📻 📺 François Bayrou, invité du Grand Jury RTL / Le Figaro / LCI 

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Benjamin Sportouch, ce dimanche 7 février à 12h00, dans l'émission Le Grand Jury RTL / Le Figaro / LCI.

Bonjour, François Bayrou.

Bonjour.

Merci d'être avec nous aujourd'hui.

François Bayrou, vous avez jeté un sacré pavé dans la mare en remettant sur la table la proportionnelle pour les législatives, quitte à mettre dans l'embarras peut-être le Président de la République pour qui le dossier n'est pas, nous dit-on, sur le haut de la pile. Nous en parlerons dans la seconde partie de l'émission.

Avant cela, nous allons revenir sur la pandémie qui frappe notre pays depuis maintenant un an. Entre-temps, François Bayrou, vous êtes devenu Haut-Commissaire en charge du Plan, vous avez pour mission de vous projeter dans l'avenir, d'anticiper les besoins de la France et ses investissements.

Quand on voit notre échec à produire un vaccin contre la Covid-19, quand on voit aussi qu'une PME française, Valneva, a dû se tourner vers nos voisins britanniques car tout y est plus facile, on se dit que votre mission est complexe et surtout peut-être trop tardive. La France est-elle sur la voie du déclin ou peut-elle rebondir ? Nous en parlerons bien sûr dans cette émission.

Pour le présent, le temps est suspendu, François Bayrou. Pas de reconfinement et pour combien de temps ? Encore une fois ce matin, l'épidémiologiste Arnaud Fontanet, qui est membre du Conseil scientifique, a fait cette mise en garde : les chances de contrôler l'épidémie sont minces. On en vient à se demander si on ne joue pas avec la santé des Français, si on peut réellement attendre encore avant de reconfiner et voir le nombre de morts augmenter.

C'est drôle, si vous m'aviez interrogé il y a huit ou neuf jours, vous auriez dit qu'on est en train de reconfiner, que c'est comme si c'était fait. C'était annoncé par tous les médias, tous les observateurs politiques et tout le monde s'apprêtait à taper à bras raccourcis sur la décision de confinement.

Puis finalement, le Président de la République, à mon avis avec une liberté et un esprit de responsabilité que je trouve très juste, a pris le contre-pied de tout ce qui était annoncé.

Arnaud Fontanet se trompe lorsqu'il dit les chances sont minces ?

Non, je ne vais pas dire qu'Arnaud Fontanet, qui est un grand savant et avec qui je suis lié pour des raisons que vous observerez dans sa généalogie, se trompe. Ce n'est pas ce que je dis.

J'ai dit deux choses depuis le début : la première est que le confinement, c'est une décision de dernier recours, quand on a l'épidémie qui explose. Est-ce qu'elle explose aujourd'hui ? Les chiffres ne disent pas cela.

Faut-il attendre qu'elle explose ?

Les chiffres ne disent pas cela, ils disent que l'on est sur un plateau. Quand j'observe au jour le jour, parce que j'observe cela au jour le jour, on fait plusieurs milliers de tests par jour en moyenne à Pau. On a eu la courbe classique : au moment où cela allait très mal, on est monté à une contamination de 17 % dans les tests, puis on est redescendu peu à peu à 5 %. Par la suite, on a observé le même ressaut que partout ailleurs : on est remonté à 7,5 % puis on est descendu, en quinze jours, de 7,5 à 3 %.

Si ce n'est qu'il y a le paramètre de la vaccination qui a commencé.

Je donne des renseignements et des chiffres précis. Quand je regarde les hospitalisations et aussi les entrées en réanimation, à Pau et ailleurs, alors je vois que, pour l'instant, on n'est pas à l'explosion.

Il n'y a pas lieu de s'inquiéter pour vous ?

Il y a lieu de faire attention, ce n'est pas la même chose. Pour moi, je l'ai défendu beaucoup comme vous savez, y compris sur votre antenne : mettre un pays sous cloche, fermer le pays, bloquer tous les liens sociaux, à mon sens, c'est un risque qui est aussi très important.

Est-ce que cela ne risque pas d'être pire si on attend ? Aujourd'hui, on nous dit que c'est le dernier recours, mais si on attend pour reconfiner, est-ce qu'on ne devra pas reconfiner plus sévèrement et, du coup, freiner davantage l'économie ?

Je pense que notre devoir et notre responsabilité, c'est de vivre avec cette menace et de la contrôler tout en continuant à vivre.

Que les écoles demeurent ouvertes, on va heureusement si j'ose dire, avoir les vacances dans le calendrier. Donc on va, je l'espère, avoir un freinage de l'épidémie. Ce que j'observe, c'est que la très grande majorité des Français sont assez sérieux.

Ils font attention, ils mettent beaucoup d'espoir dans le vaccin. Je vous rappelle les polémiques sur le vaccin ! Quand j'ai demandé une carte de vaccination ou un passeport vaccinal, je me suis fait insulter et traiter de tout sur les réseaux sociaux.

Vous n'avez pas changé d'avis ?

Non, je n'ai pas changé d'avis. Du moment que l'on vérifie l'efficacité du vaccin et son innocuité, c'est la clef pour rouvrir la société, rouvrir la culture et rouvrir les universités.

Si vous me demandez sur quoi je me fais le plus de souci, c'est sur les universités.

On va y venir. Vous dites qu'il faut que la société vive avec le virus. Est-ce que vous allez jusqu'à dire qu'aujourd'hui, on peut rouvrir les musées qui sont des espaces assez grands et où les mesures sanitaires, les barrières sanitaires peuvent être respectées. Est-ce que vous dites qu'il faut que l'on s'adapte et qu'on les rouvre ?

