François Bayrou : "Les problèmes de la France ne viennent pas de l'immigration ou l'Europe"

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Sonia Mabrouk sur Europe 1 et CNews dans Le Grand Rendez-vous ce dimanche 11 juin. Revoir son entretien.

Bonjour à tous, et bienvenue à vous au Grand Rendez-Vous !  Bonjour François Bayrou, c'est votre Grand Rendez-Vous ce dimanche, Président du MoDem, Maire de Pau, Haut-commissaire au Plan.

Cette émission se passe au moment où la France est toujours groggy par la monstrueuse attaque d'Annecy, groggy, et en même temps, la France relève aussi la tête grâce à l'homme au sac à dos, Henri, héros français dont le courage et l'abnégation forcent le respect. Plus largement, cette attaque pose de nombreuses questions sur la politique migratoire européenne, sur l'asile et sur notre souveraineté.

Alors sur tous ces sujets, et sur la suite du quinquennat, un remaniement à venir et surtout le projet de société. Pour vous interroger, mes camarades. Stéphane Dupont des Échos et Mathieu Bock-Côté.

François Bayrou, un rassemblement citoyen aura lieu d'ici une heure à Annecy, un moment, bien sûr, de partage, alors que les victimes sont fort heureusement hors de danger ; un moment aussi de reconnaissance vis-à-vis de l'homme au sac à dos, Henri. "J'ai suivi mon instinct, j'ai agi comme un Français devrait agir", a dit celui dont on admire le courage et l'abnégation. Avec un peu de recul aujourd'hui, selon vous, qu'a-t-il réveillé en nous, cet homme ?

Ce garçon a été courageux, et a été courageux, non pas pour prouver quelque chose, mais pour faire quelque chose.

La plupart des gestes que que vous relayez, que les écrans reprennent assez souvent dans le moment qu'on vit dans la société, sont faits pour montrer, pour prouver quelque chose. Lui, il y est allé simplement parce que quand vous êtes devant des événements comme ça et que vous êtes un homme, il a dit un Français, sans aucun doute mais un homme tout court, c'est une attitude humaine.

Il a courageusement poursuivi l'auteur de cette inimaginable agression, il l'a poursuivi et lui a couru après. On a vu ça, et ça prouve que alors que tout le monde dit que c'est une société où le courage a disparu, je dis ça pour tout le monde, pour les responsables politiques, pour les professionnels, pour les médias, pour la vie de tous les jours, il a montré que ce n'était pas vrai et il a montré qu'on pouvait encore croire à des choses qui nous dépassent.

Justement ce qui nous dépasse, il n'a pas hésité à l'afficher François Bayrou, il a d'ailleurs aussi affiché le drapeau français qu'il porte fièrement à son bras, il a mis en avant sa foi catholique, il fait le tour des cathédrales de France. Est-ce que ce parcours singulier est aussi un exemple, est-ce qu'il a eu raison de le mettre en avant ?

Comme vous savez, ce n'est pas un secret, je suis croyant, et même, comme on dit entre guillemets "pratiquant", je ne sais pas si ça veut dire grand chose, mais mettons.

Et cependant, je n'ai aucune envie de tirer dans le sens de l'adhésion religieuse. Ce que ce garçon a fait, et je suis sûr qu'il partagerait cette formulation, ce que ce garçon a fait, n'importe quelle fille ou garçon dans les mêmes circonstances, qui aurait en lui ou en elle la même aspiration l'aurait fait aussi.

Ce n'est pas le geste d'un chrétien catholique français, c'est le geste de quelqu'un qui est responsable devant, devant les siens, devant ses frères humains. Je ne sais pas si on connaîtra un jour le fin mot de cette histoire, parce que la folie y joue un rôle, la folie, le déséquilibre mental y joue un rôle très important.

Pour l'instant, ce n'est pas avéré.

Alors si c'est pas du déséquilibre mental, c'est quoi ?

C'est l'objet de l'enquête, il n'y a pas d'antécédent psychiatrique avéré.

Mais vous avez vu cet homme syrien, ayant obtenu l'asile en Suède, venu en France, tout le monde a pensé au départ que c'était une agression connotée d'islamisme. Et puis on s'est aperçu qu'il disait, je ne sais pas si c'est vrai, qu'il disait être chrétien d'Orient.

Vous comprenez que le parquet national antiterroriste n'ait pas été saisi dans cette affaire ?

Je ne sais pas. J'ai aucune envie de me substituer à la justice et aux enquêteurs. Est-ce que c'est du terrorisme ? Je ne sais pas. Est-ce que c'est une bouffée délirante ? Je ne sais pas, mais vous voyez bien, tout le monde a essayé de tirer dans un sens d'obsession.

C'est-à-dire ? La récupération politique politicienne sur une attaque aussi ignoble ?

