📻 📺 François Bayrou, invité du Grand Jury RTL / Le Figaro / LCI

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Benjamin Sportouch, ce dimanche 4 juillet à 12h, dans l'émission Le Grand Jury RTL / Le Figaro / LCI.

Bonjour à tous, bienvenue dans le grand studio de RTL.

Bonjour à vous, François Bayrou.

Bonjour.

Merci d'être avec nous aujourd'hui.

Cette émission est bien sûr en direct jusqu'à 13 heures. Vous pouvez adresser toutes vos questions, vos interpellations à notre invité sur les réseaux sociaux. Ce sera relayé en fin d'émission.

En avril dernier, vous prédisiez que les Français, je vous cite, « auraient envie d'aller prendre l'air plutôt que d'aller voter aux régionales ». L'abstention record vous a donné raison, François Bayrou, mais quel intérêt de voir juste, d'être oracle, quand personne ne vous écoute ?

Vous pensiez pourtant avoir l'oreille d'Emmanuel Macron, François Bayrou, mais il ne vous a pas entendu.

Vous avez aussi parlé dans le vide quand vous réclamiez la proportionnelle, tout comme un plan Marshall pour relancer l'industrie française.

Nous y reviendrons dans cette émission.

Est-ce le signe que votre parole ne porte plus ou que le chef de l'État n'écoute pas, y compris ses propres alliés, dont vous êtes, dont le Modem est au sein de la majorité ou est-ce les deux ?

Du coup, on s'interroge aussi sur votre utilité véritable à la tête du Haut-Commissariat au plan, censée dessiner l'avenir, alors même que les préoccupations des Français sont d'abord immédiates et qu'ils exigent de leurs politiques qu'ils y répondent et dès la prochaine présidentielle, ce sera bien sûr dans le débat.

Tout cela sur fond de pandémie toujours menaçante.

Ce matin, dans le Journal du dimanche, près de cent médecins réclament la vaccination obligatoire pour les soignants sans tarder. On sait que le Gouvernement y réfléchit.

Considérez-vous qu'il faut franchir le pas, y aller ? Les Députés de votre parti voteront-ils ce texte s'il est présenté à l'Assemblée ?

Depuis le premier jour de l'épidémie - et cela m'a valu bien des polémiques - j'ai pensé que la seule issue était la vaccination.

Je pense qu’un jour ou l’autre, dans un pays où je vous le rappelle chaque bébé qui naît reçoit 11 vaccinations obligatoires, dans un pays où pour aller dans un département français, la Guyane, il faut être obligatoirement vacciné contre la fièvre jaune, autrement dit la vaccination fait partie de la vie et c'est probablement la conquête médicale avec l'hygiène la plus importante depuis le début des temps et c'est un Français, Pasteur, qui l'a inventé.

J'ai donc toujours pensé que cela finirait par la décision collective de rendre la vaccination obligatoire.

Pour toute la population, la vaccination obligatoire ?

Comme les onze vaccinations que l'on donne au bébé à la naissance.

À partir de quel âge ?

On peut faire des échéances.

Je vais vous dire quelque chose qui va peut-être vous surprendre. Je vis avec une hantise en face de ce virus, c'est qu'un jour une mutation fasse que le virus devienne nocif et extrêmement nocif pour les enfants.

Jusqu'à maintenant, au fond, la société n'a pas été en profondeur bouleversée, elle a été en profondeur changée, arrêtée, mais elle n'a pas été en profondeur traumatisée jusqu'à l'âme, car cela touche des populations plus fragiles et des personnes âgées, ce qui est naturellement extrêmement grave, mais cela ne met pas en cause l'âme d'un peuple.

Si cela touchait les enfants, et les enfants en bas âge, alors je crois que l'on se trouverait devant des vagues qui mettraient en cause la stabilité même de la société.

Cela, c'est possible si jamais il n'y a pas de vaccination obligatoire ? C'est ce que vous dites.

Comment peut-on faire pour se prémunir contre des mutations ? Pour cela, il faut que l'on freine la propagation du virus.

À partir de quel âge le vaccin obligatoire ?

On ne peut freiner la propagation du virus que par la vaccination.

Je rencontrais hier des personnes qui font vacciner leurs enfants à l'âge de 12 ans, pour qu’ils puissent avoir la liberté d'aller, de venir, de participer à des rencontres familiales ou amicales.

C'est au médecin de le dire, mais la vaccination est la seule digue contre ce qui nous pend au nez, ce qui menace d'arriver, qui est une quatrième vague, pourquoi pas une cinquième.

Vous avez vu les mutations en cours et très frappantes en Grande-Bretagne.

Si l’on dit : on rend la vaccination obligatoire pour tout le monde.

Je crois qu'on le dira un jour.

Le souhaitez-vous ?

J'ai toujours pensé que c'était la seule issue.

Que fait-on pour ceux qui refusent de se faire vacciner ?

Commençons par la persuasion et l'incitation avant de penser à la répression.

Je connais des personnes de très bonne foi qui ont peur de se faire vacciner. Je pense que cette peur est irraisonnée.

On a 30 millions de personnes vaccinées en France. Combien d'accidents ?

On dit qu'il est trop tôt pour connaître les effets secondaires, avec un vaccin nouveau dans cette nouvelle technologie, ce fameux ARN messager.

Est-ce vraiment nouveau ? C’est une autre question, mais cela va être, à n'en pas douter, une arme formidable, contre, pas seulement les virus, mais également contre un certain nombre de maladies, comme les cancers.

Certaines tumeurs seront éradiquées grâce à l'ARN messager qui est un message envoyé au système immunitaire pour cibler quelque chose.

Il pourrait y avoir en réaction un mouvement d'hostilité si on rend les choses obligatoires.