Je pense que l'on peut rouvrir les musées avec toute la prudence nécessaire à l'entrée, en vérifiant que les deux mètres entre les visiteurs sont respectés. J'ai sorti en octobre, comme Commissaire au Plan, le premier rapport sur le thème : et si la Covid-19 durait ? Je crois qu'il n'y en avait jamais eu ni en Europe, ni en France.

Parce que, dès ce moment-là, mon intuition était qu'il allait falloir changer notre genre de vie et on est en train de changer nos modes de vie : les gens ne s'embrassent plus…

Est-ce que vous comprenez que le gouvernement n'ouvre pas les musées ou d'autres espaces qui pourraient accueillir du public ?

Je n'ai aucune intention de faire des polémiques avec le gouvernement, j'ai toujours défendu l'idée que, dans les cas de risque grave, on doit se serrer les coudes et faire bloc.

Je connais ceux qui prennent les décisions. Ils les prennent avec beaucoup de conscience, ils s'entourent de tous les avis et ils ont découvert que les scientifiques n'étaient pas toujours d'accord entre eux.

Ce que vous dites là veut dire que l'on a beaucoup ou trop écouté les blouses blanches à un moment donné ?

Je pense que la décision politique n'est pas délégable, y compris à des experts, parce que la décision politique doit prendre en compte la totalité d'une société, des personnalités de ceux qui la forment et des risques encourus. Je dis que le risque du reconfinement est considérable dans certains lieux, certains milieux sociaux, certains âges.

Avant que l'on revienne sur les étudiants, je voudrais que l'on soit précis sur le passeport vaccinal. Vous dites qu'on attend que tous ceux qui ont voulu être vaccinés puissent l'être pour mettre en place le passeport vaccinal ou vous dites qu'on le met très rapidement en place, au mois de mars, pour que les restaurants puissent rouvrir et que les personnes qui auront eu la chance ou la possibilité de se faire vacciner puissent y retourner ?

Vous avez bien vu que, pour l'instant, le gouvernement n'est pas sur cette ligne, mais je profite de ma liberté pour défendre des lignes qui ne sont pas toujours celles des décideurs et je pense que c'est bien.

À quelle échéance ?

Mon idée est très simple.

À partir du moment où le vaccin est efficace et sûr, alors la vérification auprès de chaque citoyen qui a pu être vacciné s'il le souhaite doit ouvrir des possibilités de réouverture des universités, de réouverture des lieux de culture.

Après tout, c'est exactement ce que l'on fait tous les jours. Quand vous allez en Guyane, c'est-à-dire sur un territoire français, on vous oblige à avoir une carte de vaccination de la fièvre jaune. De plus, chacun des bébés que vous avez été, assez récemment pour certains, a dix ou onze vaccinations. Autrefois c'était le tétracoq, maintenant on y ajoute des vaccinations supplémentaires. C'est le cas de chacun d'entre nous.

Cela veut dire que l'on peut rouvrir très rapidement au mois de mars si on est vacciné ?

Je veux bien vous dire précisément, en étant optimiste : dès l'instant que nous aurons les doses de vaccin, on peut vacciner très vite une très grande majorité des Français.

Je prends des chiffres précis. En France, il y a 22 000 pharmaciens d'officine comme l'on dit. Ils peuvent faire des vaccinations, ils ont l'habitude de les faire y compris contre la grippe. Il y a des médecins de ville. On peut monter très vite. Nous l'avons fait chez nous pour les tests, on a prélevé jusqu'à 2 000 personnes par jour. Ce n'est pas plus difficile de faire une piqûre de vaccin que de faire un test.

Le problème, ce sont les doses : on ne les a pas.

Vous avez raison : la question porte sur les doses, puisque l'appareil industriel, les laboratoires ont du mal à produire les vaccins.

On vient de décider que l'on allait produire du nouveau vaccin à Pau et c'est très bien, parce qu'on sait que l'on va avoir plusieurs dizaines de milliers de doses disponibles supplémentaires.

Vous rappeliez à l'instant qu'il y a des populations, comme les étudiants, qui sont en difficulté. Vous dites qu'on peut rouvrir certains lieux, en fonction de la vaccination. Est-ce que vous considérez qu'il faut changer un peu les priorités vaccinales et se dire qu'on va vacciner les étudiants en priorité pour leur permettre de reprendre une vie normale ?

C'est compliqué. Cela dépend du vaccin et des effets secondaires du vaccin.

Il y a des médecins qui disent, non sans raison, qu'il y a des effets secondaires plus importants chez les plus jeunes que chez les plus âgés avec certains vaccins et c'est donc aux médecins de dire si c'est possible. Mais si c'est possible, alors je suis pour la vaccination la plus large et pour que l'on puisse rouvrir la vie, et notamment la vie des jeunes, des étudiants.

Un mot sur ce sujet. Il y a des jeunes étudiants, au moment où ils entrent à l'université, qui sont extravertis, qui ont envie de s'amuser, de rire, qui rencontrent les autres et pour qui c'est facile. Et puis, il y a des jeunes garçons et des jeunes filles qui sont plus introvertis, qui ont plus de mal à rencontrer les autres, qui viennent souvent de milieux sociaux qui ne leur donnent pas ces facilités matérielles, de contact, de relations, de langue, etc. Et ceux-là souffrent beaucoup.

Pourquoi on n'ouvre pas les amphithéâtres ? On s'interroge tous ici et les Français qui nous regardent : les amphithéâtres sont très grands. Pourquoi ne dit-on pas que 50 % des étudiants peuvent y aller ? Aujourd'hui, c'est un jour par semaine. Est-ce qu'il n'y a pas une incongruité ?

