François Bayrou : « Je n'ai aucun doute qu'il va falloir prendre la décision d'investir puissamment dans le renouvellement du parc de centrales électriques nucléaires. »

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Sonia Mabrouk sur Europe 1 ce mercredi 13 octobre à 8h15, dans l'émission "Europe matin".

Bonjour François Bayrou.

Bonjour

D’abord, Président du MoDem, mais d'abord Haut-commissaire au Plan, et on parle de ce plan… 

Et maire de Pau ! Il ne faut pas oublier les choses essentielles !

Non, nous n’oublions pas, nous en parlerons, mais d’abord le plan d’investissement de 30 milliards annoncé hier par le Président, le nucléaire occupe une place de choix avec la construction à venir de mini centrales.

Comment vous expliquez M. Bayrou ce revirement, plutôt cette conversion au pragmatisme de la part du chef de l'État ?

J'étais déjà venu à votre micro pour présenter la note que nous avions faite sur la production d'électricité en France avec une question toute simple : nous nous sommes engagés - et tout le monde affirme vouloir - à produire de l'électricité sans émissions de gaz à effet de serre. Si on ne veut pas émettre de gaz à effet de serre, il n'y a que deux solutions possibles : le renouvelable, les éoliennes - et vous savez que cela fait des polémiques-, le photovoltaïque et ce sont des milliers d'hectares qu'il faudrait geler sous les panneaux photovoltaïques, mais il faut le faire, il faut développer le renouvelable. 

Simplement, le renouvelable, comme vous savez, est intermittent, il n'y a pas toujours du soleil, il n'y a pas toujours du vent, alors que faire lorsque le courant électrique qui vient du soleil et du vent est absent ? Il faut ce que l'on appelle de l'électricité pilotable que l'on peut injecter dans le réseau et il n'y en a que deux sortes, assez petites hydro-électricité ou le nucléaire si l’on ne veut pas émettre de gaz à effets de serre.

Pourquoi, ce bon sens, on n'y a pas pensé avant ? Est-ce le fait que l'on soit 6 mois de l'élection présidentielle, est-ce le fait que cela gronde sur les factures qui explosent, cela a facilité la relance du nucléaire par le Président ?

Non, je crois que c'est la prise de conscience qu'il porte depuis longtemps, que face au défi climatique il faut des solutions qui soient des solutions réelles, concrètes, utilisables, et pas des vœux pieux.

Autrement, on manque notre objectif. Vous savez que la France est par chance le pays du monde sans doute ou en tout cas à part deux ou trois pays scandinaves, qui émet le moins de gaz à effet de serre pour fabriquer son électricité, dix fois moins que l’Allemagne qui a abandonné le nucléaire pour faire du charbon et, le charbon, il n'y a pas plus polluant.

Donc c'est cette prise de conscience-là.

Pourquoi est-elle tardive ? Nous sommes à quelques mois de la fin du quinquennat Monsieur Bayrou, vous avez publié une note très intéressante que nous avons détaillée ici même, Électricité le devoir de lucidité

Vous estimez avoir pesé dans le choix d’Emmanuel Macron ? 

Je pense que oui, en tout cas tout ce qui permet de rouvrir un débat que l'on croyait fermé ; il y a un an à ce micro, vous auriez dit : écoutez, franchement le nucléaire, ce n'est plus à la mode !

Moi, je ne l'aurais pas dit mais beaucoup le disaient dans la majorité. C’est pourquoi on s'étonne de ce revirement.

Non, pour moi ce n'est pas un revirement c'est une prise de conscience et une prise de conscience commandée par les engagements que la France a pris d’être un pays ou le pays leader dans la transition énergétique pour défendre le climat.

Il faut mesurer que, si nous continuons comme cela, ce qui est en train de se passer dans beaucoup de pays européens, il se prétendent vertueux et ils sortent du nucléaire parce que cela fait plaisir à une partie de leur opinion, mais ils remplacent le nucléaire qui n'émet pas de gaz à effet de serre, 0, par du charbon, c'est-à-dire le pire du pire de ce que l'on peut faire en utilisation.

