François Bayrou : "La France n'est pas réduite au choix des extrêmes"
Ce mercredi 26 juin, François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité d'Anne-Élisabeth Lemoine dans C à Vous sur France 5.
Seul le prononcé fait foi.
Anne-Élisabeth Lemoine : Patrick, vous vous arrêtez donc ce soir sur une date capitale de l'après-élection ?
Patrick Cohen : Jeudi 18 juillet, ce sera l'ouverture de la 17e législature de la Ve République. Tous les députés nouvellement élus réunis en séance publique pour procéder d'abord à l'élection du président de l'Assemblée nationale. La séance débute à 15h00.
Anne-Élisabeth Lemoine : Et tout est déjà fixé.
Patrick Cohen : Oui, c'est prévu par la Constitution. L’article 12 nous dit que l'Assemblée nationale se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit son élection, donc rendez-vous le 18 juillet à 15h00 au milieu de l'épais brouillard politique dans lequel nous sommes plongés. C'est même la seule échéance qui soit aujourd'hui certaine et elle peut être déterminante.
Anne-Élisabeth Lemoine : Il y aura tout de même d'ici là un autre gouvernement, un nouveau gouvernement.
Patrick Cohen : Ce n’est pas sûr. L'habitude veut qu'au lendemain d'élections générales, le Premier ministre présente sa démission, soit pour être reconduit en cas de victoire, soit pour laisser la place à l'un des leaders du parti majoritaire. Mais ce n'est qu'une tradition, la Constitution en ce domaine n'oblige à rien ni le président à remplacer son chef de gouvernement, ni celui-ci à engager sa responsabilité sur son programme. En théorie, le Président peut choisir qui il veut et il peut le faire quand il veut. Il y a même un article du code électoral, LO153 pour les amateurs, qui permet aux députés de rester ministre si le gouvernement est démissionnaire et expédie les affaires courantes, donc ça peut traîner jusqu'à la fin des JO.
Anne-Élisabeth Lemoine : Mais en pratique, si le choix des électeurs est clair…
Patrick Cohen : Le Président ne peut pas finasser, s’il y a une majorité absolue à l'Assemblée, les institutions de la Ve République reprendront leur cours normal au profit, si c'est le RN, d'une cohabitation anormale au sens propre, c'est-à-dire inédite et singulière, avec Emmanuel Macron à l'Élysée, Jordan Bardella à Matignon et sans doute Marine Le Pen à la présidence de l'Assemblée nationale.
Anne-Élisabeth Lemoine : Et si, comme le disent pour l'instant les instituts de sondages, il n'y a pas de majorité absolue ?
Patrick Cohen : C’est là que l'échéance du 18 juillet devient capitale. Contrairement au président, les députés ne pourront pas se dérober et retarder le calendrier. Or, être président de l'Assemblée nationale, ça n'est pas rien. Outre son rôle primordial pour l'organisation du travail parlementaire, son statut de 4e personnage de l'État, il dispose d'un pouvoir de nomination notamment au Conseil constitutionnel et à l'ARCOM, l'autorité de régulation de l'audiovisuel. Deux membres de ces deux autorités seront nommés ces prochains mois au Conseil constitutionnel, en février prochain. C'est donc là, si le RN dispose du groupe le plus important, que les députés des 2 autres blocs devront choisir entre la division et la recomposition.
Anne-Élisabeth Lemoine : C'est-à-dire ?
Patrick Cohen : La division, c'est ce qu'on a aujourd'hui où chaque bloc rejette les 2 autres. La recomposition, ce serait la réémergence d'un bloc central sur les décombres de l'ex-majorité, élargie à une partie de la gauche et une partie de la droite, disons des socialistes ou des communistes jusqu'à LR, des socialistes anti-LFI aux LR Anti Ciotti pour constituer un pôle alternatif au RN. Bon c'est très mal parti numériquement et politiquement aujourd'hui, c'est une chimère. Mais les mêmes pourraient d'abord tenter de s'entendre le 18 juillet sur une candidature commune pour faire échec à Marine Le Pen si elle est candidate au perchoir et encore une fois si le RN n'a pas la majorité absolue.
Anne-Élisabeth Lemoine : Est-ce que c'est possible ?