Oui, il y a toujours de la récupération politique, il faut laisser ça de côté

Permettez-moi une dernière question, peut être sur Henri, alors on le sait, il est catholique, Il le revendique, il faisait son tour des cathédrales, Français, fier Français qui porte son drapeau, formé dans le scoutisme, c'est peut-être pas un détail dans son parcours, c'est-à-dire qu'on a tous en soi probablement une aspiration au courage, mais le scoutisme et d'autres formations nous y préparent pour le jour où on a besoin véritablement de mettre son courage en jeu.

Est-ce ce qu'on ne pourrait pas dire que sa vie, ou à tout le moins son parcours, témoigne de fond de préparation morale pour se tenir droit dans de tels événements ?

Alors, si la question est est-ce que le scoutisme est bienvenu dans la formation d'une personnalité, ce n'est pas moi qui vais vous dire le contraire, non pas que j'ai été scout, je ne savais même pas que ça n'existait dans mon enfance, où j'ai grandi, il n'y avait pas ce type d'engagement, mais en ville, il y avait ce type d'engagement, et mes enfants ont été scouts et je suis tout à fait acquis à l'idée, certain, de ce qu'il y a quelque chose de l'édification d'une personnalité, de la construction d'une personnalité dans les activités que Baden-Powell a inventées autrefois.

Et donc, oui, sans aucun doute. Il n'y a pas que ça. Je vous rappelle que nous avons plaidé pour qu'il y ait un service civil obligatoire en France, ou en tout cas, un service civil universel en France. C'est difficile à construire, mais c'est à notre avis très important.

Ca fait des années qu'on en parle et il ne se passe rien. C'est repoussé. Ca va être obligatoire, ça ne le sera pas...

Vous voulez dire que son universalité est repoussée. Mais il y a aujourd'hui, Sarah El Haïry est chargée de ça au Gouvernement, il y a aujourd'hui du service civil par dizaines de milliers de jeunes, qui acceptent de s'engager.

Je peux vous dire que dans que dans une ville comme la mienne, le service civil, d'autres formes, Unis-Cité, qui prennent plusieurs mois d'engagement de la vie des jeunes, précisément pour qu'ils découvrent autre chose de leur vie.

Mais François Bayrou, vous entendez que ce service, et d'ailleurs Sarah El Haïry, a répondu sur Europe1 lors d'une matinale, il est parfois moqué par une certaine partie de la classe politique.

Et pour en revenir quand même au profil de Henri, certaines réactions sur les réseaux sociaux, certes minoritaires, ont relativisé son rôle, moqué sa foi, ringardisé ces mots. Un article dans Libération, écrit par Daniel Schneidermann le cible aussi.

De quoi est-ce le révélateur d'ailleurs ? Est-ce qu'on ne peut pas finalement, autour d'une telle figure, avoir un consensus ?

Non, mais vous voyez bien, j'avais commencé de décrire les vagues d'absurdités qui se sont déployées autour de cette affaire.

Première vague d'absurdités, ceux qui auraient voulu, pour correspondre à leur schéma, qu'il fut musulman, un immigré syrien musulman. Manque de chance, apparemment, je ne sais pas si c'est vrai, il se dit chrétien d'Orient.

Et deuxièmement, quand Henri d'Anselme, ce garçon courageux est intervenu, les gens ont dit "Ah, mais c'est suspect".

Il y a là quelque chose qu'on voudrait nous entraîner à être dans cet univers du prosélytisme religieux. Il n'y a rien de tout ça. Il y a des drames. Il y a des gens qui perdent la raison pour des raisons qu'on ne connaît pas. Et il y a des gens courageux qui essaient d'empêcher le drame de se produire. et on devrait tous, tous ensemble, prendre cela aussi simplement en pensant qu'il y a d'un côté des éléments à bannir et de l'autre des exemples à suivre.

De quoi est-ce le symptôme ? Finalement, quand vous avez décrit le courage, l'abnégation, vous dites que c'est presque un élan humain qui est quand même remis en cause.

Que nous soyons dans des temps de boussoles égarées, je n'ai aucun doute et vous non plus et aucun de ceux qui sont autour de la table. Pas seulement en France, comme on pourrait croire, mais c'est un drame qui se produit dans de très larges parties du monde, spécialement hélas en Occident.

Le fait que les sociétés que nous avons construites, autour d'une certaine idée de l'humanisme, on va dire comme ça...

C'est ça la décivilisation dont parle Emmanuel Macron...

Oui, mais on y vient, si vous voulez.

Vous reprenez aussi ce terme ?

C'est ce Nord perdu, la boussole devrait monter le Nord et on ne sait plus ce qu'elle pointe comme azimut. Il n'y a aucun doute. Et dans ce temps de boussole perdue, qu'est-ce qui triomphe ? C'est le sectarisme.

