François Bayrou : "Les oppositions ont choisi de se supprimer elles-mêmes au lieu d'examiner les amendements"

François Bayrou était l'invité d'Anne-Elisabeth Lemoine dans "C à Vous" sur France 5 ce jeudi 14 décembre. Le Président du MoDem est notamment revenu sur le projet de loi immigration, le climat de la société, l'adhésion de l'Ukraine à l'Europe ainsi que de la fin de vie. Revoir son intervention.

François Bayrou : Il s'est passé quelque chose à quoi, me semble-t-il, on n'a pas fait assez attention et qui est historique au sens propre du terme, parce que c'est sans aucun précédent. L'Assemblée nationale a refusé, a annulé le rôle législatif qui est le sien sur un texte présenté par tout le monde - les pour et les contre - comme un texte essentiel. Et l'opposition s’est applaudie : un sentiment de victoire totalement déplacé parce que de ça, il va évidemment rester des conséquences très importantes. C'est que le texte qui va être examiné, c'est le texte du Sénat et que l'Assemblée nationale, élue pour écrire et discuter la loi, décide que sur un texte des principes sur lesquels on s'est écharpés, on n’en parlerait pas, on se tiendrait à l'écart. A mon sens, c'est complètement déplacé et même pas loin d'être délirant.

Il y a plein de responsables partout, dans le style, dans la manière, dans la vie, dans les attitudes, … Mais si des députés refusent de voter la loi, à quoi bon être élu député ? Et tout ça participe bien à un mouvement qui est lancé depuis longtemps, ou en tout cas quelques mois : les aboiements à l'Assemblée nationale, les insultes réciproques, … Cette espèce de caricature de, à la fois, cour de récréation et ring de boxe est complètement déplacée et je crois complètement éloignée de ce que les électeurs et les citoyens voudraient d'une assemblée comme celle-là. Il y a des positions extrêmement tranchées, des clivages qui dans l'opinion n'existent pas à ce point ou n'existent pas de cette manière parce qu’on voit bien ce qu'ils veulent, en tout cas, si je le traduis, et probablement il y a un peu de ce que je préférerais dans ce que je vais dire. Si je le traduis, c'est assez simple, les Français veulent qu'il y ait de la rigueur et même de la sévérité quand il y a des dérapages et des dérives de la part de personnes immigrées et en même temps - ou en tout cas c'est comme ça que je le ressens dans mon pays, je suis élu dans les Pyrénées - lorsqu'il y a des personnes qui nous ont rejoints, chassées par beaucoup de misère et de violence parfois, qui sont chez nous, qui travaillent, qui veulent parler français, qui parlent français ou qui apprennent le français et qui comprennent que notre pays n'est pas une page blanche sur laquelle on peut écrire n'importe quoi, que nous avons des principes, des modes de vie, et je pense par exemple à la laïcité que chez nous, ce n'est pas la religion qui fait la loi. La loi protège la religion mais ce n'est pas la religion qui fait la loi.

Anne-Elisabeth Lemoine : D’où l’importance de la jambe gauche de ce projet de loi d’immigration…

François Bayrou : Je déteste l'idée qu'il y a des jambes gauches et des jambes droites dans la politique ou alors ce sont des 1000 pattes…

Patrick Cohen : Tout ce qui s’est passé ces derniers jours le prouve au contraire ! C’est le réveil du clivage gauche/droite et de l'impossibilité de faire marcher les choses en même temps.

François Bayrou : Je suis assez souvent d'accord avec vous Patrick Cohen, même très souvent d’accord avec vous, mais sur cette affaire, non. Il y a la trace d'un désordre dans les esprits qui fait que les oppositions entre guillemets ont choisi de se supprimer elles-mêmes, de s'effacer elles-mêmes, de se faire hara-kiri comme législateurs, au lieu d'examiner les questions, les éventuels changements, les amendements. Vous avez au moins trois gauches, peut-être quatre gauches absolument inconciliables, comme on le voit tous les jours, et à droite, c'est semble-t-il la même chose. J'accepte que vous disiez que je suis quelqu'un du centre éternellement et que je pense que c'est là qu'est une des clés de l'avenir : la capacité à considérer qu'on peut faire se parler ensemble des gens qui partent d'un désaccord, qui regardent la situation et qui disent on ne peut pas en rester là. C'est précisément là que repose ou que réside la clé de l’avenir.