Signalons qu'un jour par semaine, c'est une décision nouvelle parce qu'avant, c'était tout fermé. Je souhaite que l'on aille à une réouverture progressivement, mais à une allure soutenue dès l'instant que l'on aura des assurances du point de vue épidémiologique.

Ce n'est pas normal que les jeunes soient enfermés dans des chambres d'étudiants et parfois seuls.

Quand vous parlez d'assurances sur le plan épidémiologique, cela peut être dès maintenant ?

Sur le plan de la vaccination, vous poserez la question aux scientifiques que vous recevez souvent.

Vous parlez des doses de vaccins qui manquent. Est-ce que vous, Européen convaincu, jugez que l'Europe n'a pas rempli sa tâche puisque la commande s'est faite au niveau européen et que l'on en manque. Est-ce qu'il aurait fallu faire autrement ?

Il y a un an exactement, alors que l'épidémie approchait seulement à pas de loup, si on avait dit qu'on allait avoir une épidémie qui va toucher la planète tout entière, qui va mettre l'économie de la planète par terre, des secteurs entiers en tout cas, comme le voyage, le tourisme, l'aéronautique et donc les entreprises qui vont avec, mais qu'on allait être assez fort pour trouver un vaccin dans les six mois et qu'en février 2021, dans un an, on aura vacciné plusieurs millions de personnes, personne ne l'aurait cru.

Aujourd'hui, faut-il faire autrement ?

Naturellement, on peut toujours faire des reproches en disant que ceci n'a pas été bien fait ou aurait pu être mieux fait. En réalité, ce sont souvent les gens qui ne sont pas aux responsabilités qui pensent cela.

Est-ce que l'Europe n'aurait pas dû donner les moyens, comme les États-Unis ont fait, à des laboratoires comme Sanofi, comme Pasteur, en leur donnant la mission de trouver un vaccin le plus vite possible. Est-ce qu'elle n'a pas failli à ce moment-là ?

Non, je ne partage pas ce sentiment. Nous avons des choses difficiles à faire. Est-ce qu'on aurait pu faire mieux en Europe et en France, je suis sûr que oui.

Mais, il y a des décennies qu'on laisse trop souvent filer la capacité industrielle du pays, y compris dans la pharmacie. Il y a des décennies que tout cela est délocalisé, il y a des décennies que, gouvernement après gouvernement, on ne prend pas à bras-le-corps cette affaire en réalité.

Vous demandiez s'il n'a pas été trop tard de mettre ou de remettre un Commissariat au Plan ? Je me bats sur ce sujet depuis quinze ans ! Et je me bats sur le sujet de produire en France depuis quinze ans. Je ne dis pas que je sois vertueux, ni un ange plein de sagesse.

Il a fallu attendre 2020 pour comprendre que c'était nécessaire ?

Non, le Président de la République a mené une partie de sa campagne électorale sur ce sujet et les crises que ce Président de la République a rencontrées sont, je pense, les plus graves et les plus inédites que l'on ait eues à traverser.

Sur le produire français, quand vous entendez Arnaud Montebourg monter sur cette question, vous vous dites que vous avez un nouvel allié, quelqu'un avec qui travailler politiquement ?

Oui, je trouve que plus on est à pousser dans ce sens, mieux c'est.

Pour ouvrir sur un autre sujet pour l'avenir…

Attendez pour terminer : en 2016, Arnaud Montebourg nous explique qu'Emmanuel Macron avait reçu une note disant que l'on était en rupture de stock sur quatre cents médicaments stratégiques et qu'il fallait recréer une filière pharmaceutique nationale. Il dit que le Président n'a rien fait.

Ce genre de polémique, comme vous voyez, ce n'est pas la mienne. Je pense qu'il y a beaucoup de gens que ces polémiques lassent et exaspèrent.

Il y a plus de vingt ans, plusieurs décennies, qu'il y a comme une certaine indifférence, y compris des gouvernements auquel Arnaud Montebourg appartenait, même si je n'ai pas de polémique avec lui. J'essaie de regarder la réalité du pays et ce qu'il faut faire. Nous sommes devant une obligation économique, sociale et morale de reconstruction et de reconquête de l'appareil productif du pays.

Cela doit se faire avec tous ceux qui sont intéressés par cet objectif. C'est la raison pour laquelle je propose des évolutions dans les institutions pour que l'on puisse rassembler des forces différentes. Il est vital que l'on mesure que la France a des obligations qui sont plus importantes que celles de tous ses voisins.

Pourquoi ? Bien sûr, comme tous nos voisins, nous devons faire face à l'obligation de solidarité en face de cette crise, de cette épidémie, soutenir les entreprises, soutenir les salariés qui autrement seraient au chômage, soutenir les familles, c'est très important. 

C'est, d'une certaine manière, une économie de guerre. 

Deuxièmement, nous avons à penser la reconquête, notamment industrielle de la production au sens large du terme, du pays.

Un exemple concret ?

Je ne vais pas seulement donner un exemple concret, mais une certitude.

Nous avons le contrat social le plus généreux du monde.

Ce contrat social, cependant, s'il n'est pas financé par l’appareil de production permettant d'avoir des impôts et des salaires, il n'y a, écoutez-moi bien, aucune chance qu'il dure. Et donc, si nous sommes devant cette certitude-là, si nous voulons sauver le modèle social français, alors il faut faire de l'économique et de l'économique de reconquête.

Aujourd'hui, François Bayrou, quand on regarde le cas de l'entreprise de biotechnologie franco autrichienne Valneva, installée dans la région de Nantes et qui nous dit : « Nous avions un projet, nous avons sollicité la France parmi d'autres Gouvernements, mais le Gouvernement britannique a été le plus rapide à réagir » et cette compétence, cette production vont donc nous échapper. Nous serons concernés bien plus tard par la production de Valneva.

