François Bayrou : « Je ne veux pas de grandes lois destinées à faire de la communication »

François Bayrou, Premier ministre, était l'invité ce lundi 23 décembre de Benjamin Duhamel et Apolline de Malherbe sur BFMTV. 

Seul le prononcé fait foi. 

Benjamin Duhamel : Bonsoir Monsieur le Premier ministre. 

François Bayrou : Bonsoir. 

Benjamin Duhamel : Merci d'avoir accepté notre invitation et d'avoir choisi BFM TV pour expliquer vos choix, alors qu'il y a un peu moins de deux heures, votre gouvernement a été annoncé après dix jours d'attente. 

Bonsoir Apolline de Malherbe. 

Apolline de Malherbe : Bonsoir Benjamin, bonsoir Monsieur le Premier ministre. 

Benjamin Duhamel : Vous allez répondre à nos questions pendant plus d'une heure sur BFM TV, et les questions, elles sont nombreuses. Pourquoi réussiriez-vous là où Michel Barnier a échoué ? On va parler du retour aussi de Gérald Darmanin, d'Élisabeth Borne, de Manuel Valls, de l'absence de Xavier Bertrand, qui vous accuse d'ailleurs de composer avec l'extrémisme, la gauche qui crie déjà à la provocation. Et puis, ce nouveau gouvernement, pour quoi faire ? Le budget, les retraites, le pouvoir d'achat, l'immigration, quel sera votre cap ? 

Benjamin Duhamel : Un mot d'abord, François Bayrou, sur quelques-uns de celles et ceux que vous avez appelés pour composer votre gouvernement. 

Élisabeth Borne, qui va devenir ministre de l'Éducation nationale, ancienne Première ministre ; Gérald Darmanin, à la justice, ancien ministre de l'Intérieur ; Manuel Valls, ancien Premier ministre de François Hollande ; François Rebsamen, qui était lui aussi ministre du Travail sous François Hollande. C'est « Retour vers le futur », votre gouvernement, François Bayrou ? 

François Bayrou : C'est le futur. Mais dans les questions que vous posez, il y a quelque chose de tout à fait essentiel, à quoi vous n'avez pas fait attention. C'est l'ordre des ministères. 

Apolline de Malherbe : On l'a sous les yeux. Qu'est-ce que nous aurions dû voir ? 

François Bayrou : Qu'est-ce que vous auriez dû voir ? 

Quel est le premier ministère d'État confié à une personnalité très expérimentée, qui a dû relever le défi, elle-même, de chef du gouvernement. Et ce premier ministère, c'est l'Éducation nationale, l'Enseignement supérieur, la Recherche et l'Enseignement professionnel. 

Apolline de Malherbe : Que vous confiez donc à Élisabeth Borne.

François Bayrou : Le premier. Vous me citerez des gouvernements dans lesquels l'éducation nationale a été première. 

Benjamin Duhamel : On a combien de ministres de l'éducation nationale en 7 ans, François Bayrou, peut-être que les Français retiennent aussi le score de...

François Bayrou : On peut faire toutes les critiques… Je veux dire, se focaliser sur les critiques, c'est un jeu habituel. Moi, je crois que ceux qui nous écoutent en sont assez fatigués. 

Apolline de Malherbe : Mais regardons ce qui nous attend, en effet. 

François Bayrou : Quel est le premier défi du pays ? C'est l'éducation. Et ce que vous n'avez pas vu, parce qu'on passe trop vite, c'est la personnalité du ministre auprès de Mme Borne : c'est Philippe Baptiste, c'est-à-dire le patron du CNES, le patron du Centre national des études spatiales.

Il a été enseignant et c'est un chercheur et il porte avec lui les ambitions du pays. Et vous voyez, en une seule ligne, ou en deux lignes pour être exact... 

Apolline de Malherbe : Mais si vous le souhaitez, on n'avait pas forcément prévu de faire comme ça, mais on peut regarder un par un, puisque vous avez l'air de dire que cela a été pensé aussi en fonction d'une sorte de hiérarchie. 

François Bayrou : Non, non, je fais les choses par hasard, toujours. 

Apolline de Malherbe : Non, j'imagine que non. Mais vous le dites, c'est très important pour vous d'avoir mis l'éducation. Alors on va regarder la liste. Vous avez mis effectivement l'éducation en numéro 1 avec Élisabeth Borne. Vous avez mis Manuel Valls en numéro 2 de ce gouvernement, ministre d'État également et ministre des Outre-mer. Ça a pu surprendre, le retour de Manuel Valls. Pourquoi ? 

François Bayrou : C'est très simple. Vous venez de le prononcer en une formule. Manuel Valls, ancien Premier ministre. 

Apolline de Malherbe : Donc les deux premiers du gouvernement sont des anciens Premiers ministres. 

François Bayrou : Oui, et on n'a pas souvent vu ça, n'est-ce pas ? Et Manuel Valls, ancien Premier ministre de gauche. 

Apolline de Malherbe : Donc les deux premiers du gouvernement sont des anciens premiers ministre ?

François Bayrou : Oui. On n’a pas souvent vu ça, n’est-ce pas ? Et Manuel Vall ancien Premier ministre de gauche. Naturellement, en conflit avec la gauche sur des sujets qui sont très importants, très difficiles. Alors, Manuel Valls est une personnalité un peu kamikaze par moments. 

Apolline de Malherbe : Vous aimez bien les kamikazes ? 

François Bayrou : J'aime bien les personnalités audacieuses ou qui acceptent de prendre des risques. Manuel Valls, c'est une personnalité pour qui j'ai de l'estime. Mais surtout, je considère que l'une des questions les plus lourdes pour notre pays, ce sont ces Outre-mer. 

Ce sont des sociétés qui sont très fragiles, très fracturées souvent, très déstabilisées souvent, et qui ont le sentiment qu'on ne s'occupe pas d'elles. C'est d'ailleurs un sentiment assez répandu dans la société française. C'est la première fois dans l'histoire, jamais ça ne s’est produit. Alors ça, je suis sûr que jamais ça ne s'est produit d'avoir un ministère d'État, deuxième de la liste du gouvernement, qui va s'occuper des questions de l'outre-mer. 

Benjamin Duhamel : François Bayrou, on parlera longuement de la question des outre-mer, et notamment de la situation à Mayotte. Un premier point, vous disiez que c'est la première fois qu'il y a en tête de l'ordre protocolaire une ministre de l'Éducation nationale. C'était le cas de Lionel Jospin sous le gouvernement Rocard. 

François Bayrou : Non, il n'y avait pas de ministre d'État. 

Benjamin Duhamel : Mais en tout cas le premier dans l'ordre protocolaire. Je voudrais juste revenir sur ce que vous disiez sur Manuel Valls. 

François Bayrou : C’est une personnalité qui ne craint pas le risque, voilà, j’aurai dû le dire comme ça. 

Benjamin Duhamel : Qui n'est pas aimée par la gauche…

François Bayrou : Non par une partie de la gauche. 

Benjamin Duhamel : Est-ce que ce n’est pas une forme de provocation, dans un moment où vous avez, on parlera longuement de cette donne politique, à convaincre les socialistes de ne pas censurer votre gouvernement ? Est-ce que Manuel Valls peut vraiment être considéré comme quelqu'un à même de rapporter ses voix qui vous manquent au Parlement ? 

François Bayrou : Parce que vous pensez que ce sont des histoires de marchandage. Et moi, je ne crois pas que ce soit des histoires de marchandage. Je pense que la question c'est de savoir si on met les défis à la bonne hauteur et les personnalités pour y répondre à la bonne hauteur. Qu'un ancien Premier ministre accepte de prendre la situation si difficile des Outre-mer, que nos compatriotes d'Outre-mer sachent que c'est à ce degré d'urgence que l'on met la situation. Est-ce que la réponse va être facile ? Non. On le sait tous. On ne le dit pas, mais on le sait tous. Les Outre-mer, on en traite comme ça au détour d'un incident quand il y a un incident. Autrement, on n'y pense jamais à nos compatriotes de l'océan Atlantique, de l'océan Indien, de l'océan Pacifique, de l'océan Atlantique Nord et Sud, on n'en parle jamais. Les journaux n'en parlent jamais. 

Apolline de Malherbe : C'est donc un signal.

François Bayrou : Et d'ailleurs, c'est le cas aussi, vous savez bien que je le pense, de toute une partie de la société française. 

Apolline de Malherbe : On va y revenir sur la question des oubliés. Sur la question aussi d'une partie du territoire, vous l'avez dit, vous avez insisté là-dessus depuis votre nomination : vous voulez être celui qui réconcilie aussi les territoires français. Mais il y a en effet la liste, on l'a sous les yeux, il y a ce qu'il y a écrit, et puis il y a ceux qui n'y sont pas rentrés. Xavier Bertrand, qui était pressenti, c'est ce que lui dit même, il dit ces mots, Xavier Bertrand : « Le Premier ministre m'a informé ce matin, contrairement à ce qu'il m'avait proposé hier, qu'il n'était plus en mesure de me confier la responsabilité du ministère de la Justice en raison de l'opposition du Rassemblement National. En dépit de ces nouvelles propositions, je refuse de participer. Un gouvernement de la France formé avec l'aval de Marine Le Pen, c'est une faute », dit-il, « d'avoir composé avec l'extrémisme ».

François Bayrou : Alors on va approfondir cette question. D'abord, il n'est pas vrai que quelque influence que ce soit, se soit exercée sur moi. 

Apolline de Malherbe : Il ment. 

François Bayrou : J'ai vu des journaux écrire que Mme Le Pen m'avait appelé au téléphone. Ce n'est pas vrai. 

Benjamin Duhamel : Il faut dire ce soir, François Bayrou, que l'hebdomadaire L'Express, l'hebdomadaire Le Point, expliquent que vous avez eu des échanges avec Marine Le Pen qui vous auraient dit, « C'est simple, si vous nommez Xavier Bertrand au ministère de la Justice, c'est censure automatique » et que c'est pour cela que vous auriez renoncé. 

François Bayrou : Je reprends la chronologie. J'ai proposé à Xavier Bertrand d'entrer au gouvernement. Et d'entrer au gouvernement...

Apolline de Malherbe : Cette partie-là est juste. 

François Bayrou : Entrer au gouvernement dans un ministère très important. 

Apolline de Malherbe : Vous n'avez pas précisé à ce moment-là la justice ? 

François Bayrou : Je lui ai proposé et il m'a dit « je ne veux que la justice ». Et pour moi, cette question pouvait se poser. J'ai reçu Xavier Bertrand. Et il m'a exposé ses vues sur le ministère de la Justice, et je ne me suis pas reconnu dans ses vues. Et donc je lui ai dit, en réfléchissant, « on va essayer », c'est la formule que j'ai utilisée. Et en réfléchissant, je me suis rendu compte où étaient les points de divergence avec lui. 

Benjamin Duhamel : C'était quoi la divergence que vous aviez avec Xavier Bertrand ? Je vais l'expliquer. Xavier Bertrand proposait une démarche que j'ai trouvée violente au ministère de la Justice. Il proposait par exemple que les amendes soient directement facturées et payées par une retenue de salaire. Quand vous avez une amende de stationnement. Moi je trouve qu’on ne peut pas s'attaquer comme ça à la question du civisme. Et donc, Xavier Bertrand, j'ai trouvé que son approche sur le ministère de la Justice n'était pas la mienne. Je vais vous expliquer pourquoi. 

Apolline de Malherbe : Ça veut dire que ça n'a rien à voir avec une quelconque défiance de Marine Le Pen ? 

François Bayrou : Ça n'a rien à voir avec une défiance de Marine Le Pen. 

Apolline de Malherbe : Pourquoi est-ce qu’il raconte ça alors ?

François Bayrou : Ça a à voir avec une défiance de moi. 

Apolline de Malherbe : Pourquoi est-ce qu'il raconte ça ? 