Anne-Elisabeth Lemoine : Vous l'avez dit, le risque là, c'est que le texte qui soit éventuellement adopté, ce soit celui qu'avait voté le Sénat. Ou du moins il s'en rapprochera. C'est ce que vous avez dit ? C'est le risque. Est-ce que Elisabeth Borne et Gérald Darmanin, dans ce cas, ont raison de s'entêter ? Est-ce qu'il faut vraiment tenter de sauver cette loi coûte que coûte, qui était au départ, vous semble-t-il, équilibrée ?

François Bayrou : Oui, qui était équilibrée. Ce n'est pas si simple. On a un Parlement qui n'a pas de majorité absolue et à vue humaine et pendant longtemps, ça va durer comme ça.

Et je préfèrerais, moi, qu'il y ait une loi proportionnelle qui fasse que chacun soit assuré d'avoir sa part représentative des sièges à la mesure des voix qu'on représente dans l'opinion. Et ça serait un pluralisme organisé et on apprendrait à travailler ensemble. Mais le président de la République est le gardien des institutions. Tous les présidents de la République successifs, c'est leur métier de garder les institutions. On a un processus parlementaire et le texte n'est pas allé au bout de la discussion au Parlement, on peut regarder s'il y a une possibilité. Après, on votera. Pour moi, c'est un gâchis épouvantable parce que si un texte est conclu par la commission mixte paritaire, ce groupe d'entente entre des sénateurs et les députés pour voir si on peut trouver si un texte est conclu et s'il est voté, il sera voté sans avoir jamais été examiné. Patrick Cohen l'a dit « C'est dingue » ! L'Esprit partisan l'a emporté sur le minimum de conscience du devoir de cette mission de représentant du peuple.

J'ai toujours été opposé au 49.3 sur un texte de cet ordre. Je vous dis le principe que j'ai défendu et que je continuerai à défendre puisque je le crois juste : c'est qu'il y a deux sortes de textes. Il y a les textes vitaux sans lesquels vous ne pouvez pas exercer la fonction de gouvernement, par exemple le budget, vous ne pouvez pas gouverner sans avoir de budget. Donc, si le budget est menacé de ne pas être adopté, alors vous mettez votre existence en jeu. Il y a des gens qui disent clairement que le 49.3 n'est pas démocratique : c'est le summum des institutions de la cinquième République ! On dit : « Vous considérez qu'un texte est essentiel. S'il est essentiel, vous mettez votre existence en jeu. ».

Et puis il y a les autres textes qui sont les textes que j'appelle « utiles » sur des sujets très importants. Les textes utiles, c'est des textes dans lesquels on propose une orientation au Parlement. Cette orientation est discutée et débattue. Si elle est acceptée, vous avez une nouvelle règle, une nouvelle norme. Si elle ne l'est pas, eh bien, vous remettez sur le métier l'ouvrage. Il n'y a rien de plus simple que ça et il faut apprendre à vivre avec cette vision-là. Et puis deux chambres, l'Assemblée nationale et le Sénat, à condition que les deux jouent leurs rôles.

Anne-Elisabeth Lemoine : Des députés qui, vous le dites, se font hara-kiri. On pense que ça va augmenter un peu plus la défiance des Français à l'égard du monde politique. Les Français qui voient aussi certains de leurs responsables politiques devoir répondre à la justice, ça a été le cas d’Eric Dupond-Moretti face à la Cour de justice de la République, Olivier Dussopt en ce moment, face au tribunal correctionnel de Paris et vous-même, puisque pendant cinq semaines, vous avez comparu devant le tribunal de Paris - presque six -  aux côtés de dix anciens cadres et élus centristes pour des soupçons de détournement de fonds publics dans l'affaire des assistants parlementaires européens. Vos avocats ont plaidé la relaxe. L'accusation a réclamé 30 mois d'emprisonnement avec sursis, 70 000 € d'amende et trois ans d'inéligibilité avec sursis. Jugement en attente pour le 5 février. Vous attendez ce jugement avec appréhension et sérénité ?