Alors je dis le sectarisme au sens le plus large du terme. Tous ceux qui qui veulent trouver une explication aux dérives du monde, dans leur obsession, obsession religieuse ou antireligieuse. On vient de citer deux exemples qui vont dans ce sens là. Obsession anti-scientifique, pour moi, c'est le même genre de dérive, obsession de perte de repères et notamment de négation des origines, de l'Histoire, du patrimoine et de ce que nous sommes comme êtres humains.

Toutes ces obsessions là, ce que vous appelez le wokisme, toutes ces obsessions là sont exactement du même ordre. C'est un temps dans lequel ce qui nous permettait de nous relier les uns aux autres, ce que nous croyons tous ensemble de plus élémentaire, au-delà des engagements, tout cela est aujourd'hui nié et il est vrai que c'est une décivilisation.

François Bayrou, après le choc d'Annecy, quel sursaut ? Nous allons parler dans quelques instants de la politique migratoire, de notre souveraineté et de la politique d'asile. Mais pour le moment, vous êtes revenu sur le mot de décivilisation. François Bayrou. Mais quand il y a un processus de décivilisation, c'est qu'il y a des causes, une accélération. Quelles sont justement ces causes, selon vous ?

J'ai lu beaucoup de commentaires, mais rarement un mot aura été aussi bien choisi que ce mot de décivilisation. Qu'est-ce qu'il veut dire ce mot ? Quand on dit décivilisation, ça veut dire d'abord qu'il y a une civilisation ou qu'il y a eu une civilisation.

Cette civilisation, elle dit des choses extrêmement précises que nous avons construites au travers des siècles, des millénaires peut-être. Elle dit d'abord qu'il y a au dessus des intérêts de chacun, personnels ou de groupes ou collectifs, de communautés, au-dessus de ces intérêts, il y a quelque chose qui mérite d'être défendu. Il y a quelque chose qui mérite qu'on se dépasse. Il y a quelque chose de l'ordre de la transcendance, comme on dit, même si cette transcendance peut être interprétée différemment, même si chacun peut en avoir sa propre perception.

Mais l'idée qu'il y a quelque chose au-dessus de nous qui nous donne des raisons de vivre, où nous pouvons trouver des raisons de vivre, c'est encore une fois l'image qu'on évoquait de ce garçon qui affronte l'horreur. C'est très important pour l'éducation, c'est très important pour la transmission. La civilisation, ça se construit au travers du temps. C'est très important pour ce qui concerne le patrimoine culturel et moral que nous bâtissons.

Pendant des millénaires, des siècles, le temps de construire ça et on a l'impression que tout se déconstruit très rapidement. Pourquoi ?

D'abord, on a toujours eu cette impression. Comme vous le savez, Platon rapporte que Socrate disait des choses de cet ordre.

C'est la première fois qu'un Président de la République le dit aussi.

Mais c'est très bien. Je veux dire que s'il y a des raisons de marquer des événements par la parole du premier responsable public du pays, celui là en est un.

Alors vous dites quelles sont les causes ? Les causes, on les a tous les jours sous les yeux. La première, c'est qu'on avait pris l'habitude qu'il y ait des autorités pour définir la vérité, je ne sais pas très bien ce que la vérité est, mais de ce point de vue, toutes les autorités sont mises en cause et on a assisté au travers du temps...

Quel aveu d'échec pour l'autorité politique ! Ca nous interpelle, voilà un Président qui fait un constat de décivilisation après six années.

Si vous ne regardez dans le rétroviseur que six années, alors vous ne pouvez rien comprendre à l'Histoire.

Reprenons. Au travers du temps, les autorités religieuses ont été profondément mises en cause. Dans un pays comme le nôtre, en Europe et en France, pendant très longtemps, les régimes politiques se sont construits sur l'autorité religieuse.

Là, vous faites la chronique d'un effondrement.

L'autorité religieuse a été mise en cause, l'autorité politique a été mise en cause. Et les autorités philosophiques ont tout fait, pas seulement pour être mises en cause.

Mais François Bayrou...

Laissez moi finir. Au bout du compte, avec le COVID, à quoi a-t-on assisté ? La dernière autorité qui était reconnue et respectée par tout le monde, c'était pas seulement les scientifiques, c'était le médical.

Les médecins avaient une espèce de rôle à la fois scientifique et moral indiscuté, et là, les Français les ont découverts sur vos plateaux, en train de se déchirer les uns les autres.

Le diagnostic est posé : effondrement des civilisations, autorités politiques, religieuses, scientifiques, etc.. je reviens à plus prosaïque Monsieur Bayrou, parce que depuis l'attaque d'Annecy quand même, les remises en cause et les coups de butoir par rapport à nos mécanismes du droit d'asile sont sérieuses.

Est-ce que cet acte est, pour vous, clairement lié à des failles de notre politique migratoire ?

Alors, qu'il y ait des failles de notre politique migratoire, je n'ai aucun doute. Et qui pourrait le nier ?

