François Bayrou, invité de Francis Letellier sur France 3 ce dimanche
François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Francis Letellier sur France 3 dans l'émission Dimanche en politique le 1er mai à 12h10.
Bonjour François Bayrou.
Bonjour.
On est aujourd'hui le 1er mai, fête du travail, les syndicats organisent des rassemblements partout en France avec en ligne de mire bien sûr la retraite à 65 ans, c'était dans le programme d’Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron doit-il tenir bon coûte que coûte sur cette réforme de retraite à 65 ans ?
Est-ce qu’il existe une autre possibilité que de faire une réforme ? On dit, faire une réforme, en réalité c’est retrouver l'équilibre des régimes de retraite, que les Français soient assurés sur le long terme, pour toute la durée des décennies qui viennent, que ceux qui sont retraités toucheront des pensions à la hauteur de ce qu'on leur a promis et que ceux qui travaillent ne seront pas surchargés de cotisations, comme on dit, c'est-à-dire qu'on ne leur prélèvera pas sur leur salaire.
Comme vous savez, ce sont les prélèvements sur les salaires des actifs qui font le financement de la retraite des pensions.
Donc Emmanuel Macron doit tenir ?
Mais tout le monde doit tenir. Il n'existe pas une retraite pour les uns et une retraite pour les autres.
Tout le monde voit bien que ce système est un système pour l'instant déséquilibré, on a besoin de revenir à l'équilibre et, d'ailleurs c'est très simple, le gouvernement socialiste d'il y a 6 ans avait mis en place une réforme, la réforme Touraine, qui portait allongement d’un trimestre tous les trois ans de la durée de cotisation et qui portait cette durée de cotisation, autrement dit, l'âge de départ à la retraite à 64-65 ans.
C'est donc la même chose sur un rythme un peu différent.
Vous dites, c'est la même chose que la réforme de François Hollande, en fait.
C'est la même nécessité qui s'est imposée à tous les gouvernements successifs, Fillon autrefois et Hollande et maintenant, pour une raison extrêmement précise.
On dit : on va faire 43 années - c'est cela la réforme Touraine - de durée de cotisation, or vous savez très bien à quel âge, en moyenne, les Français arrivent au travail.
Ils arrivent au travail vers 23 ans et, en Région parisienne, 24 ans pour simplifier.
23 ans plus 43 ans, cela fait combien ?
Cela fait 66 ans.
Pendant la campagne, Emmanuel Macron n’avait pas exclu la possibilité de passer par un référendum sur la question des retraites.
Ce serait une bonne idée ?
J'y suis favorable, je crois l'avoir proposé à l'élection présidentielle de 2007.
Vous dites qu’un référendum, ce serait une bonne chose ?
Je vais vous dire en quelques phrases le raisonnement.
Qu'est-ce qui fait que cette réforme des retraites est totalement explosive ? Je crois que Michel Rocard avait dit « c'est une réforme qui fera sauter plusieurs gouvernements. »
Pourquoi ? Parce qu’il y a une espèce de blocage du pays chaque fois que l'on aborde cette question. Et si ce blocage est une réelle menace - peut-être on trouvera une autre manière de faire, je le souhaite - mais si ce blocage est une menace réelle, alors il y a un moyen très simple pour lever le blocage, c'est de dire : Ce sont les Français qui choisiront.
Donc le référendum.
J'ai toujours défendu cette idée de référendum. Je ne dis pas que c’est une idée majoritaire, elle ne l'est pas.
À l’heure qu’il est, vous trouvez qu’elle est toujours pertinente ?
Vous voyez bien ce dont il s'agit. Si, comme on l’a dit en commençant cette émission, c'est une réforme non pas pour un gouvernement, mais pour les Français, ce sont les Français qui sont à la retraite et qui payent et c'est pour eux que la réforme est faite.
Eh bien, il est légitime, si l’on est en situation de blocage, de leur remettre le choix. Et, moi, je ne doute pas que ce choix ira dans le sens de l'équilibre.
