📻 « Faisons tout ce qu'on peut pour éviter le reconfinement. Un pays ne peut pas vivre sous cloche. »
François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Guillaume Durand, ce mercredi 13 janvier à 8h15, sur Radio Classique.
Bonjour François Bayrou.
Bonjour.
Je lis et je rappelle ce que le Président de la République déclarait chez nos confrères le 4 décembre dernier.
« Peut-être que je devrais faire des choses dures dans la dernière année, dans les derniers mois parce que les circonstances l'exigeront et qui rendront impossible le fait que je sois candidat ».
C'est vraiment une lucidité et en même temps un pari phénoménal étant donné la situation d'aujourd'hui ?
Cette question se pose à chacun de ceux qui sont en situation d'être Président de la République, qui occupent cette responsabilité, plus que cette fonction encore, car c'est une responsabilité historique, j'allais presque dire « écrasante » dans les moments de crise et Dieu sait que, depuis quatre ans, les moments de crise ont été graves et multiples.
Mon sentiment, en tout cas ce que je vois en regardant l'action et la manière de réfléchir du Président de la République, c'est qu'il ne se situe absolument pas dans une séquence électorale. Il se situe dans un moment de responsabilité et il a parfaitement conscience que sa tâche, sa mission, elle dépasse de beaucoup les contingences électorales.
En tout cas c'est comme cela que je le vois vivre et réfléchir.
Cela veut dire qu'il n'a rien décidé, on essaye d’interpréter ce qui est à la fois une action et une réflexion, il n'a rien décidé de ce que pourrait être son avenir politique ; pourtant beaucoup disent qu'il ne pense qu'à la réélection, c’est normal, c’est le cas de tous ceux qui ont occupé ces fonctions, mais ce qu'il cherche, comme l'explique L'Opinion aujourd'hui, c’est une autre histoire à raconter et donc compléter un quinquennat qui s'est ouvert par la réforme du droit de travail et la suppression de la taxe d'habitation, c’est-à-dire trouver la suite de tout cela.
Par la SNCF, car il y a eu des choses très importantes de faites. Mon sentiment à moi, je m’exprime à titre absolument personnel, c'est que la question de la réélection n'est pas présente à son esprit.
La question de la nouvelle campagne électorale n'est pas présente à son esprit et je vais vous dire quelque chose, je crois qu'elle n'est pas du tout présente dans l'esprit des Français, mais pas du tout.
Ce que les Français ont en tête, c'est la profondeur sans précédent de la crise que nous sommes en train de vivre, pas seulement sanitaire mais tout ce qui va suivre, le long cortège de difficultés économiques, de difficultés sociales, les jeunes. C'est cela que les Français ont en tête.
Je sens que le Président de la République, sur ce sujet, est en phase avec eux et qu'il ne fait pas de geste électoraliste. Il prend les décisions, il réfléchit comme celui qui a la plus importante charge dans un pays, un pays qui est dans une crise comme on n'en a jamais rencontrée.
On va faire la navigation car c’est important, entre ce qui ce qui est la mission d'un Commissaire qui réfléchit à l'avenir et la mission du Maire de Pau. Avez-vous l'impression que chez vous, par exemple, à Pau les gens seraient favorables, comprendraient un couvre-feu à 18 heures ?
Si cela doit faire reculer la maladie et si cela doit empêcher le reconfinement, je pense qu'ils le comprendraient. Je pense que tout le monde a en tête cette question qui est une question menaçante et obsédante qui est celle d’un pays qui se reconfine, que l’on remet sous cloche et un pays que l'on remet sous cloche, à mon sens, cela ne doit être que le dernier recours.
C'est une situation, c'est une hypothèse pour les enfants, pour les familles, pour les gens qui travaillent, pour tous ceux qui sont dans la vie du pays et qui en portent une part, c'est une question qui est une menace extraordinaire.
Je suis pour que l'on fasse tout ce que l'on peut pour éviter le reconfinement, mais je crois avoir déjà dit cela à votre micro il y a quelques mois.
