François Bayrou : "Non, Gérard Depardieu ne rend pas fière la France"

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Benjamin Duhamel sur BFM TV ce dimanche 7 janvier à 18h00, dans l'émission “C’est pas tous les jours Dimanche”.

Seul le prononcé fait foi.

Bonsoir François Bayrou. 

Bonsoir. 

Merci beaucoup d'être avec nous, je le rappelle : vous êtes maire de Pau, patron du MoDem et l'un des plus proches d'Emmanuel Macron. Et ça compte dans un moment où l'on s'attend à un remaniement. On dit souvent, je le disais tout à l'heure, que dans ce genre de moments, vous êtes un faiseur de roi. On y reviendra. Pour commencer : est-ce qu’on est dans le vrai si on s'attend dans les heures, dans les jours qui viennent, à un changement d'équipe, vous qui êtes un homme informé ?

Je pense qu'un changement est nécessaire. Je l’ai dit déjà depuis plusieurs semaines. On a atteint la fin d'une séquence avec ces textes difficiles mais qui sont passés.

Notamment la loi immigration.

Les retraites, l'immigration, qui étaient deux textes majeurs que le président de la République s'était engagé à présenter aux Français. Ça n'a pas été simple, ça a été chahuté, ça a été avec un sentiment de difficulté à prendre cette nouvelle situation politique qui est de ne pas avoir de majorité absolue, donc d'être obligé de travailler, de mettre au point une nouvelle manière de gouverner. On n'est pas au bout, ce sera un des sujets de la nouvelle période qui s'ouvre. Et donc, comme il y a forcément une nouvelle période qui s'ouvre, que vous savez bien… Pour l'instant, l'agenda de cette période n'est pas fixé.

Et on y reviendra dans un instant. 

Il faudra qu'il le soit. Alors oui, je pense qu'il est légitime qu'il y ait du renouvellement.

Du renouvellement dans les personnes. Pour être très clairs, qu'il y ait une nouvelle équipe dans ce gouvernement. Vraisemblablement aussi une nouvelle personne à Matignon ?

Nouvelle équipe, nouvelle architecture de l'équipe. Enfin tout ça, ce sont des hypothèses. J'entendais dire tout à l'heure, ça me fait toujours rire, comme vous faites semblant de croire à ce qu'écrivent vos confrères, parce que vous savez très bien comme les articles sont écrits.

C'est-à-dire ?

Par exemple, vous disiez faiseur de roi. Oui, il y a un faiseur de ministre en tout cas, et de premier ministre, c'est le président de la République.

Vous avez de l’influence François Bayrou, pas de fausse modestie !

Non, mais je ne cherche pas ça. Je ne cherche pas la fausse modestie. Mais cette manière d'écrire l'actualité comme si c'était un Western : Johnny n'aime pas Billy qui n'aime pas Peter et donc ils vont en champ clos régler cette question.

François Bayrou, en 2022, quand il était question que Catherine Vautrin soit nommée à Matignon, vous faisiez partie de ceux qui vous y étiez opposé. C'est juste une façon de, comment dire, de peser auprès du président de la République !

Je ne connais pas madame Vautrin et donc je vais simplement exprimer cela. Mais je ne cherche pas à me défausser le moins du monde parce que cette période-là, c'est la période où le président de la République choisit les visages de l'action. Or, un visage est un message et c'est ça qui est important. Et qu'est-ce que le visage dit de la ligne politique et du caractère à mes yeux nécessaire pour la fonction de chef de gouvernement ?

Vous savez très bien qu'il y a beaucoup de gens très très expérimentés ou en tout cas extrêmement reconnus dans leur rôle, qui pensent que le Premier ministre, ça ne sert à rien. Je n'ai jamais appartenu à ceux-là. Je pense que la fonction de chef du gouvernement est une fonction en soi et que l'équilibre créé par le fait qu'il y a un chef de l'État et un chef du gouvernement, avec au fond deux vocations différentes et deux missions différentes. Pour moi, c'est absolument nécessaire à la Ve République.

Vous dites… Pardon de vous interrompre… Vous dites les personnes, c'est un message. Alors là, quel est le message que doit incarner ce changement de personnes, ce remaniement qui vraisemblablement se dessine ?

