François Bayrou, invité du Grand Jury RTL / Le Figaro / LCI ce dimanche à 12h
François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité d'Olivier Bost dans l'émission Le Grand Jury RTL / Le Figaro / LCI ce dimanche 15 mai à 12H00.
Bonjour François Bayrou.
Bonjour.
Merci d'être avec nous aujourd'hui.
François Bayrou, qu'il est lent ce début de second quinquennat.
Emmanuel Macron a été réélu il y a 3 semaines et, depuis, pas de nouveau Premier ministre, pas de nouveau gouvernement, pas de précision non plus sur un programme de réforme qui n'a pas été très partagé pendant la campagne présidentielle.
Nous parlerons ensemble sur ces programmes de réforme et de transition écologique, de pouvoir d'achat, d'éducation notamment, nous parlerons aussi de cette nouvelle méthode qu’a promise Emmanuel Macron, là encore sans en dire beaucoup plus.
À mes côtés Adrien Gindre de TF1 LCI, Noëlle Ly de TF1 LCI pour relayer les questions sur tous les réseaux sociaux et, pour vous poser la première question, Guillaume Roquette pour le Figaro.
Cela fait trois semaines qu’Emmanuel Macron a été réélu Président de la République et on n’a toujours pas de nouveau gouvernement.
Pourquoi est-ce que cela prend autant de temps, François Bayrou ?
Vous savez, il y a des démocraties, beaucoup dans le monde -et j’ai toujours pensé qu'elles étaient bien inspirées - qui, entre l'élection et l'entrée en fonction ont une période, deux mois en général, pour s'installer, pour réfléchir, pour se poser, pour constituer les équipes. C'est le cas aux États-Unis.
J'ai un souvenir très précis, j'étais à l'époque ami de José-Maria Aznar quand il a été élu à la tête de l'Espagne et il a eu le temps, je suis allé le voir chez lui, avec sa femme. On a pris toute l'après-midi pour discuter.
Là, il s'agit d'une réélection.
Pour moi, c'est la même chose. Il n'est pas inutile - et je trouve que l'on devrait le réfléchir institutionnellement - d’avoir, quand l'élection est finie, une période où l'on se pose pour mettre les choses en ordre et pour peut-être constituer de nouvelles équipes.
À l'heure où nous parlons, le ou la prochaine Première ministre ou prochain Premier ministre est déjà en train de constituer son équipe ?
Rires…
C’est bien, vous avez de l'humour. Non, je ne crois pas, je ne crois pas que ce soit à ce stade. Cela va l'être. Je pense même, mais c'est un jugement personnel que j'ai souvent exprimé, que l'on aurait pu imaginer que le gouvernement de Jean Castex aille jusqu'aux élections législatives, mais il ne l'a pas voulu, le Président ne l'a pas souhaité. Mais vous voyez, cette période d'intermandat, elle va être évidemment marquée par le résultat des élections législatives, et il n'est donc pas stupide que l'on prenne un peu de temps pour réfléchir à tout cela.
Vous preniez des exemples en parlant de deux mois. Là, cela fait trois semaines. Est-ce qu’on va se préparer, est-ce que cela va durer encore plusieurs semaines ?
Non, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.
Je pense que le Président de la République a clairement indiqué ce qu'était le déroulement et le déroulement fait que c'est dans la semaine qui vient que l'on va avoir la réponse aux questions que, si impatiemment, vous vous posez et qu'il est légitime de se poser, car la situation nationale, internationale, mondiale est pour moi une situation d'une gravité si lourde que cela mérite que l'on prenne les choses à bras-le-corps.
Est-ce que vous connaissez le nom du Premier ministre ?
Non.
Une question sur les réseaux sociaux de Jean-Luc sur Facebook qui vous demande, Monsieur Bayrou : rêvez-vous de devenir Premier ministre ?
Il y a longtemps que je sais que la politique, ce n'est pas le rêve ! La politique, c'est simplement la mise en ordre, j'allais dire la mise en musique, de ses idéaux dans le réel et donc c'est une fonction très éminente pour la République.
J'ai autrefois essayé de conquérir la fonction supérieure et je l'ai fait avec beaucoup de bonheur et bon…
Vous avez été candidat à la Présidence de la République plusieurs fois.
Même trois fois, et c'était une très grande et très belle aventure dont beaucoup de compatriotes se souviennent chaleureusement, et moi aussi. On a le devoir d'occuper les postes à responsabilités quand on croit à quelque chose. Et je ne me suis jamais écarté de ce devoir-là. Simplement, vous voyez bien que le portrait-robot aujourd'hui ne correspond pas exactement, en tout cas du point de vue génétique, à ce qui est annoncé.
Est-ce qu’il est important pour vous, justement, que ce soit une femme Premier ministre ?
C'est moins important que les autres caractéristiques de cette fonction aujourd'hui éminente dans une situation si lourde que l'on ne peut pas s'en abstraire, mais c'est évidemment significatif par rapport à l'attente de la société aux temps que nous vivons.
Je vous rappelle qu'il n'y a eu qu'une femme, Édith Cresson, qui a été nommée Premier ministre par François Mitterrand.
Ce matin, elle dénonce encore dans le Journal Du Dimanche où elle s’exprime : une classe politique qui reste à ses yeux encore machiste.
Est-ce une analyse que vous partagez ?
J'ai beaucoup de mal à juger les gens à partir de leur genre.
Je le dis d'autant plus que, comme tout le monde le sait ici j'ai travaillé toute ma vie avec des femmes en leur faisant une confiance très fondée, mais pour moi ce n'était pas d'abord des femmes ou c'était des femmes et des partenaires de confiance absolue, des bras droits, je pense à Marielle de Sarnez évidemment, des personnalités.
Est-ce que vous êtes représentatif de la classe politique ?