François Bayrou : Parce qu'il est déçu de ne pas être au gouvernement. Et je sais ce que c'est d'être déçu de ne pas être au gouvernement. Il y a quelques mois encore j’ai moi-même refusé d'entrer au gouvernement parce que je n'étais pas en accord avec le Premier ministre. 

Benjamin Duhamel : Attendez, juste François Bayrou. Non, mais attendez, juste, on était sur ce plateau hier et l'entourage de Marine Le Pen faisait savoir que si Xavier Bertrand était nommé à la justice, la pression pour censurer serait difficile à empêcher. Et on a le lendemain un gouvernement avec celui qui est visé depuis le début par le Rassemblement National qui est absent de la composition. Et vous expliquez que le seul sujet, c'est que vous n'étiez pas d'accord. 

François Bayrou : Je n'étais pas d'accord et je vais vous dire pourquoi. Le ministère de la Justice, ça n'est pas un ministère de guerre. Ce n'est pas un ministère de fracture. Ce n'est pas un ministère d'agression contre les uns ou les autres. Le ministère de la Justice, c'est un ministère de pacification. Et c'est un ministère d'équité. 

Benjamin Duhamel : Donc Xavier Bertrand ment, pour dire les choses, François Bayrou. 

François Bayrou : Non, je ne dirai jamais des choses de cet ordre. 

Benjamin Duhamel : Écoutez, il dit, vous avez cédé sous la pression de Marine Le Pen. 

François Bayrou : Moi, je dis que ça n'a rien à voir, et je vais vous expliquer pourquoi, si vous voulez bien continuer. Entre les électeurs de la France insoumise et les électeurs du Rassemblement national, il y a 16 millions de Français. Et je ne veux pas faire la guerre à ces 16 millions de Français. 

Benjamin Duhamel : Donc, vous ne le nommez pas pour ne pas vous mettre à dos celui qui disait qu'il voulait briser les mâchoires du RN ? 

François Bayrou : Je trouve que l'expression « briser les mâchoires » est, en effet, une expression de guerre. 

Apolline de Malherbe : Mais ça veut dire donc que vous ne vouliez pas qu'il fasse la guerre avec l'outil du ministère de la Justice ? 

François Bayrou : Le ministère de la Justice, ça ne sert pas à faire la guerre aux uns ou aux autres. Le ministère de la Justice, ça sert à pacifier et ça sert à donner le sentiment de l'équité. 

Apolline de Malherbe : François Bayrou, avec ce message, il vous a d'abord coupé l'herbe sous le pied, puisque Xavier Bertrand, il faut le dire, dans la chronologie de cette journée, a décidé d'annoncer de lui-même, avant même que vous n'ayez l'occasion de le faire, qu'il ne serait pas au gouvernement. C'est lui qui lance en quelque sorte les hostilités, avec des phrases extrêmement dures. Je rappelle quand même qu'il dit que vous avez commis une faute, celle d'avoir, je cite, « composé avec l'extrémisme ». C'est d'une virulence extrême. Est-ce que ça veut dire qu'au fond, il est le même, en quelque sorte, en guerre avec vous ? C'est très fort de dire ça. 

François Bayrou : Oui, mais ils sont plusieurs en guerre. Mais mon point de vue, à moi, ce n'est pas de faire la guerre. Mon point de vue, à moi, c'est que ces dizaines de millions d'électeurs qui se sentent constamment vilipendés, qu'ils retrouvent un minimum de confiance. 

Apolline de Malherbe : C'est un peu paradoxal, vous comprenez. Parce que vous nous dites que ça n'a rien à voir avec le RN. C'est juste parce que sa vision de la justice n'était pas la mienne. Et dans le même temps, vous nous dites aussi que vous voulez respecter les 16 millions, ce qu'on entend parfaitement. Mais si on est un peu logique, la manière même dont vous construisez votre raisonnement montre que c'est bien vis-à-vis du RN et avec ses expressions de mâchoire brisée que vous avez renoncé. 

François Bayrou : Je trouve que ces expressions n'ont pas leur place dans le débat politique. 

Apolline de Malherbe : En tout cas, c'est pour ces deux raisons-là que vous avez refusé l'entrée de Xavier Bertrand. 

François Bayrou : Excusez-moi. Oui, je prétends que si nous voulons affronter les problèmes immenses que le pays a devant lui, il faut rassembler les Français. Et pour ma part, ces dizaines de millions de personnes qui votent LFI d'un côté ou qui vote Rassemblement national de l'autre, je ne considère pas qu'ils sont extérieurs au peuple français. Je ne partage aucune de leurs idées. Je suis en désaccord avec Mélenchon, Jean-Luc Mélenchon que je connais bien, je suis en désaccord avec lui sur le fond, parce qu'il a défini une stratégie qu'il a lui-même explicitée qui est « tout conflictualiser », je le cite exactement. C'est-à-dire pour arriver à prendre le pouvoir, pour arriver à faire la révolution, prendre tous les sujets du pays, tous les problèmes du pays, et en faire des guerres. 

Benjamin Duhamel : Et on parlera François Bayrou. 

François Bayrou : Non, attendez, laissez-moi, on a le temps. Vous m'avez expliqué qu'on avait le temps. 

Benjamin Duhamel : On a le temps, vous avez raison, mais j'aimerais qu'on continue à faire cette liste en quelque sorte…

François Bayrou : Je veux dire aussi pour l'autre côté. Les électeurs du Rassemblement National, je ne partage aucune des idées qu'on essaie de leur mettre dans la tête et aucune des arrière-pensées qu'on essaie de leur mettre dans la tête. On parlera d'immigration tout à l'heure. 

Apolline de Malherbe : Bien sûr. 

François Bayrou : Mais ils ont le sentiment qu'ils sont les laissés-pour-compte, pour beaucoup d'entre eux. Et je ferai tout ce que je peux pour qu'ils ne se sentent pas laissés pour compte. Ces forces-là…

Benjamin Duhamel : Et Xavier Bertrand, à la justice, ça aurait été une façon de les laisser de côté dans le débat public ? 

François Bayrou : Excusez-moi, vous voyez, l'expression qui est la sienne, que vous avez citée, moi je trouve que cette expression-là ne correspond pas au ministère de la Justice.

Apolline de Malherbe : Oui mais pourtant vous l'avez quand même appelée, vous nous racontez, vous nous dites que vous l'avez appelée « vous pourrez avoir un gros ministère », vous auriez aimé qu'il aille où, à l'intérieur ? 

François Bayrou : Je lui ai proposé le ministère de l'Agriculture avec tous les sujets qui se posent autour du ministère de l'Agriculture. Il est président des Hauts-de-France. Je trouve que c'est un pays qui a, en effet, des problèmes d'agriculture. Il m'a dit non. Or, permettez-moi de vous dire, il se trouve que ce ne sont pas les ministres qui choisissent eux-mêmes leur portefeuille. Il essaie de bâtir quelque chose. Et c'est le Premier ministre et le Président de la République qui nomment les ministres. Vous avez compris le sujet.

Benjamin Duhamel : François Bayrou. On a compris et on va continuer d'aborder la question du Rassemblement national et de la France insoumise. J'aimerais juste qu'on s'arrête un instant sur celui que vous avez donc choisi pour la place Vendôme, Gérald Darmanin, ancien ministre de l'Intérieur, et le nouveau garde des Sceaux. Et c'est vrai que depuis que cette annonce a été faite par Alexis Kohler à l'Élysée, le secrétaire général de l'Élysée, un certain nombre de ces anciennes déclarations sont exhumées, l'une des plus récentes étant celle qu'il avait eue au moment des réquisitions du parquet dans le cadre du procès des assistants parlementaires du Rassemblement National, là encore. Et il avait considéré que ce serait un problème si Marine Le Pen était condamnée à une peine d'inéligibilité. Est-ce qu'on peut avoir un ministre de la Justice, garde des Sceaux, garant de l'indépendance de la justice, qui s'est prononcé, dans le cadre de ses fonctions politiques parlementaires, sur un procès qui doit rendre son jugement le 31 mars ? Est-ce que ce n'est pas un problème ? 

François Bayrou : Excusez-moi, il y a des gens qui croient, et peut-être dans ces responsables du Rassemblement national aussi, ou dans d'autres forces politiques, c'est le gouvernement qui dirige, maîtrise, définit les décisions de justice. Ce n'est pas vrai. Un ministre de la Justice est absolument incapable de faire prendre une décision par un magistrat. 

Benjamin Duhamel : Donc il faudra qu'il mette de côté ses prises de parole qui étaient les siennes auparavant. 

François Bayrou : Bon oui, c'est mieux d'être prudent. Je connais le ministère de la Justice, je l'ai épisodiquement occupé et j'ai dû le quitter pour une affaire de cet ordre qui s'est terminée par une relaxe. Au bout de sept ans et demi, nous nous sommes, je me suis trouvé, même si des amis à moi ont été, à mon sens, injustement condamnés, mais évidemment, ça n'a pas du tout le même... 

Benjamin Duhamel : Gérald Darmanin qui, François Bayrou, participait aussi à une manifestation en 2021 qui était en soutien aux policiers, sous les fenêtres de l'Assemblée nationale. Il participait à cette manifestation où un leader du syndicat Alliance, pour ne pas le citer, avait dit la chose suivante, « le problème de la police, c’est la justice ». Gérald Darmanin était là et il se retrouve en décembre 2024, garde des Sceaux, ministre de la Justice. 

Apolline de Malherbe : Et il sera passé donc de l'intérieur à la justice. 

François Bayrou : Excusez-moi, je ne connais pas un maire en France qui ne soit troublé et ému parce que les forces de police sur son territoire disent « on arrête quelqu'un, il est pris en flagrant délit et le lendemain matin il est libéré et il vient nous narguer sous les yeux de tout le monde du quartier ». Donc je trouve que tous les français pensent qu'il y a un problème entre justice et police. Et si, pour une fois, on peut essayer de voir si on peut mobiliser l'effort de la nation pour assurer un peu de paix civile ?

Apolline de Malherbe : Vous considérez, comme d'autres, qu'il y a un problème avec la justice. Bruno Retailleau, qui reste ministre de l'Intérieur de votre gouvernement, qui l'était sous le gouvernement de Michel Barnier, avait d'ailleurs, dès le départ, dit qu'il estimait qu'il y avait un problème de laxisme de la justice. Le couple Gérald Darmanin, Bruno Retailleau, vous paraît plus cohérent en ce sens ? 

François Bayrou : Ce n'est pas qu'il me paraisse, vous l'avez dit tout à l'heure dans le débat, et je vous ai entendu le dire dans votre émission. 

Apolline de Malherbe : Il y a une cohérence pour vous Bruno Retailleau, Gérald Darmanin ? 

François Bayrou : Non, il y a pire que ça, il y a une exigence. Il y a des millions et millions de Français qui pensent que nous sommes un pays en insécurité. Et ce million et million de Français, profondément troublés, quelles que soient leurs opinions politiques, de gauche et de droite confondues, ils ont le sentiment qu'on ne les protège pas. 

Benjamin Duhamel : Et la justice est laxiste ? Pour dire les choses, François Bayrou…

François Bayrou : Vous cherchez constamment à créer des... 

Benjamin Duhamel : Non, je cherche à essayer que les choses soient claires. 

François Bayrou : Alors, laissez-moi vous répondre. 

Benjamin Duhamel : Bruno Retailleau considère qu'il y a un problème d'inexécution des peines dans ce pays. 

François Bayrou : Il y a un problème d'inexécution des peines dans ce pays. Parce qu'on devrait avoir des peines immédiates pour des délinquants, en particulier pour des délinquants jeunes, on devrait pouvoir les juger rapidement. Parce que quand vous obtenez une sentence un an après, et que vous aviez 16 ou 17 ans, quand vous accumulez sur un casier judiciaire 17 inscriptions, 20 inscriptions, 25 inscriptions, et qu'on ne fait pas grand-chose… J'ai créé dans la commune dont j'ai la charge…

Apolline de Malherbe : Pau.