Nous sommes d’accord, mais, on veut comprendre ce matin, est-ce que le président qui a fermé Fessenheim, certes dans la continuité de François Hollande, qui a nommé Nicolas Hulot, antinucléaire notoire, est-ce que le Président qui a nommé Barbara Pompili ministre de la transition qui a dit ceci un jour : « On peut se passer du nucléaire », est crédible en chantre du nucléaire ?

D'abord en chantre... Vous présentez les choses de manière un peu tendancieuse.

Il n'y aura pas de responsable français, quel que soit son nom et quel que soit sa fonction, qui proposera de respecter les engagements que la France a pris de ne plus émettre de gaz à effet de serre en fabriquant de l'électricité s'il ne prend pas en compte la nécessité de produire de l'électricité.

Regardez, il n'y a pas que la production, il y a la consommation. 

Ce que tout le monde dit, ce que toutes les organisations de protection de l'environnement disent, c'est qu'il va falloir avoir un recours multiplié à l'électricité : électrification de la mobilité comme on dit, c'est-à-dire des voitures, des bus, des poids lourds et électrification des usages à la maison, chauffage, tous les usages électriques. Tout le monde dit : il faut maintenant multiplier l'électricité.

Nous sommes d'accord sur le diagnostic.

Qui va la produire ?

Est-ce qu’il faut aller plus loin ?

Le Président a parlé de ces petits réacteurs, ces mini centrales, le small modular reactors, ce n'est pas pour demain. Valérie Pécresse ou Eric Zemmour vont beaucoup plus loin en parlant de nouveaux réacteurs, les EPR qu'il faut construire. Emmanuel Macron n'a même pas prononcé le mot hier. Pourquoi ?

Il a dit une phrase. Il faut écouter attentivement.

Vous avez été attentif, vous avez entendu EPR ? Pas moi.

Non, il a dit une phrase il a dit : il y aura d'autres décisions à prendre dans les mois qui viennent.

Et vous, vous les connaissez ?

De ce point de vue, je n'ai aucun doute qu'il va falloir investir prendre la décision d'investir puissamment dans le renouvellement du parc de centrales électriques nucléaires en France.

Avant la livraison de l'EPR de Flamanville ? Il faut construire de nouveaux  EPR avant ?

La question énergétique sera une question centrale dans les débats de l'élection présidentielle et que nécessairement des décisions majeures seront à prendre dans les mois qui suivront l'élection présidentielle.

Monsieur Bayrou, nous sommes à 6 mois. Est-ce que vous dites clairement, puisque vous pesez dans le choix du Président : « Monsieur Emmanuel Macron, il faut - avant la livraison de l'EPR de Flamanville – il faut y aller, il fait lancer ces nouveaux EPR » ?

Je dis que nous avons besoin dans l’élection présidentielle de clarifier pour le pays cette question.

Je pense que cela ne serait pas de bonne politique et de bon aloi de prendre la décision comme cela tombée du ciel, ex abrupto alors que nous allons avoir un très grand débat national.

Cette question doit être posée et doit être résolue par l'élection présidentielle.

Il n'y a pas de moyen de conserver une électricité à un prix abordable qui soit fiable à laquelle on puisse faire appel qui permette de répondre à l'extension considérable des besoins d'électricité en mobilité comme dans la maison ou dans les voitures comme dans la maison, s'il n'y a pas de production d'électricité.

Vous m'avez répondu. Pour vous, l’échéance présidentielle, le Président doit véritablement cartes sur table dire ce qu'il veut faire de ces centrales et de cet EPR.

Cette question-là, il y répondra, j'en suis persuadé, il l'a dit hier entre les lignes et il est nécessaire que nous en assumions les réponses.