François Bayrou : Ce sont des épisodes - je ne vais pas vous cacher ça – violents. Vous vivez là quelque chose que vous n'auriez jamais cru devoir vivre. Mais au moins avons-nous pu, pour la première fois dans cette affaire, faire entendre non pas des arguments seulement, mais apporter des faits. Et en effet, j'ai vécu ça d'abord avec ce malaise-là, mais en même temps avec le sentiment que, pour une fois, nous avions pu tous ensemble montrer non pas notre vérité mais la réalité des choses. Alors on verra d'ici au 5 février, le 5 février, ce qu'il en a été.

Anne-Elisabeth Lemoine : Vous avez été blessé par cet épisode. En juin 2017, c'est dès l'ouverture de l'enquête préliminaire que vous avez démissionné. Vous avez dû quitter vos fonctions de garde des Sceaux un mois seulement après votre nomination ?

François Bayrou : Je n'ai pas dû, j'ai choisi.

Anne-Elisabeth Lemoine : Eric Dupond-Moretti, lui, il a choisi, en tout cas, il a pu rester à son poste malgré sa mise en examen et ce durant toute la durée de son procès. Et il a continué à exercer au nom de la présomption d'innocence. Est-ce que vous trouvez ça cohérent ? Ce qui valait pour Eric Dupond-Moretti ne vaut pas pour vous.

François Bayrou : Je sais que ça a beaucoup été écrit, mais je suis obligé de dire que la situation n'est pas du tout la même pour deux raisons. La première, c'est que dans notre cas, personne ne m'a demandé de quitter cette fonction, au contraire. Et je rappelle, je n'étais pas mis en examen. Nous avons choisi en particulier Marielle de Sarnez, qui n'est plus là, et moi, nous avons choisi de quitter le gouvernement. Pourquoi ? J'ai passé les 20 dernières années de l'action politique, notamment dans des campagnes présidentielles, à défendre l'idée d'une moralisation de la vie publique. Vous défendez l'idée de la moralisation, vous êtes garde des Sceaux, ministre de la Justice, et il y a contre vous, de manière à mes yeux totalement injuste, le déclenchement d'une enquête préliminaire. Ce qui veut dire après, monter des enquêtes, des soupçons et puis mis en examen. J'ai considéré, moi qui étais un homme politique - ce n'est pas le cas d'Eric Dupond-Moretti - j'ai considéré, moi, qu'il n'y avait aucune possibilité d'exercer sereinement la fonction qui était la mienne. Et je l'avais dit au président de la République très tôt et j'ai décidé de ne plus participer au gouvernement.

Patrick Cohen :  À la suite des eurodéputé MoDem, le Rassemblement national, Marine Le Pen, son père et 26 personnes de leur parti seront aussi jugées à l'automne prochain pour détournement de fonds dans ce qui apparaît comme étant le même délit, la même chose. Est-ce que vous dites, vous, que c'est le même reproche qui est fait aujourd'hui au rassemblement national qu'au MoDem ? Est-ce que les affaires sont strictement comparables ?

François Bayrou : Reproches, oui, même dossiers, non, sans aucun doute. Je ne connais pas le dossier du Front national et on aura tout à fait l'occasion de regarder ça. Parce que, assistant parlementaire, vous avez dit le thème de l'accusation, c’est détournements de fonds publics. Il n'y a jamais eu de détournement, il n'y a jamais eu de fonds publics et il est écrit dix fois dans notre dossier qu'il n'y a jamais eu d'enrichissement personnel et qu'il n'y a jamais eu d'emplois fictifs. Ce que je sais moi, c'est que la situation dans laquelle nous étions, nous avons pu, je crois, prouver qu'elle était sans aucun élément qui puisse appuyer - je puis vous dire pour mon cas - l'accusation telle qu'elle était formulée, et que nous n'avions jamais, en sept ans, eu l'occasion de faire entendre ces arguments et d'apporter des éléments de preuves, ce qui est extraordinaire. Mais c'est comme ça la vie. Et puis on est des justiciables comme les autres, donc on va vivre. C'est une expérience intéressante, pas agréable, mais intéressante d'avoir vécu six semaines de procès sur une accusation dont vous pensez avec toutes vos fibres, qu'elle n'est pas fondée.