Quand vous êtes un gouvernant ou un responsable, il y a toujours la certitude que quelque décision que vous prendrez, vous aurez un mouvement d'hostilité.

Je ne connais pas de décision importante qui n'en ait pas provoquée, mais la grandeur de la responsabilité d'un dirigeant est de dire : En conscience, j'ai profondément consulté, travaillé, réfléchi sur ce sujet, je vous dis que c'est ce qu'il faut faire.

Vous dites il faut persuader.

Je dis que c'est une première étape, persuader, inciter.

On pourrait le faire concrètement.

Seriez-vous favorable que l'on réserve l'accès aux transports en commun aux personnes vaccinées avec un contrôle des passeports sanitaires à l'entrée des métros ?

Il n’y a aucun doute que, pour les spectacles et les rencontres sportives, c'est ainsi que cela se passera. Vous ne pourrez rentrer en tribune que si vous faites la preuve que vous avez participé vous-même à la lutte contre le virus.

Est-ce qu’on va plus loin, est-ce qu’on le fait pour les restaurants, dans les trains ?

Je pense que cela viendra.

Quand ?

Assez vite. Vous avez entendu les médecins et les épidémiologistes qui disent que la quatrième vague se joue maintenant.

C'est au nombre de vaccinés aujourd'hui que l'on va savoir si l’on peut freiner ou empêcher cette quatrième vague qui nous pend au nez. Vous avez bien vu le variant qui revient…

Ce que vous nous dites, c’est que s'il y a un projet de loi du Gouvernement pour rendre la vaccination obligatoire pour les soignants, puis la population générale, vous le voterez ? Le groupe du Modem ?

Chacun est libre.

Vous êtes Président du MoDem.

J'essaierai moi-même de persuader et d'inciter et de suivre les deux premiers actes que je recommande.

Craignez-vous des tensions entre vaccinés et non vaccinés ?

Non. Sur les 30 millions de vaccinés, vous auriez fait un sondage il y a 6 mois, 15 millions vous auraient dit : Je ne veux pas être vacciné.

Puis, ils ont vu autour d'eux que cela se passait très bien, qu'il y avait deux jours ou un jour et demi où l’on est un peu fiévreux, souvent la deuxième vaccination quand ce sont des vaccins à ARN messager.

Bon, et c'est passé et tout le monde en bonne santé et il n'y a aucun problème, car il n'y a aucun problème.

La vaccination n'est pas un affaiblissement.

Il y a parfois des effets secondaires forts.

Quand vous dites parfois, c'est 1/1000. La vaccination n'est pas un affaiblissement de l'organisme, mais un renforcement de l'organisme.

C'est en quoi Pasteur a été absolument génial en inventant, et dans des circonstances de risques incroyables, le vaccin contre la grippe.

La médecine de l'avenir sera une médecine fondée sur l'immunologie en grande partie, et les thérapies géniques. C'est une mutation qui est en cours.

Il faut donc rassurer. Il n'y a, dans la quasi-totalité des cas, aucun effet secondaire. Après, bien sûr, dans toute activité humaine, il peut y avoir un accident.

J'entendais un grand médecin raconter que, si l’on vous injectait de l'eau salée, il pouvait y avoir des accidents - enfin du liquide physiologique.

Vous dites qu'il faut la vaccination obligatoire, certainement à terme. Le Gouvernement devra se prononcer et se positionner. Il est en train de consulter les élus locaux.

Autre sujet sur lequel le Président de la République va devoir arbitrer, c'est la réforme des retraites. C'est un sujet très important.

Vous avez dit ici même il y a quelques mois que vous étiez défavorable à une réforme d'ici la présidentielle.

Êtes-vous pour jour sur cette ligne ?

Mon problème, c’est que je ne change pas beaucoup d'avis et il arrive qu'on me le reproche.

Je pense que la période électorale n'est pas favorable pour faire passer à la va-vite une réforme.

Je pense que le Président de la République, s'il se représente, les candidats à l'élection présidentielle, vont chacun défendre un principe de réforme et cela aura valeur d'une orientation extrêmement forte.

J'ajoute qu'ayant en effet mes lignes de conduite, j'ai toujours pensé qu'une réforme difficile comme la réforme des retraites, il n'y avait qu'un moyen de la faire passer sans bloquer le pays, c'est de dire qu'au terme de sa préparation, ce sont les Français qui choisiront par référendum.

Sur cette réforme, vous dites "pas maintenant".

Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire dit : Il faut montrer que la France continue à se réformer, ne serait-ce que parce qu'elle est lourdement endettée et, donc, il faut rassurer les personnes qui ont prêté de l'argent.

Nous sommes à dix mois de l'élection Présidentielle. Chacun peut avoir ces préférences quant au rythme.

Je suis extrêmement attentif au caractère de participation des citoyens.

Vous avez vu que tous les syndicats sans exception se sont prononcés, et le patronat aussi, en disant : il faut juste que l'on respire à cette rentrée et, naturellement, il faudra reprendre les réformes après.

Certains proposent de repousser l'âge légal à 64 ans sans faire le système universel, sans faire les régimes spéciaux.

Je ne sais pas ce que veut dire faire des fragments de réforme. C'est au Président de la République de choisir.

Vous lui avez dit, votre avis.

Il connaît mon avis, je crois. Je sais qu’il envisage toutes les hypothèses.

Il envisage cette réforme ? C'est ce que vous dites ?

Permettez-moi deux phrases sur ce que vous avez dit.

Je pense qu'il manque une arme à la démocratie française, une arme décisive, c'est que le référendum est totalement dénaturé - le général de Gaulle l'a voulu comme cela aussi. C'est un couperet, cela veut dire stop ou encore.

