François Bayrou : "Traitons les sujets en entrant dans une nouvelle période démocratique !"

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Sonia Mabrouk sur Europe 1 et CNews, ce dimanche 3 septembre à 10h00 dans l'émission "Le Grand Rendez-vous".

Bonjour à tous et bienvenue à vous sur CNews et Europe1. Bonjour à vous François Bayrou.

Bonjour.

C'est votre grand rendez-vous, c'est le dimanche ! Maire de Pau, président du MoDem, Haut-commissaire au Plan, ancien ministre ÉGALEMENT de l'Éducation nationale. Il sera bien sûr question dans cette émission à la veille de la rentrée scolaire, placée sous le signe de l'interdiction de l'abaya, et bien de cette rentrée, des défis qui sont nombreux. Nous évoquerons également avec vous les suites des rencontres à Saint-Denis avec Emmanuel Macron et les chefs de parti. Vous y étiez et plus largement, François Bayrou, la guerre de succession déjà ouverte, vous l'avez sans doute remarqué en vue de 2027 avec beaucoup de monde sur la ligne de départ.

Pour mener ce grand rendez-vous à mes côtés, je salue mes camarades Nicolas Barré des Échos et je suis très heureuse de retrouver en cette année. Bonjour à vous Nicolas !

Bonjour Sonia.

Et bien sûr, tout comme Mathieu Bock-Côté. Bonjour à vous, Mathieu.

Bonjour !

François Bayrou : "Nous ne laisserons rien passer", a affirmé le président Emmanuel Macron en parlant des abayas et des qamis après l'annonce de l'interdiction de ces vêtements religieux à l'école par Gabriel Attal. Nous sommes à la veille de la rentrée scolaire. Est-ce que vous êtes confiant sur l'application très concrète de cette interdiction ?

Oui, je pense et j'espère, j'espère et je pense, que ça va bien se passer. Il faut comprendre que le nombre de ces vêtements aujourd'hui, et j'ai vérifié les chiffres, inférieur de moitié au nombre de voiles qu'il y avait dans les temps lointains où j'étais ministre de l'Éducation et nous avons, en passant par les règlements intérieurs des établissements financiers et en prenant des médiatrices familières des deux cultures, on avait certaines qui ont fait beaucoup de chemin depuis, Rachida Dati était une de celles-là. Et donc nous avons réussi à cette époque-là, j'espère que ce sera le cas aujourd'hui parce que je ne suis en même temps pas certain que ça soit si profondément enraciné, y compris dans les communautés qui sont soit de religion, soit de culture, qui amènent ces vêtements-là.

Donc j'espère, je crois, et je pense que ça devrait bien se passer. Comme vous savez, il y a aussi des cours de justice administrative qui vont fixer le droit si elles sont saisies.

Le droit. Et il y a l'application concrète que certains, François Bayrou, ont déjà mis en avant sur les réseaux sociaux : un hashtag "fait à rentrer en abaya". Il va y avoir, et beaucoup le disent, une contre-offensive. Les professeurs s'en inquiètent de tentatives de contournement. C'est cela aussi ?

Je suis moins sûr ça. Je peux me tromper naturellement. Il peut y avoir ici ou là des incidents de cet ordre. Mais je pense que l'immense majorité des familles, parce que c'est surtout des familles que ça vient.

L'immense majorité des familles est acquise à l'idée que l'école, c'est trop précieux pour qu'on aille perturber la scolarité des élèves.

Vous dites ça vient des familles, mais il y a aussi une part, peut être seriez-vous d'accord, d'entrisme islamiste pour pousser les jeunes femmes à porter l'abaya à l'école. Est-ce que vous reconnaissez cette part d'entrisme islamiste ?

Sûrement. Il y a des il y a des groupes de pression et des groupes d'oppression dans tous les sens. Il n'y a aucune raison pour que ces groupes n'existent pas là. Il faut comprendre une chose, je crois qu'on a le devoir d'entrer dans la question fondamentale qui est derrière tout cela : la France que ces jeunes filles vont habiter, dans laquelle elles vont vivre et dont elles vont être une partie prenante, agissante et vivante. La France n'est pas seulement des règlements, des lois. La France, c'est aussi une manière de vivre, des coutumes, des mœurs…

Donc c'est une question de mœurs avant d'être une question de laïcité ?

Mais la laïcité fait partie…

J'entends bien.

…de ce patrimoine de vivant. C'est la transmission de ce patrimoine qui compte et l'identité d'un pays, cet ensemble de de valeurs, de manières d'être, de manières de vivre est infiniment précieuse. Et si l'on n'y prend pas garde, alors il y a des mouvements très violents qui se développent, qui sont des mouvements, au fond, d'un sentiment d'être assiégés.

Mais comment on fait, François Bayrou ? Pardonnez-moi, vous parlez des mœurs françaises…

Vous voulez me laisser aller jusqu'au bout de mon raisonnement ?

Mais qu'on comprenne bien quand il y a des d'autres mœurs face à ces mœurs…

Et bien on défend le patrimoine. J'ai dans un livre, il y a quelques années, rappelé qu'il y a des pays africains dans lesquels l'identité de la communauté que nous formons tous ensemble est inscrite dans la Constitution. C'est légitime de défendre et transmettre ce patrimoine qui est un patrimoine moral et un patrimoine de coutumes, de manières de vivre.

Et ce patrimoine-là, on doit s'y intégrer. La conduite selon laquelle tout est question de liberté individuelle ne me paraît pas sur le fond, la seule.