Est-ce que je suis représentatif ? Vous savez, il y a beaucoup d’hommes misogynes, il trouve que je suis un homme philogyne ! Beaucoup d'hommes détestent la féminité et, moi, j'aime la féminité.
Pour poser la question autrement, est-ce que cela veut dire qu’Emmanuel Macron est trop exclusivement encore aujourd'hui entouré d’hommes et exclusivement d’hommes ?
Vous êtes en train de me dire qu'il va nommer une femme Premier ministre et vous faites le procès du fait qu’il est entouré d’hommes. Je ne suis pas pour les univers uni-genrés, unisexes, je suis pour les univers mixtes. Et je trouve que c'est dans la mixité, c'est dans le regard que les uns portent sur les autres que se trouve la richesse de l'humanité.
Il y a un texte formidable de Rilke que j'ai lu très récemment qui dit cela, et c'est magnifique d'imaginer que ces deux parties de l'humanité un jour réussiront à faire des choses que, seules, elles n’auraient pas pu faire, ni les unes ni les autres.
Vous considérez qu'aujourd'hui il y a une sorte de d'obligation morale à nommer une femme à Matignon ?
Je ne me suis pas prononcé sur ce sujet. C'est vous qui dites cela, ce sont les journaux qui le disent tous et c'est probablement auprès du Président de la République que cette question doit être posée.
Donc je considère qu’en effet cela a une signification pour la société française et pour le monde politique dont la nature, le caractère souvent violent, souvent excessif, souvent sans nuance est à mes yeux une faiblesse.
Est-ce que cela veut dire que toutes les femmes sont non excessives, non-violentes ? Je ne le dirai pas non plus, car j'ai beaucoup de mal à enfermer les êtres humains dans leur génétique de naissance.
Je pense que les êtres humains, c'est beaucoup plus complexe, les êtres humains, c'est 100 % leur génétique, 100 % innés et 100 % leur vie et peut-être 100 % quelque chose d'autre, donc ce mélange absolument subtil qui fait que nous sommes des êtres différents avec des qualités différentes, des aspirations différentes et j'espère un potentiel différent, c'est tout cela qui, à mes yeux, fait la richesse de l'humanité, et je déteste l’enfermement.
Tout à l'heure pour le poste de Premier ministre, vous parliez de plusieurs caractéristiques. Au-delà du genre, quelles sont les caractéristiques par rapport à la période, à l’époque, pour ce second quinquennat qui sont importantes à vos yeux pour cette nomination.
C'est une responsabilité très importante et très difficile et spécialement très importante et difficile aujourd’hui.
Que faut-il ? Premièrement, il faut ce que l'on appelle en anglais - je ne connais pas de mot en français meilleur - du leadership, il faut la faculté de s'adresser au pays, de dire à ses concitoyens à ses compatriotes des choses essentielles sur eux et sur l'avenir que l'on va construire ensemble, et d’être entendu d’eux.
Deuxièmement, il faut de l'expérience parce que c'est très difficile. Imaginez ce que va être la prochaine Assemblée Nationale.
Tout cela, c’est un Premier ministre très politique que vous êtes en train de nous décrire.
Oui, c'est plutôt, pour moi, la caractéristique principale.
Imaginez l'Assemblée Nationale que ce Premier ministre ou cette Première ministre montant à la tribune va avoir en face d'elle ou de lui….
Il faut une expérience gouvernementale pour vous, il faut que cette personne ait déjà été ministre ce serait mieux ?
Je vais user d'une parabole dont j'use très souvent avec mes amis.
Si vous avez besoin de traverser l'Atlantique et s'il y a du mauvais temps, et si le bateau n'est pas très assuré, est-ce que vous préférez choisir comme capitaine quelqu'un qui a déjà traversé mille fois l'Atlantique ou quelqu'un qui n'a jamais mis les pieds sur un bateau ?
Par exemple Édouard Philippe et Jean Castex n'avaient pas beaucoup d'expérience de gouvernement.
Gouvernementale, non, mais ils avaient l'un et l'autre une expérience de l'État et ils étaient élus locaux tous les deux à la tête de collectivités, importante pour l'un, significative pour l'autre.
Est-ce qu’il faut après deux Premier ministre venus de la droite, désormais un Premier ministre venu plutôt de la gauche, du centre gauche peut-être ?
J'aurais tendance à vous dire qu'il faut un Premier ministre qui soit en phase avec la vision du Président de la République - et cette vision est une vision centrale - qui aspire à dépasser la droite et la gauche. Et ce n'est pas moi qui ai plaidé pendant 20 années pour que la société française accepte de rompre avec cette logique stupide qui consistait à enfermer les gens dans une guerre de clans et de camps d'un côté et de l'autre...
En termes de signal, est-ce qu’il y a des noms qui circulent, ceux d’Élisabeth Borne ou Marisol Touraine sont tout à fait dans cet espace central, mais viennent historiquement plutôt du centre gauche quand Catherine Vautrin dont le nom circule également vient plutôt de la droite.
Je ne juge pas comme cela.
La troisième caractéristique, j’ai dit : il faut du leadership, il faut de l'expérience, c’est une empathie assez grande avec le Président de la République.
Je vais vous dire des choses très simples. J'ai connu un des gouvernements probablement les plus brillants sur le papier, c'était Mitterrand Président de la République - Michel Rocard Premier ministre.
On ne peut pas dire que c’était des indifférents, qu’ils n'avaient ni leadership ni expérience, mais ils se détestaient et quand le Président de la République déteste le Premier ministre, les choses ne peuvent que tourner mal.
En tout cas, l'ambiance au sommet de l'État ne doit pas être celle-là donc il faut cette empathie.
Je fais un portrait-robot, je ne sais pas si cette femme…
Cela existe, toutes ces caractéristiques ensemble ?