Patrick Cohen : En deux mots, vous avez plaidé le fait que les assistants travaillaient effectivement pour les eurodéputés et pas pour le parti. Et vous ne savez pas si c'est la même chose pour le rassemblement national ?

François Bayrou : Je lis les articles comme tout le monde. Je ne vais pas apparaître comme la biche effarouchée. Ce n'est pas du tout mon cas. Je pense que cette question-là de l'engagement des responsables politiques et des députés est une question qui mérite d'être traitée. Mais dans notre cas à nous, ça n'était pas le sujet, ça n'était pas vrai. Enfin je le crois et je ne veux pas préjuger.

Émilie Tran Nguyen : Depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas, les actes antisémites ont triplé en France. Mardi, un homme s'est introduit dans une crèche à Champigny-sur-Marne, dans le Val-de-Marne. Il a menacé la directrice d'un couteau. Il a aussi proféré des injures antisémites. Il est toujours en fuite. C'est un nouvel exemple des tensions qui existent en France. Comment est-ce qu'on peut faire pour les apaiser ?

François Bayrou : Ce sont des tensions qui existent dans le monde, pas seulement en France. C'est en France que nous avons l'écho des tensions qui existent dans le monde, qui existent depuis longtemps et qui remontent aussi très loin dans l'histoire. Comment on peut les apaiser ? Un : il y a un travail d'éducation, y compris par les médias. Ce n'est pas seulement les éducateurs professionnels qui doivent porter la mission d'éducation civique, tout le monde doit le faire. Deuxièmement, je pense qu'il faut se garder d'exacerber les conflits, de jeter de l'huile perpétuellement sur le feu pour une raison profonde qui attrait au premier sujet qu'on a traité tout à l'heure de l'immigration, c'est que nous devons, nous devrons et nous devons vivre ensemble.

Anne-Elisabeth Lemoine : C'est ce qui est fait, jeter de l'huile sur le feu ?

François Bayrou : Si vous lisez les réseaux sociaux, je vous garantis qu'il y a pas mal d'huile sur pas mal de foyers.

Anne-Elisabeth Lemoine : De responsables politiques qui jette de l'huile sur le feu ?

François Bayrou : Toujours. Il y a cette idée qu'on gagne plus de voix en opposant les gens les uns aux autres qu'en essayant de les rassembler pour les faire travailler ensemble. Si vous regardez la situation des Etats-Unis et Trump en particulier, mais il y a eu des exemples en France, naturellement du même ordre. L'idée que c'est plus attractif pour les partisans, les esprits partisans et les esprits sectaires de désigner un ennemi, de le vouer à la vindicte populaire. C'est beaucoup plus attractif que d'essayer de comprendre sa part de vérité et cependant notre responsabilité - alors je dis notre au sens le plus général du terme, mais des hommes politiques en particulier, en tout cas ceux qui croient à cette mission - notre responsabilité, c'est pourtant d'essayer d'aller dans le sens d'une meilleure compréhension réciproque. Peut-être ce sont de bons sentiments, mais je crois que ce sont des sentiments sans lesquels nous ne pouvons pas vivre. Et je pense qu'on l'oublie trop parce que la fascination des sondages ou des intentions de vote est très puissante et il faut avoir pas mal de caractère pour y résister.

Pierre Lescure : François Bayrou, le président de la République, a dit vouloir prendre une initiative dès le début du mois de janvier prochain pour lancer au pays un message d'unité. Vous avez une suggestion, un conseil à lui donner ?

François Bayrou : Si j'ai un conseil à lui donner, je le lui donnerais personnellement. Je vais vous dire ce que je crois vraiment, pas le président de la République mais moi. Je pense que notre pays, depuis des années est dans l'attente de quelque chose qui permette d'imaginer autrement que dans le conflit perpétuel, caricatural. Pour moi, la vie démocratique, ce n'est pas que le conflit. Et c'est précisément cette recherche-là de reconnaissance des grands courants, des grandes philosophies et de leurs possibilités de vivre ensemble.