Retour une semaine en arrière. Vous étiez au pied de la Tour Eiffel dimanche soir dernier pour écouter le premier discours d’Emmanuel Macron réélu, avec le regard déjà tourné vers le large.
François Bayrou, vous entendez les Français qui demandent des augmentations de salaire. Va-t-il falloir à un moment que les employeurs fassent un effort sur les salaires ?
Il y a plusieurs négociations qui sont en cours et même plusieurs qui ont réussi, qui ont abouti.
Tout le monde voit bien la question. On est devant une vague d'inflation mondiale provoquée en grande partie par la guerre en Ukraine et en partie par la crise des matières premières qui lui est profondément liée.
Mais faut-il augmenter les salaires ?
Il faut augmenter les salaires en liaison avec les entreprises. C'est le seul moyen pour que cela réussisse.
Je vous rappelle, si vous voulez revenir un peu en arrière, en 1968, il y a eu une augmentation massive des salaires. Qu'est-ce qui s'est passé ? Aussitôt inflations, dévaluations successives, c'est-à-dire que c'était ce que l'on appelle de la monnaie de singe, de la fausse monnaie.
Ce qu'il faut, c'est un pays suffisamment productif - vous avez entendu le Président de la République, il dit social, écologique c'est normal, productif, productivité -qui travaille sur la question de la production, que la France redevienne, parce que hélas il y a des décennies que l'on a perdu tout cela, un pays qui produit.
Si l’on produit, on doit augmenter les salaires sinon c'était de la fausse monnaie.
Si je vous entends bien, il faut produire plus pour augmenter les salaires. C’est cela que vous voulez dire ?
Oui, il faut que tout le pays se mette en production. C'est d’ailleurs à peu près la même chose pour les retraites si vous y réfléchissez. Si nous allons vers le plein emploi, il n’y a plus de question de retraite, si nous allons vers le plein emploi, il n'y a plus de question de finances publiques ou en tout cas elles sont extrêmement réduites.
Tout se tient dans un pays. Tout se tient : son activité, son allant et son moral et la question est au moins autant morale que de l'activité.
Vous avez entendu et vous l'avez souligné d’ailleurs, Emmanuel Macron veut accélérer la planification écologique avec un futur Premier ministre qui aura cela dans sa feuille de route.
Quand j'entends planification, je rappelle que vous êtes Haut-Commissaire au Plan. Cela pourrait être vous, finalement, ce Premier ministre ?
On va s'arrêter à la première phrase que vous avez dite.
La deuxième, elle intéresse aussi beaucoup.
Revenons à cette question. Il y a trois ans ou deux ans, « planification », cela faisait rire tout le monde, y compris votre métier.
Cela faisait même peur à certains. Certains disaient, « c’est soviétique ».
Cela faisait anachronique. Et donc je me suis battu, avec quelques autres, pour dire : « Mais vous vous trompez. On ne peut pas gouverner à court terme. »
Donc quand le Président de la République parle de gouverner à long terme, c’est une victoire personnelle de votre part ?
Je n'interprète pas cela sous cet angle.
C'est comme cela que je l'interprète.
Pour moi, retrouver la conscience que le travail politique doit se projeter à 10, 20 ou 30 ans et pas à 10 20 ou 30 jours et parfois à 10, 20, ou 30 heures car c'est cela que l'on fait aujourd'hui, c'est absolument central à la fois pour l'écologie…
Si je prends les questions écologiques, la question de l'énergie…
Vous êtes écologiste vous-même ?
… Je ne sais pas ce si je peux dire cela. Si on cherchait dans ma généalogie on verrait que je suis né, mes premiers pas politiques ont été dans ces milieux-là avec des gens comme José Bové, par exemple, je parle de plusieurs décennies en arrière quand nous avions 20 ans. C'est de là que je viens. Mais pour moi, l'écologie, j'enfonce une porte ouverte, c'est une dimension désormais de l’action politique de chacun.
