François Bayrou, invité d'Elizabeth Martichoux sur LCI
François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité d'Elizabeth Martichoux ce jeudi 20 janvier à 8h30 dans la matinale de LCI.
Bonjour François Bayrou.
Bonjour
Haut-commissaire au Plan, maire de Pau, merci d'être là.
Je ne sais pas s'il y aura des manifestations dans votre ville aujourd’hui, en tout cas il y a une grève à l'Education nationale. Il y aura sans doute des pancartes qui évoqueront Ibiza relativement aux vacances prises par Jean-Michel Blanquer, ce qui a provoqué une belle controverse.
Est-ce que le ministre de l'Education nationale a donné des bâtons pour se faire battre dans cette affaire politiquement ?
D'abord je ne suis pas dans le secret ou dans l'intimité de Jean-Michel Blanquer, mais ce que l'on a compris en lisant les journaux c'est que c'était 4 jours de voyage de noces puisque c'était son mariage et donc, que l'on puisse prendre 4 jours entre Noël et le premier de l'an quand on a à célébrer ou fêter un événement familial qui a son importance, cela ne paraît pas absurde.
Ce n'est pas la question.
La question, c'est la concomitance entre ses vacances à Ibiza et la rentrée scolaire, le fait qu'il ait annoncé un protocole de facto très compliqué depuis ce lieu de vacances. C'est là le problème.
Ceci est une deuxième question.
Le fait que les décisions, les règles, les normes soient prises tard et soient prises tellement complexes que beaucoup de gens n'arrivent pas à s'y retrouver. C'est cela la véritable question.
Pourquoi ? Parce qu’il y a deux sortes de préoccupations. La première l'école, la deuxième, le sanitaire qui est dirigé par comme vous le savez toutes les instances qui en France s'occupent de la santé.
En tout cas l'idée que l'on puisse se perdre dans la complexité des choses, il faut que tous les responsables comprennent que c'est une des raisons pour lesquelles les gens se détournent de l'action publique, des grandes orientations, des décisions qui sont prises.
La bureaucratie.
C'est tellement compliqué, tellement bureaucratique, tellement bordé de tous les côtés, ceinture et bretelles comme on a l'habitude de dire que les gens, et vous et moi, aucun d'entre nous ne s'y retrouve vraiment. Et ce travail qui est un travail de lisibilité, des décisions que l'on prend, ce travail pour l'instant n'a pas été fait comme les Français l'attendraient.
Et donc vous comprenez l'exaspération des parents, des professeurs qui manifestent encore aujourd'hui.
Je comprends très bien. Je ne crois pas que ce soit par des manifestations que cela s'arrange.
Cela traduit un état d'esprit, mais vous voyez bien que les questions qui se posent à l'école sont beaucoup plus larges et beaucoup plus fondamentales pour la société française.
Bien sûr, c'est un organisme que vous connaissez bien pour l'avoir dirigé pendant plusieurs années, il est sensible et très sollicité depuis le début de la crise.
En tout cas, vous, vous dites il y a eu un excès de zèle.
Ce n’est pas un excès de zèle.
Ou un défaut de simplicité dans la décision prise et par Jean-Michel Blanquer et sans doute Olivier Véran d’ailleurs.
On renvoie toujours cela vers les ministres alors qu’il y a beaucoup d'autres organisations administratives et normatives que les ministres ne contrôlent pas toujours directement.
Un mot de l'école.
Valérie Pécresse a regretté mardi soir la fermeture par Jean-Michel Blanquer dans la réorganisation du bac de la filière S dont elle a dit, elle en est sans doute issue, que c'est la filière des bons élèves.
Est-ce une phrase que vous approuvez ?
Non. Je vais vous dire deux choses. Le bac que Valérie Pécresse a défendu, c'est le bac que j'avais créé le bac S, L, ES.
C'est une organisation que j'avais mise en place comme ministre de l'Éducation.
Deuxièmement, pourquoi l'avais-je mise en place ? Pour une raison simple, je voulais que tous les dons soient également respectés, que tous les talents, toutes les préférences de culture soient également respectés.
Elle a dit que c'était la meilleure.
Et que l'on ne concentre pas dans une seule filière tous les entre guillemets bons élèves - c'est une expression sur laquelle je ne suis pas très à l'aise car souvent, les bons élèves, c’est les fils des familles qui ont pu les aider.