Pendant très longtemps, j'ai cru comme tout le monde, que la politique, ça consistait à faire triompher ses idées sur celles des autres. J'ai cru ça, comme tout le monde. Je trouvais mes idées assez bonnes. Je continue d'ailleurs les trouver assez bonnes. Je trouvais mes idées assez bonnes et je trouvais que les victoires électorales devaient permettre de les imposer. Et avec le temps, je suis allé vers une autre vision. La politique, ça consiste à pouvoir faire vivre ensemble des idées différentes et que vos idées soient prises en compte dans le débat général. Prises en compte. Pas écraser les autres. Je ne crois pas une seconde avec l'expérience qui est la mienne de ce secteur de la vie d'un pays, je ne crois pas une seconde que ça existe d'imposer Ses idées au point d'écraser les autres. Simplement quand on est au pouvoir, on a l'illusion qu'on peut faire ça et ça ne marche jamais. Il faut aussi être capable d'entendre ce que vos concurrents, adversaires complémentaires, disent et pensent et leur manière d'être.

Patrick Cohen : Si ça ne s’adresse pas au président, je ne sais pas à qui ça s’adresse. C’est pile pour Emmanuel Macron.

François Bayrou : Je vais vous dire, ça va vous surprendre. Je pense qu'il pense ce que je pense. Mais je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que l'organisation du pouvoir et de la vie publique ne va pas dans ce sens-là. L'organisation du pouvoir et de la vie publique, je vais vous dire ce que c'est : j’entre au gouvernement, il faut absolument que je prouve que mes prédécesseurs sont des incapables et que deuxièmement, vous allez changer définitivement la réalité. J'ai été comme ça, comme tout le monde, à une nuance près. J'avais dit dans ma mission d'éducation sur l'éducation nationale, j'avais dit que je ne ferai pas de loi qui porterait mon nom parce que je pense que la vraie méthode, c'est la sédimentation. Vous prenez en compte ce qui est arrivé, les décisions qui ont été prises, et puis vous essayez de leur donner une orientation.

Anne-Elisabeth Lemoine : Et concrètement, ça donnerait quoi si Emmanuel Macron, il suivait votre exemple ? Au 1ᵉʳ janvier, qu'est-ce qu'il doit faire ? Quel est le geste symbolique ? En un exemple court qui prouverait qu'il a compris ?

François Bayrou : Il y a une chose évidente pour moi, c'est le changement de la loi électorale, c'est la première chose. Tous les pays d'Europe, sans exception, ont adopté un principe simple qui est le pluralisme doit être reconnu. Nous avons cinq ou six grands courants dans le pays et ces grands courants-là, ils doivent être représentés à la mesure du soutien qu'ils trouvent dans l'opinion. Et ça, - alors il y a plusieurs manières de le faire - mais il n'y a qu'un principe et un principe qui est reconnu dans tous les pays européens sans exception. Je ne crois pas qu'on puisse l'écarter d'un revers de main ou qu'on doive l'écarter d'un revers de main. Surtout quand vous avez une loi qu'on appelle majoritaire et qui fait une division de l'Assemblée comme elle n'a jamais eu lieu.

Mohamed Bouhafsi : François Bayrou, pour vous, qui est le plus présidentiable ? La question c'est : est ce qu'ils sont prêts ces deux candidats qui sont issus de la nouvelle génération ?

Vous avez entendu Franz-Olivier Giesbert qui a dit quelque chose qui était intéressant, qui a dit dans les temps qu'on vit, être plus jeunes n'est pas forcément un avantage.

Patrick Cohen : Oui, ça vous a fait plaisir d'entendre ça ? François Bayrou ?

Non, non, parce que j'ai été à peu près dans la position de ces deux garçons et j'en garde un bon souvenir.

Anne-Elisabeth Lemoine : Mais leurs percées dans les sondages ne vous étonne pas ? Jordan Bardella, personnalité préférée des Français plus populaires que Marine Le Pen.

Je vais vous dire quelque chose qui ne surprendra personne à cette table-là : il n'y a qu'une chose dont on soit sûr dans les sondages, c'est qu'ils se trompent.

