionnel, ni Jean-Luc Mélenchon, ni Marine Le Pen, ni Éric Zemmour ne les ont et ils sont même assez loin de les avoir.

Vous irez peut-être vers ces choix ?

J'irai, comme je l'ai fait tout au long de ma vie, vers ce qui soutient la démocratie, c'est-à-dire le pluralisme. J'ai soutenu la proportionnelle, j'ai soutenu la Banque de la démocratie, j'ai proposé qu'il y ait une banque de la démocratie qui garantisse les financements, j'ai proposé cette participation, cette garantie par des signatures possibles si des candidats majeurs se trouvaient empêchés, car je crois que le pluralisme est le seul moyen de rétablir la confiance.

Nous avons bien compris.

Vous n'avez pas répondu à ma question : d'autres élus que les élus MoDem acceptent-ils de participer à cette réserve de parrainages ?

Principalement, oui. C'est transpartisan. Cela ne s'adresse pas seulement au MoDem, mais à tous les élus qui voient autour d'eux les crispations de la société…

D'autres vous ont rejoints ?

… Et qui sont prêts à participer à un mouvement inédit de garantie de la démocratie au lieu d'observer, les bras ballants, en disant qu'ils n'y peuvent rien.

Là, nous y pouvons tous quelque chose.

Le temps presse, car, la fin des parrainages, c'est le 4 mars.

François Bayrou, voilà plus de deux ans que vous êtes à la tête du Haut-commissariat au Plan, avez-vous eu, pendant ces deux années, plus qu'une simple écoute du chef de l'État ?

Si vous regardez des questions aussi importantes que l'énergie, par exemple, la note de stratégie que le Commissariat au Plan a publiée au printemps sur l'électricité, le renouvelable et le nucléaire, et la place irremplaçable que, dans une société comme la société française, le nucléaire est la seule garantie de production d'électricité sans carbone, émission de CO².

Cette note stratégique a, je crois, joué un rôle majeur dans le changement du climat.

Il suffit d'avoir entendu, cette semaine, le Président de la République présenter le plan pour que la France redevienne ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être, c'est-à-dire un pays majeur dans la production d'électricité sans carbone, pour vérifier que, oui, nous avons heureusement joué dans la prise de conscience de l'opinion et des responsables.

Nous aurions effectivement aimé également parler du nucléaire.

Dernière question, très politique : avant le premier tour de l'élection présidentielle, Emmanuel Macron va-t-il accepter de débattre avec les autres candidats ? Que lui conseillez-vous ?

Nous verrons quels sont les candidats. Il verra quelle est la forme des débats, mais c'est à lui qu'il appartient de prendre cette décision.

Je voudrais simplement rappeler d'une phrase que cette élection n'est pas une élection dans un pays isolé du monde. Concernant ce qui est en train de se passer, j'ai été très, très impressionné par le face à face, la conférence de presse que vous avez sûrement suivie entre V. Poutine et le Président de la République. 

Il y avait, là, un moment dramatique, pour moi absolument sans précédent dans l'histoire de l'Europe d'aujourd'hui et les risques qu'elle court.

Nous aurons aussi remarqué que la table était très, très grande entre les deux.

Je ne fais pas allusion à la table, mais la conférence de presse qui a suivi, qui était un moment sans précédent à mon avis dans notre histoire récente.

Merci, François Bayrou, en direct de Pau, Président du MoDem, Maire de Pau et Haut-commissaire au plan.

Bonne journée.

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