Que se passe-t-il en France aujourd'hui pour qu'on laisse échapper cela ?

Vous avez vu, deux sur trois des laboratoires qui ont gagné la course au vaccin sont dirigés par des Français. Que s'est-il passé ? Ce que nous constatons tous les jours : nos chercheurs, nous les formons, nous les promouvons, nous leur permettons d'arriver à l'excellence et puis ils sont captés par les États-Unis en particulier ou d'autres pays, la Suisse ou autres. C'est une responsabilité nationale.

Si nous ne sommes pas capables de regarder en face cette dérive à laquelle nous sommes exposés… Nous en aurons d'autres, chercheurs, mais cela est vrai en biologie, comme nous le constatons, mais également en économie. La Prix Nobel française d'économie vit aux États-Unis !

Il est d'urgence nationale que nous reconstruisions une capacité de notre appareil de recherche qui est, pour l'instant, fragilisé.

C'est une question de moyens ? C'est un pourcentage du PIB ?

Ce sont deux choses et notamment une question d'organisation. Si vous regardez la recherche médicale, ce que je fais dans le cadre du plan, vous vous apercevez alors que c'est explosé dans des multiples organisations, chacune étant indépendante et travaillant pour elle-même. Où est la possibilité de fédérer tout cela ? De faire travailler ensemble ?

Je prends un exemple très simple : la virologie. Dieu sait que nous sommes au cœur du sujet.

L'étude des virus et de leur propagation.

Sur la virologie, les chercheurs dans le domaine sont à l'intérieur de peut-être une dizaine d'organisations différentes.

Il faut donc une entité qui les regroupe ?

Il faut dans tous les cas une entité pour les fédérer. Je ne suis pas pour les fermes mexicaines où nous sommes tous ensemble, mais où est l'impulsion, le suivi ?

Ce n'est pas au Ministre de s'en occuper ?

Le Ministre fait ce qu'il peut. Je ne fais pas de polémique avec le Gouvernement.

Est-ce à l'État d'écouter les acteurs privés, François Bayrou ?

L'État a une responsabilité que nous avons abandonnée depuis très longtemps.

Quitte à investir 100 % dans une société privée ?

Oui, bien sûr.

C'est important, ce que vous dites là.

Bien sûr, quitte à investir, quitte à capter à notre tour des chercheurs chez nous, quitte à travailler avec des acteurs privés autant qu'avec des acteurs publics, avec la recherche privée autant qu'avec la recherche publique, mais il faut que nous reprenions la marche en avant.

Avons-nous moyens de le faire ?

Oui, nous avons les moyens de le faire, pourvu que nous pensions un plan sérieux.

C'est un Plan Marshall dont vous parlez ? Vous en parlez ce matin. De combien doit-il être doté ? Nous avons déjà un plan de relance de 100 Md€, ce qui est inédit, car il n'y avait même pas eu cela pour la crise de 2008. On se dit que 100 Md€ devraient permettre cette reconquête et là, vous dites non, il faut plus, il faut un Plan Marshall. De combien doit-il être doté et vers quels secteurs en particulier ?

Nous allons d’abord le définir. J'ai une idée d'ordre de grandeur des chiffres, mais le plus important, c'est que nous nous fixions des objectifs et nous organisions pour les atteindre.

Que s'est-il passé pendant des décennies ? Pourquoi y a-t-il eu tant et tant de délocalisations ? Car nous avons cru en France, les Gouvernements successifs et l'opinion publique successive, ont cru que ce qui était bon pour les entreprises était bon pour le pays. Cela est vrai, la plupart du temps, cependant, l'intérêt général ne se limite pas à la somme des intérêts particuliers.

Cette vision, qui est une vision de la responsabilité de l'État, capable de dire : « dans ce secteur, on est en train de faiblir, alors on va construire, attirer ».

Avec quel calendrier ? À quelle échéance, est-ce Plan Marshall justement ?

Ce sera l'œuvre de la décennie dans laquelle nous sommes et cela devrait avoir un horizon au moins à 3 ans pour se fixer des objectifs.

Comment et combien ? Les chiffres sont importants François Bayrou. Tout le monde nous dit que l'argent, en ce moment, on le trouve. On a trouvé 100 Md€. Cela veut dire que l'on peut le trouver pour un Plan Marshall.

On s'interroge. Avez-vous élaboré un chiffre en tant que Haut-Commissaire au plan ?

Oui, en tout cas, un chiffre que je propose. Vous êtes en train de poser la question de la dette.

Oui, mais d'abord des moyens que vous affectez à ce Plan Marshall.

La dette Covid, c'est la même question.

On finance le Plan Marshall par la dette ?

Oui, il n'y a pas d'autres moyens de financer un plan. Vous savez, le Plan Marshall, celui qui a permis la reconstruction de la France après la guerre mondiale, à partir de 1945-1946, et où Jean Monnet, le Commissaire au plan, était évidemment au cœur de cette affaire, c’étaient des crédits américains. Ce sont les Américains qui ont financé le redressement de la France, contre l'engagement d'acheter américain : les machines-outils, les machines agricoles, etc.

Il faudra peut-être des impôts pour tout cela ?

Vous voyez que vous tournez autour de cette question.

Cette fois-ci, évidemment, cela ne sera pas des crédits américains et heureusement d'une certaine manière.

Des crédits européens ?

Les Français doivent être capables de financer eux-mêmes leur Plan Marshall. Comment le financer ? Car nous avons l'immense chance, grâce à la BCE et aux Banques centrales de la planète, de pouvoir emprunter à des taux à 0 % pour l'instant.

C. Lagarde, la présidente de la BCE dit bien que la dette devra être remboursée.

Vous ne m'avez pas posé la question. Si vous la posez, je vous répondrai.

