François Bayrou : "Je souhaite que le gouvernement de demain soit celui du rassemblement"

Ce vendredi 28 juin, François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Guillaume Cérin dans la matinale LCI. 

Seul le prononcé fait foi. 

Guillaume Cérin : 08h20, place à l'invité politique du 6-9h. Bonjour François Bayrou, vous êtes président du MoDem, Haut-commissaire au Plan et aussi maire de Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques où vous vous trouvez ce matin. Une première question si vous le voulez bien, sur l'ambiance qu'il y a aujourd'hui dans ce qu'on appelle encore la macronie. Certains parlent d'une ambiance de fin de règne. Est-ce que c'est quelque chose que vous percevez vous aussi, vous qu'on dit être un proche d'Emmanuel Macron ?

François Bayrou : Ce que je vois et ce que je vis, ce sont des candidats mobilisés sur le terrain qui sont actifs, actifs, vaillants, courageux, parce que les temps que nous traversons sont extrêmement difficiles, naturellement, et qui ne sont en rien démobilisés. Alors je ne sais pas dans quel cercle parisien vous trouvez cette démobilisation. C’est possible. C’est même classique. Mais ce que je vois, moi, c'est ceux qui se battent, qui sont courageux, qui défendent quelque chose de tout à fait essentiel et qui va se jouer à partir de dimanche. C'est, premier objectif, écarter les extrêmes. 

Jamais, dans aucun pays du monde, les extrêmes n'ont apporté quelque chose de bien. 

Guillaume Cérin : Oui mais, si vous me permettez, il y a quand même un distinguo à faire entre, en effet la campagne qui certainement bat son plein avec des gens très motivés, et de l'autre le président dont on dit qu'il y a le vide autour de lui, certains ministres qui ne lui parlent plus ou plus en tout cas. Est-ce que ça, cet isolement, vous l'avez perçu vous aussi ? 

François Bayrou : Non, je ne sais pas qui pourraient être ces personnes qui déserteraient, d'une certaine manière, ces personnes qui se mettraient à l'abri dans les casemates pendant que les autres se battent. Et de toute façon, si c'était vrai, ça serait un état d'esprit que je n'aime pas. Je n'aime pas cette idée que ceux qui ont été pendant longtemps des privilégiés seraient aujourd'hui les critiques les plus acides. Je n'aimerais pas ça et je ne crois pas que ça existe. 

Guillaume Cérin : Qu'est-ce que vous dites des propos de Martine Aubry qui a dit qu’Emmanuel Macron avait été irresponsable de dissoudre l'Assemblée ? Est-ce que vous aussi vous utiliseriez ce terme d’« irresponsable » qui est quand même très fort ? 

François Bayrou : Vous voyez bien de quoi il s'agit. On a vécu pendant 2 ans une situation particulière à l'Assemblée nationale, créée en partie par le fait qu'il n'y avait pas de majorité à l'Assemblée et également par le fait que les textes les plus difficiles ne pouvaient passer qu'avec le 49.3, et vous savez que le 49.3 était très impopulaire chez les Français qui trouvaient que c’était un abus alors que c'était en réalité le seul moyen de pouvoir faire passer des textes. Et puis aussi par le fait qu'une partie de l'Assemblée, LFI pour la désigner clairement, avait transformé l'Assemblée nationale en champ de bataille dans lequel on pouvait proférer n'importe quelle injure, adopter n'importe quelle attitude, faire n'importe quel geste qui apparaissait être une provocation ou choquant à l'égard des règles de l'Assemblée nationale. Et ça devenait absolument ingérable. Vous savez les électeurs et les spectateurs, ce sont les mêmes, ne se rendaient pas compte que dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, on ne pouvait pas s'entendre. J'ai souvent dit, que vous, les chaînes, pour de bonnes intentions, vous adoptiez une manière de retransmettre les débats qui était complètement faussée parce que vous coupez les micros de l'hémicycle. Si vous aviez laissé les micros ouverts, les Français se seraient rendu compte qu'on ne s'entendait même pas. C'était à certains moments, tellement violent et tellement bruyant, qu’il était impossible de débattre. C'est cette situation-là qui a trouvé une issue. Est-ce qu'on pouvait faire autrement dans le calendrier, est ce qu'on pouvait prendre d'autres initiatives ? Sûrement oui. Mais aujourd'hui, la question, c'est de mener le combat avec la vigueur nécessaire et la lucidité nécessaire. 

