François Bayrou, invité d'Europe 1
François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Sonia Mabrouk sur Europe 1 ce mardi 22 février à 8h10.
Bienvenue François Bayrou et bonjour.
Bonjour.
Est-ce qu’il a déjà gagné ?
De qui parle-t-on ? De Poutine ?
Il sait que personne n'ira mourir pour Kiev.
Bien sûr, il y a un rapport de force qui est si menaçant, si violent, que l'on voit que des décisions les plus lourdes sont à prendre, les décisions les plus lourdes pour dissuader, si on peut encore le faire, d'une accélération.
Ce dont on ne se rend pas compte, c'est que, dans ce genre de situation, on est devant un engrenage et cet engrenage peut conduire au pire.
Vous avez entendu comme moi à différentes reprises Poutine menacer de vitrifier par l'arme nucléaire ceux qui s'opposeraient à lui.
Qui y croit à l’arme nucléaire ? C'est évidemment la dissuasion.
Il y a des moments où les dirigeants, notamment quand ce sont des dictateurs, sont menacés de dérives ou peuvent être sujets à des dérives que l'on ne contrôle pas.
Je ne sais pas si vous avez vu, on a vu cette nuit ou hier soir sur les réseaux sociaux, un face-à-face hallucinant entre Poutine et son chef des services de sécurité du renseignement russe.
C'était une humiliation en direct parce qu'on voyait bien que le chef du renseignement russe n'était pas sur la même ligne. Il n’était pas pour des choses aussi agressives.
Certes mais on peut le qualifier de ce que l’on veut, qu'est-ce qui se passe, Monsieur Bayrou, il avait annoncé qu'il annexerait il y a quelques années la Crimée, c'est fait, il avait dit pour l'indépendance du Donbass, c'est fait.
Que vont faire les Occidentaux ? Ils ne prendront aucun risque pour l'Ukraine ? Elle restera seule ?
Votre interrogation est de l'ordre du tout ou rien.
Quand vous êtes à la tête d'un État ou d'un ensemble d'États, que vous le représentez, vous ne pouvez pas être dans le tout ou rien. Vous ne pouvez pas être dans : la guerre ou bien on s'écrase.
Il y a toute une gamme d'engagements, par exemple des engagements de sanctions financières très dures à l’égard des oligarques et du système.
Pour l’instant, sur ce point, ce n'est pas ce qui est prévu par le président américain Joe Biden.
Il ne parle pas de ces sanctions-là. Pour les oligarques, il parle de sanctions plus générales qui reviendront en boomerang sur qui ?
Si vous permettez, M. Biden, c'est une chose et, nous, Européens, c’en est une autre. Il faut que nous ayons l'habitude d'avoir notre propre ligne indépendante.
Mais nous ne sommes pas d'accord, Monsieur Bayrou, l'Allemagne ne fera rien compte tenu de l’importance du gazoduc Nord Stream 2.
L’Allemagne ne fera rien, pourquoi ? Parce que des décisions qui étaient des décisions aventurées ou aventureuses ont fait en sorte que l’Allemagne devienne dépendante du gaz russe et cette énorme pression qui a été créée en Allemagne avec la complicité d'un certain nombre de dirigeants et qui est créée aussi sur la France, avec la complicité active d'un certain nombre de dirigeants politiques, de responsables politiques sur les deux bords de l'échiquier.
Qui visez-vous ?
Il y en a qui sont absolument clairs, on a failli avoir un Président de la République ou en tout cas certains voulaient que l'on ait un Président de la République, François Fillon, dont tout le monde sait désormais qu'il est directement employé…
De là à influencer la politique russe, il y a quand même une marge.
Ce n'est pas ce que je dis. Je dis que, depuis des années, il y a une pression de Poutine et, à cette pression de Poutine, qui résiste ? En réalité il n'y a que le Président de la République française qui ait apporté une résistance.
Monsieur Bayrou, il a fait de son mieux il a fait une action diplomatique, mais reconnaissez que face à l'ours russe indomptable, c'est un camouflet diplomatique pour nous tous, les Européens.
Je n'aime pas ce genre de maxime, l'ours russe indomptable.
Pour l'instant, il s'agit de menaces sur notre sécurité et je ne mélange pas, je ne donne pas des adjectifs valorisants à des menaces sur notre sécurité.
Vous les donnez au Président français. Dites-moi quel est le fruit de son action diplomatique sur ce plan ?
Le fruit de son action, c'est qu'aujourd'hui il y a au moins quelqu'un, parmi les dirigeants, qui résiste sans céder un pas et en laissant toujours une porte ouverte à la paix.
J'ai trouvé cela l'attitude la plus juste. Et en effet, il y a, en Europe, des dirigeants qui ont été, allez, je vais employer le mot le plus gentil, influencés par la Russie, influencés par Poutine, il y en a qui sont candidats à la Présidence de la République, nombreux sur les deux bords, qui ont vanté la fiabilité de Poutine, la rationalité de Poutine.