Je ne sais pas si cela existe, mais pour moi ce sont les éléments nécessaires ou qui devraient être nécessaires pour cette fonction.
Vous avez soufflé des noms au Président de la République ?
Non.
Une question des réseaux sociaux qui vient toujours de Facebook.
Aujourd'hui, si on vous proposait un poste au gouvernement, est-ce que vous le prendriez et, si c'était possible, quel est celui que vous choisiriez ?
A priori non.
Pour quelle raison ?
Parce qu'on ne revient pas facilement sur ses pas. J'ai été ministre de l'Éducation nationale, très heureux ministre de l'Éducation nationale alors que j'étais très jeune, il y a presque 30 ans.
J'y suis resté longtemps, j'ai aimé cette fonction, j'ai été épisodiquement ministre de la Justice au début de ce quinquennat, empêché pour des raisons complètement choquantes, enfin c'est comme cela et je ne vis jamais de regrets et de remords.
A priori, non, je n'accepterai pas une fonction.
Justement, revenons à ce point, vous étiez garde des Sceaux, vous avez démissionné après une mise en examen pour des emplois présumés fictifs au Parlement européen pour votre groupe. L’information judiciaire est ouverte depuis 2017. Cela en est où ? Pourquoi cela dure si longtemps ?
Parce qu'on n'a rien trouvé et rien pu trouver. Alors, probablement, cela se clôturera, mais ce que je dis là, je n'ai pas le temps de m'étendre…
C'est de l'acharnement ?
Il y a maintenant des décisions de justice qui montrent que ce que nous disons depuis le début était vrai, c'est-à-dire que cette affaire est complètement infondée.
Alors, naturellement, cela peut durer pendant des années.
Je m'arrête une seconde. Qui est visé dans cette affaire ? Le Front National, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Fabien Roussel dans une affaire similaire.
Vous observerez qu’on n'est jamais allé voir du côté des grands, soi-disant grands, autrefois grands partis.
Pour des raisons politiques ?
Je ne sais pas, pour des raisons de facilité.
J'ajoute une chose, je n'ai jamais considéré que le fait qu'un député aide son parti politique avec son assistant soit en quoi que ce soit immoral.
D'une certaine manière, c'est le contraire qui le serait. Je ne m'arrête pas sur ce point.
Cela peut être contraire aux lois et règlements, mais ce n'est pas immoral. Mais nous ne l'avons pas fait.
Pour revenir à la formation du gouvernement, il y a aujourd'hui trois ministres issus du MoDem dans le gouvernement.
Est-ce qu’il en faut trois dans le futur gouvernement ? Est-ce que cette question d'équilibre est importante à vos yeux ?
Ma réponse de Président de ce mouvement est : il en faut autant, et plus.
Je défends mes amis. On a un vivier.
Dont Sarah El Haïry, présente aujourd’hui dans le public.
Oui.
C'était un sourire de ma part, mais je vais répondre sur le fond.
Une de mes fiertés est d'avoir sauvé et développé un mouvement politique qui est d'une très grande intégrité et qui a su faire naître des générations nouvelles.
Quand je dis intégrité, c’est intégrité sur le plan de la philosophie politique que nous partageons, des valeurs comme on dit maintenant bien que ce terme ne soit pas idéal pour moi, d'une très grande solidarité entre nous.
C'est un commando, et c'est un commando qui a réussi, je crois désormais, à enraciner une image dans la vie politique française. Non seulement une image, mais une réalité d'une démarche politique singulière différente, et je crois aujourd'hui appréciée.
Pour continuer de nous projeter dans ce nouveau quinquennat, Emmanuel Macron a promis une nouvelle méthode.
Est-ce que vous pensez qu’Emmanuel Macron peut changer ?
Il n'a pas dit qu'il changerait lui, mais il a dit qu'il voulait une nouvelle méthode. Je pense que c'est très important pour lui, je pense qu'il y a beaucoup réfléchi.
Je ne sais pas s'il a trouvé toutes les réponses mais je suis certain que les réponses devront être trouvées.
De quoi s'agit-il ? Je vais essayer de le dire à ma manière à moi, qui ne l'engage pas lui.
Quand je veux parler du temps critique dans lequel nous sommes dans la société française, il y a pour moi un fait aveuglant, c'est qu'il y a une rupture quasi totale entre la base de la société française, les gens de la vie de tous les jours, les gens qui travaillent, les gens qui sont à la retraite, les gens qui sont au chômage, les gens qui ont des enfants, ceux qui n'ont pas de travail, ceux qui voudraient progresser, enfin ceux qui sont le tissu profond qui constitue la société française, entre eux et le sommet ou le prétendu sommet de la société.
Comment on règle cela ?
Il y a une rupture absolue et désespérante.
Si vous regardez la structuration des votes extrêmes, en tout cas des votes extrême-droite, par exemple qui était au deuxième tour de l'élection présidentielle et la structure de ce vote, comme disent les sociologues qui étudient cela très très bien, il y a une homogénéité totale.
Plus vous avez des salaires bas, moins vous avez de patrimoine et plus vous votez dans ce vote qui est un vote de protestation ou de sécession.
Pour moi, c'est un crève-cœur.
À quelle méthode pensez-vous ?
Comme vous savez, j'habite toujours le village où je suis né et, à cette heure-ci, précise, sans que je puisse y être et je les salue par votre intermédiaire, on inaugure une stèle sur laquelle il y a le nom des précédents maires du village et il y a le nom et la photo de mon père que j'ai retrouvée.
C'est donc dire que ce sont les miens, ce sont mes amis, mes voisins, mes proches et imaginer que ceux qui ont le moins d'avoir, le moins de pouvoir et le moins d'influence ou croient avoir le moins d'influence, ne se reconnaissent pas du tout dans ceux qui ont la responsabilité de diriger le pays.