Ce sont de très gros investissements mais qui seuls nous permettent d'être à la hauteur du défi climatique qui se pose. Il n'y a pas d'autres solutions.

Nous allons passer du défi climatique à l'histoire un peu politique et même politicienne. 

Avez-vous un caractère éruptif ? Est-ce que vous assumer un caractère sanguin François Bayrou ?

Un caractère rugby.

Vous entrez dans la mêlée avec Richard Ferrand ?

Il y a des moments, on en rit souvent tous les deux, d'affrontements dans lesquels les habitudes du rugby peuvent trouver leur place.

Quand même, cela donne une image particulière. C'est dans un livre autour d’Emmanuel Macron où il est dit qu’il y a une passe d'armes, il est dit que vous en êtes quasiment venus aux mains avec Richard Ferrand le jour de l’investiture d’Emmanuel Macron.

Pas tout à fait.

Que s'est-il passé ?

Il y a eu un moment d’affrontement ; je ne crois pas d'ailleurs que Richard Ferrand était le seul responsable de ce moment d'affrontement. 

Pour moi, c'était un enjeu très important que de respecter les engagements que nous avions pris de la place respective de chacun des deux mouvements dans la majorité future.

Vous avez pesé dans l'élection d’Emmanuel Macron et vous vous attendiez à ce que cet accord passé avec les macronistes sur le nombre de circonscriptions soit respecté.

C'est un peu difficile à suivre pour ceux qui nous écoutent, mais oui, je suis pour le respect des engagements : je n'ai que cette ligne-là.

Lorsqu'on tape dans la main, chez moi en tout cas là-bas, dans les Pyrénées, là où l’on respecte ce genre de tradition, c'est fait.

Est-ce que vous confirmez alors, Monsieur Bayrou, ce qui est écrit dans un livre, on va le citer, celui des journalistes Fabrice Lhomme et Gérard Davet Le traitre et le néant, à savoir que les macronistes vous ont proposé un accord, une sorte de dédommagement car votre parti n’a pas obtenu le nombre de circonscriptions. On parle d'une somme de 4 millions d’euros.

Non, tout cela c'est des blagues.

Des fadaises ?

Il y a eu ce moment de tension autour du nombre de députés que nous allions avoir et en effet, des mots malheureux ont été prononcés en disant : « si vous n'avez pas le nombre de députés, on peut de vous garantir des ressources », mais jamais de notre vie, et c'était Marielle de Sarnez qui est partie comme vous savez, qui était une protagoniste, en première ligne…

Paix à son âme.

Elle a évidemment éclaté de rire parce que jamais nous n'avons échangé la représentation politique contre des ressources, fussent-elles importantes.

Ce qui est intéressant c'est que cela vous a été proposé, vous me le dites.

Oui, enfin ce sont des pratiques que nous n'avalisons pas.

Qu'est-ce vous pensez d'un livre qui est écrit sur un président Emmanuel Macron et le titre est assez éloquent que Le traître et le néant que les journalistes n'ont pas rencontré ?

Il y a plusieurs choses dans la question.

Ce genre de titre, c'est fait pour faire vendre, ce n'est pas fait pour rendre compte du contenu d'un livre, c'est fait pour faire vendre.

Ensuite, écrire un livre sur quelqu'un sans le rencontrer, c'est en effet un peu étrange.

Enfin, qu'est-ce qu’il y a dans ce livre ?

Un condensé de traîtrises, de manipulations, de nouveaux calculs. On se dit : c'est là le nouveau monde, en le lisant ?

La certitude qui est la mienne, c’est que la fonction présidentielle et l’homme qui remplit cette fonction, eux, ne sont pas dans les petites manœuvres. Ce que j’ai vu pendant 5 ans et, là, j’atteste pour avoir été présent, j’allais dire chaque jour, c’est que jamais les manœuvres, les petits ruses n'ont occupé la moindre place dans les décisions d'État qui ont été prises.