Est-ce que cet événement est lié à des failles de notre politique migratoire ? Franchement, ça demanderait à être prouvé. Cet homme est en Europe depuis dix ans, pas en France mais en Suède, il a obtenu l'asile en Suède, il a ses papiers et il est marié et il a un enfant donc dans son pays d'accueil.

Est-ce qu'on pouvait, devait, deviner, discerner ? C'est extrêmement difficile. Alors, je veux bien qu'on en fasse une théorie, mais on est en en train, précisément en ce moment au Parlement européen, de mettre en place une organisation qui permet d'éviter ce genre de failles.

Donc c'est une faille, le fait qu'il était présent sur le territoire national français ? 

Non, je n'ai pas dit ça. J'ai dit précisément qu'il n'y avait pas dans cette affaire d'illustration spéciale de failles.

Mais on va aller plus loin. On est en train au Parlement européen de mettre en place une organisation qui va permettre à tous les personnes demandant l'asile d'être repérées sur un seul fichier. Jusqu'à maintenant, vous veniez demander l'asile en Italie, après vous demandiez l'asile en France...

Vous répondez techniquement, mais il y a un diagnostic de fond qui se pose, actuellement la formule qui revient souvent, c'est le "droit d'asile dévoyé" ? Diriez-vous aussi que le droit d'asile est dévoyé aujourd'hui que c'est devenu une filière migratoire à part entière ?

Le droit d'asile est utilisé par un certain nombre de gens qui ne relèvent pas de l'asile pour avoir des papiers. Et ils sont, malheureusement en France, rejetés quand ils doivent l'être, beaucoup trop longtemps après la date qui aurait été efficace et utile.

Et on est en train, je sais que le gouvernement y travaille, que le Ministre de l'Intérieur y travaille, tout le monde est en train de changer ça.

Bien sûr que c'est insupportable. Quand il faut trois ou quatre ans pour décider que quelqu'un n'a pas droit à l'asile, évidemment, là c'est une faille. Parce que pendant ce temps là, ils s'installent dans la société, ils vivent des vies, après, ça devient extrêmement difficile.

Il y a un problème, un second problème qui est très important, c'est que les pays d'origine refusent le retour.

Mais attendez, restons sur le premier problème. Jean-Pierre Chevènement dit dans le Journal du Dimanche, que "Ce droit d'asile, initialement réservé aux combattants de la liberté, est aujourd'hui clairement détourné de son but initial".

Vous parlez de l'Europe, est-ce que nous sommes encore décisionnaires ou est-ce que c'est l'Union européenne qui a participé à dire que ce droit d'asile soit dévoyé aujourd'hui ?

L'Union européenne, c'est nous. La présentation qui consiste à dire "C'est eux l'Union européenne qui nous empêche"... L'Union européenne, c'est nous. Il n'y a pas de décision en Europe qui puisse se prendre sans notre assentiment, et on voit d'ailleurs qu'il y a des tensions.

Quand Edouard Philippe dit que le droit européen n'aide pas la France lorsqu'elle veut reprendre en main sa politique migratoire. Il reconnaît que c'est pas seulement nous l'Union européenne.

L'Union européenne, c'est nous. Que nous ayons par le passé, au travers des gouvernements successifs, cette réalité était déjà celle là..

Mais faut-il retrouver sa souveraineté en matière migratoire, comme le demandent la droite et l'extrême-droite en France, est-ce qu'il faut restreindre le droit d'asile ?

Alors, vous voyez, vous dites que retrouver la souveraineté en matière migratoire, c'est restreindre le droit d'asile. Vous faites une équivalence qui n'est pas absolument évidente.

Je crois qu'il faut avoir des attitudes simples. Je crois que quelqu'un qui vient en France, qui veut travailler, qui veut apprendre la langue, qui comprend que la France, c'est pas un territoire, c'est une Histoire et une civilisation qui est décidé à les respecter, dans l'état actuel de notre temps, notre pays, avec les immenses difficultés que nous avons pour trouver des gens qui travaillent, pour trouver des gens qui acceptent des emplois... Ils peuvent trouver leur place.

Vous trouvez que l'intégration, ça fonctionne aujourd'hui ? Vous trouvez que l'intégration et l'assimilation fonctionnent aujourd'hui ?

Non, mais vous voyez bien que vous tirez au-delà de ce que je veux dire. Je crois que l'intégration pourrait fonctionner, et qu'elle ne fonctionne pas. Et je crois qu'on n'est pas assez exigeant sur ses critères.

Mais qui est le "on" ? Vous avez été au pouvoir pendant des années également ?

Je ne suis pas sûr d'avoir été personnellement au pouvoir pendant des années.

Vous avez été ministre, Monsieur Bayrou, ne diluez pas votre rôle. Est-ce que c'est un aveu d'échec ?