Cela ne donne pas d’indication sur la nouvelle méthode.
J'y viens.
C'est l'échec d’Emmanuel Macron cette fracture ?
Non, c'est l'échec de trois, quatre, cinq décennies qui ont, au fil du temps, laissé s’amenuiser le lien.
Cela s’est peut-être aggravé ? Marine Le Pen a fait un score inédit au second tour.
Je ne sens pas les choses comme cela.
Je vois que l’on n'a pas réussi à renverser ce mouvement et la nouvelle méthode, qu'est-ce c'est ? C'est une méthode dans laquelle l'État et l'administration, et le pouvoir, auront trouvé, par une organisation différente, le moyen que personne ne soupçonne que ces responsabilités soient des privilèges.
Ce n'est pas parce que vous êtes en responsabilité que vous devez être ressenti comme un privilégié.
Les méthodes de décision, la rapidité de l'action, vous savez bien que tout se perd dans les sables, on annonce quelque chose à la télé et vous venez six mois après, rien n'a changé parce que « c'est en cours Monsieur le ministre ».
Tous ceux qui travaillent avec moi savent que je passe mon temps à dire : « Oui, je vous ai compris, c'est en cours. »
Rien ne bouge aussi vite que cela devrait, notamment parce que, vous, les réseaux d'informations, avez désormais engagé un rythme qui devrait être le rythme de l'action perceptible par les citoyens.
Donc, premièrement, la simplicité des échanges, la simplicité des réseaux de commandement, la rapidité de l'action et la personnalisation des choix, car on vit dans un univers politique dans lequel tous les choix qui sont faits le sont par des gens pour l'essentiel anonymes, or on doit mettre de la personnalisation...
…Associer les citoyens. Par exemple, pendant ce quinquennat, il y a eu la Convention citoyenne sur le climat avec des résultats controversés. Est-ce un instrument qui, de votre point de vue, est intéressant ou est-ce qu’au contraire il participe, comme vous venez de le dire, du ralentissement du processus de décision parce qu’il faut se concerter pendant des mois, etc. ?
Je pense que cela dépend des questions. Je pense que ces conventions peuvent être utiles sur des sujets très complexes.
J'ai été très frappé par l'Irlande. Vous avez vu que l'Irlande, dont vous savez la tradition catholique du pays, avait traité sans drame, sans affrontement violent, la question si délicate de l'IVG. Ils l'ont fait par des processus d'élaboration et de respect des différentes sensibilités.
Est-ce que vous souhaitez la même chose sur la fin de vie en France ?
On peut tout à fait envisager cela, mais, pour moi, tout ne peut pas se résoudre.
Nous avons un parlement, qu'il fasse son travail, qu'il assume ses responsabilités. Il y a des députés, des sénateurs, qu'ils fassent ce qu'il faut, qu'on les aide à faire ce qu'il faut.
Pour moi, le bon équilibre des institutions, c'est un Président fort, un gouvernement fort, un parlement fort et, pour l'instant, on n'est pas encore à cet équilibre.
Un parlement à la proportionnelle ? On n’y est pas non plus. Cela fait des années que vous le demandez.
Vous voyez bien les choses. S'il y a ce sentiment de rupture et de dépossession, c'est parce que personne n'a la certitude que sa voix soit utile.
Si vous êtes dans la majorité, vous gagnez tout le pouvoir, si vous êtes dans l’opposition principale, vous avez un peu voix au chapitre et si vous êtes dans ces mouvements-là qui sont des mouvements minoritaires, alors vous êtes totalement écarté et ceci est non seulement injuste, mais absurde.
Absurde, il n'y a aucune raison. Regardez les mouvements - j'en ai été pendant longtemps donc je sais exactement ce qui se passe - substantiels dans la société française qui portent et disent quelque chose et ils n'ont même pas le droit de monter à la tribune parce qu'ils n’ont pas de députés.
Mais on a 577 députés, vous ne trouvez pas qu'un courant qui représente quelques millions d'électeurs devrait avoir sa part normale et légitime ?
Et c'est pourquoi, oui, je défends la proportionnelle qui entraînera un mode de gouvernement complètement différent, surtout si l'on arrive à faire que le parlement ne soit pas perpétuellement bloqué, obstrué, dévié de sa responsabilité, comme il l'est trop souvent.
Une question de nos internautes : est-ce que le rôle d'un Président de la République, c'est de gérer les investitures des candidats aux élections législatives ?
Tous l'ont fait, à la suite les uns des autres. De Gaulle vérifiait nom par nom, et j'ai connu quelques autres Présidents de la République que le sujet ne laissait pas indifférents.
Tous considèrent que, quand on doit constituer une armée pour porter des sujets, c'est normal de s'y intéresser.
Quand Patrick Kanner dit que c’est honteux par exemple d'avoir vu Emmanuel Macron, cette semaine y compris, s'exprimer devant les candidats.
Parce que François Mitterrand ou François Hollande par exemple, je pourrais dire que j'en sais quelque chose, ne se sont jamais intéressés à ce sujet ? Non.
Ils s'y intéressent tous.
À présent, je crois que c'est la responsabilité principale des mouvements politiques. C'est à cela qu'ils servent. C'est leur rôle dans la Constitution.
Ils sont définis comme cela dans la Constitution, ils concourent à l'expression du suffrage, mais je puis aussi assurer que ce n'est pas parce que le Président de la République s'est intéressé au sujet que les mouvements politiques ont renoncé à cette responsabilité.
Vous avez une nouvelle organisation pour la majorité qui s'appelle Ensemble ! et qui regroupe votre parti, celui d’Horizons et celui d’Emmanuel Macron. Comment doit fonctionner Ensemble ! ? Faut-il un chef ou est-ce naturellement le Président de la République ?
Non, ce n'est pas le Président de la République. Le Président de la République a de l’influence. Ce n'est pas un chef de parti.