Guillaume Cérin : François Bayrou, il y a aussi ce sondage Ifop Fiducial pour LCI qui nous montre que 46% des Français qui s'apprêtent à voter souhaitent le faire pour sanctionner Emmanuel Macron avec sa politique à lui. Donc, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, il y a peut-être plus un vote, encore une fois, de sanctions qu'un vote d'adhésion. Comment vous l'expliquez ça ? 

François Bayrou : Monsieur, est ce que je puis faire avec vous de l'arithmétique élémentaire ? 

Guillaume Cérin : Je vous en prie. 

François Bayrou : Merci, j'ai toujours été défenseur du calcul mental. Donc 46% ça signifie qu'y en a 54% qui ne partagent pas cette attitude. 

Guillaume Cérin : Il y a quand même 38% qui ne se prononcent pas. 

François Bayrou : Si on voulait ruser ou finasser, et bien ça signifierait évidemment que cette interprétation est une interprétation excessive. Il y a évidemment des gens qui veulent manifester un mécontentement parce que la vie a duré, puis peut-être parce qu’on n'a pas su trouver, au bout de 7 ans, le renouvellement nécessaire du débat public, une autre manière de s'adresser aux Français. Comme vous le savez, je l'ai dit avec force à de très nombreuses reprises, le drame de la situation dans laquelle nous sommes, c’est la rupture entre la base de la société, ceux qui travaillent ou ceux qui cherchent du travail, ceux qui sont jeunes ou ceux qui sont à la retraite et qui ne comprennent pas, ne sentent plus que le sommet ou le prétendu sommet, ceux qui sont dans les situations de responsabilité, portent leur parole. Très souvent, on ne comprend pas ce qu'ils disent et vivent, dans un univers clos. Et c'est vrai depuis 30 ans au moins.

Guillaume Cérin : Justement…

François Bayrou : C'est vrai depuis des décennies. 

Guillaume Cérin : Si vous me permettez de rebondir sur ce sujet…

François Bayrou : Emmanuel Macron dans son premier mandat…

Guillaume Cérin : Je vous en prie, pardon. 

François Bayrou : Le président de la République, dans son premier mandat, avait réussi, un peu, à faire sauter cette barrière. Elle est peut-être revenue. Mais ce que je sais, c'est que les raisons de mécontentement, elles peuvent exister. Les raisons de colère, probablement, elles existent. Mais ce qui est en jeu aujourd'hui dépasse de beaucoup le mécontentement, la mauvaise humeur et la colère. Ce qui est en jeu aujourd'hui, c'est que le destin du pays est menacé par des dérives, par 2 camps, qui sont chacun regroupés autour de leur extrême. L'un partiellement et l'autre donc complètement. Ces 2 camps-là menacent notre avenir, notre avenir comme pays, la France, et notre avenir comme famille, comme travailleur, comme entreprise. 

Guillaume Cérin : Je précise en tout cas que sur le chiffre que je vous ai donné, il y a en effet 46% qui veulent sanctionner la politique du président, mais 16% qui veulent soutenir la politique du président et 38% qui ne se prononçaient pas. Mais est-ce que, justement, selon vous, il aurait manqué de la part de l'exécutif, que ce soit d'Emmanuel Macron ou même de Gabriel Attal, un mea culpa qui aurait pu dire aux Français « On vous a entendu, on a compris que la méthode n'était pas la bonne, on le reconnaît désormais, on peut avancer différemment ensemble ». Ça a peut-être manqué ça ?