J'ai été ministre il y a 25 ans, et donc vous n'étiez pas née... Et donc peut-être aurions-nous pu faire mieux. Mais j'étais ministre, en particulier de l'Education nationale, et je prétends que nous avons alors défendu cette idée de transmission, de transmission de l'essentiel, pas seulement de connaissances, mais de l'idée de ce qui nous porte et ce qui nous permet d'aller plus loin.

Après l'attaque et le choc d'Annecy, une partie de la classe politique remet en cause la politique migratoire européenne, s'interroge sur notre souveraineté. Les LR, François Bayrou, ont déposé une proposition de loi constitutionnelle avec un volet important sur l'asile.

A la une du Parisien ce matin, Eric Ciotti demande solennellement à être reçu à l'Elysée. Il veut que tout parte de leur texte des LR, Il qualifie la situation de la France avec une "submersion migratoire". Subvention migratoire, vous êtes d'accord sur ce diagnostic ?

Parmi les symptômes qui nous font conclure que la situation du pays n'est pas formidable, il y a celui-là, mais le terme, vous voyez, on va s'arrêter une seconde.

Le Brexit a été décidé, la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne a été décidée à partir de cet argument. Vous vous souvenez du slogan de Boris Johnson qui était "Reprendre le contrôle". Il y avait à l'époque 300 000 immigrés qui rentraient en Angleterre chaque année. Ils sont sortis, ils ont dit "On va nous-même désormais être souverains". Vous savez combien il y a eu d'immigrés qui sont entrés en Angleterre cette année ? 600 000 ! Le double ? Non, mais attendez, le double.

Vous ne pouvez pas trouver une souveraineté qui ne se place dans une entente, une union avec ses voisins.

C'est le cadre que vous proposez, le cadre européen.

Non, ce n'est pas le cadre que je propose. Ce n'est pas ce que je dis, je ne laisse pas dévoyer ce que je dis, ce n'est pas que je propose le cadre européen, je dis quelque chose de beaucoup plus lourd : il ne peut y avoir de solutions que si nous les préparons et les appliquons ensemble.

Parce que sans ça, un pays qui a des frontières de milliers de kilomètres comme la France, sur quasiment tous les continents...

Donc, ce que propose la droite, pour vous c'est un Frexit ?

Non, chacun a le droit, si ce n'est le devoir de contribuer à la réflexion générale. Ils le font et pour moi, je ne m'en offusque pas. Je ne trouve pas qu'il y ait quelque chose de grave ou de gênant de ce point de vue.

Le Président des Républicains demande à être reçu par le Président de la République pour discuter et c'est légitime.

Sortir des traités européens, c'est ce qu'ils proposent avec leur proposition de loi...

Mais vous savez bien que ça ne se fera pas. Donc, ça ne se fera pas parce que sans ça, les autres vont sortir des traités européens à notre détriment.

Quand vous êtes dans une famille, dire je veux sortir...

C'est de la démagogie ?

Non, ce n'est pas de la démagogie. Ce sont de grands partis politiques, les Républicains, les Socialistes qui essaient difficilement de trouver un chemin.

Ce sont des grands partis de la République. Moi, je suis pour le pluralisme et je suis pour que chacun ait et sa voix et sa place reconnues. C'est comme ça que ça devrait fonctionner. Au lieu d'être le bazar effroyable que l'Assemblée nationale est aujourd'hui.

Très bien, leurs propositions sont légitimes...

Je n'ai pas dit qu'elles sont justes.

Mais par exemple, quand l'ancien Premier ministre Edouard Philippe fait cette sortie très remarquée sur les accords de 68, ce n'est pas rien dans notre pays, avec l'Algérie qui prévoit des règles dérogatoires depuis tant d'années, pour qu'elles soient supprimées. Est-ce qu'il a raison ou il a tort ?

Mais vous savez combien il y a de ressortissants, d'enfants, d'Algériens ou de ressortissants algériens en France ? Il y en a entre 2 millions et 2,5 millions. Ils sont des citoyens, ils travaillent, ils vivent. Et l'idée qu'on focalise sur l'Algérie tous les problèmes que nous avons est une idée à discuter.

Il y a des responsables algériens qui pensent que ces accords ne sont pas bons, y compris parfois des responsables de premier plan.

Ils ne sont pas prêts à les détricoter en leur défaveur, non ?

En leur défaveur, non, mais ils conviennent que ça ne va pas.

Vous êtes en train de nous dire que Edouard Philippe stigmatise les Algériens ?

Pas du tout. Vous savez bien que je n'ai pas dit ça, ni de près ni de loin...

Je veux dire simplement que si vous focalisez la totalité du problème sur cette question, sur la question de l'Algérie, à mon avis, vous vous trompez.

Alors que fait-on ? On ne touche pas à ça, on ne touche pas au cadre européen. À quoi on touche pour résoudre les problèmes ?