Patrick Cohen : Oui, parce que le président de l'Assemblée doit être élu à la majorité absolue. Mais s'il ne l'obtient pas lors des 2 premiers tours de scrutin, ce qui n'est jamais arrivé au 3e tour, c’est bien c'est la majorité relative qui suffit. Donc ça laisse ouvertes quelques éventualités.
Anne-Élisabeth Lemoine : A condition que la culture du compromis infuse un peu plus dans notre vie politique,
Patrick Cohen : Oui, et ça n'infuse pas du tout. Et c'est lié en grande partie à ce mode de scrutin que vous n'avez eu de cesse de dénoncer, Monsieur Bayrou. Le fait majoritaire lié aux écuries présidentielles fait que dans notre culture politique, travailler ensemble revient à trahir. La bonne nouvelle pour vous, s'il y en a une au milieu de cette débâcle, c'est que l'Assemblée qui sortira des urnes dans 10 jours devrait être largement en faveur de l'instauration de la proportionnelle, ce changement de mode de scrutin qu’Emmanuel Macron vous a promis. Il n'a pas tenu sa promesse mais la gauche et le RN sont favorables. Quelle ironie.
Anne-Élisabeth Lemoine : Un constat qui peut vous laisser un goût amer, François Bayrou ? Des regrets de ne pas avoir été entendu en temps et en heure pour ce changement de mode de scrutin ?
François Bayrou : Ça ne sert à rien d'avoir raison. C'est satisfaisant pour soi-même. Ça vous donne au fond la certitude, qui est une consolation parfois, que votre boussole est plutôt juste. Ce n’est pas le seul sujet sur lequel on a pu faire ce constat. Mais celui-là, est un sujet absolument central. J'ai expliqué plusieurs fois dans des émissions que le scrutin, la loi électorale proportionnelle, c'est un garde-fou contre les extrêmes. Le scrutin majoritaire, c'est un amplificateur de vagues. Et c'est ce qui est constaté depuis qu'on s'intéresse à cette question. J'ai souvent la sensation en France qu'il y a une case qui manque chez les décideurs politiques et chez les citoyens, ils ne savent pas que les causes ont des conséquences. On croit toujours qu'on va pouvoir…
Anne-Élisabeth Lemoine : Ça vaut pour tout le monde ? Y compris pour le chef de l'État ?
François Bayrou : …qu’on va pouvoir faire de la magie. Et moi je pense que c'est une humilité nécessaire que de comprendre que toutes les démocraties européennes, sauf nous, ont décidé précisément pour éviter ce genre de risque, d'avoir un scrutin qui permet une représentation juste de tous les courants, donc une possibilité des courants modérés, inquiets sur des dérives, d'empêcher que tous les pouvoirs tombent entre les mêmes mains.
Patrick Cohen : Mais les autres démocraties n'ont pas l'élection du président de la République au suffrage universel, et ça marche ensemble ? Le fait majoritaire et le fait présidentiel ?
François Bayrou : Pas du tout. Pardonnez-moi, vous enregistrez ça et dans quelques mois vous direz « Vous aviez raison ». Le général De Gaulle a voulu le président de la République et ses pouvoirs et son élection précisément pour empêcher le bazar de la proportionnelle. Parce que la proportionnelle a beaucoup de vertus. Elle a un inconvénient, qu'on voit dans beaucoup de pays qui nous entourent, c'est qu'il faut des mois et des mois pour trouver…
Anne-Élisabeth Lemoine : Une question de négociation, de compromis...
François Bayrou : Et puis ça ne fonctionne pas. Avec le président de la République, dont la mission est de former un gouvernement pour rassembler ce qui doit l'être et pour éviter ce qu'on voudrait éviter, la 5e République est parfaitement adaptée à ce changement. Mais pour l'instant, il y a longtemps qu'on ne s'en est pas aperçu.
Anne-Élisabeth Lemoine : Si on suit le scénario de Patrick Cohen, le 18 juillet, il se pourrait que la présidence de l'Assemblée nationale revienne au Rassemblement national. À moins qu’au lieu de la division actuelle entre 3 blocs, il y ait une recomposition d'un bloc central. Est-ce que vous croyez, vous, à la possibilité de créer un bloc de ceux que vous baptisez « les Républicains de volonté », avant même le premier tour qui est dans 4 jours ?