Mais est ce que les conditions de l'intégration sont aujourd'hui rassemblées ? C'est à dire dans certains quartiers, les changements démographiques sont tels que les porteurs de la culture et des mœurs françaises telles que vous les indiquez sont quelquefois en minorité, ou alors c'est simplement le professeur, c'est l'institution, mais ce n'est pas nécessairement la population. Est-ce que ce changement démographique entraîne le changement d'identité ?

J'ai très souvent défendu l'idée que tout était une question de proportions. Lorsque vous êtes une communauté et que vous êtes rejointe par des femmes, des hommes, des familles qui sont à l'intérieur de la communauté en nombre équilibré. Alors tout se passe très bien.

Cet équilibre est rompu aujourd'hui ?

Lorsque l'équilibre est rompu, quelles que soient les questions de religion et de culture… J'ai pris comme exemple Mayotte. Île française, département français formé des familles et de la culture des Comores, se voit rejointe, et certains diront envahis, par le nombre de Comoriens qui viennent s'installer illégalement dans le pays. C'est la même religion.

(Brouaha)

Est-ce que Mayotte, ça sera l'avenir du reste du territoire français ?

S'il faut que je mette de l'ordre dans cette émission, je vais le faire…

Je vous en remercie, on vous attendait !

Pour vous, pour votre bien-être ! Donc, si vous prenez les Antilles. La présence en Guadeloupe, par exemple, de nombreuses personnes d'origine haïtienne, c'est la même histoire, ce sont les mêmes cultures. Et cependant la déstabilisation est très importante.

Donc c'est une question de nombre ?

On pourrait dire la même chose en Guyane.

Et en métropole, est-ce qu'il y a des équivalences, des exemples ? Parce que là vous citez Mayotte…

Oui bien sûr. Pour ma part, je refuse de faire une obsession de la question prise sous cet angle-là.

Mais qui est obsédé par ça ?

Peut-être vous par exemple ?

Ah bon ? Pardonnez-moi, mais c'est un ministre qui a annoncé l'interdiction de l'abaya. Il est obsédé par cela ?

Non, Il y a des secteurs entiers de l'opinion, Il y a des courants d'opinion pour qui cette question est devenue obsessionnelle. Alors vous me demandiez : où est la clé ? Si la société française, si la France se portait bien, si elle avait l'économie qu'elle mérite, le dynamisme qu'elle mérité…

Mais nous n'en sommes pas là…

La création d'emplois, l'éducation nationale…

Mais en ce moment ?

Vous me demandiez quelle est la clé de l'intégration ? La clé de l'intégration, c'est la santé de la France. Si la France est en mauvaise santé, l'intégration se passe mal.

Vous avez parlé de proportions, avec raison. Vous avez parlé du nombre, avec raison. Est-ce que cet équilibre, est-ce que ces proportions sont respectées en France ou est-ce que l'équilibre est rompu en France métropolitaine ?

Je pense que les proportions sont respectées, mais il y a des endroits, des lieux, des poches, des territoires dans lesquels en effet cette proportion est déséquilibrée.

Donc les proportions sont respectées, sauf dans certains territoires où elles ne le sont pas. Autrement dit, les proportions ne le sont pas dans plusieurs parties du pays ?

Si vous avez envie de tirer dans ce sens-là, vous pouvez le faire. Mais moi j'essaie d'avoir un langage qui va vers les solutions plutôt que vers l'exaspération.

Est-ce qu'on peut en parler du niveau en fonction des professeurs parce que c'est quand même ça le plus important. Nous avons parlé de démographie, de nombre de population. Il y a une rentrée qui a posé problème sous l'angle de l'abaya. C'est pour ça qu'on en parle, François Bayrou, ce n'est pas du tout une obsession, mais pour certains professeurs, c'est même une inquiétude. Ils n'avaient pas de règles claires…

Et bien maintenant, ils en ont une.

Donc est-ce que pour vous, ça veut dire que c'est réglé ? Parce que d'autres estiment peut-être qu'il faut aller jusqu'à l'uniforme justement pour ne plus avoir ce genre de problème.

Mais on peut envisager la question de l'uniforme. Il faut que ça vienne des établissements eux-mêmes. Je lis quelquefois "on va revenir à l'uniforme". Il n'y a jamais eu d'uniforme dans l'école publique française, jamais. Il y avait la blouse grise pour les garçons et rose ou bleu pour les filles. C'est des souvenirs d'enfance que j'ai et que j'ai dans les yeux. Il y avait une blouse. Est-ce des établissements peuvent demander à avoir l'uniforme ? Oui, bien sûr.

Mais est-ce que vous êtes favorable pour une généralisation ?

L'idée qu'il faut tout généraliser, est une l'idée que l'on doit prendre avec précaution, avec réserve. Si des établissements souhaitent le faire, quel que soit le quartier… J'ai vu des déclarations qui disaient il faut faire ça dans les quartiers politiques de la ville, comme on dit. Les quartiers populaires prioritaires. Non. Si on le fait, il faut ouvrir cette possibilité partout. Il n'y a pas de raison d'ajouter à cette question, qui est une question culturellement difficile, une ségrégation par les résultats ou par le milieu socioculturel dans lequel on vit.