Je pense que l'enjeu aujourd'hui, et c'est un enjeu très lourd… Cet enjeu-là, c'est de reconstruire une confiance qui s'est hélas délitée entre les Français et l'État, entre les Français eux-mêmes, et même, si j'ose dire, entre les Français et la France. L'idée française, ce que nous portons, en 2024, dans le monde, et que nous portons déjà depuis des décennies et des siècles, est ce que ça a du sens et de la pertinence ? Moi, je crois que oui. Je pense que dans le désordre du monde où on vit et que vous décriviez tout à l'heure et que vos images décrivent, ce qui se passe aux Etats-Unis, ce qui se passe en Ukraine, ce qui se passe au Moyen-Orient, ce qui se passe en Corée. Dans tout cela, il y a eu un projet français, quelque chose qui est de l'ordre de l'équilibre entre la modernité et l'enracinement. Et plus que ça encore, quelque chose qui est du devoir de rassembler les Français, de fédérer les Français. C'est pourquoi je me suis battu toute ma vie pour sortir du clan contre clan qui était la règle, la loi dont on n'imaginait pas qu’on ne puisse jamais s'extraire.

Donc ça, c'est pour le message d'unité. Il faut parler des visages.

D'unité et de projet portés dans la vie.

Et de projets portés. Il faut parler des visages. Aujourd'hui, vous avez à Matignon Élisabeth Borne, dont on dit que, vraisemblablement, elle pourrait quitter son poste. Voilà ce que vous disiez en juin 2022, après les élections législatives, vous disiez la chose suivante : « les temps exigent que le Premier ministre ou la Première ministre soit politique, qu'on n'ait pas le sentiment que c'est la technique qui gouverne le pays ». Est-ce que le François Bayrou de janvier 2024, d'aujourd'hui, pourrait redire ce que disait le François Bayrou de juin 2022 ?

Vous vérifierez là que je ne change pas d'avis tous les jours ! Je pense en effet, vous voyez bien qu'il y a là une différence : Nicolas Sarkozy disait de François Fillon « C'est un collaborateur ». Je n'ai jamais pensé ça. Alors peut-être, il y a beaucoup de gens, y compris des mieux informés, qui pensent que je me trompe. Je pense qu'un Premier ministre, c'est quelqu'un qui porte une partie du projet du pays. Il est naturellement choisi par le président de la République qui, lui, est investi par les Français. Ce n'est pas la même chose. Le président de la République n'est pas un chef politique, seulement, c'est un chef, c'est le représentant, le défenseur, le promoteur de l'unité nationale. 

Donc si je vous suis, François Bayrou, Elisabeth Borne n'est plus la bonne personne pour diriger le gouvernement. Ça veut donc dire qu'il faut qu'elle laisse sa place.

Ne me faites pas dire ça. Je sais très bien que le métier de journaliste, c'est d'essayer de faire se battre les montagnes.

Non, mais j’essaie de traduire ce qui est dit en des termes élégants. Si vous dites que le François Bayrou de juin 2022 est le même qu'aujourd'hui, ça veut donc dire qu’Élisabeth Borne n’est pas à sa place…

François Bayrou : Mais Élisabeth Borne, elle a aussi appris la politique dans des circonstances qui ne sont pas simples à l'Assemblée nationale.

Mais il peut y avoir une nouvelle impulsion avec la même Première ministre ?

C'est au président de la République, et à elle, Première ministre, de le dire. 

Surtout…

C'est le président de la République qui tranche. C'est lui qui sent le moment dans lequel nous sommes. Et ce moment, pour moi, il est terriblement exigeant. Vous voyez, tous les tous les papiers que vous entendez ou que vous faites, ils portent tous la même antienne : c'est la fin du cycle, comme le président de la République ne peut pas se représenter. Tout ça va s'achever les uns disent, en quenouille, les autres... Je crois exactement le contraire. Je pense d'une certaine manière que les choses commencent aujourd'hui parce que c'est comme ça dans l'histoire. C'est après avoir un temps d'expérience, après avoir vécu des tempêtes, et Dieu sait que le président de la République a connu des tempêtes lourdes probablement sans précédent dans une période de cette année comme celle qu'on vient de vivre… Je pense que ça commence maintenant. Et pour que ça commence, il faut qu'on sente que ceux qui ont la charge des affaires prennent cette charge avec l'optimisme et la détermination de porter pour le pays une politique exemplaire.