François Bayrou : Je ne parle pas seulement du scrutin pour la présidence de l'Assemblée nationale, qui peut en être une illustration. Et ma conviction profonde c’est qu’il faudra, si on veut que la France retrouve l'équilibre, que se réunissent, que se rassemblent des volontés politiques qui apprendront à se respecter et à se comprendre mutuellement. Et vous voyez bien qu’aujourd'hui il y a un très grand nombre de Français qui dit, « Mais pourquoi vous n’avez pas fait ça avant ? ». Ils ont parfaitement raison de poser la question. Parce que notre système politique, les acteurs et les commentateurs, privilégient toujours le plus engagé, radical, brutal. Vous savez, j'avais autrefois édité une maxime, qui avait fait rire de manière un peu mal intentionnée, j'avais dit « Les partis se tiennent par leur noyau dur ». Pour moi, c'est une loi.
Anne-Élisabeth Lemoine : Et là, 4 jours pour changer ce système ancré depuis des décennies, c'est quand même court.
François Bayrou : Il se passe des choses dans les consciences aujourd'hui, je le crois. En tout cas, je pense qu’un grand nombre de Français commence à mesurer les risques que nous sommes en train de prendre. Je ne parle pas seulement des risques économiques.
Anne-Élisabeth Lemoine : Mais vous continuez à leur dire qu'ils ont le choix entre la peste et le choléra, à opposer, à envoyer dos à dos le RN et le Nouveau Front Populaire ?
François Bayrou : Je n’ai pas dit ça. Je suis exactement sur la même position qu'ont exprimée une trentaine de responsables politiques de gauche très, très importants, Bernard Cazeneuve, Manuel Valls, Julien Dray qui est de dire en une phrase, « Nous ne voterons ni pour un candidat du Rassemblement national, ni pour un candidat LFI ».
Patrick Cohen : LFI pas Front Populaire ?
François Bayrou : LFI. Pourquoi je fais la différence ? Mais peut-être faudrait-il aussi se poser la question de savoir pourquoi des forces politiques que je considère comme républicaines sont allées s'installer sous la coupe et sous le joug d'une extrême gauche très radicale, très brutale et très violente dans ses expressions et dans ses attitudes. Un grand nombre de Français vit douloureusement les mises en cause, les injures d'ordre raciste. J'étais à Pau hier matin, un homme est venu me voir, pour me dire, « Merci de tout ce que vous faites ». Et il m'a dit « Je ne dis pas ça parce que politiquement je suis d'accord avec vous. Vous savez comment je m'appelle ? » dit-il, et il me dit un nom juif absolument caractérisé et caractéristique. Et il vivait dans la crainte que des 2 côtés, ces questions reviennent au centre des relations personnelles, des cours de récréation. Un de mes amis a rencontré une jeune femme qui pleurait. Et il lui dit « Pourquoi pleurez-vous ? ». Elle dit, « J'ai adopté un petit garçon haïtien, et je me dis depuis quelques semaines, comment va être sa vie si on recommence à regarder la couleur de la peau ? ». Alors ce n’est pas de l'économie, c'est pire ! C'est plus profond et c'est plus grave parce que ça touche aux relations personnelles, aux relations de palier. Vous avez vu sur les réseaux sociaux cette scène des voisins qui insultent une jeune femme soignante ? Et donc c'est d'une violence inouïe.
Anne-Élisabeth Lemoine : Il y a donc un péril, et c'est au nom de la hiérarchie des périls que toute une partie de la gauche de gouvernement a décidé de s'allier à la France insoumise pour faire barrage au Rassemblement national. Hier encore dans Le Monde, 220 personnalités politiques de la société civile, parmi lesquelles Raphaël Glucksmann, la ministre Agnès Pannier-Runacher, demandent qu'aujourd'hui un accord de désistement soit passé avant le premier tour pour faire barrage au RN le 7 juillet. Et ce matin, sur BFMTV, la Secrétaire nationale des écologistes Europe écologie les Verts a été encore plus pressante.
Que lui répondriez-vous ? Avez-vous reçu sa lettre ?