Je pense qu'un pays ne peut pas vivre sous cloche, que les liens, les rencontres, les échanges que l'on appelle sociaux, c'est-à-dire dans la société, dans notre entourage, sont une donnée essentielle pour que les personnes, les familles et les entreprises se portent bien.
Une question franche : je sais quelle est la proximité qui vous lie au Président de la République depuis que vous l'avez rejoint après le fameux voyage en Algérie où il avait tenu ces propos sur la colonisation ; tout d'un coup les sondages s'étaient effondrés, vous l'avez rejoint, il est reparti à la bataille et finalement il a gagné cette présidentielle.
Franchement, François Bayrou, ce matin, à 8 h 21, est-ce que vous considérez que sur cette crise du Covid il s’est planté ?
Non.
Pourquoi ?
Un, il y a les résultats sanitaires. Il s'est passé dans l'esprit public, dans la conscience de nos concitoyens quelque chose de très important. Il y a un mois ou un mois et demi, au début du mois de décembre, probablement beaucoup de Français avaient en tête l'idée qu'en France on n'avait pas beaucoup de résultats mais qu'autour de nous, l'Allemagne, l'Angleterre, les grands pays qui nous entourent, eux, avaient obtenu des résultats.
Masques, tests, vaccination.
Et les Français ont tout d’un coup découvert que ce n'était pas vrai et que les résultats obtenus en France étaient plutôt meilleurs, plutôt rassurants.
Pour les masques et les tests, vous ne pouvez pas dire cela !
Écoutez, oui ! Dieu sait que, nous-mêmes à Pau, dès la fin du mois de février nous nous sommes mis à chercher des masques, nous les avons trouvés, nous avons aidé. Dans toute crise de cet ordre, il y a une part d'essais et d'erreurs.
Gabriel Attal a parlé d'un « chemin différent ». C’est justement ce qu’on lui reproche. Pardonnez-moi de vous interrompre, mais le Président de la République dans cette interview, il y a deux semaines dans le Journal du dimanche, après que Gabriel Attal parle d'un « chemin différent » ; le titre, c'était la colère du Président de la République « cela va trop lentement ».
Colère que, d'une certaine manière, il s'adressait à lui-même, en tout cas au chemin suivi par le gouvernement.
Oui, aucun doute de ce point de vue. Je sais très bien que tout n'a pas été parfait et si vous connaissez un seul être humain ou une équipe d'êtres humains parfaite, présentez-les moi, je serai très content de rencontrer ces anges purs et radieux, comme dit le poète.
Oui, mais ce que nous avons obtenu, la France est le pays du monde, je dis bien du monde, qui a apporté le plus d'aide à ses entreprises, à ses travailleurs à ses familles, aux gens en difficulté.
Cela, personne ne le conteste.
Vous vous rendez compte, on est à un micro d'une radio importante, il est, comme vous le disiez, 8 h 23, le pays du monde qui a le plus aidé les siens et il a le plus aidé les siens tout en obtenant des résultats sanitaires dont on voit aujourd'hui qu'ils sont au moins aussi bons que ceux qui nous entourent et sans doute meilleurs.
J'espère que cela ne se dégradera pas.
On a devant nous cette question de la vaccination. Pourquoi est-elle essentielle ? Parce que la vaccination c'est le seul moyen de rouvrir le pays l'esprit tranquille.
Est-ce que nous avons des limitations sur la vaccination ou des difficultés ou en tout cas des éléments…
La réponse est oui.
La réponse est oui sur un seul point qui est la disponibilité des doses, car, pour ce qui est de vacciner, alors il n'y a aucune difficulté.
Nous avons monté nous-mêmes à Pau depuis le mois de février, avec des laboratoires, des rendez-vous où l’on peut faire des tests instantanément et où l’on a les résultats dans les 3 ou 4 heures et on en a fait jusqu'à 2000 par jour donc, vacciner c'est pareil.
Il y a une autre idée évidente : dès l'instant que l'on aura les vaccins, il y a 22000 pharmaciens en France, que l'on appelle d'officine, ceux qui sont au coin de la rue…
Qui pourraient très bien vacciner.
Qui sont absolument habilités à vacciner, ils le font pour la grippe.