C'est une motion de censure ou une motion de soutien en direct de l'opinion, mais cela ne devrait pas servir à cela. Si l’on regarde la Suisse qui, je considère, montre, de ce point de vue, un exemple, le référendum en Suisse sert à trancher des questions complexes pour que cette décision populaire ne soit pas remise en cause.

Avec de très faibles taux de participation, François Bayrou, dans les votations suisses. On va y venir sur l'abstention.

On va y venir. Mon sentiment est qu'il y a un certain nombre de questions dans lesquelles on serait plus fort si on les faisait trancher par les Français et si on les remettait à leur décision.

On fait la présidentielle et juste après on consulte les Français au moment des législatives ?

Non, cela ne se passera pas comme cela, car d'une certaine manière, la présidentielle va servir d'orientation.

Ce serait dans le programme ?

Je reviens sur les principes.

Si on allait à une réforme qui soit une réforme qui heurte, qui rencontre la résistance d'une grande partie des organisations syndicales et patronales, que se passerait-il ? Quelque chose d'extrêmement simple, le pays serait bloqué.

Quand vous voyez qu'il y a eu des blocages de certains syndicats dans les aéroports et dans les trains le premier jour du départ en vacances et que cela heurte le sentiment populaire à un point qu'il est difficile d'imaginer…

Vous trouvez cela scandaleux, ces grèves ce week-end ?

Je trouve cela à l'encontre de tous les devoirs que nous avons les uns envers les autres.

Les salariés en question ont été soutenus par l'État et par les grandes entreprises auxquelles ils participent, à 100 % de leurs revenus pendant une crise qui a duré un an et, le lendemain, on démanche des grèves.

Je trouve cela insensé. Je trouve que cela heurte le sentiment de bon sens élémentaire qui est celui qui devrait servir de ciment à une nation.

Revenons aux retraites, vous dites référendum ?

Je prends les retraites comme exemple. Je préfère une consultation populaire à un blocage du pays.

Cela veut dire que dans les 10 mois qui viennent, on ne peut plus réformer, il faut attendre la présidentielle pour éviter les mouvements sociaux ?

Si, je suis persuadé qu'il y a un certain nombre de réformes, par exemple en direction des jeunes, qui peuvent être très importantes, acceptées dans un consensus large et qui peuvent montrer qu'au contraire ce sentiment réformateur est extrêmement fort.

Vous pensez à la garantie jeune universelle ?

Je pense à des garanties pour soutenir les jeunes qui entrent dans le monde du travail, doivent y entrer et pour les aider à y entrer.

Le RSA jeune a-t-il vos faveurs ? Donner à tous les jeunes le même montant ?

Non, ce n'est pas mon sentiment.

Pourquoi ?

Spontanément, j'ai le sentiment que cela ne conduit pas les jeunes vers la responsabilité et vers le monde du travail qui doit être leur horizon.

Je sais bien que c'est populaire, sûrement cela coûte sûrement très cher, mais ce n'est pas l'argument majeur.

L'argument majeur est le suivant : il faut que la société soit en soutien de ce passage qui est un passage difficile vers le monde du travail.

Vous vous souviendrez que, dans une élection présidentielle, j'avais proposé qu'il y ait un droit à la première expérience professionnelle.

Quand vous êtes jeune, quand vous arrivez à l'âge, après le diplôme ou avant le diplôme, on vous garantit que vous aurez une première expérience professionnelle.

Vous souhaitez que ce soit dans le programme d'Emmanuel Macron candidat ?

D’abord, s'il se présente, s’il décide de se présenter.

Ce n'est pas sûr ?

On ne sait jamais. Lorsque vous êtes Président de la République, vous avez à la fois l'expérience et le souci de cette responsabilité, de cette fonction si importante.

Qu’est-ce qui l'empêcherait d'être candidat ?

À chaque instant, vous vous posez la question. Il est naturel que le Président de la République se la pose. Je ne doute pas qu'il se la pose.

Je pense que sa décision sera de se représenter, mais, jusqu'au bout, il est libre.

Or, c'est un homme…

Vous souhaitez qu'il se représente.

…C'est un homme qui aime beaucoup sa liberté.

Vous souhaitez qu'il se représente.

Oui, je pense que c'est, aujourd'hui, la personnalité la plus solide et à la hauteur.

S'il n'y va pas, vous iriez vous-même ?

Nous poserons la question à ce moment-là, si jamais il venait !

Ce n'est pas non.

Il y a une autre réforme en cours, l'allocation-chômage.

Le Conseil d'État a bloqué le Gouvernement qui a dit : Nous allons la faire tout de même et réfléchir à la manière de la représenter.

Il a tort. Vous croyez que cela, aussi, il faudrait le suspendre jusqu'à la présidentielle ?

Non. Quand vous avez conduit un texte à son terme et qu'il est bloqué pour des raisons, comme vous le dites, du Conseil d'État ou d’autres juridictions.

Le Conseil d’État considère que la conjoncture économique n'est pas suffisamment bonne pour pouvoir moins bien indemniser le chômage.

Vous n'avez pas l'air convaincu ?

Je ne veux pas contester le Conseil d'État. 

Mais vous vous rendez bien compte qu'une juridiction qui juge de l'opportunité en fonction de la conjoncture économique, c'est surprenant.

Je constate. Je pense qu'il faut que le Gouvernement regarde de près l'argumentaire du Conseil d'État, et qu'il prenne la décision d'y répondre de manière à ne pas tout bloquer.

Pour relancer l'activité, vous avez proposé un Plan Marshall.

Le Gouvernement a déjà engagé un premier plan de relance. Beaucoup de voix se sont élevées pour dire qu’il était insuffisant, qu'il en fallait un deuxième, que Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie refuse.