François Bayrou : J'ai reçu sa lettre sans doute parce que j'étais en campagne donc je ne l'ai pas vue mais je n’ai pas besoin d'entretien et de conciliabule pour dire ce qu'il en est.
Madame Tondelier a apposé sa signature au bas d'un accord qui, mécaniquement, amène la France Insoumise à la responsabilité du pouvoir puisque leur accord, c'est que le groupe le plus important désigne le candidat à Matignon. En tout cas, c'est ce que Mélenchon dit à toute occasion.
Patrick Cohen : Oui, mais ce n'est pas écrit.
François Bayrou : Et bien moi je considère que d'avoir accepté de donner beaucoup plus de circonscriptions, c'est-à-dire un poids prépondérant à ce mouvement-là, 39%, ça justifie l'appel que les responsables que je citais, Bernard Cazeneuve, Valls et cetera ont lancé. Ce n’est pas le ni/ni. Ce n’est ni le RN, ni la France insoumise.
Anne-Élisabeth Lemoine : Mais ça veut dire que dimanche, les candidats Ensemble ne se désisteront pas pour un autre candidat ?
François Bayrou : Vous voyez bien le piège un peu politicien qui se tend dans cette affaire. Parce que ça veut dire que si vous commentez en donnant des consignes le mercredi soir, pour une élection qui aura lieu dimanche, ça veut dire que vous acceptez la défaite, et moi je n'accepte pas la défaite. Je ne crois pas que nous soyons sans ressources et sans recours en face de dérives qui sont, je pense, la négation de ce que nous avons construit en France depuis 2 siècles, c'est la négation de tout ça. Alors vous me dites, « Est ce que finalement vous ne pourriez pas à l'avance nous signer un papier en disant que vous avez perdu ? ». Non. Je signe toutes les déclarations de volonté d'intention, de mobilisation. C'est ça qui m'importe. Je ne crois pas que la France en soit réduite à ce choix-là. Et peut-être pourrais-je ajouter à l'intention de ces forces qui se drapent de vertu, qu'il serait temps qu'elles se distancient, elles, de ce que la France Insoumise a introduit dans le débat national, de cette peur, de cette crainte et de ce retour des affrontements tribaux entre eux.
Aurélie Casse : Ça veut dire que vous mettez au même plan LFI et le RN donc ?
François Bayrou : Alors je ne mets pas au même plan, je ne mets pas de signe égal. Je dis que le risque que porte l'un et l'autre, exactement comme Bernard Cazeneuve le dit, ce risque-là est nuisible, je crois également mortel, pour une certaine idée que nous nous faisons de la France.
Aurélie Casse : En attendant, hier soir, il y a eu le débat sur TF1 qui réunissait les 3 blocs. Demain aura lieu celui sur France 2. Hier soir il y avait Gabriel Attal, Jordan Bardella et Emmanuel Bompard qui ont commencé à détailler une partie de leur programme, notamment sur la question des retraites.
« Un débat de comptables loin des enjeux d'un scrutin majeur », ça, c'est ce qu'a titré Le Monde. Est-ce que vous avez compris quelque chose hier soir ? Est-ce que vous pensez que les Français ont compris ?
François Bayrou : Je pense que c'est pire que ça. Bien pire que ça, parce que ce sont des affirmations, des déclarations et des promesses qui nient la réalité et que cette réalité-là, elle n’est pas seulement comptablement mauvaise, elle est immorale. Comment se fait le financement des retraites aujourd'hui ? Je l'ai montré dans une analyse du Plan. Comment se fait le financement des retraites ? Il se fait par les cotisations salariales, par les cotisations patronales, par les cotisations normales payées par l'État pour les fonctionnaires, et ensuite, dans l’objectif de trouver l'équilibre : 30 ou 40 milliards d'euros d'argent public qui sont payés ou ajoutés par l'État au bilan des retraites. Et ces 30 ou 40 milliards d'euros, si nous les avions, ça pourrait se discuter, ça serait juste. Nous n'en avons pas le premier euro, on l'emprunte. Et donc ça a une signification extrêmement précise, c'est que les retraites que touchent les pensionnés aujourd'hui, tous les mois, ces retraites-là, elles sont payées par leurs enfants bientôt, et leurs petits-enfants un jour.