On va continuer à en parler. On marque une courte pause. Il y a de très, très nombreux défis, évidemment à l'école en cette veille de rentrée. C'est au ministre, l'ancien ministre de l'Éducation nationale, qu'on pose cette question. Et puis d'autres sujets à venir, à tout de suite sur Cnews et Europe 1

Le grand rendez-vous. Cnews, Europe 1, avec notre invité François Bayrou. Il est Haut-commissaire au Plan, il est maire de Pau et également ancien ministre de l'Éducation nationale. Et à ce sujet, François Bayrou il y a 22 ans, vous diffusiez une circulaire interdisant le port de signes ostentatoires à l'école. La circulaire visait…

Un peu plus de 22 ans je crois…

Exactement. Ne m'obligez pas à rappeler…

28 ans peut-être !

Vous visez le foulard, et la polémique avait commencé, rappelons-le, des 89 avec l'affaire des collégiennes de Creil. Il y avait eu énormément de polémiques à l'époque. La gauche, évidemment, n'avait pas suivi cette circulaire. Depuis, qu'est ce qui s'est passé ? Est-ce que vous dites que les choses se sont aggravées ?

Non, je ne dirais pas ça. Vous voyez bien, la société française, comme toutes les autres sociétés occidentales, est en perte de repères. Elle se trouve profondément déstabilisée dans sa manière de vivre et dans ses manières de croire en quelque chose qui les réunit, qui réunit les Français. Toutes les sociétés occidentales. Évidemment, c'est encore plus difficile lorsqu'on se trouve devant des chocs culturels, des traditions culturelles, des traditions religieuses, des manières d'être, des manières de vivre, des manières qui donnent le sentiment que plus rien ne sera comme avant. Et plus rien ne sera comme avant, c'est un sentiment que les êtres humains ne peuvent pas supporter. Ils ont besoin de la certitude qu'ils vont pouvoir transmettre quelque chose de ce qu'ils ont reçu, à leur enfant. Et c'est précisément sur ce point qu'il faut les rassurer. Oui, je crois. Mais, à la différence de beaucoup sans doute, je crois que sur cette question d'immigration, quelles que soient les générations, si les personnes travaillent, ça renvoie à l'économie. Si les personnes maîtrisent la langue française, celles qui ne la parlaient pas et celles qui la parlent ou qui devraient la parler de naissance, si j'ose dire… Un grand nombre des violences urbaines, comme on dit. Tous ceux qui ont regardé savent qu'il y a des adolescents ou des jeunes adultes qui sont incapables de traduire ce qu'ils ressentent. Et donc ça fait des violences, c'est de la psychologie élémentaire d'une société dans laquelle on vit. S'il y a la compréhension que les manières de vivre d'un pays font partie intégrante de son équilibre.

Et pourquoi n'y a-t-il pas cette compréhension, justement ? Et une parenthèse : vous dites tradition en parlant peut être de l'abaya, mais est-ce une tradition ou est-ce une offensive islamiste ?

Oui, sans doute les deux. Ce sont des phénomènes de bord, de limites. Bien sûr qu'il y en a. Le très grand travail que nous avons à faire, c'est que tout le monde dans la société française comprenne et mesure que nous avons un patrimoine, que ce patrimoine fait partie intégrante de notre avenir.

Mais est ce qu'il est attaqué ce patrimoine ? Parce que ce qui n'est pas un phénomène de bord par rapport à l'époque où vous étiez ministre de l'Éducation nationale, c'est que le nombre d'atteintes à la laïcité augmente. C'est ce que dit aujourd'hui le ministère de l'Éducation nationale. Il y a davantage d'atteintes à la laïcité dans les établissements. Comment on lutte contre ça ?

Il y a toujours eu.

Oui il y a toujours eu, mais il y en a plus qu'avant.

Il y en a.

Pardonnez-moi, il y a un professeur qui ne va pas faire sa rentrée cette année.

C'est Samuel Paty. Et de ce point de vue-là, je trouve souvent que son souvenir est trop oublié et que ce jeune homme a perdu la vie simplement parce qu'il croyait aux valeurs qu'il enseignait.

Il est oublié, peut-être aussi parce que son nom n'est pas accolé à certains collèges, parce qu'on le refuse…

Parce qu'on a peur aussi... L'idée, vous l'avez noté, quand on dit on pourrait nommer au lycée Samuel Paty. Mais la réaction, ce n'est pas le nôtre. On a peur d'être attaqué. C'est une peur pour sa propre vie.

Oui, c'est vrai ce que vous dites. Permettez-moi de dire que nous n'y arriverons pas si nous présentons les choses comme perpétuellement et gravissimement, exacerbées. Est ce qu'il y a des attaques ? Bien sûr qu'il y en a dans tous les sens. Est ce qu'il y a incompréhensions brutales ? Bien sûr qu'il y en a dans tous les sens. Mais je ne crois pas que la présence de l'islam en France soit une présence profondément agressive. Il y a des éléments d'agressions, mais on vit très bien. Je suis maire d'une ville dans laquelle, forcément il y a des quartiers comme on dit. Et il y a des communautés différentes et il y a des dizaines de nationalités dans ces quartiers-là, bien sûr. Cependant, on arrive à vivre ensemble. Mais alors ce n'est pas facile.

Mais ils ont bien intégré la France ?

Il y a 90 % des musulmans français qui sont bien intégrés à la société française.

Est-ce qu'il n'y a pas une confusion de la part de certains entre islam et islamisme ? Puisque vous parlez d'obsession certains ont cette obsession. Et puis qu'avez-vous pensé, Monsieur Bayrou, de la réaction d'une partie de la gauche, parce que vous appelez à transcender toutes ces questions, mais une partie de la gauche, c'est la France insoumise a quand même parlé de stigmatisation et même d'islamophobie de la part du ministre Gabriel Attal. Vous pensez qu'il est possible de composer avec ce système politique ?