Le Président de la République y a naturellement des soutiens, cela s'est fait dans toutes les majorités au travers des temps, mais il est avant tout au-dessus des partis.
Il a avant tout une fonction de défense des institutions, de leur équité, il a avant tout une fonction de garantie aux yeux des citoyens que tout cela va marcher de manière juste.
Qui est le chef d’Ensemble ! ?
C'est Richard Ferrand qui pour l'instant a été désigné pour occuper cette responsabilité, avec Édouard Philippe et moi comme vice-présidents.
Qu'est-ce qui vous différencie encore aujourd'hui ? Quelle est la nécessité de garder trois partis sous une bannière commune ? Pourquoi ne pas faire une seule confédération ou un seul parti ? Est-ce que, sur le fond, vous proposez des options différentes ?
Non. Nous avons une histoire différente et nous avons des organisations différentes et peut-être, pour le nôtre en tout cas, une philosophie plus caractérisée.
La République En Marche ou Renaissance, ce n'est pas une sensibilité, c'est un rassemblement de sensibilités différentes, d'histoires différentes, d'organisations différentes.
Nous, nous nous sommes plus constitués.
Informations
Avant de parler des retraites, de pouvoir d'achat, d'écologie, également une question de TF1 LCI sur les élections législatives.
Vous rappeliez, il y a quelques instants, que ce sont bien les partis politiques qui se sont occupés des investitures. Vous y avez vous-même participé. Peut-être pourrez-vous nous éclairer sur un point, on sait que les candidatures sont très disputées, y compris entre partis. On a constaté qu'il n'y avait pas de candidat de la majorité face à Damien Abad, le président sortant du groupe Les Républicains à l'Assemblée. Pourquoi ne pas mettre un opposant de la majorité face à lui ?
Parce qu'il y a quelques personnalités à propos desquelles, nous avons eu, en tant que responsables de ce courant de la majorité, l'impression qu'elles avaient par leur indépendance d'esprit, par la manière dont elles exerçaient leur mandat, dont elles s'exprimaient, en étant peut-être moins virulentes dans les affrontements systématiques, qu'il était bon de faire un signe.
Alors même qu’il était le président du principal groupe d'opposition à l'Assemblée ?
Il ne vous a pas échappé que parmi les élus qui étaient dans ces groupes d'opposition à l'Assemblée, un certain nombre, d'un bord et de l'autre, se sont désolidarisés des attitudes agressives ou des accords désespérants.
Dans les Pyrénées-Atlantiques, David Habib, Vice-président de l'Assemblée, socialiste, dans mon propre département, n'aura pas de candidat de la majorité en face de lui.
Par leur attitude, "cochent-ils" les cases pour rejoindre la majorité, à vos yeux ?
C'est à eux de le dire. Peut-être aurez-vous observé que, dans toute ma vie, il y a une attitude que j'ai détestée, c'est la soumission, d'un bout à l'autre. Alors un psychanalyste trouverait peut-être des choses à dire s'il essayait d'approfondir cela !
Je déteste la soumission. Je trouve que dans l'engagement politique, on ne doit jamais aliéner sa liberté. C'est d'ailleurs la Constitution. Que ces élus-là, avec des sensibilités différentes et puis, s'étant peut-être trompés au fil du temps sur des sujets, disent : "oui nous regardons ce que le Président et la majorité font, au moins avec considération"…
Ce n'est pas seulement pour sauver leur poste ?
Il peut arriver que ce soit cela. J'ai perdu, un jour, mon poste de député pour des raisons d'engagement différentes de celles de mes amis… Bon ! Ce n'est pas le drame absolu de perdre un poste de député !
On peut se construire et se reconstruire, mais, en effet, peut-être un certain nombre d'entre eux ont-ils été sensibles à ce risque et ont voulu le conjurer ? C'est possible aussi.
Une question sur les réseaux sociaux : est-ce que, maintenant, vous vous entendez mieux avec Édouard Philippe ?
On ne s'est jamais mal entendu. On avait des positions différentes. Il y a eu des tensions entre nous en raison de ces positions différentes et peut-être aussi en raison de notre histoire, et peut-être aussi en raison du tempérament qui est le nôtre. J'ai un tempérament un petit peu bouillant, je le reconnais, et lui aussi !
Est-ce le Président de la République, par sa volonté, de parti unique, qui vous a rapprochés ?
Non. Je pense que nous nous sommes tous les deux aperçus que l'espèce de lutte fratricide, ou en tout cas "cousinicide" que l'on essayait de nous imposer, que les médias racontaient à longueur d'articles et vous‑mêmes brillamment, c'était idiot, que l'on n'était pas du tout voués à ces affrontements, dont peut-être un certain nombre de personnes pouvaient profiter.
Et que c'était plus intéressant, dans le moment que nous vivions, d'essayer de voir ce qui pouvait nous rapprocher et de construire quelque chose ensemble.
Dans 5 ans, chez Ensemble !, la désignation du candidat à l'Élection présidentielle, fonctionne comment ?
C'est une question qui n'a jamais été traitée.
Vraiment ?
Vraiment, ni de près ni de loin.
Peut-être, si un jour, cela devient une structure avec des règles, des statuts…
La question est taboue pour l'instant ?
Je vais vous dire quelque chose, l'Élection présidentielle, ce n'est pas une élection qui se décide par des structures d'appareil, et quand on essaie, regardez ce qu'il vient de se passer pour Les Républicains, regardez ce qu'il vient de se passer pour le PS, quand on essaie, on se casse la figure à tous les coups.
L'Élection présidentielle se constitue autour d'itinéraires et de personnalités qui, peu à peu, se sédimentent dans l'opinion. Vous savez, comme dans une rivière, il y a des sédiments, du sable et après cela devient compact, qui font qu'une femme ou un homme a un lien avec les Français.