Aucune famille n’accepterait de mettre à contribution ses enfants quand ils travailleront, quand ils gagneront de l'argent, qu'ils auront leur propre charge à assumer de faire en sorte que ce soient eux qui payent ce qu'on a aujourd'hui. Je trouve ce système immoral. Je trouve ce système inacceptable. On ne devrait pas oser quand on tient des propos comme ceux qu'on vient d'entendre, regarder ces enfants dans les yeux. Parce que, mine de rien, on charge leur sac à dos des retraites d'aujourd'hui. Et ceci a été maintenant reconnu par le COR comme chacun sait. Pour moi, c'est une condamnation. Il ne s'agit pas de solidarité, il ne s'agit pas de fraternité. Il s'agit de l'inconscience et de l'immoralité de générations qui laissent à leurs enfants la charge qu'ils n'assument pas eux-mêmes.
Anne-Élisabeth Lemoine : On a beaucoup d'autres sujets à vous soumettre, François Bayrou.
Dans l'actualité, on l'a rappelé, il y a 2 comptes à rebours : J - 4 avant le premier tour d'une élection considérée par la Fondation Jean Jaurès comme l'événement politico-médiatique de la décennie. Mais aussi on a tendance à l'oublier, J - 30 avant le coup d'envoi d'un rendez-vous planétaire et séculaire qui arrive une fois par siècle, en tout cas à Paris. Les Jeux olympiques sur et dans la Seine, si tout va bien.
La flamme était chez vous, le 20 mai dernier.
François Bayrou : S'étaient rassemblées 25 000 personnes. Il y a des images incroyables à Pau, 25 000 personnes. À Pau, naturellement, c'est le berceau de l'enfance et de la carrière du grand patron des Jeux qui a, sur le bassin de la ville de Pau, fait briller les couleurs de la ville en étant champion olympique à plusieurs reprises. Il y avait 25 000 personnes. Et 25 000 personnes, je n’aurais jamais cru émus d'une émotion, pour certains, aux larmes.
Anne-Élisabeth Lemoine : Karim Rissouli, notre collègue de France 5 qui est présent ce soir, a reçu chez lui une lettre, cette lettre raciste et menaçante. Dans C à vous, Mohammed Bouhafi, vous avez reçu des dizaines de messages racistes. Vous avez choisi hier soir d'en publier certains. Vous vous faites traiter de « Sale arabe, de racaille ». « Rentrez chez vous », écrivent certains qui affirment que les Arabes ou les Africains ne s'intégreront jamais. Et depuis que vous avez rendu public ces messages hier soir, Mohamed, une deuxième vague raciste s’est déclenchée. On vous écrit cette fois avec des emojis d'avion ou de bateau, avec écrit « dehors » à chaque fois.
Ce n’est pas nouveau mais c'est grave. Là où c'est différent c’est parce qu'il y a une sorte d'avant et d’après 9 juin dernier ?
François Bayrou : Alors évidemment que c'est très émouvant pour les proches et pour soi-même, mais il y a des centaines de milliers, peut être des millions de personnes qui sont venus en France, qui ont fondé des familles en France, qui ont voulu avoir des enfants en France parce qu'ils pensaient que la France était à l'abri de ça. Ils pensaient que c'était un univers, une maison protectrice sur ces sujets-là, que chez nous, on ne réduisait pas les gens à l'origine, à la religion, à la couleur de la peau. Et puis aujourd'hui, ils tombent de haut et ils en pleurent. Voilà ce qu’Aragon dit dans un poème, « Il advint qu'un beau jour l'univers se brisa sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent ». Il y a un très grand nombre de ceux qui sont nos compatriotes et nos concitoyens qui vivent aujourd'hui comme si on brisait leur rêve de France, et je trouve que c'est très grave pour ceux qui en sont frappés, ciblés. Et c'est très grave pour les autres qu'on puisse admettre que chez nous, la société dérive dans ce sens-là.
Anne-Élisabeth Lemoine : C'est inadmissible et tout le soutien de l'équipe à Mohamed, à tous les journalistes de France télévisions qui en sont la cible, mais aussi à tous les Français qui pourraient rencontrer ces situations insupportables.