C'est quoi le portrait-robot du bon ou de la bonne première ministre ? Si on suit cette volonté que vous exprimez ce soir ?

Vous savez, il y a une vieille expression française qui dit vous faites l'âne pour avoir du son ».

Je vois à peu près l’idée, donc je vais continuer à faire l’âne dans ce cas-là.

Je n’ai pas envie d'entrer dans le jeu des noms.

Pardon, François Bayrou…

Ce que je pense, et je vais vous répondre sérieusement, et sur le fond, c'est qu'il faut qu'il y ait une cohérence entre le projet qu’a porté Emmanuel Macron quand il a été élu président de la République. Cet immense projet de renouvellement, cet immense projet de refondation de tout ce qui est aujourd'hui en France affaibli : l'idée républicaine, elle est affaiblie. L'idée de l'État est affaiblie. On a besoin d'y croire de nouveau et on a besoin que se projette dans l'avenir cette vision-là. Et cette vision-là, elle n'est pas seulement importante pour la France aujourd'hui, parce que l'Europe est dans la crise que vous savez et qui est une crise décisive pour son avenir et que le monde est dans une série de crises qui sont autant de tremblements de terre qui retentissent les uns sur les autres.

On va en parler dans un instant, mais pardon de rester sur les noms. Est-ce que parmi ceux qui sont cités, il y a le ministre de la Défense, Sébastien Lecornu. Est-ce que Sébastien Lecornu correspond, dans son profil idéologique, à ce que vous venez de dire ? Parce que, François Bayrou, ce qu'on lit partout dans la presse, c'est que vous ne souhaiteriez pas la nomination de Sébastien Lecornu, vous vous y opposeriez ?

Je ne suis pas faiseur de Premier ministre. Mais je répète que pour moi, l'adhésion profonde du futur chef du gouvernement, du ou de la future chef du gouvernement, à cette idée que non, on n'est pas dans une fin de cycle. Non, on n'est pas dans la continuation de la politique comme elle s'est faite depuis des décennies et au fond, où il suffirait d'être bien placé. Non, ce n'est pas ça le portrait-robot. Le portrait-robot, c’est quelqu'un qui croit que cet engagement, si nécessaire aujourd'hui, qu'on va retrouver confiance dans quelque chose. Qu'on va pouvoir de nouveau avoir confiance les uns dans les autres, qu'on n'est pas un pays dans lequel on reconstitue perpétuellement les guerres d'un clan contre l'autre. Regardez Trump… 

Pardon François Bayrou, je fais la traduction : vous dites qu’il ne faut pas reconstituer les clans les uns et les autres. Sébastien Lecornu est quelqu'un qui vient de la droite. Est-ce que vous qui, comme vous l'avez dit, avez toujours été attaché à l'idée d'un centre indépendant, est ce que ça vous pose un problème ?

On n'a pas été seulement attaché…

Non, non, non. Mais est-ce que ça vous pose un problème d'envisager qu'arrive à Matignon quelqu'un qui vient de la droite comme Sébastien Lecornu ?

Mon problème ou mon débat n'est pas avec telle ou telle personne, même si ça vous ferait plaisir.

J’essaie de décrypter pour ceux qui nous regardent !

Je crois qu'ils ont compris. Ça vous ferait un titre à mettre demain matin…

Ils ont compris que vous n’y étiez pas favorable…

Je suis attaché à ce renouveau et inédit et totalement imprévu qui, en 2017, a fait abattre les deux clans qui tenaient par un monopole absolu le pouvoir depuis 50 ans. Et qui nous ont, entre parenthèses, conduits où nous sommes. Cet affrontement-là nous a conduit où nous sommes parce qu'il a empêché de réunir le pays au moment où il avait le plus besoin d'être réuni.

Donc, si je comprends bien, il faut plutôt quelqu'un qui soit garant de la poursuite de ce sens du dépassement.

Oui.

C'est clair. Quelqu'un qui soit dans cette épure du macronisme ?

Le mot de dépassement est une autre manière de dire le centre qui réunit le pays.

Est-ce que donc, par exemple, quelqu'un comme Julien Denormandie, ancien ministre de l'Agriculture, compagnon de route historique du président de la République, qui avait fait le choix de quitter la vie politique en 2022, correspond à cette idée de dépassement ? 