Comment la remboursons-nous ?

Nous avons la chance historique, sans précédent, aucune génération avant nous n'avait eu la chance, de pouvoir emprunter pour reconstruire la force, la capacité et la puissance de notre pays à 0 %.

Simplement, il y a en effet des personnes qui disent, il ne faudra pas le rembourser. À mon sens, c'est une énorme faute de penser comme cela. Pourquoi ? C'est très simple : vous en êtes les témoins dans votre vie, à l'instant même où vous dites à quelqu'un qui vous a prêté : je ne vous rembourserai pas ; vous ne pouvez plus jamais emprunter un euro.

À défaut d'augmenter les impôts, il faudra donc augmenter les taxes. Est-ce que l'on ne joue pas sur les mots ?

Vous me prêtez des réflexions qui ne sont pas les miennes. 

Vous dites donc qu'il faudra augmenter les impôts ?

Non, je ne dis pas cela. Je dis que votre manière de voir est courte ; pardon de vous dire cela.

Oui, nous avons et aurons des impôts ; oui, nous aurons des taxes le jour où nous aurons une économie qui aura retrouvé sa puissance. L'urgence est donc de se rendre compte tous ensemble, État et entreprises privées que nous avons à rendre à la France, la capacité économique, industrielle, productive au sens large du terme, aussi bien dans l'agriculture que dans les services, dont nous avons besoin pour financer cette solidarité.

Une courte pause et nous parlerons bien sûr de la proportionnelle.

Vous disiez et dites depuis quelques semaines, François Bayrou, que nous sommes dans une économie de guerre et se pose donc une question sur les vaccins.

Faut-il des moyens d'économie de guerre ? Pour les vaccins, faut-il rendre leur accès libre et faire tomber leurs brevets dans le domaine public ?

La multiplication des vaccins va, d'une certaine manière, jouer ce rôle. Cependant, si vous faites tomber les brevets dans le domaine public, cela veut dire que vous les rachetez aux laboratoires et naturellement ce sont…

On peut sinon considérer que c'est un effort de guerre ou de solidarité nationale au moment de la pandémie.

Honnêtement, cette question taraude beaucoup de personnes.

On est dans une économie de guerre, une pandémie qui fait des morts, tout le monde est inquiet. Il y a des vaccins ; ne faut-il pas les préempter pour les produire massivement et vacciner massivement dans le mois qui vient 60 millions de personnes.

Dans ce cas, vous achetez les licences et bâtissez ensuite l'appareil industriel ?

Vous ne pouvez pas imaginer que des laboratoires qui vont investir à perte pendant des années dans des recherches de pointe absolue, en prenant des risques financiers considérables et, le jour où ils trouvent, leur dire : « Mesdames et Messieurs, excusez-nous, mais on va prendre votre découverte ».

D’accord, alors pas de préemption, mais pourquoi ne pas acheter ces licences ?

Dites-vous, en tant que Haut-Commissaire au plan, que vous pensez que l'État pourrait acheter ces licences pour produire lui-même ?

Il y a combien de laboratoires qui sont en train de chercher des vaccins et d'en trouver, comme nous l’avons vu, grâce à cette voie de recherche nouvelle, appelée ARN messager. Combien y en a-t-il ? Plusieurs dizaines et, heureusement, la production de chacun d'entre eux, nous le voyons encore, puisqu'un troisième et peut-être quatrième vaccin viennent d'être homologués, si j'ose dire.

Je pense qu'il n'y a aucune raison de mettre en doute la recherche du succès et que le risque pris par des chercheurs et des laboratoires de pousser une voie scientifique et après de créer une petite entreprise partie de rien, une start-up comme on dit. Je trouve que c'est bien, que c'est vertueux, car l'idée selon laquelle, au fond, ce succès serait interdit, cette idée n'est pas la mienne et, si vous faites cela, vous allez stériliser un certain nombre de chercheurs.

Ce n'est pas interdit, mais la pandémie est là aussi.

Acceptez-vous que l'on se pose des questions sur la manière dont les choses sont organisées ? Ce matin Yannick Jadot, le Député européen écologiste, a dit qu'il veut une plainte contre la Commission européenne pour faire la transparence sur le processus de commande de vaccins.

Nous sommes dans un temps où la mode est de chercher des boucs émissaires, des coupables, des responsables et de clouer au pilori la terre entière. Quand ce n'est pas le Gouvernement, c'est la Commission, ou les entreprises privées. Je trouve que cette approche - pardon de le dire, je vais peut-être me faire mal voir, mais c'est ma liberté - est malsaine. Je trouve que l'approche qui consiste à être perpétuellement dans un temps de dénonciation de tout le monde… Si Yannick Jadot avait des idées différentes, je le respecte tout à fait, pourquoi ne l'a-t-il pas dit il y a 3, 4, 6 mois ? Il est Parlementaire européen, que je sache ! Il peut donc interpeller au Parlement européen. Je ne lui fais pas de procès et ne lui cherche pas querelle.

Je dis que l'idée selon laquelle la politique, la réflexion commune, la recherche d'un chemin consiste à perpétuellement désigner des coupables, cette idée est une « dérive » de la démocratie.

Je vais vous dire la définition que je préfère de la démocratie. Elle est d'un philosophe, Marc Sangnier qui disait : « La démocratie, c'est l'organisation sociale qui permet de porter à son plus haut la conscience et la responsabilité des citoyens ».

Responsabilité des citoyens.

Conscience et responsabilité des citoyens, de chacun d'entre nous.

Justement, on parle à l'instant de Yannick Jadot, mais Nicolas Hulot, dans le Monde, qui a été ancien Ministre de l'Écologie est très critique sur le projet de loi qui sera présenté mercredi en Conseil des Ministres, un projet de loi sur le climat.