François Bayrou : Je pense que les mea culpa, qui sont une perpétuelle revendication, ont des limites. Ce qu'il faut, c'est trouver une manière d'être différente, plus simple, plus directe et qui soit au contact avec les citoyens, vous voyez ? Je vais vous dire quelque chose qui probablement ne paraîtra pas d'immédiate actualité. Je pense qu'on s'est trompé en interdisant que des élus locaux puissent exercer des fonctions nationales. Qu’on puisse avoir le député maire ou le sénateur maire comme on l'avait. Vous voyez, je suis à Pau et le contact de près, dans les réalités, avec la vie économique, avec les problèmes sociaux les plus durs, avec l'école, avec la culture et la vie associative qui tient une grande partie du pays, ce contact direct, manque beaucoup dès l'instant qu'on entre dans les cercles de pouvoir et des responsabilités les plus éminentes. Je pense qu'on a fait une erreur de ce point de vue-là et il me semble que ce lien a été fragilisé alors qu'il devrait être constamment renforcé. 

Guillaume Cérin : Il y a aujourd'hui Édouard Philippe et Gérard Gérald Darmanin qui songent à recomposer une majorité avec une nouvelle identité. Selon vous, avec qui il faut le faire ? Avec Bruno Le Maire par exemple ? Et surtout, est-ce que vous en serez vous-même ? 

François Bayrou : J'ai défendu toute ma vie l'idée que, ce qui manquait au pays, c'est une force centrale, capable de dialoguer avec les uns et avec les autres, qui soit compréhensive et qui veuille chercher des compromis et des solutions qui permettent aux uns et aux autres de se rassembler. C'est le combat de toute ma vie. Pendant que beaucoup d'autres plaidaient la droite contre la gauche. On voit aujourd'hui que la droite contre la gauche, on le voit en France, on le voit aux États-Unis par exemple, ça ne peut faire que des affrontements. Ça nourrit des affrontements. Et donc pour moi, tous ceux qui sont des démocrates et des républicains, pour employer un mot très large, c'est-à-dire ceux qui veulent respecter les valeurs qui nous font vivre ensemble et débattre autour des solutions que proposent les uns et les autres, ces forces-là démocrates et républicaines, elles doivent se rassembler pour former, si possible, ça dépendra du résultat des élections, pour former une majorité d'action pour le pays. Cette orientation, elle est inscrite aujourd'hui dans les résultats que nous avons vécus depuis un mois dans les élections européennes et dans la suite de ces élections législatives. Désormais, on ne pourra plus faire comme avant. Les gens qui veulent que cette manière de pratiquer la politique change, ils ont déjà obtenu et ils vont obtenir dans les jours qui viennent un résultat impossible à détourner. 

Bien sûr qu'il va falloir qu’on se rassemble plus largement. Et bien sûr qu'il va falloir qu'on le fasse autour de valeurs fondamentales et pas autour de polémiques et de chicayas comme le monde politique en est trop souvent marqué. 

Guillaume Cérin : Justement, vous avez évoqué le mot de « républicain ». Vous me voyez venir,évidemment. 

Ma question, c'est aussi de savoir si une partie des républicains, le parti cette fois, peut être concernée par une éventuelle alliance ? Ceux qui, par exemple, n'auraient pas souhaité suivre Éric Ciotti dans son rapprochement avec le RN ? 

François Bayrou : Je n'ai aucun doute. Il y a sur l'échiquier politique, une droite républicaine, une gauche républicaine, une droite du gouvernement, une gauche de gouvernement, avec la grande force centrale que nous avons besoin de construire en rassemblant ces sensibilités, qui peut évidemment participer à l'avenir. Et beaucoup le savent et beaucoup le pensent. 

Mais ce n’est pas très facile à dire dans les circonstances que nous traversons. 

Guillaume Cérin : François Bayrou, il y a Raphaël Glucksmann qui appelle la majorité à sortir du ni/ni. Pour lui, il dit que c'est en réalité un consentement à la prise de pouvoir par le RN. Vous partagez ce constat ? 