En tout cas, c'est quelqu'un de très estimable et en phase avec cette idée. Il n'est pas le seul. Mais pour moi, là est la clé. Les Français ont fait quelque chose qui était absolument inattendu de tout le monde, y compris d'eux-mêmes. Ils ont dit : écoutez, tous ces gens-là qui bloquent la vie politique depuis des années, et nous étions, vous en conviendrez, très, très peu à proposer une autre idée de l'avenir. Et non seulement on était peu à la proposer, mais il y avait encore moins de gens qui pensaient que c'était possible. Ce choix que le pays a fait, des gens croient que c'est un accident. Pas du tout. Moi, je crois que c'est quelque chose de profond. Les Français ressentent que tout ce qui s'est affaibli, dissout, délité au travers du temps, on doit le reconstruire. Et j'ajoute, moi, qu'on peut le reconstruire. Mais ça se fait, vous le voyez bien, dans une cohérence qui suppose une équipe, des hommes et des responsables qui partagent cette vision.

Vous dites Julien Denormandie, homme estimable pour vous citer…

Jeune homme estimable.

Jeune homme estimable. Est-ce que, pardon d'y revenir, puisqu'il est aussi cité, Sébastien Lecornu a les épaules pour être Premier ministre ?

Non, mais je ne veux pas juger untel et untel.

Vous me dites que Julien Denormandie est un jeune homme estimable? Je remarque que vous n'avez pas eu le même adjectif pour qualifier Sébastien Lecornu !

Je vois bien dans quoi vous voulez m'entraîner, mais comme vous avez parfaitement compris ce que je voulais dire, on ne va pas continuer.

Une autre question : le fait que Julien Denormandie n'ait jamais été élu. Est-ce que ça ne pose pas un problème pour arriver à Matignon ? Encore plus quand on est en majorité relative.

Je pourrais faire d'autres portraits-robots. Je pourrais plaider pour une expérience plus importante. Je pourrais plaider pour un enracinement plus important.

On se demande à qui vous pensez.

J'arriverais à trouver comme ça des éléments de portrait que je trouverais adaptés à la situation. Mais je ne veux pas interférer de cette manière en apparaissant comme jouant à ces batailles de cour de récréation. Je vous assure. Sébastien Lecornu, je le connais très, très peu. Je connais son parcours.

Et de ce que vous voyez de lui ?

Je connais son parcours mais je le connais très peu. Je ne suis pas dans une querelle. J'espère ne jamais être dans une querelle. Ça fait très longtemps que j'ai quitté ces rangs querelleurs. Je pense que je vous l'ai dit : un visage, c'est un message. Et pour moi, ce qui m'importe, c'est le message.

Vous, vous feriez un bon Premier ministre ?

Je crois que ce serait marrant. Oui.

Oui, et alors pourquoi … ?

Mais parce que vous savez bien que je suis bloqué pendant encore un certain nombre de semaines.

Jusqu'au 5 février. Pourquoi le président n'a-t-il pas attendu début février pour pouvoir éventuellement vous choisir ? 

Je suis sûr que c'est une question que vous lui poserez quand vous le verrez.

Oui, peut-être d’ailleurs s'il veut venir et s'il nous regarde…. Pourquoi vous dites « marrant » ? Parce que vous aimeriez… ?

Vous savez bien que vous ne pouvez pas être un responsable politique et éluder une responsabilité de cet ordre si elle vous est confiée.

Et peut-être cela arrivera au cours du quinquennat.

Je crois que le futur est long. Je crois que l'avenir est long et j'ai toujours pensé ça. Et j'ai toujours pensé qu'il y a des moments où, en effet, s'imposent des parcours qui sont un peu différents et un peu atypiques.

Parler du poste de Premier ministre, vous dites : « Le futur est long ». Ça veut aussi dire que pour éventuellement être candidat à l'élection présidentielle en 2027, ça rentre dans le futur aussi.

Mais c'est très simple. C'est une question qui est bizarre parce qu'on croirait que c'est une question de carrière. Il se trouve que pour moi, je ne le vis pas comme ça. Ce n'est pas une question de carrière, c'est une question de vocation.

Et c'est votre vocation d'être candidat ?

Attendez. C'est ma vocation d'être citoyen. Je pourrais le dire autrement.