Il dit de vous : « Je me désole de ne pas avoir entendu une seule fois François Bayrou, depuis qu'il a été nommé Haut-Commissaire, parler de transition écologique ».

Il se trompe, car j'ai reçu un certain nombre d'acteurs majeurs de la transition écologique pour des réunions très intéressantes et notamment sur la transition écologique sur les mobilités.

Il se trouve, comme vous le savez peut-être, que j'ai mis en place la première ligne de transport en commun à haut niveau de service au monde, à hydrogène.

Dans la Ville de Pau ?

Oui. La première au monde que viennent voir constamment, tous les responsables des plus lointaines villes.

Nicolas Hulot vous dirait que l'arbre ne doit pas cacher la forêt. Il y a un exemple, mais tant de choses à faire et la priorité ne semble pas celle-là aujourd'hui.

Vous trouvez que l'hydrogène n'est pas une priorité ?

La transition écologique est-elle toujours une priorité pour le Gouvernement et pour le Haut-Commissaire au plan ?

Elle est une priorité pour chacun d'entre nous, à condition de trouver des réponses concrètes et précises et celles que je donne ici, c'est-à-dire la transition par l'hydrogène comme vecteur de l'énergie issue de la puissance électrique est en effet une réponse que je trouve absolument essentielle. Je prends un exemple précis pour montrer ce qu'il en est.

J'ai reçu la responsable du Haut Conseil chargé de cette transition écologique, une jeune femme qui est en même temps en Angleterre où elle est aussi responsable de cette question, elle est également canadienne. Cette jeune femme dit qu’il y a une chose à faire : c'est électrifier la totalité du parc automobile français. Je trouve que tout cela, ce sont en effet des pistes intéressantes.

Cela pose deux questions. La première : où trouve-t-on l'électricité nécessaire et combien représentent la quantité d'électricité à produire pour faire fonctionner à l'électricité tout le parc automobile français ? La réponse est qu'il faut augmenter la production électrique de la France d'un ordre de 35 % à 40 %. Comment fait-on pour augmenter la production électrique si l’on ferme les centrales nucléaires ?

Vous êtes un défenseur des centrales nucléaires.

Je suis un défenseur de l'électricité décarbonée.

Et le nucléaire en est une pour vous ?

Le nucléaire, où nous avons la chance d'être présents qui si nous arrivons à régler les problèmes d'évolution, cela permet non seulement de fournir de l'électricité pour les voitures, mais permet aussi de fabriquer des cellules photovoltaïques.

Écoutez cette question de Grégoire Fraty, membre de la Convention citoyenne pour le climat, Convention citoyenne que vous n'avez pas épargnée, en parlant d'une acrobatie démocratique : « Bonjour Monsieur Bayrou, j'ai été tiré au sort pour la Convention citoyenne pour le climat. Vous avez émis beaucoup de doutes sur la démocratie participative qui, pourtant, associe enfin le politique et le citoyen. Au contraire, je pense que nous pouvons travailler ensemble et co-construire des choses nouvelles pour la République. Maintenant que la Convention citoyenne pour le climat a posé sur la table 149 mesures, considérez-vous que vous avez peut-être eu tort et que nos mesures sont loin d'être farfelues ? ».

Des acrobaties démocratiques ?!…

Je pense qu’il faut examiner sereinement et sagement les mesures proposées là. Sur quoi ai-je en effet émis des doutes ? J'ai émis des doutes sur le tirage au sort.

Et sur la méthode des collectifs qui se multiplient.

L'idée que la démocratie doit s'en remettre au tirage au sort - excusez-moi de le dire, mais ma chance est d'avoir gagné la liberté de dire à peu près ce que je pense avec le temps - c'est une négation de la démocratie telle qu’elle a été construite, de la démocratie civique qui consiste à choisir des délégués pour vous représenter, en tenant compte de leur personnalité et de leurs idées.

Que vous répond Emmanuel Macron ? Car c'est lui qui le met en place. On imagine bien que vous lui dites.

Je peux avoir des débats avec le Président de la République et je n'en rends généralement pas compte sur le plateau de RTL.

Cette idée-là, qui est une idée que certains défendent ardemment, et tout le monde considère que, même si l’on en pense du mal, il ne faut rien en dire. Personnellement, je pense que ce n'est pas cela la démocratie. Je pense que la démocratie, c'est précisément choisir des élus qui vont vous représenter, en connaissant leurs personnalités et leurs idées.

On va y venir. C'est bien évidemment dans le thème de la proportionnelle.

Question express d'abord : Pour ou contre le report de la réforme des retraites après 2022 ?

La réforme n'aura pas lieu avant 2022, nous pouvons en arrêter les principes.

Pour ou contre l'interdiction du voile pour les mineurs dans l'espace public, pour les fillettes ?

On ne sait jamais ce que l'on appelle voile. Le voile intégral, je rappelle, est interdit dans l'espace public.

Il y a franchement très peu de fillettes concernées par cela et je crois même que ce n'est pas dans cette coutume.

Pour ou contre un revenu universel réclamé aujourd'hui dans les colonnes du JDD par des Marcheurs de la majorité ?

Si l’on trouve un moyen de le faire, naturellement tout le monde est pour, mais je ne crois pas qu'il existe d'argent magique. Je ne crois pas que l'on puisse faire croire à une société qu'il suffit d'ouvrir le carnet de chèque, je ne crois pas cela. Je pense que la solidarité doit s'exercer précisément en étant responsables.

Cela veut dire, par exemple, qu'il faut une contribution exceptionnelle des plus riches en période de Covid ?