C'est ce lien-là qui fait le choix. C'est ce lien-là qui fait l'investiture et tout le reste, en réalité, c'est inventé pour essayer de trouver une solution quand on n'a pas la personne qui a un lien avec les Français et on vient de le voir surabondamment.
On va évoquer un gros dossier de ce quinquennat : la réforme des retraites.
Le report de l'âge de la retraite, on le sait, une majorité de Français sont contre. Que doit faire Emmanuel Macron ? Doit-il largement organiser la concertation, comme vous le souhaitiez, semble‑t-il, sur d'autres thèmes, en première partie de l'émission, ou faut-il qu'il prenne ses responsabilités en disant : "de toute façon, je considère que c'est indispensable et, donc, on y va" ?
Parmi les changements de méthode que le Président de la République, pendant la campagne, a lui-même abordés, même si cela ne s'est pas vraiment entendu, il y a cette idée que je considère, moi ‑ je m'exprime à titre personnel, je ne suis pas du tout à sa place ‑ il y a cette idée que le passage en force ne fonctionne jamais.
On croit que si. On croit, parce qu'on l'a écrit dans un programme…
Comme avait essayé de le faire Édouard Philippe ?
Je ne mets pas en cause quelque démarche que ce soit. On a vu cela 1 000 fois.
Surtout avec le 49.3.
À titre personnel, m'exprimant pour moi-même et non pour d'autres, je pense que le passage en force est une mauvaise solution.
Il y a un homme que j'aimais beaucoup, qui était sympathique avec moi, qui s'appelait Václav Havel, qui a été le très grand Président de la Tchécoslovaquie d'abord, de la Tchéquie ensuite, un philosophe, un dramaturge, un homme de lettres.
Václav Havel, parlant de ceux qui veulent passer en force, qu'il appelle "les impatients en politique", disait : "ils sont comme ces enfants qui, pour faire pousser les arbres plus vite, leur tirent sur les branches".
C'est exactement ce que je pense. Je pense que, même sur les problèmes les plus difficiles, il faut que l'arbre pousse à partir de son biotope.
Donc, il n'y a pas d'urgence à agir, de votre point de vue ? Il ne faut pas se précipiter pour cette réforme ?
À partir de sa terre, à partir du sol, à partir du soleil. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas urgence. On peut, en 6 mois, faire mûrir une idée parmi les Français. Si vous avez la capacité de leur parler avec des éléments que tous pourront vérifier, dans une langue qu'ils comprennent, de les mettre devant le réel et de leur proposer des options, la solution va mûrir.
Défendez-vous toujours l'idée d'un référendum sur cette question ?
Je dis, si cette thèse de la réforme continue que je défends, de la réforme mûrie par les Français, échoue et si on arrive à un affrontement, alors il y a un moyen d'éviter le blocage du pays, parce que c'est de cela que l'on a souffert, le blocage du pays par des personnes minoritaires ou majoritaires, on n'en sait rien, c'est de se tourner vers le peuple en lui disant quelque chose de très simple : "nous avons construit la réforme la plus juste possible à nos yeux. On ne la fait pas pour nous. On ne la fait pas pour le Gouvernement. On ne la fait pas par idéologie, on l'a fait pour vous, pour que les pensions ne s'effondrent pas et que les cotisations n'explosent pas". Et là, on organise un référendum et la Constitution le prévoit sur ce type de sujet.
Vous prenez le risque de condamner une réforme ?
Eh bien, si c'est non, le Gouvernement devra en tirer les conclusions, il y aura un autre gouvernement. Michel Rocard a dit 100 fois que c'était une réforme qui userait 10 ou 15 gouvernements.
Je suis persuadé que l'on est plus près du but qu'on ne le croit, à condition qu'il apparaisse clairement aux yeux de tout le monde, que la justice dont je parle, la justice c'est quoi ? Les Français qui ont commencé à travailler tôt, les Français qui exercent des métiers pénibles, ceux-là, on en tiendra compte dans la réforme et à condition que l'on mette en valeur le fait que, dans cette réforme, en réalité, la retraite choisie ou la date de la retraite la plus choisie possible, leur ouvrira des possibilités nouvelles.
Je connais beaucoup de personnes qui aimeraient bien prolonger.
C'est possible aujourd'hui, on peut travailler jusqu'à 70 ans, sans aucun problème.
Prolonger et j'ajoute, avec une incitation.
On peut tout à fait imaginer que l'organisation de la retraite fasse que si vous décidez de travailler plus longtemps, eh bien, on vous donne quelques avantages.
C'est déjà le cas aujourd'hui.
C'est une idée personnelle, je n'engage personne, entendez-moi bien, on pourrait leur verser une partie de leur retraite, un pourcentage de leur retraite. Imaginez que l'on dise : "vous continuez à travailler pendant 1 ou 2 années de plus, on vous versera 10 % de votre retraite".
La prime d'activité pour les retraités !
Oui, vous voyez bien en quoi cette idée que je défends serait puissamment incitatrice, parce que, par exemple, un très grand nombre de femmes et d'hommes se retrouvent avec des enfants pas encore émancipés, alors qu’ils ont l'âge de partir à la retraite.
Ils travailleraient plus longtemps, en échange d'une sorte "d'avance" sur la retraite ?
C'est ce que je défends. C'est une incitation et si l'on construit comme cela, un projet dans lequel les Français reconnaîtront leurs attentes, leurs difficultés, leurs intérêts, mais aussi quelque chose qui ressemble à l'intérêt général, alors je n'ai pas de doute qu'ils pourront arriver à le soutenir, surtout si on ne laisse pas bloquer le pays.