Tous les citoyens ne veulent pas être président de la République.

Je pourrais le dire autrement. C'est ma vocation d'être père de famille. Je vois ce qui se passe. Je vois depuis des années et entre nous et au passage, sans m’être souvent trompé sur les problèmes qui se posent. Je vous rappelle qu'on a fait de la dette une question centrale lors de l'élection de 2007. Si on avait écouté, peut-être aujourd'hui, on n’en serait pas exactement là : de l'investissement, de la reconquête, de la production, de la démographie… Ce sont des thèmes centraux dont personne ne parlait ou dont personne ne parle aujourd'hui. Donc oui, je suis un citoyen engagé. Totalement engagé.

C'est clair. On a compris. Un mot encore sur ce remaniement. Est-ce que vous faites partie de ceux qui disent qu’il faut que ce soit un gouvernement resserré, qu’il y ait beaucoup moins de ministres, des grands pôles ? 

Oui. 

Et est-ce que c'est crédible ? Parce qu'au fond, François Bayrou, on entend ça à chaque fois.

Je ne peux pas vous donner tort. Vous avez raison. Chaque fois, on dit ça. Puis chaque fois, les chiffres vont tutoyer les sommets. Ce que j'observe. Pardon pour les ministres qui vont m'en vouloir. Mais ceci est dit de bonne foi. Les messages des ministres se contredisent ou se marchent sur les pieds entre eux tout le temps. Vous êtes préfet aujourd'hui, je vous assure que préfet aujourd'hui, c'est à s'arracher les cheveux parce que les cabinets de tous les ministres vous appellent pour une action nouvelle, formidable, essentielle. Et tout ça, ce se contredit ou en tout cas se marche sur les pieds.

Donc il y a des ministres qui ne servent à rien.

Non, ce n’est pas ce que je veux dire. Je dis que trop souvent, les membres du gouvernement considèrent que leur destin est plus important que le destin général. Et eux, leurs cabinets, leurs équipes passent leur temps à inventer des choses nouvelles. Par exemple, je pense - je crois, que le président de la République le pense aussi - je pense qu'on fait trop de lois. Je pense que les débats, c'est utile. Mais on peut gouverner autrement qu'en créant des polémiques perpétuelles à l'intérieur du pays.

Je voudrais aborder avec vous deux sujets d'actualité. Le premier, c'est la question de l'immigration. On a vu cette loi qui est passée. Le Conseil constitutionnel a jusqu'au 26 janvier pour se prononcer et on voit une situation assez singulière. Vous avez à la fois les partis de gauche qui espèrent que le Conseil constitutionnel censure tout ou partie de la loi. Mais aussi on a entendu le président de la République espère qu'au fond le Conseil constitutionnel fasse le ménage. Est-ce qu'il n'y a pas une forme de singularité institutionnelle à ce que vous espériez que le Conseil constitutionnel soit une sorte de voie de rattrapage pour un texte qui est passé, qui ne vous satisfait pas tout à fait.

Pardon, je ne traduis pas le président de la République, mais il n'a pas dit « espérer qu'il fasse le ménage ». Le président de la République, c'est le défenseur de notre Constitution et dans notre Constitution, pour s'assurer qu'il n'y a pas d'entorse aux principes majeurs, il y a une institution qui s'appelle le Conseil constitutionnel et il lui a fait jouer son rôle. Conformément à la Constitution, il a saisi le Conseil constitutionnel pour vérifier que les principes sacrés, essentiels, …

Et vous espérez que cette loi soit amodiée, purgée d'un certain nombre d'éléments qui ont fait débat ? La question de la caution pour les étudiants étrangers, la question des prestations sociales : des éléments au cœur du débat….

J'ai dit assez souvent sur votre plateau aussi que oui, j'étais contre une caution pour les étudiants étrangers parce que ce n'est pas avec les moyens des parents qu'on choisit les étudiants qui vont faire des études en France et donc, à partir de cet instant, porter aussi une part de l'avenir de la francophonie, c'est-à-dire de ce que nous avons de plus précieux.

Vous étiez opposé vous, au texte de loi, tel qu'il était fagoté, si vous me permettez l’expression, sorti du Sénat ?