Quel regard portez-vous là-dessus ? Faut-il aller encore plus loin dans la relance ou est-ce que l’on se contente de ce qui est déjà engagé ?

Je me suis prononcé sur ce sujet dans une note du Haut-Commissariat au Plan dont je vais essayer de reprendre l'argument.

La relance, cela s'adresse aux activités qui existent. J'ai proposé que l'on réfléchisse à une reconquête, car il y a un grand nombre de secteurs d'activité du pays dont nous avons été exclus, alors que nous avions toutes les compétences et toutes les capacités pour y figurer.

Et ceci est un problème national. En France, l'industrie dans le PIB, c’est 12 % et peut-être un tout petit peu moins. En Allemagne, l'industrie, c'est 25 %. En Italie, c'est 19 %, en Espagne, c'est 16 %.

Si nous ne voyons pas que nous sommes en train d'être « largués » dans des secteurs d'activité ou nous devrions exister, alors c'est que nous ne faisons pas face à nos responsabilités.

Que doit-on faire alors ?

Vous voyez que, la relance, cela ne suffit pas.

J'espère qu'il y aura une relance pour l'aéronautique, c'est d'ailleurs en cours. Il me semble que quelque chose est en train d'aller dans le bon sens en la matière, pour des raisons intéressantes et que l'on connaît maintenant mieux.

Cette reconquête est nécessaire.

Je prends un exemple caricatural : nous sommes les premiers producteurs européens de pommes de terre. Mais nous importons nos chips et nos flocons de purée. Est-ce raisonnable ?

Y a-t-il là quelque chose d'un grand pays ?

En réalité, dans un certain nombre de secteurs, nous sommes sur un schéma qui était celui - on apprenait cela à l'école autrefois -  des pays en voie de développement.

On ne va pas demander à l'État de construire des usines de purée.

Il ne faut pas caricaturer mes propos.

Quelles sont les mesures à prendre ?

En revanche, vous pouvez réunir les industriels du secteur. L'État peut être un stratège et un fédérateur.

Il est tout à fait légitime que l'État s'adresse au secteur en disant : vous ne trouvez pas que, dans ce secteur on devrait réinvestir ?

Ils diront : Baissez les charges sur les salaires et nous produirons en France.

Non, ils ne disent pas cela. Ce n’est pas vrai.

Nous avons perdu les compétences sur ces filières. Nous pouvons les retrouver et dans de nombreux secteurs.

Quand vous êtes un pays capable de fabriquer des satellites, des fusées, des avions, des hélicoptères, sachant que les meilleurs moteurs du monde, je dis cela pour mes compatriotes du pays du Béarn, sont fabriqués en France, pourquoi êtes-vous exclu de cela ?

Mais, cette reconquête, le Gouvernement ne l'a pas engagée.

Il devra le faire. Pour moi, cette reconquête est l'étape essentielle des années qui viennent.

Ce sont les 100 Md€ dont vous parlez dans le cadre de ce Plan Marshall ?

Le plan Marshall que j'évoque est un plan de financement - comme on a fait après la guerre - des investissements. J'assène ce que je dis.

Le problème en France, c'est que l'on confond perpétuellement les domaines de l'investissement et du fonctionnement.

Vous dites que ce seraient des aides pour construire de nouvelles usines ?

Je n'ai pas dit des aides, j'ai dit des aides à l'investissement.

L'investissement, cela a une caractéristique, ce n'est pas de l'argent perdu, vous le retrouvez plus tard.

En France, on confond perpétuellement investissement et fonctionnement.

Il y a une bonne dette et il y a une dette, je ne veux pas dire mauvaise, mais qui ne se rattrape pas.

Pourquoi M. Bruno Le Maire n'en veut pas ?

Je ne sais pas s'il ne le veut pas, et on a bien le droit d'avoir un débat est de défendre chacun ses positions.

La dette pour l'investissement, c’est le meilleur moyen de redresser le pays, car si on ne le fait pas, notre contrat social et insoutenable.

Vous entendez ce que je vous dis ? Le contrat social français, le plus généreux du monde, est insoutenable si nous ne nous rendons pas compte qu'il est entièrement fondé sur la contribution des personnes qui travaillent, des personnes ayant des revenus. Ce sont elles qui financent le contrat social.

François Bayrou, est-ce que c’est ce que vous mettez aussi derrière ce que vous avez dit après les régionales, le fameux coup de semonce.

Vous avez dit que l'abstention très forte était un coup de semonce donné à l’exécutif.

Est-ce que ce que vous nous dites là en fait partie, c’est-à-dire que les Français protestent contre le fait que l’État n’est pas assez présent pour se projeter dans l'avenir ?

Est-ce cela le coup de semonce ? C’est quoi ? On n’a pas très bien compris.

Le coup de semonce, c'est un terme de marine, un coup de canon lancé en direction d'un bateau pour l'avertir qu’il n'y aura pas de seconde fois. La prochaine fois, on le coule.

C'est l'expression que j'ai utilisée. Je peux en utiliser d'autres.

Comme quoi ?

Les Français nous ont adressé un message recommandé et ils attendent l'accusé de réception.

Message recommandé à qui ? À deux destinataires. Le premier, c'est l'organisation de la démocratie française.

Ce que les Français ont dit, c'est : Votre démocratie ne nous intéresse plus. Vous nous invitez à voter, on ne sait pas pourquoi on vote.

Et même, dans ce studio, si je faisais une interrogation sérieuse sur les régions, les départements, les compétences croisées des uns et des autres et la loi électorale des uns et des autres - on vote pour deux assemblées qui, au fond, se ressemblent, avec deux lois électorales fondamentalement différentes, une liste d'un côté, un ticket de l'autre - tout cela, c'est incompréhensible.