Une autre proposition est soumise par Laurent Berger, le patron de la CFDT, opposant de longue date au report de l'âge de la retraite. Lui dit que si l'on veut trouver de l'argent pour rétablir les retraites, il n'y a qu'à rétablir l'ISF, un impôt sur le capital, sur les 10 % des Français qui ont le plus de patrimoine.
Le "Y a qu'à", et je le dis avec beaucoup de respect pour Laurent Berger, je ne crois pas que ce soit adapté, parce que l'idée qu'il suffit de créer de nouveaux impôts pour financer le modèle social français, est une idée que je trouve mal inspirée.
Je n'ai pas de doute qu'il y a des sujets ‑ je pense à la dépendance ‑ extrêmement lourds. Il y a des sujets qui tiennent aux entreprises, au Covid, si chaque fois on décide qu'il n'y a qu'à mettre un nouvel impôt…
Une réforme des retraites sans la CFDT, c'est possible, pour vous ?
Comme vous le savez, j'avais proposé une autre démarche pour l'ISF. Aujourd'hui, cela prendrait un sens complètement différent et je crois que cela donnerait, à des investisseurs, le sentiment que la France en revient à sa tendance, c'est, aujourd'hui, un des pays, pour ne pas dire le pays, le plus imposé au monde et donc, je trouve que l'on devrait se mettre dans ce cadre-là qui est : "on va résoudre les questions qui se posent sans perpétuellement créer de nouveaux impôts", si l'on peut.
Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie, a estimé que la France se trouvait face à des difficultés économiques considérables et que le plus dur était devant nous.
Est-ce que cette situation économique n'a pas été, sinon masquée, en tout cas, oubliée dans la campagne présidentielle ?
Il a complètement raison. Les difficultés que nous allons rencontrer sont, à mon sens, majeures et c'est pourquoi, je parlais au début, d'une situation préoccupante, spécialement dans l'état social du pays.
Vous aurez, à la fois, une France qui est fragilisée par ses fractures, et des vagues, pour ne pas dire, des tsunamis qui arrivent de l'extérieur. J'en cite deux, un que tout le monde a à l'esprit, c'est la guerre en Ukraine. Si l'on croit que l'on est au bout des conséquences de cette guerre, à mon sens, c'est que l'on n'a pas les yeux ouverts.
Conséquences économiques de l'inflation ?
Conséquences économiques sur l'énergie, sur la confiance, sur la place que l'Ukraine occupe dans le monde agricole et alimentaire mondial, pas seulement français.
Il y a une deuxième question, un second prisme que l'on ne regarde pas, c'est ce qu'il se passe en Chine. La menace du Covid en Chine, a fait qu'aujourd'hui, dans le port de Shanghai, il y a, certains disent plus d'un millier, d'autres disent au moins 500, 300 gigantesques porte containers qui sont bloqués, qui ne peuvent ni décharger, ni recharger.
À cause du confinement.
Et les usines sont bloquées à cause de la politique que l'on appelle "0 Covid", ce qui au passage permet de renvoyer les critiques sur la politique qui a été celle de la France et de l'Europe, au sens large, à leur véritable réalité.
La situation politique est en train de se retourner…
Laissez-moi finir ma démonstration parce que ce ne serait pas juste. J'en ai pour quelques phrases.
On va voir ces deux crises-là. Ce qu'il se passe en Chine, c'est l'interruption des circuits d'approvisionnement sur tous les produits et matières premières.
Je disais, certains disent 1 000, d'autres disent 500 porte containers, en tout, sur la planète, il y a 5 000 porte containers qui chacun porte, les plus grands, quelque chose comme 23 000 containers.
Vous représentez-vous ce que c'est pour l'approvisionnement, circuit imprimé ? Cela va tout changer dans la répartition des productions.
Je cite un exemple simple : un frigo, pour être transporté, c'est 100 $. Cela veut dire que si vous pouvez économiser presque 100 $, vous avez intérêt à le produire chez nous. Ces deux crises-là viennent et elles vont se conjuguer avec, peut-être, ce qui se prépare du côté du Moyen-Orient. Donc, si vous avez cela en tête, alors vous vous dites que, oui, la situation que nous allons affronter est une situation lourde, grave, préoccupante.
Dans ce contexte, peut-on continuer de dépenser sans compter ?
Est-ce l'inflation qui doit guider ? Autrement dit, faut-il tout augmenter à hauteur de l'inflation tant qu’elle dure ? Continuer avec les chèques !
On retrouve des schémas que l'on a connus dans notre histoire.
Il y a deux questions : l'inflation durera-t-elle ? Les économistes sont très partagés sur ce sujet. Certains pensent que les raisons profondes de l'inflation sont peut-être moins présentes qu'on ne le croit chez nous et la France s'en tire mieux du point de vue de l'inflation que tous ses voisins.
Deuxièmement, peut-on dépenser sans compter et ouvrir les robinets ? Non. Non.
Nous avons dû le faire pour le Covid et c'était juste parce que c'était une période pendant laquelle nous étions dans une économie de guerre.
Pardonnez-moi, mais la loi Pouvoir d'achat est exactement cela, c'est le robinet qui reste ouvert.
Non, je pense que l'on a une chose à faire : c'est retrouver les équilibres. C'est vrai pour la retraite, c'est vrai pour la dépense publique.
Et pour la dette.
C'est vrai pour la dette, en différenciant celle qui sert à l'investissement de la dette qui sert aux dépenses courantes.
Quand on va augmenter, et on peut s'en féliciter pour ceux qui sont concernés, les retraites, le point d'indice des fonctionnaires et les minima sociaux, il va bien falloir que l'on creuse encore cette dette pour financer tout cela.
Vous aurez l'explication de ce que le Président de la République a dit quand il a décrit ce à quoi son Premier ministre devait s'intéresser. Il doit s'intéresser au social, à l'écologie et il doit s'intéresser aux choix productifs du pays.