Tout peut être imaginé de cet ordre-là.

C'est-à-dire ?

Il y a toujours eu des impôts, c'est même le travail du Parlement. Le premier travail du Parlement est de travailler sur la matière fiscale. S'il fallait, pourquoi pas… Mais il faut savoir ce que l'on appelle les plus riches, car ce que vous ne savez pas, c’est que vous êtes parmi les plus riches. Le savez-vous ?

Vous aussi !

Bien sûr.

À partir de combien est-on riche ?

Cela dépend si l’on parle du patrimoine et d'autres éléments.

François Hollande avait, en son temps, dit 4 000 € mensuel.

Pour moi, 4 000 €, c'est la classe moyenne.

Pour ou contre quitter la majorité si la proportionnelle n'est pas votée ?

Non, je ne fais pas de chantage.

Vous avez adressé une lettre rendue publique au Président à propos de cette proportionnelle pour qu'elle soit mise en œuvre. Vous a-t-il d’ores et déjà répondu ?

Pour l'instant, pas, mais nous avons des conversations. Voyez-vous, la présentation que vous venez de faire est insuffisante.

C'est une question et vous allez pouvoir y répondre.

Si c'était une lettre de M. Bayrou au Président de la République, j'imagine d’abord que je n'aurais pas besoin de lui écrire ! Nous pourrions le faire de vive voix, mais l'originalité de cette démarche de lettre est qu'elle a été rejointe ou partagée, c'est un mot plus exact, par les responsables de très grands courants politiques du pays depuis l'extrême gauche jusqu'à l'extrême-droite…

Marine Le Pen a envoyé la même lettre.

… En passant par le centre et les écologistes.

Et c’est un sujet sur lequel les alliances avec les extrêmes sont possibles et souhaitables ?

C'est un sujet sur lequel l'alliance des citoyens est nécessaire.

A-t-on souvenir qu'il y ait eu une démarche de cet ordre dans la vie politique française ? À mon souvenir non. Que des forces opposées se regroupent ou en tout cas, s'affirment solidaires pour dire : on ne peut pas continuer comme cela, avec un parlement dont les électeurs se détachent, ne participe plus aux élections et lorsqu'ils ont une difficulté avec une décision qui va être prise, ils n'ont plus qu'une chose à faire, manifester, aller vers les blocages, les grèves et les violences.

C'est pour cela qu'il y a eu les gilets jaunes ?

Je pense que cela a joué un très grand rôle.

Si nous avions eu la proportionnelle, nous aurions peut-être pu l'éviter ?

Tout d'abord, ils auraient pu présenter des listes et peut-être avoir des élus, ce qui change complètement l'approche. En revanche, l'idée que la représentation est réservée aux majoritaires - car c'est cela la vérité, hier PS et LR, UMP de l'époque avaient tous les sièges ou à peu près - aujourd'hui, on y ajoute LREM.

L'actuelle majorité en est-elle convaincue, François Bayrou ? LREM et le Président de la République en sont-ils convaincus ?

Le Président de la République, c'est l’un de ses engagements de campagne.

En 2017, c'est ce qui explique votre ralliement ?

Ce n'était pas un ralliement, mais une alliance.

Un partenariat…

Il faut utiliser les mots exacts. Cela fait en effet partie de notre alliance.

Êtes-vous libéré de cette alliance s'il ne vous suit pas ?

Vous rêveriez que nous nous disputions, mais je vais vous décevoir, je n'ai aucune envie d'entrer dans ce genre de jeu.

Je pense qu'une démarche aussi inédite que celle-là, des grands courants politiques qui représentent, additionnés, la majorité des électeurs du pays et qui disent : « Nous pensons que cela ne peut pas continuer ainsi et que nous aurions une démocratie enfin vivante et respectée, si tout le monde y avait sa place ».

Pourquoi est-ce que je plaide pour cela ? Nous sommes en train de vivre une crise inédite ou tous les Français sont frappés, dont il faudra sortir…

Vous dites que c'est indispensable pour sortir de la crise, mais que se passe-t-il si vous n'êtes pas entendu ?

J'ai très bien compris votre question, mais je finis ma phrase.

On ne peut pas sortir de cette crise s'il n'y a pas une responsabilité, une co-responsabilité de tous les courants politiques du pays. Tout le monde aura d'une manière ou d'une autre à prendre ses responsabilités à la fin de cette crise. Encore faut-il pour que cela arrive que tout le monde soit respecté. Nous ne le sommes pas.

Pardon, vous savez que j'ai eu constamment des affrontements avec Mme Le Pen, mais cette dernière a été au deuxième tour de l'élection présidentielle et a fait 35 % des voix.

Selon les sondages, elle pourrait l'être et talonne le Président de la République en 2022.

Elle est revenue à l'Assemblée nationale un mois après avec six députés, soit 1 % des sièges. Elle fait 35 % des voix et revient avec 1 % des sièges…

J'ai fait, en 2007, 19 % des voix et suis revenu avec 0,5 % des sièges. 

Si jamais ce scénario se reproduisait, vous pensez que cela peut donner lieu à une explosion populaire de personnes insatisfaites ? Imaginons que le score de Marine Le Pen soit plus élevé qu'il l'ait été en 2017 et qu'elle se retrouve dans la position de ne pas avoir suffisamment de députés si tant est qu'elle ne soit pas élue.

Craignez-vous que cela se manifeste dans la rue, faute d'avoir une représentation fidèle ?

Je vois bien que vous rêvez de plaies et de bosses, mais j'essaie d'avoir une démarche qui n'est pas celle-là.

Je vous questionne.

Je ne suis pas dans la crainte et la terreur de ce qui pourrait se produire. Je cherche les moyens pour que cela ne se produise pas.