Et donc, il n'y a aucun problème d'organisation surtout avec le nouveau vaccin Moderna qui arrive car il a moins de contraintes de conservation à des températures extrêmement basses ; c'est un vaccin j'allais presque dire normal de ce point de vue-là, et donc il n'y a rien de plus facile que de vacciner. Mais la question c'est : est-ce que les laboratoires fournissent suffisamment de vaccins ?
Cela, c'est une question à la fois industrielle et médicale.
Vous avez dit que les Français étaient conscients que l'État n’en avait jamais fait autant pour eux. Il y a une chose qui est une évidence pour tous ceux qui nous écoutent, c’est qu’effectivement une grande partie de la politique menée par Bruno Le Maire à l'économie est saluée par tout le monde y compris par des gens de gauche qui ne le disent pas ouvertement, mais qui au fond l’approuvent.
En revanche, Veran, il y a un problème puisque tous les patrons de région, que ce soit Rottner, c'est plutôt des patrons de région d'opposition, ils sont tous vent debout contre Veran, ils parlent de scandale d'État.
Est-ce qu’il y a un problème typique de la gestion de la santé ?
Après, je voudrais que l'on termine sur une question politique. Dans la perspective de ce que vous pourriez apporter, c’est-à-dire justement la loi sur le séparatisme, l'affaire de l'écologie, êtes-vous favorable à ce fameux référendum évoqué par le Président de la République ou est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux, en matière institutionnelle, instaurer la proportionnelle pour l'avenir des prochaines élections.
Commençons par Veran. Est-ce le handicap d’Emmanuel Macron alors que Le Maire serait son atout ?
Je vais vous décevoir, je ne fais pas de particularité à l'intérieur d'une équipe gouvernementale.
Il n'y a qu'un seul gouvernement. D'une certaine manière, tout le monde peut avoir des jugements sur les ministres et le ministre de la Santé, comme le ministre de l'Économie,
ils sont présents et ils sont en première ligne et personne ne pense qu'ils sont absents, évanescents, transparents.
Gérard Larcher dit : ce quinquennat, il ne s'est rien passé.
Vous voyez bien que, cela, ce sont des propos….
Il est quand même président du sénat !
…Électoralement polémiques. Je ne veux pas jouer à cela donc je ne vais pas faire de différence à l'intérieur de l'équipe gouvernementale et c’est la première question que nous avons.
Dans les moments de crise, toute ma vie politique, je n'ai défendu qu'une seule position : serrons-nous les coudes autour de ceux qui sont en responsabilité. Dans le terrorisme, chaque fois qu'il s'est passé quelque chose, c'est la position que j'ai adoptée ; dans la crise sanitaire de la santé, c'est la position que j'adopte.
La responsabilité, vous voyez à quel point c'est ridicule les responsables qui font passer l'opposition avant la responsabilité ; vous voyez à quel point chaque fois qu'ils ouvrent la bouche…
C'est leur rôle, c’est la démocratie ! S’ils font bravo tous les matins ! C’est leur rôle dans la conversation démocratique….
Excusez-moi, je suis en désaccord avec vous et je vais vous dire pourquoi.
Quand on est dans une guerre, car c'est une guerre, le Président de la République a utilisé ce terme, quand on est dans une guerre, on fait en sorte que les liens de solidarité et de responsabilité l'emportent sur toute autre considération.
Larcher a tort ?
Si, pendant la guerre, Winston Churchill avait été en but perpétuellement aux critiques d'une opposition qui aurait dit : Il n'y a pas assez de chars d'assaut ici ou d'avions là ! Tout cela est ridicule. Dans les moments graves, ce n'est pas comme cela que l'on fait.
Après, vous m'interrogez sur les institutions.
Il nous reste 16 mois - je ne vais même pas vous parler de politique politicienne - est-ce une bonne affaire pour le pays de faire un référendum en gros sur l'écologie ? On ne connaît pas la question ou est-ce qu’il ne faut pas plutôt essayer de réformer le système politique par le biais de la proportionnelle, comme vous l'avez toujours souhaité et une petite question sur le passeport vaccinal et nous en aurons fini ce matin.