Je pense qu'une partie de la gauche est obsédé par l'idée que c'est dans ces quartiers et dans la minorité la plus déstabilisée de ces quartiers qu'elle va trouver son futur électorat. Cette partie de la gauche a une stratégie qui est d'identifier ces quartiers au lumpenprolétariat, comme on disait dans les temps révolutionnaires ou marxistes d'autrefois, et que c'est là qu'ils vont trouver leur réserve électorale. Je suis persuadé qu'ils se trompent. Mais vous voyez bien, si vous regardez l'échiquier politique…

Donc c'est l'électoralisme opportuniste ?

De même qu'il y a symétriquement sur l'autre côté, c'est à dire du côté des extrêmes droites, parce qu'il y a plusieurs extrêmes droites. Il y a une partie de ceux-là qui se disent que là est le sujet qui va les porter au pouvoir. Et moi je pense que notre devoir, je ne parle pas là d'opportunité, de plus de vote dans des circonstances électorales. Notre devoir, c'est de faire en sorte que la compréhension réciproque l'emporte sur l'exaspération réciproque.

 

Mais pour cela, il faut des politiques claires. Vous dites que c'est le cas avec Gabriel Attal. Reconnaissez, monsieur Bayrou, qu'avec l'ancien ministre de l'Éducation, Papa Ndiaye qui avait dit qu'il n'allait pas aller jusqu'à mesurer la longueur des robes, on a de quoi être perdu. Est-ce que le président est sur la ligne, on a compris aujourd'hui qu'il est sur la ligne de son ministre de l'Éducation… Mais comment on peut passer de Pap Ndiaye à Gabriel Attal sur cette question comme ça en quelques semaines ?

Excusez-moi, je n'ai aucune envie de stigmatiser des ministres de l'Éducation successifs.

Dans le JDD, Éric Ciotti décrit Pap Ndiaye comme wokiste, d'extrême gauche, complaisant avec le communautarisme.

Je ne crois aucun des trois. C'est un homme que j'ai rencontré, que j'ai écouté. Je pense qu'il était profondément républicain, qu'il est profondément républicain parce qu'il est en fonction maintenant dans d'autres fonction. Et j'ai aucune envie de faire monter cette…

Il a suffisamment soutenu les professeurs sur cette question ?

Est-ce que la société française soutient suffisamment les professeurs ? Pas sur cette question…

Jolie pirouette pour ne pas nous répondre, monsieur Bayrou.

Non, non, non, non, pas sur cette question seulement, mais sur leur métier, sur son exercice.

Parlons-en. Regardez, monsieur Bayrou, le baromètre…

Mais la question qui se pose quand même à travers cette question, c'est la ligne du président. La ligne du président qui semble quand même, à travers ces deux ministres, radicalement, sensiblement opposés disons, dans leur dans leur ligne vis à vis de la laïcité.

Je pense que la ligne du président de la République est très claire.

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Inconnu

Il l'avait exprimée en nommant Jean-Michel Blanquer comme son premier ministre de l'Éducation. Et Jean-Michel Blanquer a fait deux années vraiment excellentes.

Donc la parenthèse Pap Ndiaye est oubliée ?

Non, ce n'est pas une parenthèse.

Donc Blanquer et Attal sont en continuité ?

Non, non, il y a chaque fois, il y a des nuances des ministres de l'Éducation qui m'avait précédé n'était pas exactement comme moi et ceux qui m'ont succédé n'étaient pas exactement comme moi non plus.

Disons qu'il y a une ligne : Chevènement, Bayrou, Blanquer, qui est une ligne très centrée sur les fondamentaux de l'école…

Et Pap Ndiaye ne participait pas à cette ligne ?

Sur les fondamentaux et le savoir, je crois que oui. J'en ai parlé beaucoup avec lui.

Vous êtes toujours son ami ?

Oui, c'est quelqu'un qui était sensible au sentiment des minorités. Et comment, quand vous êtes enseignant, ne pas être sensible aux minorités.

Mais était-il sensible aux défis des professeurs, monsieur Bayrou ?

Oui, je crois. Je crois que oui.

Bon, dans tous les cas il n'est pas resté à son poste très longtemps…

On y reviendra dans une seconde. Je veux dire qu'il y a des réflexes qui consistent à penser perpétuellement que les professeurs ne travaillent pas assez. On entend ça tout le temps. Moi, je voudrais que ceux qui les critiques, comme ça, aille passer quinze jours devant une classe qu'ils mesurent réellement ce qu'est le travail d'investissement : préparation des cours, maîtrise des classes, quand ça commence à bouger, correction des copies, conseils de classe, réception des parents, agression des parents assez souvent… Je voudrais que tous ceux qui le critiquent aillent se confronter à la réalité.

Et c'est ce qui explique probablement aussi, en partie, la pénurie justement de ces enseignants à la rentrée, on va continuer d'en parler en marquant une courte pause. Et puis je vais dire la politique pure : vous avez participé à une rencontre de Saint Denis avec Emmanuel Macron et les chefs de parti. Tout a été dit. Vous allez nous dire ce qui s'est vraiment passé ?

Oui, parce que j'y étais, c'est plus pratique, n'est-ce pas ?

A tout de suite.

En direct ? Bien sûr. Merci de votre fidélité en ce dimanche pour le Grand Rendez-Vous avec notre invité François Bayrou, qui était présent aux fameuses rencontres de Saint-Denis. Alors c'est vrai que ces rencontres entre Emmanuel Macron…

On n'a pas fini avec l'éducation. Juste deux phrases…

Allez-y.