On le fait selon des modes de votation totalement archaïques ?

C'est-à-dire ?

Laissez-moi ajouter deux phrases.

Qu'il faille aller le dimanche car vous ne pouvez pas voter par correspondance. Aux États-Unis - écoutez bien ce chiffre - sur 200 millions de votants pour l'élection Présidentielle, ils ont eu une participation de plus de 75 %.

Le Ministre de l'Intérieur vous a dit que, le vote par correspondance, c’est trop dangereux en France.

On a le droit d'avoir des débats. C'est absurde. La position, non pas du ministre de l’Intérieur, mais de l’administration.

Aux États-Unis, 100 millions de votes par correspondance et, malgré les millions investis par l'équipe Trump, ils n'ont pas trouvé une fraude.

Pour les Allemands, A. Merker a éclaté de rire dans une rencontre sur le fait que les Français n’avaient même pas le vote par correspondance.

La Suisse a le vote par correspondance. Ce ne sont pas des démocraties de deuxième zone.

Pourquoi pas chez nous ? Qu'est-ce qui bloque ?

L'État est profondément marqué par un immobilisme, une paresse de certains responsables, une techno structure qui s'est changée en verrouillage et qui, ministre après ministre, leur explique que, non, ce n'est pas possible.

C'est la phrase que j'ai entendue le plus souvent quand j'ai été au Gouvernement : Ce n’est pas possible.

C'est l'administration qui vous dit cela quand vous êtes ministre ?

Oui, l’administration et, naturellement, les ministres sont solidaires de leur administration, car c'est ainsi que cela se passe et qu'il faut une dose d'énergie absolument irrésistible pour faire bouger tout cela, mais c’est notre responsabilité.

On va y revenir très longuement, sur cette organisation de la démocratie, peut-être aussi car vous estimez que la proportionnelle devrait être élargie.

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--- 2ème partie de l'émission ---

Nous parlions de comment refonder cette démocratie pour faire en sorte qu'il y ait moins d'abstention.

L'une des solutions ne serait-elle pas que les Français connaissent mieux leurs élus et peut-être pour cela revenir sur le non-cumul des mandats ?

C'est ce que propose Richard Ferrand ce matin dans le JDD.

L'interdiction du cumul des mandats est une décision qui a été prise et que j'ai moi-même soutenue. Je reconnais que le résultat n'est pas celui que nous attendions, car en France, la démocratie est soumise à une nécessité d'incarnation. On besoin de connaître les personnes.

Il est vrai que du temps où il y avait un député-maire, on le connaissait mieux. J'ai moi-même été Maire avec d'autres fonctions locales, tel que Président du Conseil Général à l'époque.

En même temps, c'est une évolution profonde de la société, cela ne s'est pas fait par hasard, c’est parce qu’il y avait une demande sociale très forte.

Les Français le réclamaient.

Il faut que l'on reprenne cela.

En tout cas, une chose absolument certaine : l'imbrication, l'intrication de nos collectivités locales, des différents étages de responsabilités locales - il y en a au moins trois et dans beaucoup de régions, quatre - ce qui rend incompréhensible la démocratie locale et une partie des messages recommandés avec accusé de réception que je décrivais, vient de cette constatation : on n'y comprend rien et à la vérité on ne peut rien y comprendre, car c'est invraisemblablement compliqué.

Il y aurait trop de niveaux de collectivité ?

L'idée que l'on puisse accumuler ainsi les intercommunalités, les départements, les régions, les collectivités…

Très concrètement, que fait-on ? Ce sont les intercommunalités ou les départements ?

Essayons de ne simplifier, de ne pas être simpliste.

Les intercommunalités sont absolument nécessaires, elles sont devenues nécessaires. Ensuite l'étage intermédiaire qui devrait être un étage de fédération des différents territoires, département et région, ça ne va pas. Cela dépend, car il y a des régions qui vont très bien : la Normandie, car c'était historiquement inscrit, mais la Nouvelle Aquitaine qui est plus grande géographiquement qu'un grand État européen et met dans la même région - je parle de ma région - Pau, Biarritz, Poitiers et Limoges, Bressuire, c'est impossible.

Il faut sept ou six heures pour aller d'un bout de la région à l'autre ! C'est inimaginablement irrespectueux de ce que les histoires et la géographie ont été. De plus, les départements à l'intérieur n’ont* pas exactement trouvé leur place.

Il se trouve que Nicolas Sarkozy et moi, pour une fois sur la même ligne, nous avions soutenu l'idée du conseiller territorial. Je trouvais que l’on aurait pu l'appeler « Conseiller général » - c'était son nom autrefois, ce qui allait très bien - qui était à la fois un élu des régions et des départements.

Autre sujet sur lequel vous vous êtes beaucoup battu, la proportionnelle.

Nous parlions tout à l’heure du référendum. Est-ce un sujet sur lequel on pourrait imaginer une consultation des Français à l'automne pour enfin l'introduire aux législatives de l'année prochaine ?

Pour moi, c'est indispensable et c'est le seul moyen que cette loi électorale soit adoptée.

Le référendum ?

Oui, le référendum.

Votre ami Patrick Mignola qui est le chef de file des députés Modem, dit « il convient d’organiser ce référendum à l'automne ». Est-ce que vous soutenez cette proposition ?

Je croyais même avoir proposé cela de manière explicite.

Il s'est inspiré de vous ?

C’est normal, nous appartenons à la même équipe.

Cela peut être l'automne. On pourrait imaginer, au pire, de le faire le jour des législatives afin que ce soit installé dans la loi après. Tout cela, je suis prêt à le discuter.

