đ» François Bayrou, invitĂ© de la matinale de Radio Classique ce jeudi
François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Guillaume Durand, ce jeudi 15 octobre à 8h15, sur Radio Classique.
Retranscription de l'entretien :Â
Bonjour François Bayrou.
Bonjour
Le Président de la République a paraphrasé une célÚbre phrase de Paul Nizan dans Aden Arabie concernant les gens qui ont 20 ans. Or le taux de positivité explose, il est treize fois au-dessus du seuil d'alerte.
Soyons clairs ; ce matin, ce qui a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© hier soir de votre point de vue, c'est pour pallier une sorte de dĂ©fi dâune partie la sociĂ©tĂ© Ă l'Ă©gard des rĂšgles sanitaires ou est-ce tout simplement parce que le gouvernement n'a pas fait son travail que le prĂ©sident est obligĂ© d'intervenir ?
Je ne dirai pas du tout des phrases de cet ordre. On est devant une épidémie qui est, de mémoire de notre génération, sans précédent.
On n'a jamais rencontrĂ© du point de vue sanitaire ce qui est en train de se produire et ceux qui ont une mĂ©moire historique se souviennent seulement qu'au dĂ©but du XXĂšme siĂšcle, il y a eu la grippe espagnole qui Ă©tait une Ă©pidĂ©mie du mĂȘme genre, virale, pulmonaire, et que cette Ă©pidĂ©mie avait fait entre 40 et 50 millions de morts.
Nous avons, pour faire face à cette épidémie lorsque la maladie se déclare, un systÚme hospitalier qui est naturellement limité dans ses moyens. Un afflux de milliers de malades crée une thrombose dans le systÚme hospitalier.
C'est bien ce que l'on peut lui reprocher. Olivier VĂ©ran avait dit avant l'Ă©tĂ©Â : « On va changer le pĂ©rimĂštre » et le pĂ©rimĂštre nâa pas changĂ©, on est toujours Ă 1 millier de rĂ©animations.
Je ne crois pas cela.
Ce sont les chiffres.
Non. Il y a beaucoup de lits. Je suis prĂ©sident dâun hĂŽpital Ă Pau et, comme vous savez, on se prĂ©pare et il y a beaucoup de lits que l'on peut convertir en lits de rĂ©animation.
La preuve, on a passĂ© commande de 10 000 respirateurs qui peuvent prendre le relais. Non, on n'est pas limitĂ© Ă 5000 lits. On nâa pas Ă©tĂ© limitĂ© Ă 5 000 lits au printemps et on a aussi beaucoup de lits aujourd'hui qui sont convertibles en lits de rĂ©animation.
Vous en ĂȘtes certain ce matin, c'est le Commissaire au Plan, l'avenir c'est aussi vous, vous ĂȘtes certain que cela va ĂȘtre fait et que cela va durer jusqu'Ă l'Ă©tĂ© 21 minimum.
On en parlera aprĂšs. Non seulement jâen suis certain mais j'ai appelĂ© l'entreprise française industrielle Air Liquide qui produit les respirateurs et qui m'a assurĂ© que les 10 000 respirateurs, en tout cas 9 500, avaient Ă©tĂ© livrĂ©s.
Je n'ai aucune raison de ne pas les croire, surtout que d'autres sont fabriqués aussi en particulier dans ma ville.
Il nây a pas de responsabilitĂ© gouvernementale, il n'y a pas de manque du gouvernement ?
Il y a beaucoup de gens dans l'opposition qui disent : C'est un paradoxe, on a raté le déconfinement et Jean Castex est Premier ministre.
C'est de la polémique classique. C'est la vie politique.
Là , à mon sens, la question dépasse par son ampleur la vie politique classique et, pardonnez-moi, mais je n'ai pas envie de rentrer dans une polémique de cet ordre, ni dans un sens ni dans l'autre.
Est-ce que tout a été bien fait ? Non.
L'application Stop Covid que j'ai tĂ©lĂ©chargĂ©e, et vous aussi peut-ĂȘtre, le premier jour, cela ne donne aucune indication.