François Bayrou : 200 travaux d'intérêt général par an. 

Apolline de Malherbe : Est-ce que vous êtes favorable, François Bayrou, à l'exécution immédiate des peines de prison de courte durée ? Ça a été un des débats récurrents ces dernières années en France. La France a choisi ou a subi aussi parce qu'il n'y a pas suffisamment de places en prison, qu'aucune peine de moins d'un an de prison ne soit exécutée réellement. C'est-à-dire que les gens ne vont pas en prison pour un an de prison. C'est l'inverse par exemple en Hollande où on fait des peines y compris de quelques jours. Est-ce que vous seriez favorable à ce renversement ? 

François Bayrou : Je suis favorable à ce qu'on puisse avoir des jugements rapides et des peines courtes exécutées, réellement exécutées. Je ne suis pas pour qu'on traîne en prison, parce que la prison, c'est l'école des trafics, des réseaux. 

Apolline de Malherbe : Mais si on y est condamné, on y aille, y compris pour une courte durée. 

François Bayrou : Pour une courte durée, et que précisément cette réflexion-là soit adaptée aux adolescents, par exemple. 

Apolline de Malherbe : Vous comprendrez, François Bayrou, quand même que quand on entend tout ça, quand on entend le couple Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et vos propos, vous ne devez pas être étonné que les socialistes parlent d'un gouvernement de provocation. 

François Bayrou : Eh bien, vous voyez, je ne suis pas du tout d'accord avec vous. Parce que votre jugement ou votre analyse…

Apolline de Malherbe : Je cite les mots d'Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti Socialiste. 

François Bayrou : Votre analyse, qu'est-ce qu'elle dit à tous les Français qui vous écoutent ? Que les socialistes sont forcément laxistes. Je ne crois pas ça. 

Apolline de Malherbe : La réalité, c'est quand même que vous avez enlevé un socialiste, Didier Migaud, pour y mettre un ex-LR, Gérald Darmanin. 

François Bayrou : Non, ce n’est pas vrai. Mais enfin, bon... Je n'ai pas renommé Didier Migaud. 

Benjamin Duhamel : Oui, donc vous l'avez enlevé. 

François Bayrou : Oui, si vous voulez. J'ai essayé de le maintenir au gouvernement, je n'y suis pas arrivé. 

Apolline de Malherbe : Vous lui avez proposé autre chose qu'il a refusée ? 

François Bayrou : Non, il n'a pas refusé, il a accepté, mais la structure du gouvernement n'était pas celle qu'il voulait. Et donc, c'est très simple. Vous vous dites, « vous devez mécontenter les socialistes parce que ce sont forcément des laxistes »... 

Apolline de Malherbe : Non, je dis que vous ne pouvez pas être surpris, vous les connaissez bien. 

François Bayrou : Apolline de Malherbe, si je vous faisais réécouter vos propos, ce que vous venez de tenir, vous verriez qu’en analyse de texte, j'ai à peu près raison. 

Benjamin Duhamel : Non, attendez, François Bayrou, le sujet... 

Apolline de Malherbe : Ce n’est pas une question d'analyse de texte, c’est une question d’équilibre politique. 

Benjamin Duhamel : Non, mais François Bayrou, le sujet, posons-le sur ce qui s'est passé et sur ce qui s'est déroulé depuis... 

Attendez, une seconde, juste, je termine la question. 

Sur ce qui s'est passé depuis ces dix jours où vous avez été nommé. Michel Barnier est tombé dans les conditions que l'on sait. Il est tombé, puisque le Rassemblement national a décidé de le censurer, ainsi que le nouveau Front populaire. Vous êtes arrivé à Matignon avec cette idée d'aller essayer d'élargir le socle et d'obtenir ce que d'aucuns appelaient un accord de « non-censure » auprès des socialistes. Ce soir, Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti Socialiste, dénonce un gouvernement de droite extrême qui est tenu par l'extrême droite. Marine Tondelier dénonce de la même manière ce collectif gouvernemental. Les gens que vous avez nommés ce soir ne vous permettent pas, François Bayrou, d'obtenir, d'aboutir à cet accord de non-censure que vous appeliez de vos vœux. Vous n'avez pas gagné ce soir une seule voix au Parlement. 

François Bayrou : Je n'ai jamais prononcé, je crois, le mot accord de non-censure. 

Benjamin Duhamel : Parce que vous souhaitez que les socialistes ne vous censurent pas ? 

François Bayrou : Non, je pense que chacun doit prendre ses responsabilités. Je pense qu'on est dans une situation du pays extrêmement difficile, la plus difficile que nous ayons connue depuis la guerre, avec un pays qui n'a pas de budget, un pays qui n'a pas de majorité, un pays dans lequel un grand nombre de Français pensent et croient qu'ils sont laissés de côté, qu'on ne fait pas attention à eux. Et ce pays-là, j'ai le devoir de lui proposer une ligne qui soit une ligne compréhensible. Et moi je vous dis, quelles que soient les opinions politiques, la grande majorité des Français pensent et croient qu'ils sont dans un pays d'insécurité. 

Benjamin Duhamel : Mais ce soir, François Bayrou, les oppositions politiques... 

François Bayrou : Ne dites pas « mais » !

Benjamin Duhamel : Je dis que les oppositions politiques ce soir considèrent que votre gouvernement ne correspond pas à ce qu'elles souhaitent. De gauche en particulier. 

François Bayrou : Eh bien que les oppositions politiques prennent les responsabilités ou fassent les déclarations qu'ils veulent. Moi, ce que je souhaite, ce que je veux et ce que j'essaierai d'imposer, c'est que ce type de sentiment profond d'inquiétude, de bouleversement parmi les Français, ça trouve une réponse. Et que cette réponse soit faite par des personnalités et des sensibilités modérées, équilibrées et qui croient à l'état de droit. 

Modérées, équilibrées et qui croient à l'état de droit. Je suis un responsable du grand courant du centre du pays. Et je dis qu'il faut sortir de ce constat d'impuissance qu'on mesure et que vous mesurez. Vous passez votre temps, vous les chaînes d'info en général, et certaines plus encore que d'autres, à montrer une France dans laquelle il y a des meurtres, des crimes, des complots, des trafics. 

Apolline de Malherbe : Vous ne nous faites pas ce reproche-là ? 

François Bayrou : Non, mais vous voyez qu'il y a un paysage audiovisuel plus large. Et je dis que ceci, je ne peux pas y être indifférent.  

Apolline de Malherbe : Mais vous ne diriez pas, comme Éric Dupond-Moretti, lorsqu'il était arrivé au ministère de la Justice, qu'il n'y avait pas d'insécurité, mais un « sentiment d'insécurité » ?

François Bayrou : Je ne dirais pas ça. Mais que les Français soient bouleversés, est-ce qu'il y a un gouvernement qui peut s'en accommoder ?

Apolline de Malherbe : Mais François Bayrou, pour essayer de bien comprendre qu'est-ce qui, aujourd'hui, rend la situation différente de celle qu'avait Michel Barnier ? Qu'est-ce qui, ce soir, dans le gouvernement que vous avez formé, rend ce gouvernement plus stable, moins dans une situation délicate que celui Michel Barnier ? Je vous cite Laurent Wauquiez qui déplore la « faible place des Républicains dans le gouvernement » François Bayrou. Le vote se fera texte par texte. C'est même encore pire puisque les Républicains, qui étaient pour le coup acquis à Michel Barnier, qui étaient à Matignon, disent ce soir « On n'est pas assez représentés, le vote ne se fera que texte par texte ». Et ils disent même qu'il « faudra une grande vigilance de leur part ». 

François Bayrou : Oui, bien sûr, mais la vigilance c'est un devoir. Vous êtes familier de l'histoire politique du pays, et moi aussi. Wauquiez, Laurent Wauquiez, qui est une personnalité que je respecte, cultivée, président d'une grande région pendant longtemps, Laurent Wauquiez, il dit « mon parti politique n’a pas assez de place ». C'est le contraire exact du gaullisme. Le gaullisme auquel je suis attaché, le gaullisme qui a libéré la France et reconstruit nos institutions, qu'est-ce qu'il dit et qu'est-ce qu'il fait ? Il dit, « le gaullisme, les partis politiques ne doivent pas être ceux qui forment les gouvernements ». Ceux qui forment les gouvernements, c'est un président de la République élu, il nomme un Premier ministre, et ce Premier ministre propose une politique, en tenant compte, dit-il, des nuances de l'Assemblée nationale. Comprenez-moi bien, les partis ne sont pas contents, aucun. Je ne connais aucun parti content. Mais ce n'est pas le problème du gouvernement. 

Franchement, il y a des personnalités majeures, vous venez d'en citer un certain nombre, dont je n'ai pas le sentiment qu'ils soient très éloignés des positions traditionnelles de LR, des Républicains. Mais ce n'est pas ça la question. 

Apolline de Malherbe :  Donc la question n'est pas de savoir s'ils sont étiquetés ou pas, s'ils ont leur carte dans un parti ou pas. François Bayrou, il y a un nom qu'on n'a pas cité depuis le début de cette émission, c'est Emmanuel Macron, le président de la République. Moi j'ai quand même une question, quand je vous écoute, on se dit qu'au fond vous étiez prêt depuis longtemps. Pourquoi il ne voulait pas de vous ? 

François Bayrou : D'abord, permettez-moi de dire que, franchement, un président de la République, ce n'est pas souvent qu'il a eu à affronter autant de cascades de drames. 

Apolline de Malherbe :  Donc, ce n'est pas de sa faute ? 

François Bayrou : Tout le monde a sa part de responsabilité, tout le monde. 

Apolline de Malherbe :  Non, mais je veux dire, c'est des cascades de drames qui lui sont tombées dessus ? 

François Bayrou : Écoutez, excusez-moi, les Gilets jaunes, je souhaiterais qu'on y revienne tout à l'heure, si vous avez une minute, parce que... 

Apolline de Malherbe :  On le note. Promis, on le note. 

François Bayrou : Les gilets jaunes, le Covid, la guerre en Ukraine, l'inflation, je ne connais pas de président de la République qui ait eu à affronter autant de difficultés que celles-là… 

Apolline de Malherbe : Oui, mais je vous pose la question, vous étiez là depuis le début, pourquoi il ne voulait pas de vous ? 

François Bayrou : …Et malgré ça, le chômage a baissé, le nombre d'entreprises créées a augmenté, tout le monde s'en fiche, et moi je considère que c'est essentiel. Je prends un exemple. J'ai, dans des campagnes présidentielles successives, proposé qu'on fasse pour les impôts la retenue à la source. Ça avait beaucoup d'avantages. Tout le monde me disait, y compris sur vos plateaux, « Ça n'est pas possible ». Il l'a fait. 

Apolline de Malherbe : Mais vous ne répondez pas à ma question, François Bayrou. Vous ne répondez pas à ma question. Pourquoi il ne voulait pas de vous ? 

François Bayrou : Franchement, je sais que j'ai un phrasé lent, mais c'est bien parce que ceux qui nous écoutent, comme ça entendent. 

Apolline de Malherbe : Pourquoi ? 

François Bayrou : Parce qu'ils pensaient que je n'étais pas le mieux adapté à la fonction. Je vais vous dire la vérité. Et pourquoi vous le seriez ? Je vais vous dire la vérité. J'ai toujours pensé qu'on ne me demanderait d'occuper cette fonction que quand ça irait très mal. 

Apolline de Malherbe : Et donc vous vous êtes imposé ? 

François Bayrou : Non, je ne me suis pas imposé. Nous avons eu une discussion assez franche sur les impératifs et les priorités qu'il fallait avoir. Et je pense que je l'ai convaincu. Vous savez, je parle avec le président de la République à peu près trois fois par semaine depuis le premier jour de notre alliance. C'est une personnalité courageuse. Et c'est quelqu'un qui affronte les problèmes. Et il a choisi, en effet, de me confier cette responsabilité. 