La question qui se pose, c’est, selon vous, pour mener à bien ce chantier qui sera donné au futur ou à la future première ministre, quel doit être le profil de ce Premier ministre. Technique ou politique ?
Politique.
Il y a des techniciens qui peuvent être politiques, mais je ne sais pas si vous mesurez la situation du pays. Je ne sais pas si le milieu des commentaires et des commentateurs, quand ils parlent de qui va être à Matignon, on a l'impression que c'est une course de petits chevaux.
Il n'est pas possible d'assumer la tâche que la Constitution fixe, c'est-à-dire fixer la politique du gouvernement et diriger la politique du gouvernement.
Il n'est pas possible de le faire si l’on n'appréhende pas dans son ensemble les difficultés de la société.
Et, cela, c'est éminemment politique.
Et, cela, c'est la politique, c'est-à-dire que l’on ne prend pas l'action publique dossier par dossier avec la vérité dans le dossier et des chiffres dont on croit qu'ils résument tout. On ne peut pas prendre la responsabilité de cette action si l’on ne mesure pas en même temps ce qu'est la crise morale que le pays traverse, ce qu'est le sentiment de frustration d'une grande partie du pays. On parlait des bas salaires mais pas seulement, d'une grande partie du pays qui ne s'estime pas reconnue.
Il n'est pas normal ni acceptable pour un démocrate, comme je suis, comme beaucoup d'entre nous sommes, que les extrêmes fassent dans notre pays près de 50 %.
On va y revenir. Vous avez vu passer comme moi le nom de Véronique Bedague, ex-directrice de cabinet de Manuel Valls, n°2 du groupe immobilier Nexity qui a été approchée, reçue à l’Élysée pour être éventuellement Première ministre.
Ce genre de profil ne correspond pas du tout.
Je ne connais pas cette dame.
Vous dites : ce doit être politique.
Comprenez-moi, essayons de ne pas simplifier. La compétence technique, les chiffres, les statistiques, tout cela compte et c'est pour moi un sport que j'aime beaucoup, j’aime beaucoup les chiffres.
Cela ne suffit pas.
J'aime beaucoup les chiffres, mais ce n'est pas cela la question. La question, c'est le pays dans ses profondeurs. Si l’on ne comprend pas que l’on est devant une espèce de tremblement de terre qui dure depuis plusieurs décennies, et ce tremblement de terre fait que ceux qui forment la base de la société, ceux qui sont au travail, ceux qui sont à la retraite, ceux qui cherchent du travail, ceux qui sont en formation, se sentent coupés du sommet du pays.
La politique doit rétablir cela ?
Ou du prétendu sommet, car on dit que c'est un sommet… Mais le travail de la politique, c'est de souder un pays. Le but de la politique, c'est l'unité d'un pays.
Les technocrates, peut-être d'ailleurs y a-t-il des gens que l'on appelle des technocrates qui ne le sont pas. On disait que le Président de la République était de cette catégorie, il ne l'est pas, je vous le garantis, il a une approche politique du sujet.
On a besoin d'avoir…
Un Premier ministre politique.
… la capacité de souder un pays, de ressouder un pays. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que la future Assemblée Nationale va être.
Venons-y. 12 et 19 juin, les élections législatives, l’heure des grandes manœuvres a commencé, personne ne veut laisser sa place, à gauche comme dans la majorité….
François Bayrou, le MoDem, mais il y a aussi la République en Marche évidemment, Agir et, dernier arrivé d’Édouard Philippe, Horizons, qui ont vocation à être la majorité de demain.
On va s’arrêter un instant sur ces enjeux-là. Souhaitez-vous, vous, pour les législatives, des candidats avec une seule et même bannière, par exemple majorité présidentielle ou chacun sous son étiquette ?
Une seule étiquette.
Qui s’appellerait ?
On verra, on trouvera. Je pense qu'il y a des sensibilités différentes dans la majorité et je trouve nécessaire que l'unité soit affirmée pour qu’il n'y ait pas ces guerres de clans que l'on a connues beaucoup trop longtemps, le Parti socialiste en a…
Et l'UDF dans le passé.