Mohamed Bouhafsi : Ce sont quand même des personnalités qui ont été élues, elles ont un attachement aux Français.

Attachement… Ils n’ont été élus à l'échelon national, ils ont été élus à des mandats. Et c'est très bien comme ça. Ce renouvellement de génération est constamment utile, mais je ne crois pas que ce soit sur le critère de l'âge qu'un pays dans la crise profonde que nous vivons va se décider.

Je pense que ce que nous vivons est très profondément historique, que c'est quelque chose d'infiniment troublé dans le cœur des gens, infiniment déplacés dans les relations de pouvoir entre ceux qui sont au sommet et ceux qui sont à la base, et que c'est là que la prochaine élection présidentielle se jouera.

Mohamed Bouhafsi : Mais vous ne pensez pas que ces deux hommes représentent aussi de la fraîcheur pour les Français qui ont peut-être aussi envie de tourner une page avec certains hommes politiques ?

Oui, j'ai déjà vécu ça plusieurs fois dans l'histoire récente, y compris récente du pays. Non, je pense qu'ils sont doués l'un et l'autre, inégalement. Je pense que, en tout cas, pour Gabriel Attal, que l'approche qu'il a des problèmes d'éducation est intéressante pour les gens. Après, faut que ça rentre dans la réalité, ce qui n'est pas si simple pour avoir été presque cinq ans ministre de l'Éducation, j'ai une petite idée de ce sujet.

(…)

Lorrain Sénéchal : François Bayrou, ça va prendre des mois, des années avant que l'Ukraine ne rejoigne l'Union européenne. En quoi c'est une décision historique tout de même ?

C'est une décision historique à l'échelle de l'après-guerre.

C'est une décision historique parce qu'elle est une tentative d'ajouter à l'Ukraine, ou d'apporter à l'Ukraine, ce que les armes ne peuvent pas lui apporter seule.

La vérité, c'est qu'on ne livre pas des armes à l'Ukraine de manière à équilibrer l'agression sans précédent depuis Hitler, que son pays a connu et l'héroïsme que les Ukrainiens manifestent devant la puissance militaire pour arrêter la puissance militaire russe.

Et donc on essaie d'apporter une autre arme, qui est une arme diplomatique qui est la reconnaissance par l'Union européenne du destin européen de l'Ukraine.

Lorrain Sénéchal : C’est ça dont il est question ici, notamment en matière de corruption, que l'Ukraine doit fournir des efforts…

Dans un pays qui est en train de vivre ce qu’il vit, dans un peuple qui est en train de supporter ce qu'il supporte avec les familles déchirées, tous ceux qui sont partis à l'étranger et les jeunes hommes qui meurent… Je ne pense pas que ce soit la corruption qui soit le trait à retenir.

L'Union européenne a fait ce qu'elle a pu pour ajouter un poids d'équilibre à ce conflit qui dépasse évidemment les incidents militaires habituels. C'est quelque chose qui porte une atteinte incroyable au principe qui a fait la paix en Europe depuis la guerre de 40. Le principe qui a fait la paix en Europe, c'est le principe de l'intangibilité des frontières.

On a failli détruire l'Europe à cause de cette question des frontières. Et là, pour une fois, a t-on dit, après la guerre de 40-45, on respectera les frontières. C'est ce principe que Poutine a attaqué et c'est cette attaque qui menace aujourd'hui notre avenir.

Anne-Elisabeth Lemoine : En France, on va entendre l'appel déchirant de Françoise Hardy.

Lorrain Sénéchal : Elle veut mourir. Françoise Hardy. Elle dit qu'elle veut partir bientôt et vite. Elle le fait savoir par écrit à Paris-Match et BFM parce qu'elle ne peut plus parler, elle, la chanteuse, de « Comment te dire adieu ? ».

Françoise Hardy, qui est malade. Elle criait déjà sa volonté de choisir sa mort au téléphone dans l'émission C à Vous, il y a quelques années.

(…)

François Bayrou, comment concilier l'appel de Françoise Hardy et de tant d'autres Français et cette réponse des médecins ?