Le premier métier de l'école, la première mission, sa vocation, c'est la transmission de la culture générale, la transmission des connaissances d'un patrimoine de connaissances et de maîtrise des fondamentaux. Et on croit que c'est distincte de l'éducation civique, du vivre ensemble. C'est la même chose.

Mais est ce que cette mission est aussi bien assurée qu'il y a une génération ou deux générations ?

Non.

C'est ça la vraie question.

J'ai écrit il y a très longtemps un livre qui s'appelait La décennie des malappris, dont vous vous viendrez peut-être. Oui, je pense que nous avons des problèmes de transmission, que ces problèmes de transmission des connaissances et des fondamentaux, elles se posent, y compris techniquement, pédagogiquement, en termes nouveaux qu'on ne sait pas traiter. On vient souvent avec des idéologies qui sont à côté de la plaque parce qu'elles ne réussissent pas...

Quels exemples d'idéologie ? Le président a dénoncé dans une interview, une longue interview au Point, le pédagogisme. Est-ce que le pédagogisme, justement, est une de ces idéologies ?

Je pense que l'idée que tout est dans la pédagogie, et une pédagogie définie d'en haut… Je suis pour un travail sur la pédagogie partant de la base, des réussites dans chaque classe. On a tous connu des profs formidables. Cependant personne ne sait qu'ils existent. L'administration ne les repère pas et donc il est impossible, ne les ayant pas repérés, de répandre leur savoir-faire, de suivre les méthodes qu'ils ont élaboré eux-mêmes. Et donc, je crois que c'est cela que le président de la République appelle le pédagogisme. Un parti pris de pédagogie, défini d'en haut et défini très souvent idéologiquement.

 

 

Vous nous dites que la priorité de l'école c'est d'apprendre à lire et à écrire ? Pardonnez-moi, ça peut paraître évident, mais c'est mieux en le disant.

C'est d'apprendre la lecture, la maîtrise de l'écrit, la maîtrise de l'oral, la capacité d'expression et puis aussi un certain nombre de règles de la vie en commun.

C'est beaucoup et peu à la fois, si vous me permettez de dire normalement, quand on se représente l'idée du petit enfant français à l'école des hussards noirs de la République, on espérait davantage qu'ils apprennent simplement à s'exprimer correctement ? On espérait qu'on lui transmettre une culture littéraire historique.

Mais vous êtes en train de découper en tranches quelque chose qui ne doit pas être découpé. La culture générale ne se divise pas. Quand le président parle ou rappelle, parce que ça a été rappelé dans d'autres programmes et y compris sous ma responsabilité, que l'histoire, ça doit s'apprendre avec des repères dans le temps, avec une chronologie. Et de savoir que Louis XIV, ce n'est pas le XIVᵉ siècle et que Louis XV n'est pas le XVᵉ siècle et que simplement on arrive à se repérer dans les générations. Tous ces temps-là sont proches de nous, mais les élèves n'en ont aucune idée. Pour eux, c'est très, très loin. Je suis persuadé qu'on peut trouver des terrains d'entente en partant de la pratique des profs qui réussissent et qui sont nombreux et qui sont désespérés souvent, parce que personne ne voit les efforts qu'ils font. Et au contraire, on continue à les accabler de soupçons qu'ils ne travaillent pas, qu'ils devraient faire beaucoup plus d'heures qu'ils ne font, ce qui n'est pas juste.

Vous prônez un retour aux fondamentaux au fond ? Au moment où certains parlent du fait qu'il faille aussi intégrer plus d'éducation sexuelle et d'autres choses. Là vous nous dites la priorité… est-ce que c'est bien ça ?

Je pense que la priorité…

C'est l'instruction au fond ? Ce n'est pas un gros mot dans votre bouche ?

L'instruction, la transmission des connaissances et la transmission des langages, des méthodes, des pratiques. C'est ça l'essentiel et je crois qu'on peut y arriver. C'est une grande différence avec la plupart de ceux qui s'expriment sur l'éducation.

On a vu beaucoup de personnalités successives encore hier à la Une…

Je pense qu'on peut y arriver. Je pense que les progrès sont à portée de la main. E

En attendant, les ministres passent et le niveau d'éducation baisse. Donc, comment se fait-il qu'on n'y arrive pas ?

Et bien parce que personne ne prend la mesure du défi.

Ah bon ? Même pas le président de la République ?

Si !

Vous ne dites personne…

Vous avez cité ses propos. J'étais très content qu'il dise qu'au fond, l'éducation appartenait désormais au domaine réservé.

Alors c'est assez étonnant : on dirait que c'est le premier prof de France qui s'exprime, que l'éducation…

Je trouve ça vraiment très bien.

Qu'est-ce que ça va changer concrètement ?

Le président de la République, c'est quelqu'un qui doit se sentir en charge de l'essentiel. Il doit penser l'avenir. J'espère l'y aider avec le plan à 10 ans, 20 ans, 30 ans… Il doit penser les problèmes de défense, les problèmes de choc géopolitique des grandes entités. Et il doit penser l'éducation parce que c'est la même chose.

Mais est ce que ce n'est pas la possibilité même de l'enseignement qui est compromise aujourd'hui ? Je m'explique. Un professeur dans sa classe, des élèves très souvent turbulents, qui ne respectent plus spontanément l'autorité, qui ont été écranisés, c'est à dire une bonne partie de leur attention, est centrée sur les différents écrans qui meublent leur vie et qui doutent quelquefois de ce que la parole de cet homme ou de cette femme vaut autant que celle de toutes les autres sources d'influence possibles. Est-ce que la possibilité même du métier d'enseignement aujourd'hui n'est pas fragilisée ?