Un, est-ce que la démarche, la procédure du référendum est intéressante dans les moments de crise ?
Ma réponse est oui.
Il y a un certain nombre de sujets, je vais citer les retraites, car j'ai toujours défendu ce point de vue, sur lesquels les blocages sont tels que l’ordalie, comme on disait au Moyen Âge, le jugement suprême, le jugement du peuple permet de sortir de toutes les impasses. Et De Gaulle l'a toujours pensé comme cela.
Emmanuel Macron se rend compte que le référendum…
D’abord, on n'est pas obligé, comprenez-moi bien, il faut que le sujet en vaille la peine et je ne sais pas si les modifications de textes autour de la Constitution sur l'écologie sont un de ces sujets qui valent la peine, on en discutera si cela vient, mais moi en tout cas je pense que le référendum est une bonne démarche, est une démarche utile parce qu'elle permet de sortir des blocages d'un pays.
Ensuite, faut-il changer les institutions et en particulier la loi électorale ?
Oui. On ne peut pas continuer dans un pays dans lequel le parlement n'est plus représentatif au bout de quelques mois de la situation réelle du pays.
Il y a une loi électorale qui est appliquée par tous les pays européens sans exception, vous m'entendez ? Tous les pays des 27 sans exception utilisent une loi électorale qui est que tous les grands courants d'opinion sont représentés au Parlement pour que précisément le Parlement ait du sens et qu'il puisse dire et faire quelque chose.
Et donc j'ai toujours été favorable à cette évolution, je le suis plus que jamais car c'est la loi électorale qui permet dans les moments de crise d'avoir…
De créer des coalitions.
Même pas les coalitions, cela fait politicien.
En Allemagne, cela paraît normal.
Oui, mais nous sommes en Vème République et le vote majeur, c'est le vote d'élection du Président de la République. C'est à partir de ce vote du Président de la République que les institutions s'organisent et que les gouvernements se forment, ce n'est pas à partir des combinaisons parlementaires comme chez nos voisins et donc je suis favorable à ce que l'on ait une loi électorale juste, un seul mot, représentant le pluralisme du pays.
Ceux qui nous écoutent ce matin retiendront que vous êtes favorable à un référendum sur un sujet qui n'est pas forcément celui dont on parle d'ici la fin du quinquennat ; c'est une chose importante.
Vous dites d’ici la fin du quinquennat ; moi, je suis favorable au référendum pour qu'il entre dans nos institutions, pour qu’il entre dans la pratique de gouvernement classique.
Vous qui aimez la musique, la culture, le théâtre, etc. beaucoup de gens disent que le passeport vaccinal ce serait bien pour que l'on puisse aller au restaurant, au théâtre, au cinéma, etc. D'autres disent : Oui, mais alors, c'est le système à deux vitesses.
C'est l'éternelle question sociale à la française : ceux qui l'auront pourront entre guillemets jouir et ceux qui ne l'auront pas resteront chez eux, couvre-feu à 18 heures.
Êtes-vous favorable ?
Vous savez bien que oui, j'ai défendu cette idée des tout premiers. J'ai ramassé des insultes multiples et variées, mais c'est très simple. Il faut rouvrir le pays. Il faut rouvrir les universités, il faut que les jeunes puissent de nouveau être dans des activités qui sont les activités de leur âge, il faut que les commerces rouvrent, il faut que le travail reprenne, que les restaurants et les bars rouvrent.
Comment le faire en sécurité ?
En s'assurant, si le vaccin est garanti efficace et sûr - ce membre de phrases est très important - eh bien, oui, en effet, il faut multiplier les vaccinations et tout le monde fait semblant ou a peur ou je ne sais pas quoi, il y a des craintes qui s'expriment, mais, excusez-moi, pour aller en Guyane, France, il faut une carte de vaccination à la fièvre jaune. Pour aller au Cameroun, au Mali, en Côte d’Ivoire, il faut une carte de vaccination de fièvre jaune.
Oui, je suis persuadé que, si le vaccin est disponible, alors il faut en répandre l'utilisation et se servir de cela pour ouvrir la vie du pays.
Merci