C'est pourquoi que vous soutiendrez de nouveau le Président en 2022.

S'il se présente évidemment.

Chaque jour un Président de la République est face à des enjeux qui sont des enjeux nationaux, des enjeux pour le pays où chaque famille chaque mère et père de famille et chaque enfant est concerné.

Nous ne sommes pas naïfs, il y a aussi des batailles, des calculs politiques, voire politiciens, Monsieur Bayrou.

Je suis en désaccord avec l'idée selon laquelle tout serait constamment tiré vers le bas par des regards, des commentaires, des pseudo-décryptages qui visent à faire croire que tout est moche. Ce que je vois, ce que j'ai vu, et ce que j'entends tous les jours c'est que précisément les décisions sont prises en fonction d'enjeux qui vont loin, qui portent à l'intérêt du pays.

Deux questions et une réaction à ce que l'on vient d'apprendre, je vous le soumettrai dans quelques instants Monsieur Bayrou.

Avez-vous tiré un trait définitif sur ce que vous croyez être votre destin présidentiel.

Est-ce pour vous c'est terminé ?

Pourquoi parlez-vous d'un trait définitif ? Je suis par vocation un citoyen.

Qu'est-ce un citoyen ? C'est quelqu'un….

Ne tournons pas autour du pot, vous pouvez encore être candidat à la présidentielle ?

Il ne faut pas sourire on peut poser des questions.

Je suis très sérieuse.

Qu'est-ce un citoyen ? C'est quelqu'un qui se sent à chaque instant responsable à sa place du destin du pays.

Je le suis aussi, mais je ne suis pas candidate Monsieur Bayrou.

Il arrive que cette responsabilité de citoyen vous conduise à occuper d'importantes responsabilités, y compris d'opinions et y compris à vous présenter à des élections.

Je l'ai fait trois fois.

Je ne vais pas vous dire que j'ai changé.

Vous n’arrivez pas nous dire ce matin que vous ne serez plus candidat ?

Jamais je vous dirai des choses pareilles.

C'est incroyable, ce matin François Bayrou peut encore être candidat à la présidence, c'est la réalité.

Essayons d'être de bon aloi ensemble. Je vous dis que je n'ai jamais renoncé à aucune de mes responsabilités parce que c'est ma mission. C'est pour cela que je suis engagé dans la politique.

Quelqu’un d'autre pourrait tenir le même discours ce matin ; Édouard Philippe, qu'est-ce vous pensez de son initiative, de son parti Horizons, il compte peser et votre maison commune, apparemment, il pourrait faire chambre à part.

Peut-être y a-t-il une différence d'appréciation.

Quel euphémisme !

Pour moi, un grand parti politique, c'est un grand courant profond du pays, c'est une sensibilité, une philosophie et les partis politiques ne se construisent pas autour d'un destin individuel. C'est ma vision.

Je suis entré dans le courant politique qui est le mien, j'avais 20 ans.

Je vous parle d'Édouard Philippe. Je sais bien qu’en parlant de lui vous parlez de vous, mais...

Non mais c'est pourquoi je dis qu'il peut y avoir des différences d'appréciation.

Un parti politique, pour moi, ce sont des solidarités de gens qui pensent la même chose, ce ne sont pas des solidarités construites autour seulement d'une personnalité mais c'est un droit constitutionnel de créer des partis politiques, il est garanti par la Constitution, on est libre de les construire. Ma vision à moi, je vous l’ai expliquée, c'est une vision plus profonde et qui ne touche pas à l’idée que l'on se fait de son avenir, qui touche à des raisons de vivre pour un pays.

Ce n'est pas la même chose, mais chacun est libre.

On a noté la différence, chacun est libre et vous l'êtes aussi de vous porter de  nouveau candidat, on l'a bien ce compris ce matin. Rien n’est jamais fermé. 

Merci François Bayrou.

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