Je sais une chose certaine, c'est que les Français ont le sentiment d'une immense injustice devant laquelle tout le monde est indifférent : vous avez 60 % des Français qui ne sont pas représentés dans leur assemblée. Or, l'assemblée, celle-ci est faite pour le présenter le peuple.

Pourtant il y a de la proportionnelle aux régionales et cela n'a pas conduit les Français à se déplacer.

On parle d'autre chose, du fait que les Français voient dans leurs institutions une justice à laquelle ils peuvent adhérer. Nous avons un Président de la République qui a - ce qui est normal - l'essentiel du pouvoir exécutif entre les mains. Une fois de plus c'est normal - c'est le Général de Gaulle qui l'a voulu ainsi - le Président de la République a la charge de former le Gouvernement. C'est lui qui forme le Gouvernement, ce n'est pas l'assemblée ni les coalitions comme autrefois sous la quatrième République.

Les deux sont généralement confondus.

Le Général de Gaulle a dit, c'est le Président de la République qui formera le Gouvernement et a ajouté dans son célébrissime discours de Bayeux : « il formera le Gouvernement en tenant compte des nuances de l'Assemblée nationale ».

Il faut donc qu'elles soient représentatives.

Il n'y a rien de plus simple, il faut qu'elles soient pluralistes et représentatives.

La démocratie consiste à donner à chacun son juste droit. Vous êtes un électeur qui vaut en dignité et en légitimité un autre électeur. De ce fait, lorsqu'un courant d'opinion réunit plus de 5 % - toutes les démocraties qui nous entourent le font, cela représente beaucoup plus d'un million d'électeurs - il a le droit d'être représenté et un électeur vaut un autre électeur.

L'égalité de dignité et de légitimité…

Emmanuel Macron ne vous a pas entendu lorsque vous faites ce plaidoyer.

Qui vous dit cela ?

La preuve en est qu’il n'y a pas de proportionnelle ou il y aura un référendum ?

Pour l'instant, ce n'est pas le cas. Il ne faut pas prendre un air moqueur face à tout cela, car ce sont des débats absolument essentiels pour le pays.

Est-il encore temps de changer les règles d’ici aux législatives 2022 ?

Oui, il est temps de fixer un calendrier. Si le Président de la République est comme je l'espère, persuadé de cette nécessité. Nous allons nous retrouver devant des élections législatives, à supposer même qu'il se représente et soit réélu, qui ne vont pas prendre l'aspect d'une vague.

Il n'aura pas de majorité.

Chacun a le devoir de réfléchir à cette règle de justice et de représentativité.

Lorsque vous dites qu’il faut écouter les électeurs, la majorité a eu un très mauvais score aux dernières régionales. Des ministres se sont présentés et ont été battus.

Emmanuel Macron n'aurait-il pas dû en tenir compte et par exemple remanier le Gouvernement en se séparant de certains ministres comme Éric Dupont-Moretti ?

C'est le deuxième message et je n'en tire pas les mêmes conclusions que vous.

J'ai dit qu’il y avait deux messages avec accusé de réception, c’est le deuxième message qui dit « on ne comprend pas bien ce que vous faites, on ne comprend pas comme vous êtes organisés et en tout cas, pour nous, on attend du changement, on attend que vous entendiez ce que l'on vous dit ».

Je suis partisan que l'on entende ce que les Français ont dit.

Comment ? Une réorganisation de la majorité ?

C'est au Président de la République d'y réfléchir. Je pense en tous cas qu'il faut refixer le cap, que soient refixés les fondamentaux qui avaient fait la victoire de 2017 et dont il faut retrouver aujourd'hui la ligne directrice.

Ils ne sont pas clairs aujourd'hui ? Le cap n'est plus clair ?

Je ne dis pas cela comme cela, je pense que les Français ont cette opinion.

Ne doit-il pas convoquer le Congrès pour s'exprimer devant le Parlement ?

C'est une option.

Vous le souhaitez ?

Il y a d'autres options. Laissez le Président de la République prendre ses décisions, je ne suis pas là pour court-circuiter ses décisions.

Vous les connaissez ?

Je pense nécessaire que le Président de la République fasse entendre aux Français le caractère original et la force du projet qui est le sien. Je pense que ce projet du Président de la République est lié à deux questions essentielles, la première de ces questions : « quelle reconstruction du pays ? »

Nous avons pris l'industrie, c'est une chose ; nous avons des problèmes dans le domaine de la santé, l'organisation de la santé, la pharmacie,… Nous avons des problèmes de souveraineté. Il y a, vous le voyez bien aujourd'hui, des ruptures en termes de matières premières et des secteurs très importants sont abandonnés.

Si vous regardez, nous avons un problème majeur d'Éducation nationale.

Pour moi, c'est un crève-cœur ! J'ai toujours aimé et pas seulement aimé, j’ai toujours été passionné par cette mission : que la France, grand pays scientifique qui s'enorgueillissait de ses médailles Fields et Prix Nobel, soit aujourd'hui le dernier pays du monde en termes de compétences mathématiques à l'école, ce n'est pas possible ! Et même en matière de langues, de maîtrise de la langue !

Le ministre de l'Éducation s’y est naturellement attaqué.

On ne va pas changer tout cela en 10 mois, nous sommes sur la fin du quinquennat.

Tout à l'heure, votre question était : « vous dites que l'on ne peut plus rien faire » et maintenant vous dites « on ne peut pas changer en 10 mois ». On peut s’adresser au pays pour dire ce que vont être les orientations fondamentales de l'avenir.

Pour la suite.

Première question. Il y a une deuxième et je m'arrêterai là.

« Au fond, quel est le rôle de la France en Europe et dans le monde ? ».