Ce sont les matheux.
Et donc, je ne voulais pas que l'on concentre. On avait réussi à créer 3 voix de dignité égale.
Cela a été dévoyé.
J'aime beaucoup les sciences mais je suis un littéraire de formation.
Il y a eu des dévoiements au travers du temps.
Il y a une chose qui manque, me semble-t-il, c'est un tronc commun sur lequel on puisse être assuré qu'au fond toute la nation, tous les jeunes de la nation ont le minimum vital pour traverser la vie.
Dans ce tronc commun, il y a des aspects d'expression, la langue, la maîtrise de la langue, la capacité de dire ce que l'on a en soi.
Très souvent les violences des jeunes viennent de ce qu’ils n’arrivent pas à exprimer ce qu'ils ont en eux alors cela explose.
Donc la langue, c'est très important, ce que l'on appelle « littéraire », c'est très important.
Tous les concours d'éloquence d'ailleurs qui ont beaucoup de succès.
Oui dans lesquels Pau a eu une place tout à fait éminente cette année.
Est-ce adroit de valoriser à ce point ceux qui sont bons en maths ?
C'était cela ma question un peu basique.
Vous voulez dire, est-ce que les maths sont la voie de l'excellence ?
Oui.
Cela ne peut pas être la voie de l'excellence. Croire que c'est une seule voie qui donne l'excellence, c’est se tromper.
Ce que je préconise, c'est un tronc commun dans lequel il y a le minimum vital, le viatique pour aller dans la vie et ensuite des voies dans lesquelles chacun exprime ce qu'il a de meilleur et la concentration en une seule voie dites « S » ne va pas.
Autre chose, mais cela préoccupe évidemment en premier lieu les Français, c'est le pouvoir d'achat.
Que faire face à la nouvelle hausse record de carburant ? Faut-il que le gouvernement envisage une nouvelle mesure d'urgence ?
Ce qu'il a fait sur l'électricité en particulier est sans aucun précédent.
Il y a eu le chèque énergie, le chèque inflation.
Laissez-moi le dire. Il y a beaucoup plus que cela.
Si on avait laissé jouer les mécanismes prévus par toutes les règles et toutes les lois, l'électricité aurait augmenté de 45 %.
Elle est limitée à 4 %.
Le gouvernement est intervenu avec force et en mettant sur la table beaucoup d'argent pour que la hausse qui aurait dû être de 45 % soit une hausse de 4 %.
Cela, c’est bon pour ceux que se chauffent à l'électricité.
C'est un énorme effort, tout le monde utilise l'électricité pour son ménage, les machines à laver.
Mais je vous parle du prix à la pompe. Le prix du carburant, c’est un nouveau record : 1,68 en moyenne le sans plomb 95.
Les Français sont à nouveau frappés par cette hausse et empêchés. Est-ce qu’il faut un nouvel effort du gouvernement, même s'il en a fait, il a dépensé plus de 10 milliards déjà.
Vous voyez bien, pourquoi cela explose ? Parce que le prix des hydrocarbures dans le monde a explosé et ce n'est probablement pas fini, car comme vous savez, à la fois la préoccupation de décarboner la vie de tous les jours et les marchés du monde et les interventions sur les marchés du monde font qu'en effet ce prix-là augmente. Donc je ne crois pas qu'on le fera baisser beaucoup, mais j'ai toujours plaidé pour des mesures de régulation.
Je crois d'ailleurs que le ministre de l'Économie a dit qu'il surveillait cela au jour le jour.
Il a dit : je ne ferme pas la porte. Il a raison d'envisager une aide ? C'est ma question.
Je ne dis pas que cela doit se faire sous forme d'aide, on peut avoir des modulations des taxes, j'avais plaidé pour des mécanismes de régulation avant même les gilets jaunes, peut-être on peut travailler sur ce sujet-là.
Vous êtes favorable à ce jeu sur les taxes qui est très coûteux pour les caisses de l'Etat ?
Vous voyez bien, tout le monde dit il faut intervenir et personne n'est capable de mettre sur la table l'argent nécessaire pour la raison que nous savons : c’est-à-dire qu’il y a à reconstruire des pans entiers de l'économie française et c'est le travail que nous faisons au Haut-commissariat au Plan avec toutes les idées de reconquête de la production.
D'ailleurs, Valérie Pécresse, pour le coup, a dit il n'y a pas de solution à court terme, elle l'a admis.