J'ai plaidé au commissariat au plan et ailleurs, sur la reconquête de la production parce qu'un très grand nombre des réponses aux questions qui paraissent insolubles, se trouvent dans la recréation d'un élan productif.
On n'y est pas du tout, nous avons là un déficit commercial qui, sur les 12 derniers mois, atteint 100 milliards d’euros.
Vous comprendrez pourquoi je me suis tellement battu sur ce sujet.
Vous n'avez pas été entendu visiblement.
Est-ce qu’il faut baisser la dépense publique ? C'est un autre moyen de rétablir nos comptes.
Pour l'instant, quand je vois les tenants de toutes les opinions qui se sont exprimées pendant l'élection présidentielle, je n'ai pas vu souvent de propositions de baisse de la dépense publique. Mais je pense que l'on peut rééquilibrer en faisant attention - ce n'est pas moi qui dirai le contraire, je suis à la tête d'une collectivité locale, dans laquelle on est obligé de faire attention, la mairie de Pau et l'agglomération dans laquelle nous vivons ‑ et en augmentant la production du pays, les emplois du pays.
Exemple, la question des retraites est difficile à résoudre, mais si on allait au plein-emploi, alors vous avez rééquilibré la question des retraites.
Voyez que tout se tient.
L'idée que nous sommes uniquement à la machette, avec un coupe-coupe, et que c'est le seul travail des dirigeants, est fausse.
On a de la marge !
Oui, vous avez raison, ce n'est pas moi qui vais dire le contraire !
Mais le fond de l'affaire, c'est que l'on se tourne vers les capacités du pays, il faut voir si on peut les mobiliser et si on les mobilise alors les choses se rééquilibreront, mais c'est un travail de longue haleine. Raison de plus pour insister sur la très grande responsabilité du Gouvernement qui vient et cette question, pour moi, c'est de transformer en politique, la volonté qui s'est exprimée dans un programme.
Politique, c'est-à-dire actions de tous les jours et vision de l'avenir du pays.
Parmi ces missions, il y a la transition écologique. L'architecture d'un Premier ministre, chargé de cela, avec deux super ministres, est-elle claire ? Fonctionnelle ?
On verra ; cela dépend des personnalités. Ce que j'ai en tête depuis longtemps, c'est que nous avons trois grandes questions écologiques devant nous.
La première d'entre elles, c'est l'énergie. Nous avons avec le commissariat au plan, produit un rapport qui, je crois, a changé l'état d'esprit autour du nucléaire.
Et toute proposition, c'est pourquoi il faut faire attention aux propositions politiques, quand Mélenchon et ses investis, et ses candidats, proposent de sortir du nucléaire, vous voyez bien que vous déséquilibrez complètement et la démarche écologique et la démarche économique du pays.
C'est une décision, si elle était appliquée, qui serait complètement irresponsable. Songez qu'il y a de telles demandes en électricité, que l'on verra exploser le prix de l'électricité sur le marché libre. Cette électricité que l'on achèterait, est produite en envoyant des millions de tonnes de CO² dans l'atmosphère. Je parle du charbon.
Les défis que vous listez là, prendront des années, souhaitez-vous rester à votre poste de haut‑commissaire au plan pour continuer ?
C'est une responsabilité à laquelle je suis attaché, que j'ai voulu voir renaître, qui peut être équilibrée, développée, mais ce sont des sujets dont je parlerai avec qui de droit.
France Stratégie, qui mène aussi des études en termes de prospectives, propose un secrétariat général aux soutenabilités. Ce serait une question de soutenabilité, l'écologie. Êtes-vous d'accord avec cela ?
Excusez-moi, je suis un Pyrénéen, "un secrétariat général aux soutenabilités ", chez nous, on a beaucoup de mal à comprendre ce que c'est !
Vous voyez bien c'est toute la question au fond de la stratégie pour que l'on trouve un équilibre à long terme. Je ne suis pas pour des machins techno supplémentaires. Je suis pour que l'on prenne nos responsabilités.
Je disais énergie, c'est la première grande question.
Il y a une deuxième grande question : la biodiversité. La question est essentiellement agronomique ou d'abord agronomique, c'est la question du sol, comment on rend le sol plus vivant ?
La troisième question, c'est changer nos modes de vie pour devenir frugaux, raisonnables, pour réparer plus souvent que l'on achète, une économie circulaire.
On ne va pas se lancer dans la décroissance par François Bayrou !
Je suis contre la décroissance.
Une question rapide sur l'Ukraine, actualité extrêmement importante : le Président ukrainien s'est exprimé négativement ces derniers jours sur le Président français. Il estime qu'Emmanuel Macron essaie en vain de discuter avec Vladimir Poutine et ne juge pas correct que le Président français soit prêt, selon lui, à des concessions.
Qu'est-ce que cela vous inspire ? Y a-t-il de l'ingratitude de la part de Volodymyr Zelensky ?
Non. C'est quelqu'un que je respecte, mais il est à la tête d'un pays en guerre, attaqué par son voisin, avec des changements stratégiques très importants dans l'art de faire la guerre. On se souviendra très longtemps de ce qui est en train de se passer.
Une armée surpuissante qui est arrêtée par des moyens modernes et la volonté d'un peuple. Donc, je comprends très bien sa position, mais je dis que le devoir du Président de la République française, pas seulement sa préférence, mais son devoir, c'est d'essayer d'éviter l'embrasement général.
Moi, je pense à tous ceux qui nous écoutent et à leurs enfants. Il y a des risques d'embrasement général.
De troisième guerre mondiale.
Il y a des risques de contagion terrifiante. Donc, celui qui est à la tête de la France et à la tête de l'Europe, essaie de maintenir malgré tout le lien en dépit des choix qui sont fous, insupportables, remplit son devoir et accomplit son travail.
Merci beaucoup, François Bayrou.