« Qu'est-ce que notre projet national ? »

Je dis bien « national » avec l’identité nationale dans cette affaire, ce que nous portons tous et chacun.

« Qu'avons-nous à dire à l'Europe et à dire au monde ? »

Ces deux questions, comment on reconstruit et quel est le message de la France, sont essentielles.

Question plus prosaïque : « comment est-ce qu’on le fait, avec quelle organisation ? » Est-ce que par exemple une maison commune présidée par Édouard Philippe pour restructurer la majorité et la remobiliser aurait vos faveurs ?

Cette manière de voir les choses n'est pas la mienne. Il y a une question préalable qui est : sommes-nous aujourd'hui organisés, même imparfaitement, comme il faudrait ou est-ce que notre absence d'organisation et pénalisante ? Ce à quoi je réponds : toutes ces formations - j'en ai fondées et en préside une - n’ont plus la capacité de mobiliser le pays.

Il faut bouger.

Comment ?

Les organisations que nous avons sont sympathiques, intéressantes, enracinées pour certaines, ont une histoire, mais ne correspondent plus au défi du temps.

Que faut-il faire ?

Notamment cette rupture démocratique dont nous parlions.

Il faut donc reprendre comme un architecte.

Créer un seul grand parti ?

En tout cas, il faut une démarche unitaire, un grand mouvement politique qui ait les traits dont nous avons besoin, démocrate pour les uns, républicain pour les autres et populaire.

C'est déjà son titre que démocrate, républicain, populaires.

Je vous assure, on peut rire de la démocratie, on peut rire des partis, tout le monde le fait.

Vous avez déjà pensé cette architecture.

Je m'efforce de ne m'exprimer que lorsque j'ai pensé un tout petit peu.

Pourriez-vous présider ce parti, pourriez-vous le lancer ?

Si vous le voulez bien, écartons les questions de personnes, y compris la mienne.

Je me suis beaucoup battu, j'ai rompu beaucoup de lances au service de ce courant politique là, de ce grand courant central qui a pour moi vocation à gouverner la France durablement, pas seulement pour la prochaine élection présidentielle, mais pour organiser, rencontrer les forces.

J'en tire cette conclusion des élections : séparés, nous sommes trop faibles.

Il faut donc que personne n’y perde de son identité, de son histoire, de son patrimoine de valeur, mais il faut une organisation différente et que ce soit une organisation ouverte, dans laquelle tous ces Français qui ne se reconnaissent plus puissent trouver un engagement différent, pas forcément un engagement d'adhérents, mais quelque chose à quoi ils puissent participer.

Avant d'en venir aux questions express, une question d'actualité. Il y a eu une perquisition au Ministère de la justice en présence du Garde des sceaux Éric Dupont-Moretti. Avez-vous été surpris, choqué ? Est-ce normal que les juges aillent au Ministère de la Justice comme dans toute autre institution en France ?

On peut être surpris et choqué et en même temps penser que les juges ont ce droit, reconnu par la Constitution, de déclencher des actions, y compris des actions de ce style.

L’avocat du garde des Sceaux dit que les moyens employés ont été excessifs, disproportionnés.

Oui, j'ai entendu dire que l'on avait découpé au chalumeau des coffres-forts vides. Je ne sais pas si cela est vrai, ce ne sont pas des renseignements de première main, même si j'ai été au Ministère de la Justice pendant une courte période.

Je vais dire quelque chose d'un peu sibyllin. Il y a des personnes qui imaginent que la justice doit être un contre-pouvoir et je pense qu'elle doit être impartiale.

Il y a même des juges qui considèrent que la justice est un contre-pouvoir.

Vous voyez la différence entre un contre-pouvoir qui est une manière de prendre les pouvoirs de la démocratie et d'essayer de les déstabiliser ou de les affaiblir et puis, il y a l'autorité impartiale que la justice doit représenter.

Je suis nettement du côté de l'autorité impartiale. J'ai trouvé que le « mur des cons » était une obscénité.

C'était une obscénité et il n'y a pas eu de sanction. Je pense que lorsqu’un certain nombre de personnes disent il faut aller vers davantage de responsabilité des magistrats qui n’est jamais mise en cause, je pense qu'ils ont raison. Je pense qu'il y a un malaise entre la justice et la société et que les citoyens et les justiciables ne se sentent pas assez souvent garantis dans leurs droits.

Enfin, je pense que c'est une reconstruction absolument nécessaire et profonde.

Le garde des Sceaux peut-il rester à ses fonctions de garde des Sceaux ?

C'est la décision du Président de la République et du garde des Sceaux. Pour l'instant, je constate simplement qu'il y a eu enquête et perquisition.

Doit-il partir ?

Vous lui poserez la question ainsi qu’au Président de la République.

Vous n'avez pas l'air convaincu.

Questions express…

Êtes-vous pour ou contre l'interdiction du voile pour les assesseurs dans les bureaux de vote ?

Les bureaux de vote, c'est l'espace public et on a le droit, dans l'espace public, de porter un foulard.

Pour ou contre le contrôle continu pour toutes les épreuves du bac, comme envisagé par Jean-Michel Blanquer ?

Ce qui pose question dans le contrôle continu, c'est l'harmonisation des notes. Mettre sur la tête ou sur les épaules des enseignants une démarche à nouveau bureaucratique et compliquée pour harmoniser toutes les notes de France, c'est extrêmement compliqué.

J'ai lu dans Le Figaro une tribune très intéressante sur ce sujet récemment.

Plutôt contre si je résume votre pensée.

Pour ou contre la Panthéonisation de Joséphine Baker ?