Apolline de Malherbe : Mais il avait peur de vous avant ? Il vous redoutait ?

François Bayrou : Non. C'est des blagues. Il est président de la République, Apolline de Malherbe. 

Apolline de Malherbe : Mais on ne va pas se mentir ici. Depuis le début, vous êtes prêt. Depuis le début, vous êtes à ses côtés. Vous lui avez laissé entendre, ou vous nous l'avez laissé entendre à nous, journalistes, dans les différents entretiens qu'on a pu avoir avec vous que vous étiez là. Et effectivement, comme vous le dites, il finit par vous nommer, mais presque au pied du mur. 

François Bayrou : Ce n'est pas lui qui est au pied du mur, c'est le pays. Ce n'est pas lui. 

Apolline de Malherbe : Il n'y a aucune sorte de conflit, de compétition ? 

François Bayrou : On aura peut-être des positions divergentes, mais l'idée qu'il faille nécessairement créer un affrontement entre le président de la République et le Premier ministre, idée très répandue chez les « observateurs », comme on dit pudiquement pour parler de vos métiers, cette idée-là n'est pas la mienne. Et l'idée qui est la mienne, je l'ai formulée depuis longtemps, je veux la rappeler devant vous, c'est la coresponsabilité. Nous sommes dans des responsabilités différentes, co-responsables de l'avenir du pays. Et si vous croyez que j'ai l'intention d'entrer dans le petit jeu classique… Je me souviens de Mitterrand-Rocard, je peux vous assurer... 

Apolline de Malherbe :  Et vous avez répondu. 

François Bayrou : Et donc, pour moi, cet affrontement-là serait un affrontement stérile et indigne de lui et indigne de moi. 

Benjamin Duhamel : François Bayrou, le 14 janvier, vous prononcerez à la tribune de l'Assemblée nationale votre déclaration de politique générale. Jean-Luc Mélenchon, dans les colonnes du Parisien, dit que vous ne passerez pas l'hiver. Il y a quelques jours, il a évoqué la motion de censure. Et Mediapart a écrit, « gouvernement Bayrou, ça sent le sapin ». François Bayrou, qu'est-ce qui, en l'État, pourrait vous empêcher de subir le même sort que Michel Barnier ? Au fond qu'est-ce qui vous empêcherait d'être censuré ? Tant on voit ce soir Jordan Bardella dénoncer le gouvernement que vous venez de former, la gauche de la même manière, est-ce que vous allez être censuré ? Est-ce qu'avec vous, on va rester dans cette instabilité politique qui conduit les gouvernements à tomber les uns après les autres ? 

François Bayrou : Je suis persuadé que l'action que je définis devant vous et l'équipe gouvernementale feront que nous ne serons pas censurés. Et puis je vais ajouter que franchement, on ne peut pas entrer dans les événements que nous vivons avec ce degré d'irresponsabilité. Je n'ai pas aimé la censure. Et les Français ne l'ont pas aimée. Politiquement, des oppositions, et les Français eux-mêmes insatisfaits ont dit « Le gouvernement tombe ? Vous voyez où nous en sommes aujourd'hui ? ». Il y a un fait qui est passé complètement inaperçu, y compris de vos chaînes, ou presque inaperçu. Les organisations syndicales et patronales ont ensemble, ensemble, écrit aux forces politiques pour dire qu'on ne pouvait pas continuer dans cette instabilité. Les organisations patronales et syndicales, ensemble. C'est une lettre qui aurait dû être commentée sur vos plateaux pendant des heures parce que c'est un signal d'alerte. L'économie française, elle était sur le point de perdre son crédit. 

Benjamin Duhamel : Vous estimez qu'ils ont eu une responsabilité immense, ceux qui ont voté la censure ?

François Bayrou : Oui, mais on ne va pas se jeter la censure à la figure. Je parle à l'Assemblée nationale. 

Benjamin Duhamel : Avant qu'on puisse parler du budget, des retraites et du pouvoir d'achat, il y a quand même une manière pour vous d'éviter cela, ce serait de vous engager à ne pas utiliser le 49-3 ? 

François Bayrou : Je n'utiliserai le 49-3 qu'à la dernière extrémité sur le budget. Alors je vais expliquer pourquoi. Vous savez, nous avons une constitution, c'est un texte qu'on dit sacré, duquel on ne peut pas s'échapper. Si on ne vote pas de budget, la constitution ne laisse que deux issues au terme des débats. La première de ces issues, c'est un 49-3, c'est-à-dire qu’on dit à l'Assemblée nationale, « le gouvernement est engagé sur ce texte et si vous votez contre, vous emportez le gouvernement ». C'est ce que l'on vient de vivre. Et il y a une deuxième issue proposée par la constitution, ce sont les ordonnances c'est-à-dire « vous ne votez pas de budget, c'est moi gouvernement qui vais décider tout seul » et je pense qu'il vaut mieux utiliser, si le climat s'y prête. Et je ne m'engage sur le budget à rien. Il vaut mieux utiliser le débat parlementaire que de faire des ordonnances. En ça, je pense qu'il est mieux de passer par un vote de l'Assemblée. Mais allons plus loin. Et pour répondre précisément à la question que vous posez, pour les autres textes, je n'ai pas l'intention d'utiliser le 49-3. 

Apolline de Malherbe : Ce n'est que sur le budget ? 

François Bayrou : Sur le budget, en cas de blocage. Pour les autres textes, j'ai l'intention d'aller au bout des débats. Il se trouve que je suis quelqu'un qui aime la démocratie parlementaire. Je suis de ce grand courant qui aime la démocratie au Parlement. Pourquoi ? Parce que les conflits qui s'exposent au Parlement, ce ne sont pas des conflits qui éclatent dans la rue. Et donc, je suis pour que le Parlement fasse son travail et qu'on le respecte. 

Benjamin Duhamel : François Bayrou. 

François Bayrou : Non, je n'ai pas fini. Sur le respect du Parlement. Vous dites on a le temps. Alors si on a le temps, ne nous interrompons pas tout le temps. Et donc, le Parlement je veux qu'il aille au bout des débats. On lui proposera des textes. Il votera pour, il votera contre. Et s'ils vote contre, Assemblée nationale et Sénat, alors on continuera avec les textes qu'il y avait avant. Je ne comprends pas pourquoi on veut transformer tout en psychodrame. Vous voyez bien, les gens entendent, les Français, je dis les gens comme Jean-Luc Mélenchon le dit, les Français… 

Benjamin Duhamel : Vous voyez que finalement, il y a des petits points qui vous rapprochent. 

François Bayrou : On se connaît assez bien, vous savez. Depuis longtemps. Et on a eu beaucoup de conversations qui ne portaient pas nécessairement sur la politique. Je vous ai dit que c'était quelqu'un de cultivé. Et donc, la démocratie parlementaire, pourquoi est-ce qu'on est dans ces hurlements perpétuels ? Pourquoi est-ce qu'on se trouve avec des injures, des cris ? Il faut que vous sachiez quelque chose. C'est de votre faute. Ça, c'est de votre faute. Je vais vous dire pourquoi. C'est parce que quand vous retransmettez les débats parlementaires, vous coupez le son de l'hémicycle. 

Apolline de Malherbe : Ce n’est pas tant qu'on coupe, qu'on n'entend pas la même ambiance que quand on est dans un hémicycle. Ce n’est même pas nous qui coupons, on utilise les images fournies par la campagne nationale. 

François Bayrou : Ce n'était pas une mise en cause personnelle. 

Apolline de Malherbe : Un petit peu tout de même. 

François Bayrou : Non, c'est une mise en cause des médias en général, et peut-être de l'Assemblée nationale. Vos micros coupent le son de l'hémicycle. Dans l'hémicycle, on ne peut pas s'entendre à deux mètres à certains moments. Est-ce que vous trouvez ça normal ? Moi, je n'ai jamais oublié une jeune femme timide dans une réunion chez nous, dans les Pyrénées, précisément après une dissolution, qui, dans la réunion publique, s'est levée et a dit, « s'il vous plaît, ne vous moquez pas de moi parce que je n'ai jamais pris la parole en public ». Et j'ai encore ses mots et le son de ses mots dans mon oreille. Et elle a dit, « vous savez, le mercredi après-midi, les enfants ne sont pas à l'école, il faut que je les garde, et je repasse. Et en repassant, j'écoute les questions d'actualité ». Et elle dit, « J'ai deux choses à vous dire. Ne vous moquez pas », dit-elle. J'ai encore son émotion. « J'ai deux choses à vous dire. La première, vous vous tenez mal. Si mes enfants à l'école se tenaient comme vous vous tenez, je serais absolument en colère ». Elle disait, « les uns dorment, les autres hurlent. Et deuxièmement, très important, ou au moins aussi important que le premier, je ne comprends rien à ce que vous dites. Les discours que vous tenez, la langue que vous utilisez, les statistiques, les PIB, je n'y comprends rien ». C'est intéressant que…

Benjamin Duhamel : François Bayrou, on va essayer justement, en quelque sorte, de répondre à cette exigence de clarté sur les éléments de fond, votre feuille de route. Et ça fait lien avec... 

François Bayrou : Excusez-moi, vous vous êtes arrêté dans la liste, vous avez fait les deux premiers, vous aviez dit on va continuer. Il y a beaucoup d'autres ministres. 

Benjamin Duhamel : Non, non, non, non. François Bayrou, s'il vous plaît. 

François Bayrou : Excusez-moi, je vais vous répondre, prenons tout le temps nécessaire, mais je ne peux pas ne pas aborder les questions d'économie. 

Apolline de Malherbe :  Et on y vient justement, François Bayrou. Et ouvrons ce chapitre sur l'économie par le biais de la question de la réforme des retraites. Aux oppositions politiques, celles qui sont favorables à l'abrogation de cette réforme, vous avez évolué en disant, « moi je suis prêt à reprendre cette réforme sans la suspendre » en disant « pendant neuf mois on met les forces politiques, les forces syndicales »... 

François Bayrou : Allez, disons, je suis prêt à aller à six mois. 

Apolline de Malherbe : Alors, disons six mois. Si vraiment c'est ça la question. À l'issue de cette évolution, les oppositions, en particulier la gauche, dit « ça ne nous suffit pas, on est prêt à regarder cette négociation qu'à une seule condition, que la réforme soit suspendue, qu'elle soit gelée », c'est-à-dire le temps de la discussion, elle ne s'applique pas. Est-ce que vous êtes prêt à faire ce geste pour engager une discussion en particulier avec les socialistes, et on en revient à cette donne politique ? 

François Bayrou : Non, je ne ferai pas ça. Dans quel monde vivent-ils ? Est-ce qu'ils savent que la France est observée, scrutée, par ce qu'on appelle les agences, c'est-à-dire tous ceux qui jugent de la santé d'un pays. Et ils jugent de la santé du pays en donnant des notes, et si les notes ne sont pas bonnes, alors les taux d'intérêt explosent. 

Benjamin Duhamel : Et ils viennent de faire descendre la note de la France, c'est le cas de l'agence de notation Moody's. 

François Bayrou : Une note, une agence, a fait descendre d'un cran la note de la France, avant que je ne sois nommé. Parce qu'ils pensent que la situation du pays est inquiétante. 

Apolline de Malherbe : Effectivement. Ça veut dire qu'il n'y a pas de compromis possible ? 

François Bayrou : Non, il y a tous les compromis possibles, s'ils existent. Je suis prêt, je l'ai dit aux organisations syndicales qui vont avoir un rôle très important à jouer dans cette affaire. Les mêmes organisations syndicales, je le rappelle, qui ont écrit cette lettre incroyable. En demandant de la « stabilité ». Première dans l'histoire : une lettre signée à la fois par le patronat et par les syndicats et les organisations syndicales, sauf la CGT et la CFDT, demandant de la stabilité. Vous vous rendez compte ce que ça veut dire ? Je suis sûr que pas 1% de ceux qui nous écoutent ne le sait. Il faut être attentif. Parce que ce ne sont pas les gros titres, n'est-ce pas ? Or, ça devrait faire la une de tous les journaux. Les organisations syndicales et les organisations patronales, ensemble, qui s'adressent au monde politique en disant « donnez-nous de la stabilité ».