On a des problèmes nombreux. Le premier c'est l'insertion dans l'emploi. Le deuxième, c'est la politique de santé mentale dans notre pays, ce qu'on observe là.

Et troisièmement, oui, en effet, il y a à reprendre la totalité de nos relations avec l'Algérie, avec le Maroc aussi, moi je ne suis pas satisfait des tensions très importantes qu'il y a entre entre la France et le Maroc. C'est aussi le cas avec des pays africains, ceux que nous n'avons pas définis aujourd'hui, c'est le cadre qui permet de savoir qui a le droit ou qui est admis à venir et les obligations qui doivent être remplies.

Je vous ai donné l'exemple tout à l'heure, Monsieur Bayrou, j'aimerais votre avis sur le sujet du Danemark. Voilà un pays qui est dirigé par des sociaux démocrates. Nous sommes d'accord qu'il applique une politique ferme, certains diront lucide sur cet aspect, sur l'asile également.

Est-ce que vous estimez que c'est un modèle ou est ce que vous estimez qu'on ne peut pas s'en inspirer, peut-être, compte tenu de critères géographiques, démographiques et autres ?

Alors, cette politique, ils l'ont définie après combien de temps et après quelle autre politique ?

Certes, mais...

Alors, certes, qu'est ce que vous voulez dire par certes ?

Est-ce que c'est un modèle pour vous ? Est-ce que pour le politique que vous êtes, vous regardez du côté du Danemark ? 

Je n'ai pas de modèle qui ne soit conçu et pensé dans le cadre français. L'idée que l'on va aller chercher ailleurs, dans des circonstances totalement différentes...

Vous savez ce qui s'est passé au Danemark ? Vous savez comment, combien la vie politique danoise a été traumatisée sur ces sujets. Alors ce n'est pas parce qu'ils sont sociaux démocrates que je vais y trouver un modèle.

Je pense qu'ils ont raison sur un point : les peuples ne peuvent pas vivre sans donner à leurs citoyens la certitude que le modèle national et européen, dans lequel ils sont, sera préservé dans l'avenir.

Le modèle national européen, vous parlez d'identité ici ?

Oui.

Alors, hier soir, sur CNews, Alain Finkielkraut, le philosophe, disait qu'il s'inquiétait aujourd'hui du fait que la France ne soit plus une évidence, et que la France pourrait mourir autrement dit. Les peuples européens ont cette angoisse existentielle aujourd'hui, est-ce que c'est une angoisse que vous partagez ?

J'ai même écrit sur ce sujet. Je vous enverrai mon dernier livre qui traite de ce sujet.

C'est la raison profonde de la déstabilisation des esprits dans notre pays. Le sujet, c'est qu'un grand nombre de Français ont le sentiment que ce à quoi ils croient, les cadres dans lesquels ils vivaient, sont profondément déstabilisés, et risquent dans l'avenir de ne plus être transmis à leurs enfants.

Mais ce n'est qu'un sentiment, ou c'est un fait ?

C'est d'abord un sentiment, mais il y a aussi des éléments de faits.

Comme le sentiment d'insécurité ?

Il ne faut pas que vous moquiez les peuples quand ils sont inquiets. Le sentiment d'insécurité, c'est un fait social.

C'est le sens de ma question, parce qu'on a trop longtemps réduit l'insécurité réelle au sentiment d'insécurité.

Pour moi, ce sentiment d'insécurité, c'est un fait, et il importe peu de savoir s'il est créé par des centaines de faits ou par un fait comme celui qu'on vient de vivre.

Et le sentiment de fragilité de notre pays, de notre peuple, de notre société et de notre civilisation, c'est un fait, et c'est pourquoi j'ai tellement insisté, tout à l'heure, lorsqu'on parlait d'immigration pour dire que certes, il est légitime que des gens pourchassés viennent chez nous à condition qu'ils acceptent que nous sommes non pas un territoire où on peut faire ce qu'on veut, mais un pays avec son Histoire et son patrimoine, avec ses coutumes, avec ses mœurs et avec sa langue.

Et si nous ne rassurons pas nos compatriotes sur ce point, alors nous aurons de très graves difficultés.

On a beaucoup parlé de projet de société pour l'incarner, il faut des femmes, des hommes. La piste d'un remaniement avant l'été serait privilégiée.

François Bayrou, pourquoi est-ce qu'Elisabeth Borne a démérité ? Est-elle déjà usée, selon vous ?

D'abord, la question que vous posez, à juste titre si souvent, celle des personnes pour occuper les fonctions et notamment la fonction de Premier ministre, c'est une question qui se pose à deux personnes en même temps, le Président de la République et le Premier ministre ou la Première.