La candidate à l'Élysée a eu raison d'admettre qu'elle est contre la politique du chéquier, qu’elle n’a pas de solution à court terme. Accès d'honnêteté intellectuel ?
Si on veut !
L'Europe. Emmanuel Macron et ses adversaires politiques ont-ils donné une bonne image de l’Europe hier au parlement de Strasbourg ?
Les adversaires du président de la République ont, de l’avis unanime, donné une mauvaise image de la France. Pas de l’Europe mais de la France en Europe.
Vous avez entendu sans doute le nombre de députés européens y compris très sympathisants de la France, francophiles, qui ont dit : on ne peut pas se comporter comme cela.
On est au début d'une présidence, c'est-à-dire au moment où celui qui va avoir pendant 6 mois - le pays et le président - qui va avoir pendant 6 mois la responsabilité de la conduite de l'Union européenne vient donner son programme.
Vous avez entendu son discours. Il n'y a pas un mot de politique française dans son discours.
C'est un discours sur les grands buts de l'Union européenne sur ce que l'on va en faire, sur comment on va intervenir.
Il a pris le risque de cumuler cette présidence française de l'UE, il aurait pu ne pas le faire ?
Ah non, excusez-moi.
En même temps qu'il termine son mandat il s’expose de fait à ce que ce soit instrumentalisé.
Votre affirmation n'a pas de sens, je vous le dis amicalement. Vous n’imaginez pas que la France va dire : excusez-moi, c'est notre tour une fois tous les 13 ans d'être à la tête des institutions européennes, de présider l’Union européenne mais on ne va pas le faire parce qu'on a une élection pendant ce mandat.
Vous trouvez que cela a un sens de prendre une présidence de 6 mois dont on ne sait pas si elle va durer finalement que 3 mois honnêtement ?
La France a des responsabilités internationales et des responsabilités dans l'Union européenne.
Ce n'est pas tel ou tel dirigeant qui a des responsabilités, c'est la France qui a des responsabilités.
Si on n'est pas un pays capable de mettre un tout petit peu entre parenthèses nos querelles internes médiocres, car beaucoup des accusations étaient médiocres, ce n'est pas moi qui le dis, c’est la présidente du parlement européen qui le dit.
Franchement…
Respecter l'Europe, d’un certain point de vue, certains peuvent dire – pro européens convaincus - respecter l'Europe cela aurait été effectivement de décaler cette présidence pour qu’il n'y ait pas ce cumul, ce risque... Regardez ce qui s'est passé hier.
Pro européen convaincu, j'estime l'être autant que qui que ce soit…
Bien sûr, personne ne vous le conteste.
… dans le champ démocratique. Je considère que nous avons des institutions et qu'elles sont faites pour être respectées.
Ils ont fait une faute hier ceux qui ont utilisé cette tribune pour interpeller le président français ?
Sans aucun doute.
En tout cas l'ensemble des parlementaires européens a ressenti cette attitude comme une faute, comme une mesquinerie, comme quelque chose de médiocre alors que l'on débattait de ce qui est à peu près essentiel, c'est-à-dire de la confrontation entre le projet européen de société, de civilisation de droit de l'homme et les pressions du monde.
Dans cette affaire, on se retrouve avec des querelles et des mots qui franchement n'étaient pas à la hauteur, tout le monde l’a ressenti.
Je trouve que le Président de la République s'en est très élégamment tiré.
Avec ce qu'il faut de petites pointes d'acidité pour montrer que ce n'était pas tout à fait passé inaperçu et en même temps une maîtrise des dossiers dont vous avez peut-être vu que tous les parlementaires européens lui ont rendu hommage.
Vous auriez voté pour la présidente du parlement Roberta Metsola d'origine maltaise, hostile à l'avortement ?
C'est un accord entre groupes et je n'ai jamais été partisan de ce type d'accord entre groupes.
« Je te donne ça et tu me donnes cela. »
Oui, j'ai toujours trouvé cela pas à la hauteur.
Parlementaire européen à l’époque, j'avais présenté la candidature de Bronislaw Geremek qui était un de ceux qui avaient construit dans son pays la Pologne le destin européen de cette Europe plus orientale et tellement martyrisée. Et puis cela a été battu par un médiocre accord d'appareil.
Là, c'est un accord d'appareil ?
C'est un accord d'appareil et rien d'autre.
Et donc ?