Elle est fragilisée et c'est là une raison précisément pour laquelle il faut qu'on reprenne les choses en main. Je prends les deux questions que vous indiquez : les écrans dans la Silicon Valley, comme vous savez, comme quelques-uns le savent, les enfants de ceux qui sont les praticiens et les inventeurs de l'Internet, ils sont dans des écoles où les écrans sont interdits. Pourquoi ? Parce qu'ils ont compris quelque chose : l'écran, il vous transmet des informations sans que vous ayez d'effort à faire.

Vous voulez dire qu'ils appliquent à leur enfants… c'est comme mettre ses enfants à l'école privée alors qu'on fait la promotion de l'école publique ?

Exactement. Et donc ça c'est la première chose. Deuxièmement, est ce qu'on peut se contenter de baisser les bras quand des élèves sont en situation de rupture avec l'éducation ? Je ne le crois pas. J'ai défendu et je suis prêt à défendre encore l'idée que j'avais appelé le collège hors les murs, c'est à dire qu'on ne peut pas accepter que tu restes dans la classe pour mettre le bazar dans la classe. On va te proposer une démarche extérieure à l'établissement. Et puis tu reviendras après quand on aura réussi à te transmettre.

François Bayrou, on n'arrive pas… quand on a été ministre de l'Éducation, on le reste pour toujours ?

Oui, je crois.

Mais je m'adresse à l'ancien ministre, au maire de Pau…

En tout cas ceux qui ont aimé ça. Il y en a plein qui n'ont pas aimé…

Je vais vous demander la liste si vous m'y encouragez.

Non…

Les rencontres de Saint-Denis, vous y avez participé avec Emmanuel Macron et les différents chefs de partis représentés au Parlement. C'est peu de dire, monsieur Bayrou, qu'elles ont été diversement appréciées. Il y a le porte-parole du gouvernement qui parle de rencontre historique. Et puis vous avez l'opposition, notamment à gauche qui dit "tout ça pour ça ? La montagne a accouché d'une souris". Mais vous, qu'est-ce que vous diriez ? Vous étiez.

Je ne crois pas que votre compte rendu soit exact, alors je vais vous faire le mien. D'abord, j'ai beaucoup aimé l'expression d'un grand journal du soir qui a dit "la nuit du 30 août", par référence à la nuit du 4 août 1789 dans laquelle on a aboli les privilèges. Là, on est entré enfin de plain-pied dans une question centrale qu'on ne traite pas depuis des décennies et qui est celle de la gestion du pluralisme dans un pays comme la France. On continue à vivre avec l'idée qu'il y a deux blocs, les pours et les contres. Or, la France n'est plus ça, ça profondément changé. Le bipartisme est mort, enterré j'espère, et on a bien fait de le faire. Et j'ai milité beaucoup pour ça. Et nous sommes maintenant devant l'obligation de reconnaître que la société française a des sensibilités différentes.

 

Obligation car nous avons un président sans majorité absolue et qui n'a pas le choix que de faire des compromis.

Je pense que vous vous trompez.

Ce n'est pas le cas ? Il a une majorité absolue ? Il n'a pas besoin de compromis ?

Je pense que vous vous trompez. Et il se trouve que je n'ai pas besoin, que j'ai au cours des années beaucoup parlé de ce sujet avec lui et que toutes les tentatives qu'il a faites, le grand débat, le Conseil de la refondation, et cette initiative de Saint-Denis… Toutes ces initiatives, aller dans le même sens : essayer de saisir le pouls vivant du pays pour que les gens de la base qui ont des identités politiques différentes, ébauchées, jamais les mêmes, puissent se reconnaître dans leurs rapports avec les pouvoirs.

Ils ont un autre point commun ces initiatives, c'est qu'elles contournent toutes les institutions.

Non pas du tout. Vous vous trompez complètement.

Ah bon ?

Excusez-moi, il n'a jamais été question et il ne sera jamais question que ces initiatives remplacent le Parlement, sa délibération, ses votes et l'établissement de la loi.

Après ce qui s'est passé avec la réforme des retraites, permettez-nous de poser la question quand même.

Vous voulez qu'on s'arrête une seconde sur la réforme des retraites ?

Ça laissé des traces, des cicatrices, des blessures.

La réforme des retraites est une chance manquée. Je l'ai dit tout au long de cette loi. Pourquoi ? Parce qu'on n'a pas fourni aux citoyens les informations sur la réalité des retraites et notamment…

Vous l'avez dit très en amont !

Oui, des mois avant…

Il y a eu des mois de débats, elles ont été données ces informations…

Elles n'ont pas été données parce que les institutions officielles des retraites ont passé des années à dire qu'en fait, il n'y avait pas de problème, que c'était à l'équilibre même, disait-o, que c'était excédentaire, que le régime des retraites en France était excédentaire. Et toutes les oppositions se sont branchées évidemment sur ces informations-là, même s'il soupçonnait qu'elles étaient biaisées. Mais comment voulez-vous que l'esprit public progresse ?

C'est intéressant !

Qu'il se forme une idée si on ne lui donne pas les vraies informations ?

Est ce qu'il faut plus de temps pour cela ? Est-ce que cette phrase vraiment qui a été rapportée, qui a fait couler beaucoup d'encre, est-ce qu'Emmanuel Macron la dite, peut être devant vous, c'était une réponse à une question de Jordan Bardella sur le septennat unique et Emmanuel Macron aurait dit ou a dit "ne pas pouvoir être réélu est une funeste connerie". C'est le cas, ça a été prononcé ?