Apolline de Malherbe : Mais qu'êtes-vous prêts à faire sur les retraites ? Ça veut dire quoi, « revoir » ? 

François Bayrou : Dans les six mois, parce qu'on m'a reproché que dire neuf mois c'était trop long, alors je veux bien aller jusqu'à l'été. Que les syndicats, que le patronat, que les entreprises, que les forces politiques examinent ensemble tous les problèmes qui se posent et toutes les solutions qu'ils ont. Et si on trouve des compromis, alors ces compromis remplaceront l'actuelle réforme des retraites. 

Benjamin Duhamel : Et sur les 64 ans, François Bayrou, vous avez répondu à cette question. On vous posait la question, c'était chez le confrère de France 2 jeudi dernier. Est-ce que vous pensez qu'il y a une possibilité d'alternative quant aux 64 ans ? Vous avez répondu oui. C'est quoi les alternatives ? Est-ce que c'est allonger la durée de cotisation ? Ça veut dire augmenter les cotisations ? Ça veut donc dire que là, vous êtes prêt à répondre à cela et à dire « si on arrive à un accord, on peut mettre de côté les 64 ans » ? 

François Bayrou : Si on trouve une démarche qui permet de répondre à la vraie question des retraites que je vais formuler dans une seconde, alors moi, je suis tout à fait prêt à l'examiner. J'étais partisan, je reste partisan intellectuellement de la retraite à points, qui a été écartée et à mon avis qui propose ou offre des possibilités de trouver des compromis. Si on trouve des compromis, alors ils entreront, ces compromis qui feront la base de la réforme. Mais s'ils n'entrent pas, alors c'est la réforme actuelle qui continuera à s'appliquer. 

Apolline de Malherbe : Mais pour le cadre global dans lequel vous allez travailler ? On la sait l'urgence de ce budget, il y a évidemment la question des retraites qui en est un des piliers, il y a la question du pouvoir d'achat, il y a la question des impôts. Je voudrais que vous nous donniez précisément l'équilibre auquel vous imaginez aller. 

François Bayrou : Il n'y a pas de budget au moment où on se parle mais il y a une loi spéciale qui a reconduit le budget de l'année dernière. 

Benjamin Duhamel : Vous avez dit que d'ici mi-février vous espériez adopter un nouveau budget, vous êtes toujours d'accord sur ce timing ? 

François Bayrou : Je pense qu'il le faut parce qu'autrement une autre démarche nous imposerait de ne pas avoir de budget jusqu'en avril. Et moi, je trouve que ça ne suffit pas. 

Benjamin Duhamel : Alors, je continue, François Bayrou, le timing, on est toujours sur mi-février. Maintenant, sur le contenu. 1. Est-ce que l'objectif est toujours de passer le déficit de la France de 6,2% à 5% ? Est-ce que cet objectif, vous l’aurez toujours d'ici un an ? Et enfin, avec quel équilibre entre la baisse des dépenses et la hausse des impôts ? 

François Bayrou : Vous avez dit le mot, il faut trouver un équilibre. Mais je n'ai pas pu expliquer ce qu'était le problème principal de la réforme des retraites. Problème qu'on n'a jamais bien expliqué aux Français. Et qui est un problème pour moi non seulement économique ou social mais surtout qui est un problème moral. Il se trouve qu'une part importante des retraites payées chaque mois aux pensionnés, ne sont pas payées par les gens qui sont au travail. C'était pourtant ça, la retraite par répartition : le nombre d'actifs par rapport au nombre de retraités. C'est payé désormais par l'emprunt, c'est-à-dire que ceux qui en assureront la charge, ce sont les enfants. Vous vous rendez compte ? Une famille, un pays dans lequel on dit « Bon, on va laisser à la charge des enfants toutes les dépenses que nous faisons ».

Benjamin Duhamel : Précisément, on en vient à ma question et j'aimerais qu'on avance, François Bayrou, cette question de l'objectif de déficit. La dette, c'est un de vos leitmotivs. Et depuis bien longtemps. Est-ce que vous maintenez l'objectif de passer de 6,2% à 5% de déficit dès l'année prochaine ? 

François Bayrou : Je pense qu'il y a un équilibre à trouver. Je pense que cet équilibre doit faire l'objet de travaux avec les groupes du Parlement et les parlementaires spécialistes de ces sujets. Je pense qu'un équilibre est possible à trouver. 

Benjamin Duhamel : Vous n'avancez plus de chiffres, François Bayrou. 

François Bayrou : Mais non, je n'avance pas de chiffres. 

Benjamin Duhamel : Les 5% ne sont plus un objectif ? 

François Bayrou : Vous voulez tirer, vous faites ça très habilement. Il faut redire à tous ceux qui nous écoutent ce soir, il y a des règles, on en est déjà bien loin. L'Union européenne nous avait fixé la règle de 3% : maximum 3%. Ça fait belle lurette que la France les a dépassés. On est aujourd'hui à 6,2%. 

Benjamin Duhamel : L'objectif que s'était fixé Michel Barnier, c'était de repasser à 5%. Quel est votre objectif à vous, François Bayrou ? 

François Bayrou : Je pense qu'il faut trouver autour de 5%, un peu plus de 5%, quelque chose qui nous permette de trouver un accord et un équilibre. Et je complète la question d'Apolline de Malherbe. Et je vais répondre, et que cet équilibre ne cible pas les entreprises, ne cible pas les PME, ne cible pas ceux qui investissent. Je pense qu'il va falloir faire des efforts. 

Apolline de Malherbe :  Ça veut dire que les niches fiscales, en particulier, auxquelles Michel Barnier avait voulu renoncer, vous n'y renoncerez pas ? 

François Bayrou : Ne me faites pas le débat budgétaire... C'est extrêmement important parce qu'il y a de nombreux chefs d'entreprise, il y a de nombreux salariés qui nous écoutent. On sait qu'il y a des faillites d'entreprises à la pelle. Elles ont déjà commencé. D'autres sont déjà dans les tiroirs. C'est vraiment la grande crise qui nous menace. 

Benjamin Duhamel : Et c'est eux qui nous écoutent ce soir. Ils ont besoin de stabilité. Ils ont besoin de savoir si leurs impôts vont être augmentés, si les charges de travail vont être augmentées et sur quoi vous ferez poser l'équilibre. 

François Bayrou : Alors je veux leur dire clairement les choses. 

Benjamin Duhamel : Qu'est-ce que vous leur dites ce soir ? 

François Bayrou : Je ne suis pas pour qu'on cible l'entreprise. Je suis pour qu'on la protège. Je suis pour que tout le monde se rende compte que là est notre richesse. Je n'ai jamais aimé la mise en accusation des grands groupes. C'est comme si on disait en sport, « les internationaux, on va les cibler, on n'en veut plus ». Moi je pense qu'il faut reconnaître ou penser que les grands groupes, et les PME, et les toutes petites entreprises, c'est une seule économie. Et donc je serai pour qu'on protège les entreprises. Je ne dis pas qu'on ne puisse pas trouver, pour un court temps, des efforts à faire. Mais je pense qu'il est nécessaire que tout le monde sache où est le trésor national. Le trésor national, ce sont les entreprises. Ce sont elles qui créent la richesse. Ce sont elles qui créent l'emploi. Et c'est grâce à elles que nous avons une solidarité nationale. 

Benjamin Duhamel : Sur les grandes entreprises, ce qui était dans le budget de Michel Barnier, c'était une contribution exceptionnelle, notamment pour les plus grandes entreprises. Si je suis ce que vous nous dites ce soir, François Bayrou, c'était une contribution exceptionnelle qui était censée être comprimée dans le temps, si j'ose dire. Ça, ça fait partie des contributions auxquelles vous êtes favorable ?

François Bayrou : Je ne vous dis pas ça comme ça, parce que je veux que le débat ait lieu. Mais je pense et ai le sentiment que les entreprises ont souvent été ciblées et c’est un sentiment négatif pour l'avenir du pays. Le sentiment que les entrepreneurs ont eu de ne pas être soutenus est un fait négatif pour l'avenir du pays. Comment dire ? C'est là que nous avons le plus précieux. Alors je ne dis pas qu'il n'y ait que l'économie dans la vie. Mais vous savez ce qu'ils disent les grands groupes ? Ils disent cette phrase inouïe : « Investir en France, c'est l'enfer ». La phrase a été prononcée la semaine dernière par le patron d'EDF. Il était aux côtés du patron de Total, qui a même menacé d'aller investir en Allemagne. 

Benjamin Duhamel : Qu'est-ce que vous leur dites ? 

François Bayrou : Je leur dis qu'ils se tromperaient de faire ça et qu'ils se tromperaient d’entretenir ce sentiment. 

Benjamin Duhamel : Il parle également de la difficulté à anticiper en France, effectivement, les changements de fiscalité, mais il parle aussi de l'administratif, de tous les papiers à faire pour ouvrir une usine, tant que ça met à ouvrir une usine. Qu'est-ce que vous leur répondez ? 

François Bayrou : Vous croyez qu'il n'y a que les grandes entreprises qui pensent ça ? 

Benjamin Duhamel : Non, mais simplement quand c'est le patron d'EDF ou de Total qui le dit, évidemment ça a un peu de poids quand même. 

François Bayrou : Oui, ça a un peu de poids, surtout que l'une est une entreprise d'origine publique. Donc nous avons construit un système qui est un système aberrant. Nous avons construit un système labyrinthique. Ce n’est pas pour rien, vous dites, « ils n'ont pas de possibilités de prévoir ». Ce n’est pas pour rien que j'ai voulu, ou demandé, la renaissance du commissariat au Plan. Parce que le commissariat au Plan, ça donne des années. 

Vous disiez que « vous avez été le premier », j'allais dire le seul, « à vous intéresser au déficit et à la dette, à en faire même le sujet d'une élection présidentielle ». Et beaucoup de mes amis disaient, « mais ça ne va pas la tête. La dette et le déficit. 2007. Et tu veux intéresser les Français à ce sujet ? ». Je pense que c'est un sujet vital. 

Benjamin Duhamel : Et vous dites moral, même. 

François Bayrou : Et j'ajoute moral, parce que je ne peux pas accepter l'idée qu'une génération surcharge la génération suivante les générations suivantes. Je trouve que c'est inacceptable. 

Benjamin Duhamel : Sur la question de la fiscalité, François Bayrou, la particularité, là encore, de votre place dans l'écosystème autour du président de la République a été d'avoir une petite musique ces dernières années sur la contribution des plus aisés notamment quand Emmanuel Macron a supprimé l'ISF en 2017. Vous aviez regretté la façon, les conditions dans lesquelles cet impôt sur la fortune avait été supprimé. 

François Bayrou : Ce n'était pas mon avis. 

Benjamin Duhamel : Est-ce que vous dites là, dans le budget qui venir, qu’il faudra que les plus aisés contribuent encore un peu plus que ce qu'ils ne font ? 

François Bayrou : Je ne veux pas dire ça parce que je ne veux pas cibler une catégorie ou une autre. 

Benjamin Duhamel : Mais souhaiteriez-vous rétablir l'ISF ? 

François Bayrou : Je dis une chose simple : il n'y a pas de fiscalité acceptée sans justice. Et donc, vous voyez l'équilibre qu'il faut trouver. Il faut une fiscalité qui n'empêche pas l'économie de vivre, de se développer, d'ouvrir de nouveaux chantiers, de trouver des technologies nouvelles, et en même temps, il faut qu'on ait de la justice. 

Benjamin Duhamel : Seriez-vous favorable au rétablissement de l'ISF ?

François Bayrou : Je pense que tout ça, c'est un débat qui doit prendre du temps. 