Expliquez-moi, on peut être équidistant entre les États-Unis et la Russie sans être pro russe quand même ? Est-ce que vous voyez des nuances dans les positions ?
Je ne sais pas si vous avez appelé cela de l'équidistance tous ceux qui sont allés se faire adouber par Poutine…
Dites le clairement vous parlez de Marine Le Pen ?
Pas seulement.
Dites-nous si vous visez quelqu’un ?
Il y en a plein. Avec des attitudes qui sont une telle reconnaissance que cela conduit à la soumission.
Moi en tout cas, je suis heureux qu'il y ait des forces, et notamment au centre de la vie politique française, une force dont vous savez bien que, dans l'histoire, jamais elle n'a cédé un millimètre à ce type de dictature là.
Pour quels résultats aujourd'hui ?
Le résultat sera celui que nous ferons.
Nous le voyons déjà sous nos yeux.
Je suis persuadé qu'il y a des sanctions. Vous parliez du gaz, très bien, je suis persuadé qu'il y a des sanctions, des modes de résistance, des manières de manifester quelque chose d'irréductible dans la position qui est la nôtre tout en ne se laissant pas entraîner dans l'engrenage de la guerre, si possible.
Vous nous direz de quoi il s'agit, parce que les sanctions n’ont pas eu d’effet jusque-là et sont revenues en boomerang sur les Européens.
Vous ne m’avez pas écouté. Je le répète, c'est un régime qui est sensible aux sanctions financières de ceux qui sont ses affidés, qui sont extrêmement engagés dans un certain nombre de choses. C'est un régime qui est sensible à toutes les questions de matières premières.
Vous savez que la Russie est un pays dont le PIB est extrêmement réduit, c'est le PIB, dit-on, de l'Espagne pour un pays qui est trente fois plus grand que la France et qui est à peine deux fois plus peuplé que la France. Et une armée d'un tel poids, d'une telle puissance fondée sur un PIB et une économie aussi faible, ce sont des zones de fragilité et donc je ne crois pas que nous soyons sans défense, sans armes, sans capacité de parler à condition que nous acceptions d'être nous-mêmes, c'est-à-dire indépendants des deux puissances qui s'affrontent.
Bien. Je vous ramène à la situation politique française.
Monsieur Bayrou, est-ce que l’on est au bord d'une crise de régime qui se joue sous nos yeux ? Si l'un des trois candidats, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, Éric Zemmour ou deux ou trois n'obtenaient pas leurs parrainages, vous avez dit, on risque un tsunami démocratique. Qu'est-ce cela veut dire ?
C’est ce que je crois. Vous observez comme moi la situation de la société française. Qu'est-ce qui est marquant ? C'est une extrême défiance des citoyens à l'égard des institutions, une extrême défiance.
Les Français ne croient plus à l'autorité, ne croient plus à l'autorité politique il y a longtemps, ne croient plus à l'autorité religieuse il y a encore plus longtemps, ne croient plus à l'autorité médiatique, ne vous trompez pas, vous êtes dans l'œil du cyclone.
Je ne m'y trompe pas. Mais nous sommes dans le même bateau.
Ne croient plus à l'autorité scientifique, ne croient plus à l'autorité médicale. Ils ont vu sur vos plateaux les médecins se déchirer entre eux et cela leur a laissé un goût amer.
Quelles conséquences ?
Et donc, quand il y a une situation de défiance comme celle-là, la question est que notre démocratie doit au moins leur garantir l'honnêteté des consultations.
Sinon quoi ? Je veux comprendre.
Vous comprenez très bien, je crois.
Je préfère que l'on formalise les choses, car si on en arrive à là, c'est important pour notre pays.
J'espère que nous n'allons pas y arriver. Nous allons en dire un mot.
Pourquoi ? Parce que vous avez cette initiative, il faut le dire, qui est saluée par tous, cette Banque des parrainages. Je rappelle que le site qui est mis en place s’intitule notredemocratie.fr et comptait hier près de 85 maires. C'est bien cela ?
Aujourd'hui nous dépassons 120.
C'est important, 120 maires capables de donner leur parrainage à ces trois candidats. Vous en espérez plus dans les prochaines heures et les prochains jours ?
Oui, je pense que nous en aurons plus parce que ces élus capables de parrainer disent une chose très simple : « nous voulons garantir que la démocratie soit transparente et que puissent se présenter même des gens avec qui nous sommes en désaccord profond parce que la démocratie, c'est cela, c'est souhaiter qu'il y ait une compétition des opinions et affrontement clair des opinions et nous voulons le faire, mais nous ne voulons pas être considérés comme des soutiens de ceux pour qui nous allons signer. »
C'est pourquoi nous allons ensemble collectivement prendre cette initiative de garantir que tous ceux qui sont inscrits là soutiennent parce qu'ils veulent une garantie démocratique, mais ils ne veulent pas être engagés contre leur gré.