Moi je n'ai pas entendu ça.

Vous étiez présent…

Vous savez, il y a des il y a des sourires, il y a des échanges. C'était une table comme celle-ci.

Mais comme vous êtes très attentifs à tout…

Oui, je suis attentif.

Ça correspond à l'état d'esprit du président ?

Tous les présidents, j'imagine, se disent que toute limitation temporelle à leur mandat n'est en effet pas la meilleure idée possible. Mais c'est comme ça et c'est très bien que dans les sociétés politiques, on fixe des termes de cet ordre.

Donc vous ne regrettez pas qu'Emmanuel Macron ne puisse pas se représenter en 2027 ?

Non, je pense qu'il sait, il a intégré depuis le premier jour que c'était dix ans et pas un jour de plus, sauf à être réélu après dans une autre élection. Donc, et je ne crois pas, moi, que cet homme jeune quittera la scène politique comme ça, pour aller, comme on dit, faire des affaires. Je n'y crois pas une seconde, il ne me l'a jamais dit.

Mais je suis curieux, qu'est-ce que vous voulez dire par là ? Le jour où il quitte le pouvoir, il pense déjà de quelle manière y revenir ?

Le jour où il quittera le pouvoir, il restera un leader démocratique français et européen.

En attendant, sa succession est ouverte. C'est même une guerre, une bataille, vous choisirez votre mot, on va en parler. Peut être faites-vous partie de ceux qui sont sur la ligne de départ monsieur Bayrou ? A tout de suite sur Cnews et Europe 1.

Le grand rendez-vous sur Cnews et Europe 1. Nous parlions des suites des rencontres à Saint-Denis entre le président de la République et les différents chefs de partis représentés au Parlement. On va vous laisser raconter de l'intérieur ce qui s'est passé. François Bayrou, une question parce que le RN exige un référendum sur l'immigration, la droite le souhaite également. Et vous ?

On ne peut faire un référendum que sur une loi. Vous ne pouvez pas poser une question en disant : est-ce que vous êtes pour ou contre la pluie ? Est-ce que vous êtes pour ou contre l'inflation ?

Non, bien sûr. Mais il y aurait un texte !

Encore faut-il que le texte soit élaboré. Je vous rappelle que ce texte, c'est une initiative qui doit être prise par le gouvernement ou par les signataires. Et c'est le président de la République qui décide.

Interroger les Français sur une question tout à fait légitime.

Je suis prudent face des questions qui déchaîne les passions.

Il faudrait poser des questions qui n'intéressent pas ?

Dans le référendum, je pense que ce sont des questions qui sont explosives et je n'ai pas envie d'exploser. Si on trouve un texte équilibré, pourquoi pas, mais la tentation sera grande à cet instant-là, de transformer le référendum en plébiscite, en plébiscite d'approbation minoritaire et de désapprobation majoritaire.

Faisant fi de cela : qu'est ce qui fait peur ? Pourquoi on a du mal à interroger les Français sur un sujet aussi important ?

Parce qu'on a pris l'habitude de lier le référendum au sort du président de la République et que c'est donc une question pour ou contre le président de la République. Et au lieu de traiter du fond, j'espère qu'on trouvera des sujets sur lesquels… Je pense par exemple, je l'ai dit je crois à votre micro, que les retraites auraient fait un remarquable sujet de référendum à condition que tout le monde ait été associé à l'information, les citoyens chez eux, et que tout le monde ait été associé à la réflexion sur l'élaboration des textes.

Donc je comprends que pour vous, la question des retraites était moins explosive que l'immigration ?

Oui.

Pourquoi ?

L'immigration, vous savez bien, c'est passionnel, c'est épidermique, ça fait appel à des choses très profondes et très explosives.

Que redoutez-vous plus exactement ?

Et c'était très drôle de vous parler de ces rencontres de Saint-Denis, de cette nuit du 30 août. C'était très drôle parce que, à un moment… Le cadre d'abord : ces gens-là ne s'étaient jamais rencontrés. Ils n'avaient jamais parlé ensemble.

Qui ça : Manuel Bompard ? Jordan Bardella ? Fabien Roussel ? Marine Tondelier ? Vous-même ?  

Moi-même, Édouard Philippe et Stéphane Séjourné et Éric Ciotti, les chefs de parti qui ont des élus au Parlement, des courants profonds de la nation. C'est quand même quelque chose qui mérite qu'on s'y arrête. Ces femmes et ces hommes-là s'étaient jamais rencontrés, n'avaient jamais parlé ensemble. Et c'est le président de la République qui les réunit pour qu'ils échangent, et c'est magnifique.

Mais pour quels résultats ?

On a tout le temps, peut-être qu'un jour, on constatera.

Pardonnez-moi : contexte inflationniste, les prix explosent, les défis de la rentrée... Qu'avez-vous décidé au lieu de parler ?

On n'a pas décidé et c'est trop rapide quand on est journaliste de dire : "Mais alors, qu'est-ce que vous avez décidé ?" C'est un très grand progrès que le président de la République, au lieu d'être caricaturé en chef de clan, apparaisse comme ce qu'il doit être, c'est à dire le fédérateur du pays.

C'est ce président qui ne croyait pas dans les corps intermédiaires ?

Mais les partis politiques sont des corps intermédiaires dont il faut tenir compte, les autres aussi. Les syndicats aussi. Il n'est pas imaginable qu'il y ait une convention sociale sans que les syndicats y soient forcément associés.