François Bayrou : Je n'ai aucune envie de faire de la polémique avec Raphaël Glucksmann qui a trompé une grande partie de Français, à laquelle je suis, moi, très attaché. Je connais beaucoup de gens qui ont voté pour la liste que Glucksmann conduisait aux élections européennes, parce qu'il avait donné la garantie, l'assurance, l'engagement, que jamais il ne se retrouverait avec Mélenchon. Il avait dit, « C'est fini et je m'engage ». Et le lendemain matin, ils sont allés signer un accord, lequel accord donne évidemment la prééminence, la plus grande part des circonscriptions à LFI. Cet abandon d'idéal, je suis persuadé que Glucksmann doit le vivre très mal. Ceux qui ont cru en lui le vivent encore plus mal. Et moi, je plaide pour qu’on n’abandonne jamais ses idéaux. 

Guillaume Cérin : En gros, ce que vous lui dites, c'est « Mêle-toi de tes affaires » ? Il y a aussi Gabriel Attal qui a redit à Jordan Bardella….

François Bayrou : Non. 

Guillaume Cérin : Si. En somme, vous dites, « À gauche il y a déjà des problèmes, donc Glucksmann devrait se concentrer sur cela avant de donner des leçons aux autres partis de l'échiquier » ? C'est ça que vous nous dites ? 

François Bayrou : Non ce n’est pas ce que je dis, parce que je n'aime pas caricaturer. Je pense qu'il y a, aujourd'hui, une partie très importante des citoyens français qui voudraient que se forme cette alliance, ce rassemblement de tous ceux qui ne veulent pas des extrêmes, qui portent des idées et des idéaux. Vous me trouverez sans doute trop idéaliste, mais j'accepte ce reproche. Je pense qu'on ne peut pas faire de politique sans idéal et que l'extrémisme, c'est un renoncement à ses idéaux et c'est un renoncement dangereux pour chacun d'entre nous. Et l'étape dans laquelle nous sommes, ici, au premier tour, pour moi, elle se caractérise par cet impératif d'écarter les extrêmes pour que le champ politique permette de nouveau des rassemblements et des dialogues. 

Guillaume Cérin : Gabriel Attal a redit hier à Jordan Bardella qu'il avait dénombré une centaine de candidats ayant tenu des propos racistes, antisémites et homophobes. Est-ce que cet argument, il fait encore mouche aujourd'hui ? Est-ce que vraiment les Français se disent, « Ah mince, effectivement, il y a des propos qui n'ont pas convenu du coup, je dois m'empêcher de voter pour ce genre de candidat. » ? Ça ne marche plus en fait aujourd'hui, pour les raisons qu'on évoquait tout à l'heure, notamment sur le rejet d'Emmanuel Macron qui suffit à drainer une partie des gens vers le RN. 

François Bayrou : Alors je ne sais pas ce que vous voulez dire quand vous dites que ça ne marche plus parce que ça prouverait que vous considérez qu'il est secondaire de défendre l'essentiel pourvu qu'on obtienne des voix. Et je crois que cette démarche-là n'est pas une démarche civique. Ce n'est pas parce que l'opinion est aujourd'hui un peu vaccinée mithridatisée contre ces poisons-là, qu’il ne faut pas les rappeler, vous voyez ? À Blois, hier, le candidat LFI a été convaincu d'avoir tenu par écrit des propos anti-juifs, des mots qui sont inacceptables dans la manière dont on s'adresse aux gens. Et c'est vrai sur l'autre rive, vous avez raison de le rappeler. C'est là que se joue une partie du drame qui menace la France aujourd'hui, qu'on ait pu réveiller des injures. Vous savez, il y a aujourd'hui en France, à cause de cette probabilité, de possibilité de victoire des extrêmes, partout des gens qui se lâchent. Partout, on commence à parler de la couleur de la peau, de l'origine, de la religion. On envoie des lettres anonymes. Il y a des injures dans la rue, dans le voisinage. On balance des peaux de banane dans le jardin des familles parce qu'elles ont la peau noire. Tout ceci, vous dites, ça ne marche pas de le dénoncer ? Et bien moi, je ne cesserai jamais de dire que ceci, c'est le contraire de ce que nous avons voulu construire en construisant la France. L'idée qu’on va mettre en question les femmes, les hommes, les enfants dans les cours de récréation en fonction de leur nom ou de l'endroit d'où ils viennent ou de la religion qui est la leur, pour moi, c'est la défaite de la République, de la liberté, de l’égalité, de la fraternité. Et vous me dites, « Mais Monsieur, il faut que vous vous accommodiez de cette défaite, parce que vous voyez bien que ça ne marche pas ». Et bien en tout cas moi, je ne céderai jamais un millimètre et je suis sûr que tous ceux qui sont engagés avec moi ne se résigneront jamais à cet effondrement du plus précieux de ce que nous avons. 