Pourquoi Marine Le Pen fait-elle des voix ? Car ceux qui lui sont opposés sont décevants pour les électeurs. Je voudrais qu'il ne le soit plus et que tout d'un coup les citoyens français voient se dessiner à l'horizon un chemin auquel ils pourraient adhérer, qu'ils pourraient respecter et se dire « celui-là, nous comprenons, nous voyons ce qu'il veut, cela pourrait nous intéresser au fond et nous y sommes impliqués ». Encore faut-il sortir de ce genre de fantasme !

Je ne crois pas au pire. J'essaie de mettre en place ou de proposer que se mettent en place les conditions pour que les choses changent.

Cela veut dire des coalitions ? La proportionnelle, comme vous le savez peut modifier les équilibres, c’est le principe et cela peut vouloir dire que, si demain le Président de la République est réélu, il devra peut-être composer avec de nouvelles formations à l’Assemblée ?

Il n'a pas arrêté de le faire depuis qu'il est élu. On vit avec une idée complètement fausse qui est qu'une fois élu, le Président de la République fait ce qu'il veut, une fois élu, et quand il a une majorité, il fait ce qu'il veut. Nous l’avons vu, les gilets jaunes, le mouvement contre les retraites, etc… Il n'y a pas de réforme qui peut être adoptée s'il n'y a pas adhésion du pays.

Vous comprenez cela ?

Ce qu'il faut chercher lorsque vous êtes Président de la République française, en sachant que celui-ci a plus de pouvoir qu’aucun président dans le monde, c'est l'adhésion du pays et le dialogue. Emmanuel Macron le sait bien.

Pourquoi ne le fait-il pas ?

Mais il le fait !

Pourquoi ne s'est-il pas emparé de ce sujet et avez-vous vraiment bon espoir d'aboutir, François Bayrou ?

Je ne mène les combats que quand je pense qu'il y a une chance de les gagner.

Avec le soutien du Président de la République ? 

Avec la prise de responsabilité du Président de la République. C'est lui, le garant des institutions.

Reste-t-il le temps pour le faire ?

Vous connaissez la constitution. Que dit-elle sur ce sujet ? Elle dit quelque chose d’extrêmement simple : la loi électorale garantit le pluralisme et l'équité de la représentation.

Vous trouvez que l'on a du pluralisme aujourd'hui ?

On verra si le Président vous entend. Vous dites que vous voulez aboutir, nous verrons bien et ce sera dans les prochaines semaines que nous serons fixés.

C’est l’heure des questions net.

Vous avez déclaré il y a quelque instant que 4 000 € correspondait à la classe moyenne ; mais, au contraire, c'est être très riche, cela correspond aux cadres et aux chefs d'entreprise, c'est ce qu'ils touchent. Êtes-vous sûr que ce chiffre correspond vraiment à ce que peut gagner la classe moyenne en France ?

Un revenu de 4 000 €, je ne dis pas que ce sont les riches.

Ce n'est pas très fréquent aujourd'hui comme revenu.

Seulement 10 % des Français gagnent plus de 3 000 € par mois.

Si vous me demandez si, à 4 000 €, on est riche, ma réponse est non.

Vous avez aussi dit en début d'émission que vous étiez favorable à la réouverture des musées.

Plusieurs internautes espèrent que vous aurez gain de cause et veulent savoir si ce sera pareil pour les cinémas. Êtes-vous d'accord pour rouvrir les cinémas ?

Je pense qu'en raison de la promiscuité, les cinémas rouvriront dès l'instant que nous avancerons sur la vaccination.

Les musées, oui, mais pas encore les cinémas ?

Vous savez que dans les musées, on peut avoir 5 mètres de distance entre nous, puisque ce sont généralement des salles très hautes et il y a moins d'aérosols qui peuvent créer des risques.

Vous avez compris : ma position est autant que possible, d'aller plutôt vers une réouverture que vers une fermeture, à condition que les précautions sanitaires soient prises…

Et le plus tôt possible.

… Et notamment pour les étudiants, je l'ai beaucoup dit. J'insiste sur ce sujet.

Nous avons reçu une question par rapport aux tests salivaires : à défaut qu'ils puissent se faire vacciner en priorité, ne faut-il pas multiplier les tests salivaires pour pouvoir permettre la réouverture des universités et pourquoi leur homologation a pris autant de temps ? N'y a-t-il pas eu un raté ?

Je ne suis pas compétent pour vous répondre.

Vous n'estimez pas que l'on a pris trop de temps et que cela pourrait aider ?

Si cela se fait dans les écoles, pourquoi pas ailleurs ?

Concernant les tests salivaires, la question est : donnent-ils les bonnes réponses ?

J'ai vu beaucoup de polémiques sur ce sujet : y a-t-il des faux positifs et des faux négatifs ? Je suis donc prudent sur la réponse.

Un décret va permettre aux salariés de déjeuner à leur bureau pour éviter les risques de contamination à la cantine. Il y a une semaine, c'était pourtant considéré comme dangereux.

Vous vous en doutez, les internautes sont perdus. Comprenez-vous vraiment cette administration qui se mêle de tout et peut même donner le tournis à certains internautes ?

J'ai parfois l'impression de m'entendre parfois quand je vous écoute. Je pense que c'est plutôt moins dangereux de déjeuner au bureau que tout autre mode.

Est-ce vraiment le rôle de l'administration d'aller dans ce détail ?

Je pense que l'administration en France, mais peut-être pas seulement en France, a une propension à préciser des détails que peut-être le bon sens aurait pu…, mais, comme je ne voudrais pas être à leur place, je n'ai pas l'intention de les critiquer.

Merci beaucoup, François Bayrou.

Très belle semaine, à la semaine prochaine.

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