… tellement souffert. L'UDF, c'est un peu différent, car on était plus en compétition avec le RPR à cette époque.
Donc, unité et, pour moi, le deuxième mot-clé, c'est pluralisme. Chacun a sa sensibilité. Ce sont des sensibilités très proches.
Est-ce qu’il y aura de la place pour tout le monde pour les proches d’Édouard Philippe, pour les gens du Modem ?
Oui. En tout cas je pense nécessaire que l'on ait un climat de travail en commun et de respect mutuel.
Donc une seule bannière et un seul groupe à l'Assemblée ?
Ceci est une autre question.
Là, vous dites non.
Non. J'observe, depuis que je suis en politique, que les groupes pléthoriques explosent toujours. Je pense qu'il faut un nombre limité d'expressions à l'Assemblée Nationale, mais qu’il faut cependant du pluralisme.
Je vais vous dire en particulier pourquoi, car cela va paraître bizarre.
L'Assemblée Nationale a un règlement intérieur qui donne plus de poids aux groupes d'opposition qu'au groupe majoritaire.
Si vous avez un groupe majoritaire, et mettons 6 groupes d'opposition comme on nous l'annonce, eh bien la majorité aura un septième ou un huitième seulement du temps de parole.
Vous voyez ce que cela veut dire ?
Je crois, c'est clair et net.
Vous avez les questions du mercredi :
Trop s'unir, parfois c’est un désavantage, sur ce règlement, j’entends.
Ce n'est pas la souplesse que le pays requiert. On a besoin d'unité, mais pas d'uniformité.
Le pays est divers. Vous avez entendu le dimanche soir il y a 8 jours le Président de la République a dit : « Je veux tenir compte de toutes les sensibilités du pays ». Eh bien, cette nécessaire reconnaissance de ce que la France est diverse, de ce qu'il y a des histoires diverses et des parcours divers, ils peuvent travailler ensemble.
J'appartiens à une famille que l'on appelle démocrate-chrétienne, spiritualiste on va dire, et européenne et il y a des gens qui viennent de familles sociaux-démocrates, ils peuvent travailler ensemble, ils ont fait l’Europe ensemble et donc, ces familles-là, moi je souhaite qu'elles soient à la fois unies et reconnues.
Unies aux élections, mais chacun reconnu pour ses spécificités à l'Assemblée Nationale.
Carte blanche à Sophie de Ravinel, journaliste politique au Figaro.
Bonjour François Bayrou, vous parliez tout à l'heure d'unité.
Pendant que cela s'organise, pendant que vous vous mettez en ordre de marche dans la majorité, il y a un accord en quatre qui est en train de se dessiner à gauche.
Est-ce pour vous un danger ?
Ce n'est pas un danger, c'est quelque chose qui trahit l'histoire et l'inspiration du parti socialiste en particulier.
Cet accord à 4 dont vous parlez…
Qui n'est pas encore fait.
… Il se fait derrière le programme de la France Insoumise, de Jean-Luc Mélenchon qui a dit clairement que c'était derrière son programme et derrière son étiquette.
Ce programme c'est quoi ? C'est : sortie de l'Union Européenne, de fait, c'est sortie de l'OTAN.
Il a reporté tout cela.
Vous n'êtes pas défenseur de Jean-Luc Mélenchon.
Je parle des faits.
Il a fait toute sa campagne en disant : « il faut sortir de l'OTAN, de l'organisation de défense qui est avec l'Ukraine. Il faut en sortir. Il faut trouver d'autres alliés. »
Il avait même évoqué des alliances avec des pays sud-américains. Puis il dit : « il faut désobéir au traité européen. »
Cela, c'est un projet. Mais si l’on me dit que c'est le projet que le parti socialiste a porté depuis François Mitterrand...
Du coup, est-ce un danger tout de même ?