Je trouve que ce n'est pas formidable.
Mais vous regrettez quand même que ce soit le produit de cela. On rappelle que le groupe Renew, celui des macronistes a effectivement fait un accord…
…Est entré dans un accord majoritaire fait par les socialistes et le parti populaire européen, la droite européenne.
Est-ce que le président de la République française pour le coup doit attendre un allégement des contraintes sanitaires qui se profile peut-être à échéance d'une ou deux semaines pour se déclarer candidat.
Est-ce un critère ?
Non.
Le calendrier ? Quel est le critère ?
Tous les présidents de la République sortants qui se sont représentés ont annoncé leur candidature quelques semaines à peine avant le début de la campagne électorale.
Pourquoi ? C'est très simple.
Dès l'instant qu'ils annoncent leur candidature, ils n'exercent plus tout à fait leur présidence de la même façon, car dès cet instant-là, vous êtes sous la pression d'attaques encore plus virulentes qu'elles ne l'étaient avant et Dieu sait qu'il y en a pas mal.
Le plus tard possible pour vous ?
Non je ne dis pas cela.
Il y a une zone d'équilibre qui se situe quelques semaines avant le début de la campagne et qui est très intéressant car pourquoi l'annonce d'une candidature ce n'est pas quelque chose de banal, c'est le basculement dans un autre temps politique et ce temps politique, c'est celui de la vision de l'avenir.
Quand on est président, on gère, on essaie d'assurer le présent, de faire face et on répond.
Et quand on est candidat, on donne des perspectives.
Quand on est candidat on entre dans tout à fait autre chose qui est une vision de l’avenir.
Est-ce que-vous êtes radin, François Bayrou ?
Je ne crois pas.
Certains le disent.
Cette citation dans le Parisien que vous avez lue hier matin signée d'un macroniste anonyme « le Modem, c'est des pinces. »
C'est une expression... Un radin on dit que c'est une pince.
« François Bayrou, c’est Picsou, c’est pire, c’est Gripsou », car il paraît que vous refusez de contribuer au financement de la campagne électorale d’Emmanuel Macron.
Je ne participe à aucune médiocrité… si je peux ! Parce que ce n'est pas facile parce que c'est un monde dans lequel l’abondance est plus du côté de la médiocrité que du côté de la générosité ou d'une certaine hauteur de vue. Je ne participe à aucune médiocrité. Mais c'est vrai que je n'aime pas le gaspillage de l'argent en politique.
Financer une campagne, ce n'est pas du gaspillage ?
Je suis à la tête du seul parti politique français qui n'a pas de dette, qui a constitué un patrimoine au travers du temps et ce patrimoine assure sa liberté et je ne suis pas pour les campagnes électorales chères.
Donc, que dites-vous à la LREM qui vous réclame de l'argent.
D'abord personne ne m'a réclamé quoi que ce soit et je dis simplement : ne dépensons pas trop, cela ne sert à rien, c'est de l'argent gaspillé, et dans ces dépenses raisonnées, naturellement nous prendrons toute notre part de responsabilité. Mais vous voyez bien que le genre de papier que vous citez n'est pas tout à fait, me semble-t-il, à la hauteur.
Cela vous a déplu.
Oui ! On s'en fiche.
Edouard Philippe , il boude aussi ?
Vous avez fait des tonnes et des tonnes de papiers, d'éditoriaux sur : « Edouard Philippe s'en va, il quitte la Maison commune » puis il a annoncé hier ou en tout cas son mouvement politique en constitution a annoncé hier que pas du tout.
La brouille est terminée ?
Je vais essayer de vous le dire à ma manière.
On a un devoir, c'est l'unité. Un seul devoir.
Le champ politique est explosé.
C'est aussi du rapport de force, vous savez très bien la politique vous en faites depuis 40 ans, vous le savez.
Oui et vous du journalisme !
Il se trouve que je ne suis pas sensible au rapport de force ou plus exactement je sais que dans le rapport de force quand vous êtes obstiné à défendre quelque chose, vous êtes plus fort que ceux qui virevoltent au vent.
Ma ligne politique est d'être absolument obstiné dans des règles simples.
Je défends le pluralisme et je défends l’unité.
Si on était plus nombreux dans la vie politique française, je ne me donne pas un exemple ! Si on était plus nombreux à défendre le pluralisme et l'unité, je trouve que cela irait mieux.