Guillaume Cérin : Est-ce que vous pensez qu'aujourd'hui une partie des Français a oublié que le RN, c'était effectivement l'extrême droite ? 

François Bayrou : Je ne crois pas qu'ils aient oublié, mais probablement une partie des Français considère qu’après tout, dire ce genre de chose, c'est libérer des sentiments qui étaient jusque-là dissimulés. Or, c'est cette libération du pire, qui est un risque. Ces pratiques et ces attitudes sont, pour moi, la négation de la France, de ce que nous avons voulu et ceci va avoir des répercussions partout. Ça va avoir des répercussions dans la paix sociale, ça va avoir des répercussions dans la démocratie, ça va avoir des répercussions dans l'économie parce qu’un pays qui se livre à ce genre d'abandon est un pays sur lequel le monde entier, l'Europe entière, va avoir des doutes. Et ça va entraîner des très grandes difficultés économiques, des grandes difficultés pour la dépense publique et des grandes difficultés pour investir. Puisque vous voyez bien le mécanisme. On doute de vous, les taux d'intérêt explosent. Vous ne pouvez plus construire des maisons ou acheter des voitures parce que les mensualités deviennent trop lourdes. Les entreprises souffrent, il y a des licenciements. Et qui est licencié alors ? C'est très simple. Les licenciés, ce sont les moins qualifiés, c'est-à-dire les plus fragiles. Autrement dit, ce sont des politiques qui prétendent défendre les plus fragiles et qui en réalité les condamnent aux plus graves accidents qu'ils vont recevoir dans leur propre vie. 

Guillaume Cérin : L'une des mesures avancées par le RN, c'est notamment l'interdiction pour certains binationaux d'accéder à de hauts postes dans la fonction publique. Est-ce que, quand vous voyez ça, ça vous inquiète pour le pays ? Et surtout, qu'est-ce que vous pensez de cette mesure bien particulière ? 

François Bayrou : Vous savez, il y a un proverbe chinois qui dit « Quand le doigt montre la Lune, l'imbécile regarde le doigt ». 

Évidemment, présenté comme ça, c'est une mesure qui paraît banale dans la manière dont elle est présentée. Il faut voir ce que ça signifie. Est-ce qu'on a déjà nommé des binationaux dans des postes de responsabilité ? À ma connaissance, jamais. Alors il y a peut-être une exception ici ou là. Donc cette annonce, cette déclaration, elle ne vise pas les postes de responsabilité, elle vise à mettre dans l'esprit des Français que « binational », c'est un soupçon. J'ai des petits enfants belges. Ils sont belges parce qu'ils sont nés en Belgique et parce que leur papa est Français et leur maman est Belge. Faut-il qu'ils renoncent à l'une des 2 traditions culturelles d'enracinement que la vie leur a offert ? C'est scandaleux. Cette mise en cause, qui ne repose sur absolument rien dans la fonction publique, mais qui envoie des signaux aux plus irrités, aux plus éruptifs, à ceux qui soupçonnent qu'il y a derrière chaque visage un peu basané ou avec un accent qui vient d'ailleurs, des allégeances qui nuisent à la France, elle est faite pour faire apparaître ce genre de sentiment là. Pas du tout pour s'occuper de la haute fonction publique. Il n'y a jamais eu de nomination de binationaux dans la haute fonction publique. Et s'il y en avait, ce serait qu'on aurait vérifié la loyauté de ceux qui ont ainsi des racines dans des pays différents. Mais il y a beaucoup de gens en France qui ont des racines dans des pays différents et dans les autres pays européens des racines françaises. Ils veulent vivre la loyauté immense qu'ils doivent à leur pays, qu'ils aiment. On est en train de faire porter le soupçon sur des gens qui sont, pour notre pays, une richesse. 