Jâai du mal Ă croire que je n'ai pas croisĂ© du tout dans ces mois Ă©coulĂ©s de personnes qui aient Ă©tĂ© touchĂ©es par le virus. Je n'ai pas eu et vous n'avez pas eu de message par cette application.
Une autre application va fonctionner⊠les testsâŠ.
Vous savez bien que devant des faits aussi inédits, aussi inattendus, on découvre le mouvement en marchant et on avance pas aprÚs pas.
Une des raisons pour lesquelles le Président de la République m'a confié cette mission du Plan, c'est que précisément la question de ce qui pourrait se produire dans l'avenir n'est que trÚs rarement prise en compte par les gouvernants qui sont à cause de vous en partie, à cause des médias, des réseaux sociaux, sous pression de l'urgence.
Avoir besoin d'une perspective, c'est trĂšs important.
Je citais la phrase de Paul Nizan : « Ne me dites pas que 20 ans, câest le plus bel Ăąge de la vie. »
C'Ă©tait le condisciple de Sartre, vous le savez probablement, lors de leurs Ă©tudes.
C'est assez particulier, d'une certaine maniĂšre, il a rendu hommage Ă la jeunesse hier et en mĂȘme temps si on rĂ©sume la situation, on garde le travail et on arrĂȘte de faire la fĂȘte.
Il dĂ©fend la jeunesse, mais c'est la jeunesseâŠ
Excusez-moi votre formule est inexacte.
Celle de Paul Nizan non ?  Je parle à un agrégé de lettres.
Je connais comme vous cette phrase et cet homme, Paul Nizan. Cette formule n'est pas exacte.
On arrĂȘte pendant 6 semaines d'exposer les Français, en tout cas ceux qui habitent dans ces villes, au risque d'une contagion multipliĂ© par les fĂȘtes, comme vous dites.
On peut tout Ă fait apprendre Ă se rencontrer mais le soir, dans ces trĂšs longues soirĂ©es oĂč on est exposĂ©âŠÂ
La fĂȘte est finie donc.
Non, pour 6 semaines ! C'est jusqu'au 1er décembre ! Il faut mettre un peu de raison dans tout cela.
C'est une limitation des activitĂ©s qui font que le virus se transmet et il se transmet Ă une vitesse effrayante.Â
Juste avant cette émission, vous me disiez les chiffres exacts de la génération, c'est-à -dire plusieurs dizaines de fois supérieure.
Treize fois supérieure au seuil d'alerte chez les 20-30 ans.
Les 20-30 ans, 13 fois plus de contamination. Et croire - c'est ce qu'a dit le Président de la République hier soir entouré des meilleurs avis médicaux - que ce soit d'une innocuité parfaite pour les plus jeunes, ce n'est pas vrai.
Il y a un certain pourcentage des plus jeunes, et cela a beaucoup frappĂ© le prĂ©sident de la RĂ©publique, qui sont atteints Ă cause de ce virus de maladies chroniques et qui vont dans l'avenir, du point de vue pulmonaire peut-ĂȘtre, du point de vue cardiaque, on ne sait jamais, qui vont en faire des personnes plus fragiles.
Il n'y a donc aucune raison de ne pas essayer de stopper la propagation du virus et de la stopper par des mesures qui, en effet, demandent une certaine discipline.
Ătes-vous certain qu'il n'aurait pas fallu revenir Ă un confinement total dĂšs le dĂ©but ou Ă des reconfinements partiels vraiment massifs, comme cela se fait dans dâautres pays ?
Le reconfinement partiel, ce n'est pas exclu.
Vous en ĂȘtes certain ?
Non, ce n'est pas exclu. Vous voyez bien quâil y a une gradation dans lâaction des pouvoirs publics. Les pouvoirs publics sont comme vous et moi, ils dĂ©couvrent.