Donc c'est inédit pour vous ?

C'est inédit.

L'événement lui-même est un progrès ?

L'événement dit quelque chose de très profond...

Et personne n'est pas parti ? Il n'y a pas eu la politique de la chaise vide, celle qui avait soulignée ?

Non, aucune et 12h de temps et avec des zones d'accords incroyables sur la politique étrangère. Incroyable !

Oui, on espère que tous ces domaines fassent consensus !

Un an avant, sur l'Ukraine par exemple, vous auriez eu des confrontations extrêmement brutales.

Et c'est un sujet majeur.

Et là, chacun des intervenants a dit : on est d'accord.

Mais ce matin, les Français qui nous regardent aiment bien, je suis obligé d'en parler quand même, monsieur Bayrou : les prix des fournitures scolaires, les prix à la pompe…

Tous ces sujets ne se traiteront pas si nous ne sommes pas capables d'entrer dans une nouvelle période démocratique. Autrement, ça cassera.

Il y a un avant et un après la nuit du 30 août ? Il y aura un avant et un après ?

Sonia Mabrouk, la démocratie est mise en cause partout sur la planète. Partout, il y a des gens qui disent "Écoutez, ce n'est absolument pas efficace votre truc. Qu'est-ce que ça veut dire de parler si longtemps ?" Vous, au bout de 12h, vous dites "mais vous n'avez pas obtenu les résultats".

On est entré dans le une démarche inédite. C'est la première fois dans l'Histoire. C'était totalement inattendu, y compris des participants qui avaient dit "On ne viendra pas" ou "on s'en ira si on doit manger", des trucs de cet ordre qui étaient un peu caricaturaux. Et tout le monde a participé à cet échange. Et d'ailleurs, vous aurez noté que même de la part des oppositions, les réactions sont modérées, équilibrées, elles ne sont pas agressives.

Donc vous souhaitez qu'ils recommencent ? Qu'ils refassent cet exercice ?

Que ça continue ! Qu'on entre dans le profond des choses. Par exemple, on a beaucoup évoqué les institutions, le fonctionnement de la démocratie, les référendums, quelles précautions pour qu'un référendum soit utile ? Ça nécessite beaucoup de travail.

Toutes les formations autour de la table, si je ne me suis pas trompé, toutes ont considéré que l'idée d'une loi électorale juste qui permette de représenter le pluralisme était très importante. Toutes les formations ! Un an ou deux avant, on n'aurait pas eu ça…

Il y avait quelques participants qui avaient peut-être d'autres idées dans la tête ? Permettez-moi de le dire : peut-être un ancien Premier ministre prénommé Edouard Philippe, vous allez voir dans un sondage, qu'il est en pole position pour représenter la droite en 2027. Quand vous l'avez face à vous, vous le regardez, vous vous dites c'est potentiellement, peut-être le prochain président.

Quand j'ai vu cette nouvelle ce matin, je me suis dit : on va recommencer ça. Les sondages, sans aucune exception sur les dernières élections présidentielles, se sont trompés chaque fois, gravissement. Et on comprend très bien pourquoi !

Mais vous comprenez sa popularité ?

Oui, mais c'est quelqu'un d'estimable, qui a exercé, qui a été Premier ministre et qui donne une idée positive de ce qu'est un responsable politique.

Il a l'étoffe d'un chef d'État ? Vous dites qu'il est estimable, mais est-ce qu'il a l'étoffe d'un chef d'État ?

Je ne veux pas me prononcer sur ces sujets. La question, c'est est-ce que les futurs candidats, ceux qui participeront à ce débat de l'élection présidentielle, est ce qu'ils sauront comprendre le pays ?

Vous remarquez qu'ils se manifestent en ce moment !

La liste est longue ! Gérald Darmanin, Bruno Le Maire…

Je vais employer un mot, je vais parler de son âme. Et parler au pays…

La course a commencé ?

Bien sûr, elle ne cesse jamais la course. Parler au pays de son âme, de ce qu'il est à chaque famille, de ses raisons de vivre...

Monsieur Bayrou, s'il vous plaît, il reste dix secondes. Est-ce que vous vous parlez à l'âme de ce pays ? Est-ce que vous serez le candidat qui va parler à l'âme de ce pays ? Voyez-vous, c'est un slogan presque !

Non…

Et vous ?

C'est l'élection majeure et principale. Alors j'ai lu dans un commentaire qu'il y avait l'usure du temps.

Vous n'excluez rien ?

Et moi je crois que c'est exactement le contraire.

Vous n'excluez pas de vous présenter ?

Le temps et l'expérience, dans les années dans lesquelles nous allons entrer, c'est une chance.

On arrive à la fin, monsieur Bayrou…

On a vécu des périodes, mais rarement des périodes aussi difficiles que maintenant. Et après, dans quatre ans, on verra. Vous ne savez pas si vous serez là encore…

Non.

Nous ne savons pas à titre individuel si nous serons encore là, et nous ne savons pas quelles seront les secousses auxquelles notre pays va soumis ?

Monsieur Bayrou…

Bien sûr, Mais sachons simplement que si on croit à des choses profondes et si on est capable de les partager avec les citoyens au féminin et au masculin français, alors probablement, on touchera de plus près ce qu'une élection comme celle-là peut avoir comme grand avantage.

Merci pour cette conclusion profonde, n'est-ce pas ? Et qui va faire réfléchir nos auditeurs et téléspectateurs.

Merci François Bayrou.

 

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