Patrick Cohen : Non, la société française aussi revendique le développement des soins palliatifs. C'est aussi des militants actifs contre l'aide à mourir. Voilà, il faut le dire, c'est un lobbying permanent. On les entend à chaque fois en réaction permanente sur toutes les antennes, à chaque fois qu'il est question de la loi sur la fin de vie. Sans dire qu'ils sont des militants contre ces aides à mourir et évidemment contre l'euthanasie, je le précise, parce que c'est rarement dit sur les plateaux, il faut le dire.

Anne-Elisabeth Lemoine : Donc la question, comment concilier ?

Ce sera la deuxième fois ce soir que je ne suis pas d'accord avec Patrick Cohen. Moi je considère que les soignants qui accompagnent… Mon meilleur ami est mort hier, donc je sais très bien de quoi on parle…

Les soignants qui accompagnent ceux qui sont malades et si gravement atteints en les entourant de soins et en les empêchant de souffrir. Pour moi, ce sont des héros, ce n’est pas des militants, ce sont des héros.

Je ne dis pas du tout qu'il n'y ait pas de problème extrême des gens qui sont en situation extrême, j'en connais qui se trouvent devant cette nécessité-là. Et on peut naturellement les aider à s'endormir. C'est ce qu'on fait tous les jours.

Lorrain Sénéchal : La loi, elle suffit, il faut qu’on l'applique, c’est ce que vous êtes en train de dire ?

Nous avons fait, à peu près, sur les soins palliatifs, un tiers du chemin.

Anne-Elisabeth Lemoine : Oui, il y a une difficulté d'accès aux soins…

Patrick Cohen : Mais personne ne conteste qu'il y a un problème de soins palliatifs.

Oui. Et donc, ce que dit le texte en préparation, si je suis bien informé, c'est premièrement : attaquons-nous à la question des soins palliatifs et de leur présence, de leur accès sur tout le territoire, ce qui aujourd'hui n'existe pas. Et c'est un scandale insupportable.

Lorrain Sénéchal : c’est l'administration d’une substance létale…

C'est ce qu'on fait tous les jours ! Parce que quand on endort les gens, jusqu'au bout et jusqu'au-delà du bout, c’est ce qu'on fait. On sait très bien que quand vous apportez des doses de morphine très importantes, ils vont s'endormir et s'en aller. Et donc c'est ce qu'on fait.

Mais ça, c'est la première partie du texte …

Anne-Elisabeth Lemoine : Donc vous êtes opposé à l’administration d’une substance létale avant que le patient soit quasiment inconscient… ?

Je ne suis opposé à rien parce que je considère que c'est tous les jours que ça se passe.

Est ce qu'on peut mieux l'encadrer en regardant la volonté et l'état de la maladie ? Ce que vous décrivez pour Françoise Hardy, pour qui j'ai une admiration qui ne s'arrêtera pas.

Ce que vous décrivez là, c'est qu'elle est extrêmement malade si elle ne peut plus parler. Et donc je trouve que ces situations-là sont extrêmement proches…

En tout cas, si nous traitons des deux sujets, alors nous avons un texte qui, me semble t-il, qui sera plus humainement équilibré.

(…)

Anne-Elisabeth Lemoine : On vous voyait réagir sur ces habitants qui sont obligés d'évacuer pour protéger Lyon ?

Oui… je pense que le génie de Napoléon III, que vous avez dit, c'est qu'il a commencé partout, y compris dans le village où je suis né, des travaux pour permettre que la vie puisse s'établir sans avoir les conséquences de ces événements météorologiques. Et je suis persuadé que, pour la plaine du Bouchage, il y a des travaux de cet ordre à conduire.

Vous savez que Paris a été inondée en 1910. Il y avait 1,5m d'eau à l'Assemblée nationale par exemple, et qu'on a créé des zones réservoirs de manière à protéger la capitale. Ce travail, il faut le faire partout parce que je ne crois pas que la nature toute seule s'en charge.

Lorrain Sénéchal : C’est le Haut-commissaire au plan qui parle !

Oui…

(…)

Anne-Elisabeth Lemoine : Merci beaucoup François Bayrou, Haut-commissaire au plan, président du MoDem et maire de Pau.

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