Benjamin Duhamel : Mais pourquoi pas ? 

François Bayrou : Lorsque cette réforme a eu lieu, j'étais pour maintenir l'ISF et exclure de l'ISF l'investissement productif. 

Benjamin Duhamel : On en revient à ce que vous dites sur les entreprises….

François Bayrou : Si vous investissez dans une usine, si vous investissez dans une part de PME, alors ça, c'est de l'argent utile pour le pays. Ce n'est pas de la rente, vous comprenez ? Ce n'est pas toucher des avantages. Je suis pour l'économie dynamique. 

Benjamin Duhamel : Mais pour les Français, François Bayrou, puisque vous insistez sur la dette et le déficit, ceux qui nous regardent se posent une question. Quand on voit ces difficultés, quand on voit l'agence Moody's qui dégrade la note, est-ce qu'on va payer ? Est-ce que les Français, à un moment donné, devront payer pour résoudre ces déficits et cette dette ? Ou est-ce que vous dites, « non, non, le choix qu'on fera, la priorité sera donnée à la baisse de la dépense publique » ? C'est les questions que se posent ceux qui nous regardent ce soir. 

François Bayrou : Priorité à la baisse de la dépense publique improductive. Nous avons construit, je disais, un système labyrinthique. Nous avons construit une administration qui est devenue illisible. On a multiplié. Je crois qu'il y a 1200 agences, dont personne ne sait très bien comment elles fonctionnent, qui ne rendent pas de compte... On leur a transféré l'action publique sans qu'il y ait des comptes à rendre. 

Apolline de Malherbe : On va revenir sur ces dépenses, mais sur les impôts, parce que c'est très important. Vous avez parlé de l'impôt et de la contribution, éventuellement une contribution exceptionnelle, courte dans le temps. Il y a une question, je prolonge celle de Benjamin, c'est la question des ménages. Est-ce que vous pouvez nous dire, ce soir, François Bayrou, que vous n'augmenterez pas les impôts pour les ménages français ? 

François Bayrou : Mais vous ne vous rendez pas compte de ce que vous décrivez comme mécanisme. Qui paye ? Vous dites « déficit et dette », vous avez toujours défendu ce point de vue. Qui paye les déséquilibres, les déficits et la dette ? Ce sont les ménages. Et les ménages se demandent souvent si ce sera la double peine, c'est-à-dire au fond, subir le déficit et la dette et en plus de ça, voir leurs impôts augmenter. 

Apolline de Malherbe :  Est-ce que, dans le budget, il y aura une discussion parlementaire ? C'est la spécificité de la donne politique…Est-ce qu'au fond, la philosophie dans laquelle vous serez c'est de dire « pas de charge fiscale supplémentaire pour les ménages » ? 

François Bayrou : Le moins de charge fiscale supplémentaire, parce qu'il faut d'abord qu'on travaille sur la dépense publique, la manière dont elle est organisée et à mon sens désorganisée, la manière dont tout ça glisse. J'étais l'autre jour chez vos confrères de France 2, il y avait une question de Sophie Binet, la patronne de la CGT. Qu'est-ce qu'elle disait ? Elle a dit, « mais vous ne vous rendez pas compte, en France, l'école ça ne va pas, l'hôpital ça ne va pas, les services publics ça ne va pas, et donc il faut trouver des impôts nouveaux ». C'est ce qu'elle laissait entendre. Excusez-moi, nous sommes le pays le plus imposé du monde. Mais dans ces cas-là, ça veut dire que, pourquoi ça ne va pas ? Parce qu'on n'a pas réorganisé l'État comme il fallait. On n'a pas simplifié comme il fallait. On n'a pas réformé l'action publique comme il fallait. Peut-être les rapports entre les collectivités locales et l'État ne sont pas ce qu'ils devraient être. C'est incompréhensible. J'ai presque envie de vous dire que c'est pire. On est déjà le pays qui paye le plus d'impôts. C'est encore pire. Parce qu'être le pays qui paye le plus d'impôts et dans lequel il y a de tels dysfonctionnements, c'est absolument incompréhensible pour ceux qui payent les impôts. Apolline de Malherbe, vous décrivez la situation du pays. Les mots que vous venez de dire, et j'allais presque dire l'émotion que vous avez en les disant, ces mots-là, c'est exactement la description de la situation du pays. Et qui peut s'y attaquer ? Personne, puisqu'on dit que ce n'est pas possible, qu'on ne trouvera jamais un accord avec qui que ce soit, que les gouvernements seront censurés les uns après les autres. Moi, je pense que ça serait un malheur pour le pays. 

Apolline de Malherbe : Alors j'ai une question, François Bayrou, qui concerne le pouvoir d'achat des Français. Là encore, on est à deux jours de Noël. Il y a une mesure qui était dans le débat et qui a conduit à la chute de Michel Barnier, c'est la question de l'indexation des pensions de retraite. C'est-à-dire que Marine Le Pen, le Rassemblement National, demandait à ce que Michel Barnier et son gouvernement renoncent à la désindexation partielle des pensions de retraite à partir du 1er janvier, qui devait être, sans rentrer dans la technique, indexée autour de 0,8, là où l'inflation est à 1,6%. C’est une question de pouvoir d'achat pour les retraités, notamment les retraités les plus modestes. Est-ce que vous dites, « je renoncerai, nous renoncerons à la désindexation des pensions de retraite » ? 

François Bayrou : Je dis que nous allons débattre de ce sujet avec les forces parlementaires. Mais je dis que je ne peux pas fermer les yeux sur les déséquilibres du pays. Si je faisais ça, je serais un lâche et un traître à l'intérêt national. Si je disais, « mesdames et messieurs, c'est simple, j'arrive pour avoir votre soutien ou votre abstention, je suis prêt à lâcher sur tous les efforts qui ont été décidés les dernières années ». Je ne ferai pas ça. 

Apolline de Malherbe : Mais Marine Le Pen en fait une ligne rouge. 

François Bayrou : Oui, Marine Le Pen en ferait une ligne rouge. C'est peut-être la différence entre Marine Le Pen et moi. 

Apolline de Malherbe :  C'est-à-dire ? 

François Bayrou : C'est-à-dire, je n'ai pas l'intention de tourner le dos à l'intérêt du pays. Je n'ai pas l'intention de me taire sur les déséquilibres qui nous tuent. 

Benjamin Duhamel : Donc la réduction de la dette reste votre priorité ? 

François Bayrou : Et vous l'avez très justement dit. Ils nous tuent de deux manières. Ils nous tuent parce que nous n'avons pas les services publics qui vont avec. Et ils nous tuent parce qu'ils donnent de la France l'image d'un pays qui n'est pas sûr. Et s'il n'est pas sûr, alors il faut que les taux d'intérêt augmentent. Et donc on ne peut pas acheter de maison. Ça coûte trop cher. On ne peut pas acheter d'appartement ou construire d'appartement. On ne peut pas acheter les objets du quotidien, les voitures. La consommation baisse partout. C'est normal. Parce que la consommation, elle disparaît. Et vous savez pourquoi ? Parce que les Français, ils se disent, « ça va tellement mal, alors il faut faire de l'épargne de précaution ». Eh bien, je suis là pour créer un sentiment, pour rassurer ceux qui sont là. 

Benjamin Duhamel : On va passer dans un instant aux questions aussi de sécurité, d'immigration. Mais pour clore ce chapitre économique, je voudrais quand même que vous nous disiez un mot d'Éric Lombard, que nombre d'entre nous découvrent ce soir. Éric Lombard, c'est le nouveau ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. C'est l'ancien patron de la Caisse des dépôts. C'est plutôt considéré comme un homme de gauche, un patron de gauche. 

François Bayrou : Oui, Éric Lombard, c'est quelqu'un qui a fait une très grande carrière dans les entreprises, dans les assurances, dans la banque. Il est respecté, je crois, de tout le monde, et c'est un grand connaisseur des collectivités locales. Pourquoi ? Parce que la Caisse des dépôts et consignations, vous savez ce que c'est ?

Benjamin Duhamel : C'est la Banque des collectivités locales. 

François Bayrou : Non, non. La Caisse des dépôts et consignations, c'est le trésor du pays. 

Benjamin Duhamel : Donc c'est le monsieur trésor du pays qui devient le ministre de l'économie. 

François Bayrou : C'est l'argent que le pays économise, qu'il veut rentabiliser. La Caisse des dépôts et consignations, elle n'est pas sous l'autorité du gouvernement, elle est sous l'autorité du Parlement. Pourquoi ? Parce que c'est au nom des Français que la Caisse des dépôts et consignations invente des procédures de financement, aide les collectivités locales et grandes entreprises. Grandes entreprises, et collectivités locales, vous voyez qu'on est exactement au cœur de la difficulté du pays. Et c'est quelqu'un de très respecté et considéré, en effet, vous l'avez dit. Je ne l'aurais pas dit comme ça, comme de gauche. Et qu'on puisse construire la réflexion et le raisonnement sur l'entreprise avec un homme, je crois, respecté de beaucoup de monde, et qu’il soit considéré comme étant plutôt du côté social, y compris par les acteurs principaux, je trouve que ça envoie un message. Ça veut dire que l'économie, ce n'est pas seulement de droite. 

Apolline de Malherbe : La sécurité, par contre, c'est bien de droite. 

François Bayrou : Non, la sécurité, tous les Français veulent qu'il y ait une politique à conduire sur ce sujet. 

Benjamin Duhamel : Allons-y, François Bayrou. Je voudrais qu'on parle de la question de l'immigration. Là encore, si on reprend cette liste que nous avons sous nos yeux, Bruno Retailleau a été reconduit ministre de l'Intérieur. C'est assez frappant. Avant même d'être renommé, il a en quelque sorte déroulé sa feuille de route dans les colonnes du Journal du dimanche, en disant qu'il vous avait convaincu sur l'allongement de la durée de rétention en centre de rétention administrative de 90 à 210 jours, sur la réforme de l'aide médicale d'État, sur le rétablissement du délit de séjour irrégulier. Je prends quelques-unes des mesures qu'il met en avant. Est-ce que ça veut dire que sur tous ces points-là, votre gouvernement, François Bayrou, va agir pour précisément changer les délais de rétention, réformer l'aide médicale d'État et rétablir ce délit de séjour irrégulier ? C'est votre feuille de route sur la question de l'immigration ? 

François Bayrou : Ce n'est pas ma feuille de route, c'est ce que Bruno Retailleau souhaite. Je vais vous dire ce que je pense exactement de l'immigration. 

Benjamin Duhamel : Ce n’est pas votre feuille de route ? 

François Bayrou : Je vais vous dire ce que je pense de l'immigration. Il y a beaucoup de Français qui croient que les immigrés sont responsables des problèmes du pays. Beaucoup. Et moi je crois que ce sont les problèmes du pays qui sont responsables du fait qu'il n'y a plus d'intégration, il n'y a plus d'assimilation, les immigrés demeurent complètement coincés, mis de côté, et que ça crée des désordres épouvantables. Je suis pour qu'on regarde ce problème en face, et notamment qu'on regarde un problème, qui est la question du travail. Je connais, dans ma ville, des centaines de jeunes gens qui sont maintenus dans des hôtels payés par la puissance publique, des Formule 1, vous avez eu des reportages sur vos chaînes sur l'état de ces foyers. Et comment en serait-il autrement ? Vous enfermez 100 ou 150 jeunes en situation irrégulière, à double tour, enfin pas à double tour… Mais dans des établissements, payés par nos impôts, et vous leur interdisez de travailler. 

Benjamin Duhamel : Alors qu'allez-vous faire ? 

François Bayrou : Non, je ne dis pas ce que je vais faire. J'expose une situation. 

Apolline de Malherbe : Mais c'est très intéressant, François Bayrou, parce que Bruno Retailleau a une approche complètement différente de ce que vous indiquez. Mais c'est très intéressant ce que vous dites, puisque vous posez la question de l'immigration par la question du travail. 