Je suis le seul Français qui n'aime pas le Panthéon. J'ai dit que je n'étais pas enthousiaste pour Aimé Césaire, pour Dumas, des personnes qui étaient dans leur terre et que l'on proposait d'aller enfermer dans ce monument symbolique et majestueux, mais froid.

Je n'aimerais pas que l'on mette au Panthéon quelqu'un que j'aime.

Simone Veil l'a été.

Oui, et son mari.

Il y a des personnes qui sont fascinées par le Panthéon. Ce n'est pas mon cas. Il y a des personnes fascinées par les décorations, ce n'est pas mon cas. Il y a des personnes fascinées par les grandes institutions honorifiques, toutes les académies, ce n'est pas mon cas, peut-être car je suis un Pyrénéen un peu éloigné de ce monde des grandeurs d'établissement, comme disait un Monsieur qui s'appelait Blaise Pascal. Franchement, lui aurait mérité les honneurs.

On s'interroge beaucoup sur les ambitions présidentielles éventuelles d’Éric Zemmour.

Y voyez-vous plutôt une menace pour la majorité ou une opportunité de diviser la droite et d'affaiblir Marine Le Pen ?

Je suis pour que chacun vive ses aventures, qu'il soit libre de sa vie, qu'il assume le destin qu'il a ou croit avoir.

Il a quelque chose à dire ?

Je connais Éric Zemmour depuis 40 ans. Je ne vais pas me mêler de ce genre de débat.

C'est à lui comme citoyen de prendre ses responsabilités.

Vous avez des contacts avec lui, des discussions politiques ?

Cela m'arrive assez souvent même si nous ne sommes souvent pas d'accord.

Marine Le Pen a-t-elle été affaiblie, selon vous ?

Oui, bien sûr.

Cela hypothèque ses chances de victoire pour 2022 ?

La majorité présidentielle a été affaiblie, le Rassemblement national a été affaibli. La démocratie a été affaiblie. Il y a beaucoup d'affaiblissements et assez peu de renforcements.

Mais la gauche et la droite renforcée ?

Ils le croient et vont découvrir que ce n'est pas si simple de dégager un leader. Je parle en connaissance de cause.

Ils vont découvrir que ce n'est pas parce que vous avez une étiquette que les personnes font confiance à la femme ou l'homme qui se présente devant vous.

C'est comme cela.

Autrefois, on votait en fonction des étiquettes. On vient de découvrir que ce n'était pas le cas.

Dans l'actualité des réseaux sociaux, cette semaine, Emmanuel Macron a relancé le débat sur les crop top, ces vêtements qui arrivent au-dessus de la taille.

Le Président préfère qu'à l'école les filles notamment portent une tenue décente.

Vous avez des enfants et petits-enfants, est-ce que cela vous choque ?

J’ai des enfants, pas mal ! Et je suis assez peu choquable.

Pour vous, c'est une tenue décente ?

Vous voyez bien…

Il y a une forme de sexisme quand on entend cela de la part du Président de la République ?

J'ai grandi au temps des minijupes, et j'en garde un souvenir absolument chaleureux et ému.

C'était vraiment, à l'époque, des mini minijupes. Est-ce que c'était décent ?

C'était décent, cela dépend de ceux qui les portent et de leurs attitudes.

Le fait qu'Emmanuel Macron intervienne sur la tenue que doivent porter les jeunes filles…

Il y a une chose que je sais avec certitude : je respecte la liberté, y compris des personnes que j'aime bien, et surtout des personnes que j'aime bien.

J'ai trouvé par exemple, cela a été beaucoup critiqué, que son émission avec des youtubeurs, Carlito & McFly, était très sympathique, j'ai trouvé qu'il n'avait jamais abandonné la dignité présidentielle et qu'en même temps, c'était complètement détendu et naturel.

Cela n'a pas mobilisé les jeunes pour autant aux élections.

Oui, mais vous aurez observé que 13 millions de jeunes ont regardé cette production.

Concernant Emmanuel Macron, il s'oppose également à l'allongement de 12 à 14 semaines du délai pour avoir recours à une IVG.

Le chef des députés de la République en Marche, Christophe Castaner, a clairement dit qu'il avait un désaccord avec le Président à ce sujet.

Êtes-vous favorable à l'allongement de ce délai ?

C'est une question sur laquelle le comité d'éthique doit se prononcer.

Le comité d'éthique avant. Mais, vous, vous n'avez pas d'avis particulier ?

Vous êtes pour le maintien à 12 semaines ?

Vous voyez bien les problèmes, la sensibilité que cela pose. Pour moi, ce n'est pas indifférent.

L'enfant qui se développe dans le sein, comme l’on dit, de sa mère, ce n'est pas indifférent.

Cela dit, il y a des lois et le comité d'éthique doit pouvoir dire ce qu'il en pense.

François Fillon entre officiellement au Conseil d'administration d'un grand groupe pétrolier russe.

Pourriez-vous envisager de le faire ? Cela vous choque-t-il ? Estimez-vous qu'il y a un conflit d'intérêts ?

Est-ce que je peux envisager de faire cela ? Jamais, pas une seconde, ni de près ni de loin.

Quand vous avez été un responsable public de premier plan, afficher de cette manière que vous êtes sous la coupe d'un puissant État étranger, il y a quelque chose qui, pour moi, me heurte et m'a toujours heurté.

On dira qu'il y a des dirigeants allemands qui l'ont fait, M. Schroeder en particulier. Cela me heurte.

Quand vous avez incarné ce qu'un pays a de plus précieux, à mon sens, il ne faut pas le faire.

Merci, c'était le dernier Grand jury de la saison.

Merci à nos partenaires et à tous ceux qui contribuent à cette émission.

Merci beaucoup, François Bayrou.

Très belle semaine, à l'année prochaine.

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