Non, ce n'est pas un danger. C'est tellement incohérent que je n'imagine pas une seconde que les Français pourraient désavouer leur choix de l'élection présidentielle en se livrant à ce qui est un désordre.
On a entendu Jean-Luc Mélenchon, sa stratégie de troisième tour, dire : Vous n'avez pas pu faire de moi le chef de l'État, faites de moi le chef du gouvernement.
Qu'est-ce vous pensez de cette stratégie ? Est-ce qu’elle est réaliste ? Vous avez en partie répondu.
C'est une blague mobilisatrice.
Pas plus ?
Vous n'allez pas me dire que les écologistes vont choisir la voie que je viens de décrire ou que les socialistes vont choisir la voie que je viens de décrire.
Il se trouve que je connais beaucoup de responsables de gauche.
Ils vous glissent dans l'oreille qu'ils ne sont pas d'accord ?
Pas dans l'oreille, face à face ou au téléphone.
Qui vous dit cela ?
Cela vous intéresse, mais, je ne trahis jamais les conversations. C’est simple.
Des responsables de partis ?
De responsables politiques de parti. Vous avez entendu François Hollande.
Bernard Cazeneuve, Stéphane Le Foll…
Oui, mais, ceux-là, on connaît leur opposition. Mais Olivier Faure au PS, comme Julien Bayou ont une majorité a priori dans leur parti pour tenter de faire un accord.
Si vous pensez que les grandes sensibilités politiques du pays se réduisent à une décision d'appareil complètement isolée.
Les Français le veulent, dans les sondages.
J'entends bien que vous défendez cette option.
Je ne la défends pas, mais il y a un sondage qui est sorti il y a 48 heures disant qu'à gauche les Français étaient majoritairement favorables. Moi, je n'ai aucun avis sur la question.
Permettez-moi de vous dire que ceci serait une telle injure à l'histoire, aux convictions, aux valeurs d’au moins deux de ces courants politiques-là...
Que cela ne vous semble pas réaliste.
Mais, ce n'est pas réaliste, c'est une offense à la démocratie et aux Français.
Cette cohabitation, c'est hors de question ?
Une cohabitation, cela peut toujours arriver, mais que l'on prétende faire une majorité cohérente à partir de courants politiques qui sont opposés sur tous les sujets, sans exception, vraiment, c'est quelque chose qui me paraît une offense à la démocratie telle qu'on l'estime et telle qu'on la veut.
On entend.
Richard Ferrand, le Président de l'Assemblée Nationale, a fait appel dans le Midi Libre, a lancé un appel aux hommes et aux femmes de gauche, je le cite, les sociaux-démocrates dont vous parliez tout à l'heure, mais aussi des socialistes, des écologistes, à rejoindre la majorité.
Est-ce que vous le suivez ? Est-ce que vous êtes d'accord ?
Tout à l'heure Francis Letellier parlait de Bernard Cazeneuve. Est-ce qu’il pourrait y avoir des personnalités de ce type-là que vous verriez entrer avec faveur dans le gouvernement ?
En tout cas, Bernard Cazeneuve que vous venez de citer, il ne peut pas accepter la stratégie que vous évoquiez à l’instant…
Est-ce que vous souhaiteriez par exemple travailler avec lui ?
Plus la majorité sera large entre des courants qui se respectent et qui s'estiment, j'ai été opposé au parti socialiste une grande partie de ma vie, j'ai mené des combats, nous avons mené des combats les uns contre les autres, locaux - mes concitoyens savent ce dont je parle - et nationaux.
Mais, cependant, nous ne sommes pas étrangers les uns aux autres, nous sommes tous au fond pour que l'on ait une économie de marché plus efficace et mieux partagée. Nous sommes tous d'accord pour que l'écologie soit le cadre de notre action et nous sommes tous d'accord pour que l'Europe soit considérée comme notre atout, et pas comme notre difficulté.
À partir de là, on peut construire.
Donc bienvenue à tous.
Toute majorité doit avoir vocation à s'élargir.