Guillaume Cérin : François Bayrou, il devait y avoir une cohabitation. Comment vous l'imagineriez ? Je parle là du RN et/ou du nouveau Front populaire. Comment vous, vous voyez les choses ? 

François Bayrou : La cohabitation est réglée par des institutions, par des textes, par une Constitution, par une pratique. On a vécu en France, j'ai vécu au gouvernement, des cohabitations. Il y a eu des cohabitations entre Chirac et Jospin. Il y a eu des cohabitations entre Mitterrand et Balladur et avant entre Mitterrand et Chirac. Les règles sont établies par la Constitution. C'est pourquoi l'attaque que Marine Le Pen a faite hier contre la responsabilité du président de la République dans l'ordre de la défense nationale, c'était évidemment avec l'idée de déstabiliser les institutions. Tout est écrit, tout est clair et la responsabilité du gouvernement, je ne sais pas quel pourrait être ce gouvernement, mais la responsabilité du gouvernement et la responsabilité du président de la République sont absolument établies par les textes. Et le respect de ces textes-là, c'est la sauvegarde du vivre-ensemble dont nous avons besoin en France. Peut-être qu’il pourrait y avoir des gouvernements d'une orientation différente. Ce que je souhaite, moi, c'est que le gouvernement de demain soit un gouvernement de rassemblement. C'est qu’on ait réussi à écarter le risque des 2 extrêmes et que des personnalités responsables, venus d'une tradition plus à gauche, d'une tradition plus à droite et du grand courant central, que ces personnalités puissent regarder en face les difficultés du pays et leurs propres engagements. Et qu’ils se regardent comme des responsables actifs et pas comme des spectateurs ou de ceux qui jettent de l'huile sur le feu. 

Guillaume Cérin : L'autre question, c'est aussi de savoir si Emmanuel Macron peut, en effet, démissionner. Il en a la possibilité, je veux dire, vis-à-vis de la loi. Est-ce qu'il pourrait le faire ? Parce que justement ces propos de Marine Le Pen que vous avez mentionné, c'est quand elle parle du chef des armées comme d'un titre honorifique. On dit que tout cela, c'est pour montrer finalement que si jamais Jordan Bardella arrive au gouvernement, il ne laissera aucune once possible à Emmanuel Macron dans son pouvoir, que ce sera une lutte compliquée, une lutte de tous les instants. Et tout cela n'aurait que pour but de pousser Emmanuel Macron à partir. Est-ce qu'il serait, selon vous, apte à le faire ?

François Bayrou : Je crois que non et je crois qu'il ne le faudrait pas. Et vous voyez exactement, vous venez de décrire le risque devant lequel nous sommes. Vous dites, « Ça sera une lutte de chaque instant, on fera flamber les conflits, on ne donnera pas un pouce de liberté ». De quelle liberté ? Il s'agit des institutions. J'ai lu, hier, sur une chaîne du même ordre que la vôtre, la Constitution. Et la Constitution, elle ne souffre pas de discussion. À l'article 15, il est indiqué, tout le monde peut sur Internet trouver le texte de la Constitution, que « Le président de la République est le chef des armées et le responsable de la défense », qu' « Il préside tous les comités de défense ». Et un peu plus haut, à l'article 13, il est marqué que c'est « Le président de la République qui nomme à tous les emplois civils et militaires de l'État » avec consultation du gouvernement. La responsabilité présidentielle, c'est le général De Gaulle qui l'a voulu comme ça, elle est la clé de voûte de notre démocratie et de notre manière de faire fonctionner les institutions civiques. La Ve République, elle est construite autour de ça pour échapper à la IVe République, dans laquelle, précisément, les conflits étaient de chaque heure et les gouvernements chutaient. 

Guillaume Cérin : Merci beaucoup François Bayrou d'avoir été notre invité ce matin dans le 6-9h de LCI.

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