Je pensais qu'il y avait des amodiations. Je n'ai jamais pensé qu'il y avait dans le texte de la loi des principes sacrés qui soient mis en cause. Si je l'avais pensé, je m'y serais opposé. Mais quand je regarde, par exemple, l'exigence qui est faite qu'une jeune fille ou un jeune homme qui veut devenir français formule ce souhait ou ce vœu, alors je me dis qu'il n'y a rien là que de très normal. Et quand on me dit qu’il y a quelque chose de terrible, c'est qu’un type qui a la double nationalité et qui commet un crime en France, on lui enlève sa nationalité française. Mais où est le problème ? De quoi parle-t-on ?

Pardon mais le fait de faire une différence dans certaines allocations entre les Français et les étrangers, ça ressemble à ce que Marine Le Pen et Jean-Marie Le Pen, son père, défendaient de plus depuis près de 30 ans, à savoir ce qui s'appelle la priorité nationale.

Vous savez très bien que cette différence existe dans certaines allocations.

Le revenu de solidarité active, la prime d’activité. Mais pas quand il s'agit des allocations familiales pour les enfants, des aides au logement, c’est pas pareil.

Pour les allocations familiales, vous savez très bien que je pense qu'en effet ce n'est pas justifié et que là, la précision ou la décision qui va être celle du Conseil constitutionnel sera attendue et bienvenue.

Un dernier mot d'actualité avec vous, François Bayrou. Est-ce que Gérard Depardieu rend fière la France ?

Non. Alors je sais très bien, le président de la République, ce qu'il avait en tête. Il déteste la chasse aux sorcières. Mais moi je vais vous dire : quelqu'un qui parle des femmes de la manière dont il en a parlé, quelqu'un qui parle des enfants et singulièrement des petites filles, de la manière dont il en a parlé et quelqu'un qui regarde les petites filles comme ça. Je n'ai aucune indulgence. On ne me trouvera pas parmi ses défenseurs. Je ne doute pas que ce soit une dérive personnelle, avec le temps. Mais pour moi, il y a là une offense à ce que je crois de plus sacré. Et que ce soit un acteur ou même un grand acteur, je m'en fiche. Je ne veux pas prêter la moindre complaisance avec des mots, des attitudes et peut-être pire encore, des regards de cet ordre.

Mais alors, comment vous expliquez que le président de la République ait tenu ces propos ? « Gérard Depardieu rend fière la France. Je n'aime pas les chasses à l'homme » en ayant à peine un mot pour les victimes. Vous qui le connaissez très bien, comment est-ce que vous expliquez qu'il ait pris au fond une position qui est orthogonale à celle que vous venez de prendre ?

D’abord on a tous le droit d'avoir des positions différentes. Ce que je crois, c'est que ce qu'il l'atteint le plus, c'est quand une meute se jette sur quelqu'un. Parfois la meute - et Dieu sait que ce n'est pas plaisant les meutes, et Dieu sait que ce type de hallali est détestable - mais parfois, il y a de l'indéfendable dans un certain nombre d'attitudes et en tout cas, pour moi, on est dans cet ordre-là.

C'était une erreur ? 50 % des Français considèrent que le président a trop défendu Gérard Depardieu. C'était une erreur ?

Mais je pense que le début de ses phrases était juste. Et après, il s'est laissé entraîner. Alors je sais très bien que Gérard Depardieu est un grand acteur. Je sais très bien qu'il a joué des rôles formidables, mais je ne confonds pas l'artiste et l'homme. C'est l'homme qui pour moi, dans cette question, a dérivé. Et vous savez bien, j'ai souvent exprimé ça. Je n'accorde pas la moindre indulgence à ce genre de dérive parce que sexualiser, comme on dit, des enfants. Je trouve qu'il n'y a pas pire dans l'ordre de ce qu'un homme doit être.

Il faut lui retirer la Légion d'honneur à Gérard Depardieu ?

Je ne suis pas membre du comité de la Légion d'honneur.

Vous pourriez avoir un avis.

C’est en cours, c'est un débat. Je ne suis pas juge et partie dans cette affaire. Je ne suis pas juge. Je suis partie, je suis défenseur de quelque chose qui s'appelle la décence à l'égard des femmes et plus encore et beaucoup plus encore à l'égard de l'enfance.

Merci beaucoup François Bayrou d'avoir été l'invité de C'est pas tous les jours dimanche.

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