Et c'est dans leur tête à tête et dans leurs rapports personnels et leur franchise personnelle que la réponse se trouve. Personne d'autre n'a cette réponse-là, vous savez ce que je pense depuis longtemps. J'ai toujours pensé que le Premier ministre n'était pas un collaborateur, au contraire de ce que Nicolas Sarkozy avait décrit autrefois.

Je pense que le Premier ministre est le chef du gouvernement, et que c'est à lui qu'il revient, notamment dans une période où la majorité à l'Assemblée nationale n'est pas prédéfinie, c'est à lui qu'il revient d'impulser une politique.

Ce portrait ne correspond pas tellement à Elisabeth Borne...

C'est vous qui le dites, mais moi, je ne suis pas Président de la République, donc ce n'est pas à moi de répondre.

"Il te faut un fidèle" ont répété en privé au chef de l'Etat ces derniers jours ceux qui craignent de voir débarquer un nouveau transfuge de la droite à Matignon. De Julien Denormandie, ancien ministre de l'Agriculture, Richard Ferrand, ancien président de l'Assemblée, ou encore Sébastien Lecornu, actuel ministre des Armées, reviennent régulièrement pour contrebalancer Gérald Darmanin ou autres.

Est-ce que ce sont des profils adéquats, selon vous ?

Il faut, j'ai souvent repris cette expression, il faut à Matignon une capacité d'autonomie et une complicité très grande avec le président de la République.

C'est un mouton à cinq pattes.

Eh bien, il faut chercher le mouton à cinq pattes.

On cherche à droite dans la majorité, on cherche dans la société civile ?

Pour moi, l'élection d'Emmanuel Macron, elle a été acquise sur le socle central. Et c'est parce qu'elle était sur le socle central que nous avons uni nos forces pour qu'elle triomphe.

C'est dans ce socle central que se trouve la réponse.

Selon vous, il faut un nouveau Premier ministre ? C'est nécessaire aujourd'hui, un an après ?

Invitez le Président de la République, et posez lui la question.

Vous êtes un homme politique, vous êtes un responsable politique à ce que j'en sais. Vous avez un avis sur la question ? Est-ce que Madame Borne a été finalement trop abîmée par la crise des retraites ?

Non, je pense que le profil qui avait été nommé à Matignon par le Président de la République, c'est lui qu'il a choisi, c'est lui qui l'a voulu, et c'est entre elle et lui que cette question doit se poser.

Choisi est un grand mot, quand on sait que c'était d'abord Madame Catherine Vautrin qui était vraiment jusqu'au dernier moment à cette place là, mais allons sur le mot choisi.

Par contre, vous avez l'oreille du Président. Est-il vrai que, François Bayrou vous avez menacé de quitter la majorité, si l'un des anciens Les Républicains, Gérald Darmanin ou Sébastien Lecornu, était nommé Premier ministre ?"Je n'ai pas fait tout ça pour me retrouver avec des copies de Nicolas Sarkozy à Matignon", auriez-vous pesté...

Comme vous savez la manière dont les journaux sont écrits, vous ne devriez pas attacher tant de sérieux à leurs affirmations.

Je n'endosse que ce que j'ai moi-même dit et moi-même signé. Et donc non, je viens de vous dire clairement les choses. Je pense que l'élection d'Emmanuel Macron n'est pas un accident. Je pense que ça correspond à un moment historique de basculement, et que ce moment historique de basculement, c'est un moment de rassemblement.

Et que c'est dans un socle central du pays, vous voyez bien avec les extrêmes de chaque côté, c'est dans ce socle central que doit se trouver l'inspiration du gouvernement.

Mais il faut une majorité, il faut la droite, il faut les LR...

Il faut une majorité suffisamment large pour dépasser le seuil.

Et donc quelqu'un comme Gérald Darmanin pourrait déséquilibrer une majorité ?

Je n'ai nullement répondu ça. Mais entendez bien, je vous demande de vous reporter à ce qui s'est passé en 2017.

On est sorti de l'affrontement droite contre gauche qui était délétère pour le pays, destructeur pour le pays. Et on est passé à une vision complètement différente, que le Président de la République a appelée du dépassement, que j'appelle pour moi centrale depuis longtemps.

Cette vision là, elle permet de proposer au pays une orientation et un projet qui dépasse les affrontements comme aujourd'hui.

Elle est toujours valable aujourd'hui ? Beaucoup disent que le clivage droite-gauche est revenu, que le dépassement n'a été qu'une illusion..

Il y a des gens qui ont intérêt à dire ça, mais si on les suivait, on aurait de graves accidents parce qu'on reviendrait à l'impuissance dans laquelle on s'est trouvé pendant des décennies.

Depuis 30 ans, on a vécu des choses qui ont empêché le pays de faire face à tant de difficultés qui sont les siennes. On a cité des exemples, mais je vais vous dire le tréfonds de ce que je pense.