Justement, à propos de cela, à droite aussi la recomposition s'annonce.
Nicolas Sarkozy, que vous connaissez bien, se propose de faire le pont entre la droite et la Macronie.
Est-ce que vous le soutenez dans cette démarche ?
Je trouve que tous ceux qui veulent que l'on construise des ponts plutôt que des murs….
Mais celui-là précisément.
… Vont dans la bonne direction. Nous avons eu des oppositions, Nicolas Sarkozy et moi, quelques-unes…
Et parfois violentes.
… Dans l'histoire, mais cependant, quand on se voit, on se parle.
C'est l'heure de la réconciliation ?
Oui mais j’ai, comme vous le rappeliez gentiment avec le sourire, beaucoup écrit sur Henri IV et ce livre que j'ai publié sur Henri IV, qui a été remarqué à cette époque, et encore maintenant, est dédié. Il y a une dédicace et elle dit ceci : « Ce livre est dédié aux amoureux de la réconciliation. »
C'est un livre qui a 30 ans
Cela reste votre leitmotiv.
Cela reste une nécessité vitale.
La France est un pays dont la vocation est d’être unie.
L'unité d'un pays, depuis l'Ancien régime, pas seulement depuis aujourd'hui, cette unité-là, on a le devoir de la cultiver, autrement la France est malheureuse et elle explose.
Elle explose trop aujourd'hui, on a besoin de la réunir et de la rassembler.
Comme tous les 1er mai depuis 1988, les dirigeants du Rassemblement National, ex-Front National, sont allés déposer une gerbe aux pieds de la statue de Jeanne d’Arc à Paris, c’est Jordan Bardella qui l’a fait ce matin. Le RN espère avoir au moins 15 élus pour faire un groupe à l'Assemblée Nationale, c'est la dose aujourd'hui.
Souhaitez-vous qu'il y ait un front républicain pour empêcher qu’il y ait 15 élus ou, au contraire, il faut que le RN ait un groupe.
Ils en auront plus.
Vous le regrettez ou c'est normal ?
C'est normal. Je suis partisan de la proportionnelle depuis toujours et on va y arriver. Je suis absolument certain que les mois qui viennent vont faire constater à toutes les forces du pays que l'on a besoin de reconnaître les différences.
Il faut convaincre Emmanuel Macron qui ne l'a pas fait au cours du quinquennat.
Il s'est engagé à le faire.
Pour le second quinquennat.
Oui, il l'a dit publiquement et de manière précise, notamment à Pau.
Cette fois, ce sera la bonne ?
Je le crois, mais ce n'est pas seulement la décision du Président de la République, c'est l'exigence profonde qui vient de cet éclatement des forces que l'on a sous les yeux.
Vous voyez bien tout ce qui s'est passé et vous croyez que l'on peut continuer à dire à tous les citoyens : « Désormais, Mesdames et messieurs, il va falloir que vous obéissiez ? Il y a une force politique, il y aura une force politique qui sera dominante et votre rôle à vous sera d’obéir. »
C'est fini tout cela.
Le passage en force, pour moi, c'est fini.
Le moment est venu qu'avant chaque grande décision l’on réussisse à la faire partager par le plus grand nombre possible de Français.
Juste pour être concret, vous souhaitez qu'il y ait un front républicain circonscription par circonscription ?
Il y aura un front républicain. On ne sait pas comment il sera fait. Ce qui est proche doit se rassembler, mais le rapport de force, désormais, c'est que je crois, les deux candidats qui ont été deuxième et troisième, les courants ont été deuxième et troisième à l'élection présidentielle, loin devant les autres, ces courants-là vont nécessairement être représentés à l'Assemblée Nationale et j'aimerais qu'ils le fussent de manière organique, que ce soit normal, que ce soit reconnu, que ce soit la loi et que les voix de tous les Français soient égales.
Vous votez pour un courant politique, vous serez représenté à la hauteur du nombre que vous êtes.
Merci François Bayrou.
Seul le prononcé fait foi.