François Bayrou : Oui, mais là encore, Apolline… 

Apolline de Malherbe : J’ai moi-même, nous avons interrogé Bruno Retailleau ces précédentes semaines. Il dit que l'immigration n'est pas une chance pour la France. Il considère qu'il faut revoir à la baisse la question de l'immigration de travail. Et il met en avant une feuille de route qui, là encore, je viens de la dire, ne correspond pas à ce que vous dites ce soir. 

François Bayrou : Eh bien, écoutez, nous nous convaincrons l'un l'autre. Je suis moins éloigné de Bruno Retailleau que les gens le croient. C'est quelqu'un que je respecte, que j'estime, et c'est quelqu'un à mes yeux de fiable. Il veut poser les problèmes du pays. Je suis d'accord pour poser les problèmes du pays. Je suis même d'accord, je l'ai dit à Mme Le Pen quand je l'ai reçu dans le cadre des consultations que nous avons eues, pour que chaque courant politique ait le droit de poser la question sur les sujets qui lui paraissent le plus choquants. Tous ! De la gauche, de l'extrême gauche à l'extrême droite. Pourquoi ? Alors je sais bien que ça paraît idéaliste, optimiste, irréaliste, appelez ça comme vous voulez. Mais moi j'accepte que la politique ait une part d'idéalisme. La situation que nous avons devant les yeux, c'est la même où que nous soyons. La droite, la gauche... et même les extrêmes des deux côtés. 

Apolline de Malherbe :  Je voudrais quand même qu'on puisse comprendre où vous allez lorsque vous évoquez la question de « ces jeunes migrants qui se retrouvent enfermés dans des hôtels sans possibilité de travailler ». Je reprends la phrase telle que vous l'avez formulée. Est-ce que ça veut dire que vous seriez par exemple favorable à la régularisation des travailleurs sans papier dans les métiers en tension ? C'est une question qui s'est posée toutes ces dernières années. Est-ce qu'il faut régulariser dans les métiers en tension ? 

François Bayrou : Si on pose la question comme vous le faites, ça veut dire qu'on décrit une situation dans laquelle nous perdrions le contrôle. 

Apolline de Malherbe : Mais vous parliez tout à l'heure, François Bayrou, de la question des entrepreneurs. Ils sont nombreux, notamment dans la restauration, à dire « les travailleurs sans papiers sont déjà dans nos cuisines. On a besoin d'eux ». Est-ce que vous seriez favorable, ça avait été évoqué un temps par Emmanuel Macron, à la régularisation dans ces secteurs en tant que... 

François Bayrou : Je pense que c'est une question qui peut se poser et je pense que, plus largement, si on regarde les choses dans l'histoire, comment s'est faite l'intégration dans tous les pays du monde ? L'intégration s'est faite par le travail. J'ai souvent dit, sur votre plateau peut-être aussi, « promenez-vous dans les rues de la ville, levez les yeux quand il y a des échafaudages. Qui est sur les échafaudages ? ».

Apolline de Malherbe : Mais ça veut dire que vous n'y êtes pas défavorable ?

François Bayrou : Je suis pour qu’on favorise l'intégration par le travail. Pas seulement par le travail, par trois choses. Le travail, la langue et la transmission des valeurs qui font la France. 

Benjamin Duhamel : Quels sont les valeurs qui font la France, François Bayrou ? 

François Bayrou : Par exemple, ce qu'on appelle d'un terme compliqué la laïcité. Qu'est-ce que ça veut dire la laïcité ? Et c'est un croyant qui vous le dit, c'est que chez nous, la religion ne fait pas la loi. 

Benjamin Duhamel : Ça veut dire que vous demanderez, par exemple, à ce que ceux qui puissent être régularisés s'engagent sur les valeurs comme la laïcité, comme l'égalité aux femmes ? 

François Bayrou : Je n'ai pas parlé de régularisation, vous voyez, parce que quand ceux qui vous écoutent entendent le mot de « régularisation », ils y voient comme une automaticité. Je suis pour que la question du travail devienne, pour nous tous, peut-être il y a des gens qui seront en désaccord complet, peut-être il y aura des gens qui diront « à jamais interdiction du travail »….

Benjamin Duhamel : Mais un engagement sur la laïcité ? 

François Bayrou : Oui, un engagement sur la laïcité, un travail sur la langue et une possibilité de travailler. 

Benjamin Duhamel : Deux questions précises, François Bayrou, sur cette question de l'immigration. La première, juste pour que les choses soient claires, sur le rétablissement du délit de séjour irrégulier, vous étiez particulièrement sceptique au moment des débats sur la loi immigration. Est-ce que vous l'êtes toujours ? 

François Bayrou : Non, je n'étais pas sceptique. 

Benjamin Duhamel : Vous disiez que c'était discutable. J'ai retrouvé vos discours. 

François Bayrou : Vous voyez, vous avez cherché une formule de moi qui aurait été opposée à ça. Je pense que lorsque ceux qui nous écoutent sont en famille et ils voient des situations, on en a connu de dramatiques, de terribles, de délits et de crimes. 

Apolline de Malherbe : Vous pensez à quoi ? Vous pensez à Philippine ? 

François Bayrou : Je pense à tous les drames que nous vivons quasiment tous les jours, que nous avons vécu et qui désormais sont sur tous les écrans parce que l'information est instantanée. Je pense que devant ces drames-là, les Français disent, « c'est pas possible qu'on ait aucune réponse possible lorsque quelqu'un est en situation irrégulière ». Je vais encore plus loin. Quelle est la clé de cette question ? C'est ce qu'on appelle les obligations de quitter le territoire français. On en prononce des milliers par an. Avec une exécution qui, par rapport à nos voisins européens, est faible. Combien en exécute-t-on ? Moins de 20%. Moins de 10%. Autour de 7%. On dit 7%, et en réalité, parce qu'on y intègre les expulsions qui ont lieu à Mayotte, et qui ont lieu en Guyane, dans lesquelles il suffit de traverser en bateau pour ramener les personnes en situation irrégulière dans d'autres pays. 

Apolline de Malherbe : Vous considérez donc qu'en réalité, il y en a beaucoup moins que 7 ? 

François Bayrou : Il y en a beaucoup moins que 7%. Il y en a beaucoup moins que 5%. Quelle est la question ? C'est que les pays d'où viennent ces personnes ne veulent pas accepter. Est-ce qu'on peut s'arrêter une seconde ? Nous sommes la France, n'est-ce pas ? La République française. Avec l'État, avec les forces de police, avec les magistrats qui prononcent, discutent, examinent des recours sur les obligations de quitter le territoire français. Et quasiment aucune n'est exécutée ? Et vous trouvez que je serais dans mon rôle, parce que je voudrais des voix d'un côté ou de l'autre, d'ignorer cette situation-là ? J'ai dit à Bruno Retailleau, avant même d'être Premier ministre, « ça c'est le point ». Cette question-là c'est une question première. Alors vous voyez, ce n’est pas seulement des problèmes de l'immigration. Ce sont les problèmes de la France.

Apolline de Malherbe : Mais quelle est la clé ? 

François Bayrou : Des mises en tension avec les pays qui refusent. 

Apolline de Malherbe :  Michel Barnier, dans son gouvernement, avait un ministre de l'Intérieur qui disait « il faudra une loi immigration ». Est-ce qu'il y en aura une ?

François Bayrou : La loi sur les OQTF, elle existe. Et il y a plein de lois qui existent. Aucune n'est appliquée. Donc priorité à l'exécution et à l'application des mesures qui ont été votées. Voilà une bonne chose. Et ensuite, j'ai discuté de ça avec Bruno Retailleau, pas de grande loi déployée comme des calicots ou des oriflammes. Pas de grande loi destinée à faire en fait de la communication. Prenons les problèmes un par un, y compris par des propositions de loi des assemblées. 

Benjamin Duhamel : Ça veut dire le Sénat, par exemple ? 

François Bayrou : Le Sénat est fondé et dans son rôle, s'il identifie quelque chose qui ne va pas, à le mettre sur la table du débat politique français. Et le gouvernement se réjouira qu'on avance. Je ne dis pas que je serai toujours d'accord avec tout. Il m'arrive de ne pas être d'accord avec un certain nombre de choses mais je suis favorable à ce que l'expression parlementaire recommence à jouer son rôle. C'est-à-dire que, je le dis souvent à la présidente de l'Assemblée nationale et au président du Sénat, qu'au lieu d'être le champ clos d'affrontements systématiques, on puisse construire des décisions politiques à partir du réel. 

Benjamin Duhamel : À partir du réel, François Bayrou, il y a quelques instants, vous disiez sur l'immigration, « j'ai assumé dans mes rencontres avec les partis politiques de dire je vais examiner toutes les propositions, y compris celles du Rassemblement National ». 

François Bayrou : Oui. 

Benjamin Duhamel : Est-ce que c'est un parti d'extrême droite, le Rassemblement National ? 

François Bayrou : Écoutez, vous répondrez à ça, c'est votre spécialité. 

Apolline de Malherbe :  Non, mais c'est une question que je pose. Pour vous ? 

François Bayrou : C'est un parti qui ne respecte pas un certain nombre des valeurs ou des principes, ou plus exactement, dont le message ne respecte pas un certain nombre de valeurs et de principes. 

Apolline de Malherbe : Mais est-ce qu'il est d'extrême droite ? 

François Bayrou : Il est protestataire. 

Benjamin Duhamel : Mais c'est intéressant, puisque là encore, je ne dis pas que ça structure le champ politique mais certaines forces refusent de dire qu'il est d'extrême droite. Marine Le Pen elle-même dit qu'elle n'est pas d'extrême droite. D'autres, au contraire, l'assument. 

François Bayrou : Être ou de ne pas être d'extrême droite, ça se prouve. Ça ne se dit pas. Ce n'est pas une déclaration qui change les choses. 

Benjamin Duhamel : En tout cas, vous ne les excluez pas d'une sorte d'arc de discussions ? Vous les avez d'ailleurs invités dès le début à 10 avec vous à Matignon ?

François Bayrou : Parce que c'est le groupe le plus important de l'Assemblée nationale et que j'ai toujours été ainsi. Ça veut dire deux choses « républicains ». On ne fait jamais attention aux mots mais comme ici quelqu'un s'appelle Malherbe, d'un des plus grands écrivains français, je souhaite qu'on fasse attention aux mots. 

Benjamin Duhamel : Je n'ai pas cette chance. 

François Bayrou : Non, vous ne vous appelez pas Malherbe. 

Benjamin Duhamel : Non, ça ne m'a pas échappé. 

François Bayrou : Mais bon, regardons ce que les mots veulent dire. Est-ce que quelqu'un est ou n'est pas dans l'arc républicain ? Ça a deux sens. Ils sont républicains parce qu'ils respectent les institutions, se présentent aux élections, sont élus. C'est les institutions de la République. Républicains, ça ne s'arrête pas aux institutions. Ça va jusqu'aux valeurs de la République. Et aux valeurs de la République, vous les connaissez toutes, on peut les énumérer, liberté, égalité, fraternité, fraternité. Y compris avec ceux qui ne sont pas de notre nationalité, qui ne sont pas de notre culture, qui ne sont pas de la religion qui était, il y a quelque temps encore, dominante en France. Et je répète que c'est un croyant qui dit ça. Les valeurs de la République, c'est la fraternité. Est-ce qu'on dit fraternité lorsque l'on regarde des gens qui sont dans nos rues comme devant être écartés à tout prix ? Je ne crois pas. Je sais qu'il faut de l'ordre. Quand vous disiez tout à l'heure le délit de séjour irrégulier, bien sûr qu'il faut des réponses légales. 

Apolline de Malherbe :  Il faut rétablir le délit de séjour irrégulier ? 

François Bayrou : Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. N'essayez pas de me pousser. 

Apolline de Malherbe : Vous remettez cette question sur la table. On sait que Bruno Retailleau y est largement favorable. 