On a compris, un parrainage ne vaut pas soutien, mais est-ce que vous dites que cette centaine de maires, on l'espère plus, pourra garantir que ces trois candidats, Jean-Luc Mélenchon Marine Le Pen, Éric Zemmour, puissent concourir à la présidentielle ?
Je l'espère, je ne suis pas sûr du résultat de l'opération, naturellement. Ils n'ont pas les signatures.
Il reste 7 jours ouvrables.
C'est très bien, on a tout à fait le temps en 7 jours. On a devant nous quelques jours pour que l'on puisse faire le bilan précis.
À qui manque-t-il des signatures ? Selon moi, il en manque aux trois et pas mal, en tout cas c'est ce que me disent mes contacts. Eh bien, on fera en sorte démocratiquement, collectivement, civiquement, c'est le vrai mot, de garantir qu'ils puissent se présenter.
Je vous avais interrogé il y a quelques mois et vous avez été l'un des premiers, il faut le reconnaître, à tirer la sonnette d’alarme sur ce sujet quand certains avaient dit que ces candidats se victimisaient et qu’ils exagéraient. On comprend aujourd'hui que ce n'est pas le cas.
Malgré tout, je voudrais vous faire écouter un candidat qui était hier à votre place, Fabien Roussel. Lui affirme qu’il ne veut pas encourager les maires, notamment communistes, à donner leur parrainage à des candidats dit-il d'extrême droite, comme Marine Le Pen ou Éric Zemmour et que s’ils n’ont pas obtenu ces parrainages, c’est de leur faute.
Écoutons.
« Si certains n'arrivent pas à les avoir, c'est qu'ils ont un problème avec la République, avec les élus pour ne pas réussir à les convaincre.
Je ferai tout pour que, en tout cas, de chez moi, il n'y ait aucune signature en direction de l'extrême-droite. Mais enfin, vous vous rendez compte le danger qu'ils représentent ?
C'est une attitude démocratique ?
C'est exactement ce que nous diagnostiquions ensemble. C'est confondre : je signe pour qu’ils puissent se présenter, même si je suis en désaccord profond avec eux.
Bien… Je signe parce que je soutiens.
Fabien Roussel, c'est assez simple, sans vouloir dire trahir des secrets, la dernière fois, les élus communistes signaient pour Jean-Luc Mélenchon.
Cette fois-ci, ils ont retiré ce soutien et c'est peut-être une des explications que l'on voit, là.
Moi en tout cas, je ne confonds pas l'attitude civique de ceux qui veulent garantir qu'une démocratie soit juste, honnête, transparente, qu'à l'intérieur on soit en désaccord profond, mais qu'au moins les citoyens aient la certitude que le vote est juste, qu'ils pourront exprimer leur opinion.
À ceux qui disent, oui, mais il faudrait peut-être faire barrage à des candidats qui ne porteraient pas des valeurs démocratiques, vous dites : c'est aux Français de choisir.
C'est aux Français de choisir et des candidats qui ne portent pas des valeurs démocratiques comme vous dites, il y en a sur tous les bords.
Je suis en assez grand désaccord avec la plupart de ceux dont vous avez cité le nom et même en opposition absolument franche avec ceux dont vous avez cité le nom et, cependant, je dis que nous avons le devoir et la charge de garantir que cette démocratie pourra être par les Français considérée comme leur instrument.
Vous savez, la démocratie, c'est le seul moyen que l'on ait trouvé pour que les fractures se réduisent un peu, pour que les affrontements se changent simplement en controverses, que l'on n'ait pas la guerre civile dans le pays. Il faut y ajouter un peu de compréhension réciproque et, si on peut, un peu d'humour parce que cela aide beaucoup dans la situation.
Cela manque.
Comment conclure, pas avec de l'humour, mais vous êtes pour la pluralité démocratique.
Je suis pour le pluralisme, pour la proportionnelle, je le suis pour la Banque de la démocratie que j'ai proposée.
Votre bulletin ne portera qu'un seul nom ?
Il n'y a aucun doute.
Pourquoi vous êtes convaincu de voter à nouveau pour Emmanuel Macron ?
Parce que j'ai observé pendant ces cinq années quelles sont les orientations profondes, où sa boussole va, et elle va à ce je crois le plus juste, une société qui se reconstruit, une France qui se réarme dans une Europe qui est dans le monde, une intervention en direction de la concorde et de la paix.
Si l'on a cela, si on n'oublie pas que l'on a beaucoup à reconstruire chez nous, écoles, reconquête de la production, organisation de l'État et aussi démocratie, alors je suis sûr que ce quinquennat sera un quinquennat utile.
Et, quand je vois l'état du monde et que je vois le rôle qu’y joue le Président de la République française je me dis : mais qui pourrait, parmi ceux qui se présentent, jouer le même rôle ?
En tous les cas, les autres l'ambitionnent également et c'est aux Français de choisir, vous l’avez très bien dit Monsieur Bayrou, on va attendre que le président se déclare officiellement candidat.
Merci d'avoir répondu à nos questions.
Merci à vous.