Vous avez vu Ă quel point le dĂ©bat scientifique, les mĂ©decins se sont Ă©charpĂ©s sur toutes ces questions, ce qui prouve qu'il n'y a pas une vĂ©ritĂ© que l'on connaisse Ă l'avance, dĂ©finie. Mais on sait une chose, c'est que la propagation du virus se fait par ces contaminations en groupe. Cela, on le sait. Et contaminations en groupe en milieu clos. C'est pourquoi on dit quâil faut ouvrir les fenĂȘtres. C'est pourquoi on dit que l'extĂ©rieur vous met davantage en sĂ©curitĂ© qu'un milieu clos. Le grand air avec masques est moins propice Ă la dissĂ©mination du virus qu'un milieu clos sans masque.
Je m'adresse maintenant au Commissaire au Plan.
Est-ce que vous allez vous occuper de contrĂŽler, avec Ă©videmment le ministre de la SantĂ©, ou de discuter puisque vous me parliez tout Ă l'heure de vos conversations avec Air Liquide avec les industriels type Sanofi, etc. pour lâaffaire du vaccin.Â
Ce matin, on parle sĂ©rieusement : on voit bien que jusquâĂ l'arrivĂ©e du vaccin, on va y avoir droit. Ăa ne va pas sâĂ©teindre sans lâarrivĂ©e du vaccin.
Est-ce que vous considérez qu'il est dans votre nouvelle mission de parler avec eux pour savoir exactement ce qui se passe ?
Oui, c'est dans ma mission, mais il y a plusieurs exigences dans cette mission. Dâabord le vaccin, en tout cas l'Ă©volution de la maladie.
Je lance tout à l'heure dans la matinée, avec certains des experts qui travaillent autour du Commissariat au Plan, une réflexion sur le thÚme : Et si l'épidémie durait ?
Comme vous dites, on n'est pas sûr d'avoir le vaccin.
Il y a beaucoup de virus pour lesquels, malgré des efforts de recherche considérables et des investissements considérables, on n'a pas trouvé le vaccin.
Comme le VIH.
C'est le cas du Sida, on n'a pas trouvĂ© le vaccin. Pour la grippe, il a fallu des dizaines dâannĂ©es pour trouver un vaccin dont l'efficacitĂ© est, on va dire, pas absolue.
Il est possible que cette attente du vaccin soit une attente qui dure.
Donc vous allez les rencontrer, les patrons des laboratoires ?
Je les rencontre, je travaille avec eux, je discute avec eux, mais pas seulement pour le vaccin, ni mĂȘme pour certains mĂ©dicaments.
Vous savez que l'on a dĂ©couvert pendant cette Ă©pidĂ©mie quelque chose qui m'a stupĂ©fiĂ© et bouleversĂ©, c'est que la France et l'Europe se sont trouvĂ©es en pĂ©nurie de mĂ©dicaments et des mĂ©dicaments aussi essentiels que les molĂ©cules pour les chimiothĂ©rapies des cancers, que les anti-inflammatoires, que les antibiotiques et que mĂȘme le paracĂ©tamol, le Doliprane que nous prenons quand nous avons mal Ă la tĂȘte.
Tout cela avait Ă©tĂ© dĂ©localisĂ© vers l'ExtrĂȘme-Orient et il y a une question de sĂ©curitĂ© et d'indĂ©pendance du pays, de la France et de l'Union europĂ©enne, que l'on est obligĂ© dĂ©sormais de se poser.
Un pays comme le nĂŽtre, grand pays ou qui se veut grand pays mĂ©dical et de pharmacie, est obligĂ© d'avoir son approvisionnement garanti. C'est une question de sĂ©curitĂ©. C'est la mĂȘme question de sĂ©curitĂ© que l'on trouve dans le domaine militaire. Et donc ces questions sont les questions que je pose, bien sĂ»r.
Comme Haut-Commissaire au Plan.
Nous étions avec François Bayrou ce matin.
La question parlementaire va jouer un rĂŽle considĂ©rable puisquâil va falloir qu'au bout de 4 semaines que tout cela soit prolongĂ© avec l'aval du parlement.
Ăvidemment car nous restons dans un systĂšme dĂ©mocratique, en tout cas nous le souhaitons.
Télétravail 15 %, actuellement 60 % au mois de mars dernier.
François Bayrou, bonne journée à vous.