François Bayrou : C'est celle que vous avez mise sur la table. Ce sont des sujets dont on peut discuter. 

Benjamin Duhamel : Mais vous ne dites pas que ce soir, Marine Le Pen est d'extrême droite, François Bayrou ? 

François Bayrou : Elle est d'extrême droite politiquement. Il n'y a pas plus à droite sur l'échiquier politique. Pour moi, la question, ce sont les valeurs. 

Benjamin Duhamel : François Bayrou, je voudrais qu'on puisse parler de Mayotte. Parce que tout à l'heure à 16h30, vous étiez à la cellule interministérielle de crise sur la situation à Mayotte. Est-ce que ce soir, vous êtes en mesure de nous donner un peu plus de précision sur le bilan, le triste bilan ? Est-ce qu'on en sait plus ? Est-ce qu'on a un peu plus de clarté sur le nombre de morts, le nombre de blessés ? Et est-ce que les secours sont à la hauteur aujourd'hui ? 

François Bayrou : En tout cas, ils font tout ce qu'ils peuvent. Vous parliez des secours, on a ouvert un hôpital de campagne. Cet hôpital de campagne, il est opérationnel demain matin. Il a fallu ces huit jours-là pour le mettre en route. Les secours, les forces de sécurité, elles sont là. L'apport d'eau, parce qu'il y a des problèmes d'eau à Mayotte depuis très longtemps et qu'on avait essayé de traiter dans un gouvernement précédent, cette question de l'eau, elle est cruciale. La question de l'aide alimentaire, elle est cruciale aussi. Je n'oublie pas les victimes, évidemment, nous avons fait tous ensemble une minute de silence aujourd'hui. Et cette minute de silence, elle était chargée de très grandes émotions. J'avais des Mahorais à côté de moi. Et je connais beaucoup de gens à Mayotte. C'est une île incroyablement attachante parce que c'est l'île qui a choisi d'être française. Tous les autres parts de notre territoire, en métropole et outre-mer, ils n'ont pas eu le choix. Mais là, cette île-là, par une révolution absolument incroyable conduite par ce qu'on appelle les « chatouilleuses ». Les femmes à Mayotte jouent un rôle très important elles ont décidé d'obliger à poser la question de Mayotte française en chatouillant les hommes et notamment les hommes de pouvoir. Ce mouvement a obtenu la reconnaissance de Mayotte française et au bout du compte encore, sous Nicolas Sarkozy, ce mouvement a obtenu la reconnaissance de Mayotte, département français. Et donc cette île-là, elle est incroyablement française. Et bien sûr elle est désespérée. Et je sais très bien ce que les Mahorais disent. Ils disent « on voit des officiels, mais la vie ne change pas encore ». Bien sûr ils ont raison. L'électricité n'a repris que dans environ peut-être à peine 50% de l'île. L'eau n'a repris qu'aujourd'hui peut-être que sur 60% de l'île. Il faut remettre en route les usines qui produisent de l'eau potable. Et ça, c'est la partie apparente de l'iceberg. Il y a pire que ça. 3 maisons sur 4 sont détruites. Les toits ont été emportés. Vous vous rendez compte ce que c'est que de se trouver sans toit ? J'ai dit l'autre jour sur le plateau précisément de vos confrères, « moi je pense aux enfants ». Le sentiment de danger permanent ressenti par les enfants qui ont vu cet immense cyclone et les toits partir. L'insécurisation des enfants. Alors, pour les victimes, puisque vous vouliez des précisions exactement, on en est aujourd'hui à 35 victimes découvertes. On va sans doute en découvrir encore, mais je ne crois pas, et aucun des élus et aucune des autorités présentes sur l'île, qu'on ait des décès en dizaines de milliers, comme certains l'ont dit. 

Apolline de Malherbe : Vous rassurez les Français ce soir là-dessus. 

François Bayrou : Je pense en tout cas qu'on peut considérer de ce point de vue-là, que le nombre des victimes est pour l'instant contenu, est limité. Ça ne veut pas dire que quand vous n'avez plus de maison, vous ne serez pas une victime. 

Apolline de Malherbe : Ce n’est pas simplement qu'on ne sait pas qu'ils sont morts, ou parce qu'ils étaient clandestins et qu'on n'a pas trace de leur... ?

Vous nous dites ce soir, François Bayrou, qu'il n'y aura pas des centaines de milliers ? 

François Bayrou : Qu'il n'y aura pas des milliers... Des centaines de milliers, ça serait beaucoup. Ce sera peut-être plusieurs dizaines, mais pas davantage. J'espère, pas davantage. 

Apolline de Malherbe : Je précise les choses. Le préfet avait parlé de plusieurs centaines, peut-être même de milliers. 

Vous dites ce soir, ça pourrait même peut-être être moins de 100. 

 François Bayrou : J'espère. D'abord, je salue le préfet parce qu'il est au travail et ce n’est pas simple. 

Apolline de Malherbe : Mais c'est très important ce que vous nous dites ce soir. 

François Bayrou : Oui, c'est important. Je crois que les chiffres alarmistes et parfois terrifiants qui ont été avancés ne seront pas vérifiés dans la réalité. Je pense que le nombre des victimes, tout à l'heure, c'était 35…

Apolline de Malherbe : Et ça resterait moins de 100, d'après vous ? 

François Bayrou : Je ne sais pas. Je pense que ça se compte en dizaines et pas en milliers. 

Apolline de Malherbe : Et c'est une information importante que vous nous donnez ce soir, François Bayrou, qui effectivement penche avec les... 

François Bayrou : J'espère ne pas être démenti par la réalité. 

Apolline de Malherbe : Bien sûr, mais on a compris. 

François Bayrou : Parce que je peux parfaitement être surpris. Mais je ne le crois pas. Tous les observateurs, tous les élus que j'ai rencontrés, tous mes amis à Mayotte, il y en a un certain nombre, tous pensent qu'on est passé à côté du pire du pire. Mais les maisons sont détruites, les familles sont sans abri, les problèmes d'électricité et d'eau sont réels. Et ils disent qu'on nous promet des choses et qu'on ne voit rien qui change. 

Benjamin Duhamel : Et ce sera le travail de votre gouvernement. François Bayrou, il nous reste peu de temps pour terminer. Une question qui, au fond, rejoint aussi cette problématique de la donne politique à laquelle vous devez faire face. Le 14 janvier, vous prononcerez votre déclaration de politique générale. Est-ce qu'il y aura un vote de confiance dans la foulée de cette déclaration de politique ? 

François Bayrou : Il y aura une sorte de vote de confiance parce qu'il y aura probablement une motion de censure. 

Apolline de Malherbe : Mais ce n'est pas la même chose qu'il y ait une motion de censure qui soit déposée que de spontanément se soumettre à un vote de confiance. 

François Bayrou : Bon, vous voyez ce que ça veut dire le vote de confiance. Vous avez en face de vous, une majorité ou ceux qui participent, et puis vous avez des oppositions. Et vous dites aux oppositions, « écoutez, je veux vous forcer à dire que vous votez pour moi ». Moi, je respecte que des oppositions soient des oppositions. Je respecte le fait que des forces politiques n'ont pas envie d'être assimilées contre leur gré à la politique du gouvernement. 

Benjamin Duhamel : Donc, pas de vote de confiance ? 

François Bayrou : Et donc, je pense qu'il y aura un vote de confiance, c'est la motion de censure. 

Benjamin Duhamel : Vous ne solliciterez pas de vous-même un vote de confiance ? 

François Bayrou : Je pense qu'il est beaucoup mieux de respecter les oppositions dans leur statut d'opposants. 

Apolline de Malherbe : Un tout dernier mot François Bayrou sur un sondage. 66% des français ont une opinion défavorable à votre égard. C'est davantage que Michel Barnier quand il a été nommé à Matignon. 

François Bayrou : Ce n’est pas comme ça qu'il faut dire les choses. 

Apolline de Malherbe : Ah bon ? 

François Bayrou : Non. Les choses qu'il faut dire c'est qu’il y a un tiers des Français qui pensent…

Apolline de Malherbe : Oui, mais François Bayrou, pardonnez-moi, la question : dans les premiers jours, on a vu un certain nombre de doutes qui ont été émis, sur la façon dont vous envisagez ce poste de Premier ministre, est-ce que vous n'avez pas sous-estimé la difficulté de la tâche ? On voit bien que vous faites face à une grande défiance. Ce soir, après la proposition de votre gouvernement, vous avez des oppositions que vous espérez convaincre qui disent qu'en l'État, elles sont sur le point de censurer votre gouvernement. Est-ce que vous n'avez pas sous-estimé la difficulté de la tâche ? 

François Bayrou : Non. Depuis le début et même longtemps avant le début, je sais que la tâche est réputée infaisable. J'ai employé l'expression d' « Himalaya », de « problème devant nous ». Et même, je sais plus de difficultés que celles qui apparaissent aujourd'hui. Mais je pense qu'il faut bien que quelqu'un s'y colle. 

Apolline de Malherbe : Et vous tiendrez plus longtemps que Michel Barnier ? Qui va faire ça ? 

François Bayrou : Je n’en sais rien. Ça dépend de la responsabilité des parlementaires. Moi, en tout cas, je ferai tout ce que je peux pour qu'on passe de la situation d'un pays divisé, explosé, éclaté, écartelé, à un pays où on peut peut-être se réunir pour résoudre les problèmes du pays. Et je le montre dans le gouvernement. Je le montre, j'espère, dans la manière dont j'aborde les problèmes. Je le montre à l'égard des trois cercles, comme je l'ai dit. Il y a un premier cercle de forces qui sont représentées au gouvernement et qui donc le soutiennent. Il y a un deuxième cercle, que je respecte en tant que tel, de forces d'opposition, mais qui disent on peut peut-être trouver des compromis si vous êtes intelligent, généreux. Par exemple, je pense que ces forces-là disent « comprenez que nous sommes opposants mais on peut peut-être progresser et ça m'intéresse ». Et le troisième cercle que je définissais au départ….

Benjamin Duhamel : « Sinon c'est la falaise », ce mot le mot il est très fort. 

François Bayrou : Et c'est moi à finir les phrases Benjamin Duhamel. Vous êtes impatient. Je vais vous dire un seul mot, je vais vous citer une superbe phrase que j'aime beaucoup de quelqu'un que j'admirais beaucoup, c'est Václav Havel, le premier président de la République tchécoslovaque, et ensuite le président de la République tchèque, quand la Tchécoslovaquie s'est séparée. C'était un grand amateur, un grand philosophe, et quelqu'un dont j'aimais beaucoup l'esprit. Václav Havel, qui était sympathique avec moi, il dit, parlant des impatients en politique, mais ça vaut aussi pour les impatients dans les médias, « Ils sont comme ces enfants qui, pour faire pousser les arbres plus vite, leur tirent sur les feuilles ». Et moi, je ne veux pas d'impatience. Je veux un rythme qui ne s'arrête jamais. Je trouve qu'on ne peut pas laisser le pays dans cette situation-là. 

Apolline de Malherbe : Mais François Bayrou, moi j'ai une dernière question. Vous avez utilisé un mot tout à l'heure qui vous a presque échappé pour qualifier Manuel Valls, vous avez dit qu'il était un « kamikaze » et que vous aimiez bien les kamikazes. Est-ce que ce n'est pas vous le kamikaze ? 

François Bayrou : Peut-être. Peut-être. Je suis d'accord avec vous pour dire que je ne suis pas très prudent. Mais je pense que dans la situation où nous sommes, il y a des prudences qui nous paralyseraient. Il y a des prudences qui nous permettent d'aller plus loin. Vous voyez, c'est le même mot, c'est les mêmes attitudes. Moi, je crois à la prudence qui permet d'aller plus loin, et je ne crois pas, et je n'accepte pas la prudence qui fait qu'on ne traite pas les questions. 

Apolline de Malherbe : Merci beaucoup François Bayrou. 

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