On a parlé d'immigration, on a parlé de pression extérieure de l'Europe. Moi je vais vous dire ce que je crois : les problèmes du pays, ils ne viennent pas de l'extérieur, ils ne viennent pas de l'immigration, ils ne viennent pas de l'Europe, ils ne viennent pas des déséquilibres planétaires.

Les problèmes du pays, ils viennent de l'intérieur. C'est parce que depuis des décennies, nous n'avons pas été capables de redresser notre éducation nationale. Nous n'avons pas été capables de retrouver les chemins de la production. C'est parce que nous n'avons pas été capables de trouver un contrat social durable.

Pourquoi nous n'avons pas été capables ? Est-ce parce que nous n'avons pas la souveraineté et les manettes ?

Non absolument pas. Nous n'avons pas été capables parce qu'alternance après alternance, les majorités successives depuis tout ce temps passaient leur temps à détruire l'une après l'autre ce que l'on avait fait.

On vient de vivre la réforme des retraites, et on n'a pas dit la vérité aux Français qui est toute simple, c'est que les retraites sont payées à crédit...

Quand vous dites "on", c'est-à-dire qui ?

On, c'est le gouvernement, les médias, parce que c'était plus facile.

Donc sur la réforme des retraites, je précise, sur la communication, vous n'êtes pas allé de main morte. Vous avez dit que sur la forme, ça n'allait pas du tout, que la manière dont elle était menée allait laisser de lourdes traces...

Ce n'est pas sur la forme. Pour reprendre la réforme des retraites, mais ce n'est pas le seul sujet...

Qui n'a pas fait l'effort de pédagogie, c'est le gouvernement ?

Oui, sans doute. Et les médias n'ont pas aidé.

C'est notre rôle de faire la pédagogie ?

Oui, oui aussi, c'est un rôle civique. Nous sommes tous coresponsables. J'ai édité au Commissariat au Plan une analyse chiffrée et précise indiquant ce que savaient un tout petit nombre de responsables...

Nous l'avons souvent citée, cette note.

Oui, mais c'est bien et je vous remercie... Cette note dit que les pensions de retraites qui sont aujourd'hui payées aux Français, elles ne sont pas payées comme on le croit par répartition, par les contributions, par les cotisations de ceux qui travaillent et des employeurs.

Elles sont payées par l'emprunt, par la dette. Et donc on paie les pensions en créant des dettes pour ceux qui viennent. C'est insupportable et c'est un de ces problèmes.

J'ai dit l'éducation. J'ai dit celui-là, j'ai dit un modèle social durable...

Vous avez dit en 2017, il y a eu un moment de dépassement. On a quitté le clivage gauche droite, mais un nouveau clivage apparaît néanmoins, en démocratie, il y a toujours des clivages. Comment nommeriez-vous le présent clivage ?

Je pense que le clivage principal, c'est responsabilité contre irresponsabilité.

C'est facile ça. 

Non.

Vous auriez le monopole de la responsabilité ?

Non, je vais expliquer ce que ce que je dis.

Lorsque vous présentez aux citoyens des thèses selon lesquelles ils ne sont pour rien dans les difficultés du pays, mais c'est la faute des riches d'un côté, des plus riches de tous ce dont vous connaissez le nom, des Arnault, Bolloré, et vous dites c'est de leur faute, ils confisquent la richesse du pays ; et lorsque d'un autre côté vous dites c'est la faute des étrangers, c'est la faute de l'immigration, vous êtes dans l'irresponsabilité.

Et quand vous dites "Y'a qu'à", "il faut qu'on", vous êtes dans l'irresponsabilité.

Donc RN et la France Insoumise pour les nommer, sont dans l'irresponsabilité ?

Oui, sans le moindre doute.

C'est vous ou le chaos finalement ?

J'essaie de ne pas pas simplifier, ni caricaturer. Ce n'est pas parce que quelqu'un n'est pas d'accord avec moi que je pense qu'il est illégitime.

Au contraire, j'ai toujours plaidé dans ma vie pour le pluralisme, c'est-à-dire pour qu'on reconnaisse que la politique, ça ne consiste pas à faire triompher ses idées sur celles des autres, ça consiste à créer un cadre de débat dans lequel chacun puisse faire entendre sa voix, et où s'élaborent peu à peu en donnant à tous les citoyens, tous les éléments de compréhension, le choix du pays.

Ce n'est pas du tout ce qu'on fait pour l'instant.

On va conclure. Il nous reste très peu de temps. Votre voix, le choix du pays pour 2027, vous êtes toujours dans les starting-blocks ?

Non. Vous voyez bien, sûrement pas.

Tout ce que nous vivons est suffisamment éloigné de 2027 pour qu'on n'ait pas, j'allais dire la bêtise de se situer dans cette course-là. Et j'ajoute une chose, c'est que tous les favoris à l'avance perdent. C'est une des lois de la Cinquième République.

Et donc vous vous déclarerez au dernier moment ?

On verra tout ça.

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