Frédéric Petit : "La complexification du monde déroute les citoyens"

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Frédéric Petit, député des Français de l'étranger, s'est livré dans un entretien avec lepetitjournal.com, quotidien dédié à la communauté des Français expatriés et des francophones. Il revient sur la nomination du Premier ministre ou encore sur la montée de l'extrême droite en Europe. Lire l'entretien complet.

Michel Barnier a été nommé premier ministre il y a quelques jours, quel est votre opinion sur cette nomination et qu’attendez vous du nouveau gouvernement ?

Le nouveau gouvernement doit travailler, plus que jamais, avec le Parlement puisque qu’il n’est plus monobloc.

Nous portons l’idée de la proportionnelle depuis 20 ans, ce contexte va bien au MoDem. Nous avons été un parti loyal. Après la majorité, nous avons été un parti exigeant pendant 7 ans, c'est-à-dire que nous exprimions notre désaccord et votions contre.

Nous n’avons pas peur d’avoir des parlementaires qui viennent d'horizons différents et qui travaillent ensemble pour l'intérêt du pays. Ce vers quoi se dirige le gouvernement. Michel Barnier est un homme dont l'image politique est effectivement un peu marquée à droite et ce n'est pas tout à fait ma tasse de thé. Mais nous l'avons choisi pour ses talents de rassembleur, son expérience, son côté européen.

Il est indispensable pour lui d’aller chercher une stabilité au sein de son gouvernement. Les socialistes auront à se décider. Je ne voudrais pas d’un gouvernement qui décide d'essayer de vivre sur le petit équilibre possible entre les républicains.

Sur les 210 députés, nous serions toujours à la merci d'une colère… Je préfère un gouvernement où chacun accepte de ne pas faire tout son programme en faisant une croix sur un certain nombre d’idées. A mon avis, il y a facilement 300 députés au Parlement qui sont d'accord sur 6 ou 7 grandes priorités. Ils sont prêts à les faire vivre dans les années qui viennent.

Michel Barnier peut tout à fait construire l’idée, qu’une fois élu, notre responsabilité est de faire avancer le pays. Enfin, au MoDem, nous avons toujours travaillé ainsi donc il n'y a aucun problème. La personnalité de Michel Barnier devrait le permettre. Nous attendons de voir ce qu'il va proposer. Nous le rencontrons pour la première fois cette semaine lors des journées parlementaires de notre groupe.

Vous avez été réélu en juillet 2024, avez-vous eu le temps d’avancer sur certains de vos axes de travail comme la réforme de la résidence de repli ? 

Tout d'abord, la réforme de la résidence de repli n’est pas législative. Il y a beaucoup de parlementaires qui veulent se l’approprier. Pour faire marcher cette réforme, il s’agit plutôt du droit administratif donc mon travail est politique. Il faut créer la notion d’un second type de résidence dans le droit français. Aujourd'hui, il n’y a que la résidence principale. Tout le reste est considéré comme une résidence secondaire, résidence de luxe...

Il n’y a pas besoin de la loi pour changer cela et tout le monde est d'accord là-dessus. J'avais bien avancé avec le ministre concerné avant la dissolution de l’Assemblée nationale. Il y a encore du travail. Si j'ai un mandat d’un ou deux ans, je pense que nous allons y arriver.

Il ne s’agit pas d’un travail législatif mais d’un travail de contrôle du gouvernement.

Une fois la notion créée, le législateur -  soit dans la loi de finances, soit les maires dans leur loi de finances à eux - pourront utiliser cette mesure pour dire s’il taxe ou pas les résidences de repli.

Dans les critères de la création de cette notion, j'inclus le maire comme associé à la démarche.

Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de priorités en ce qui concerne strictement les Français de l'étranger dans les débats actuels, hormis la fausse bonne idée de Madame Castet de faire un impôt universel, sur lequel elle a fait un rétropédalage.

En ce moment, je suis plutôt concentré sur les grandes priorités qui permettraient de créer cette coalition : fiscalité, école... Je suis doublement concerné, d'abord en tant que député de la 7e circonscription des Français de l'étranger.

Il y a énormément de travail à faire sur le format franco-allemand et franco-allemand-polonais. Ce sujet est au cœur de mon travail. J’ai déjà avancé dessus depuis ma réélection.

J’ai aussi une mission en tant que commissaire des Affaires étrangères. J'étais en Ukraine la semaine dernière, je vais en Palestine et en Israël la semaine du 16 septembre.

J’aimerais essayer de ne pas faire un pacte gouvernemental ou une coalition uniquement à partir des petits problèmes franco-français, sans les mettre dans un cadre international.

Une réforme sur la fiscalité française ne sert à rien sans prendre en compte les questions suivantes : Qu’est-ce que l'équilibre économique mondial aujourd'hui ? Quelles sont les menaces à la démocratie dans le monde ?

Je ne veux pas que la France reparte aveugle dans son coin en disant “Je vais régler mes petits problèmes et après je verrai ce qui se passe dans le monde”. Aujourd'hui, les deux sont intimement liés. Je veillerai à ce que le projet gouvernemental soit un projet qui s'inscrit dans les difficultés mondiales et démocratiques.

La montée de l'extrême dans votre circonscription et en Europe est bien présente, comment expliquer cette montée ? 

En Allemagne, il y a un phénomène local avec les anciens Länder de l’Est. Ils avaient une expérience de la vie internationale mais cette ouverture internationale était gérée par le Parti communiste à Berlin. Après la réunification, tous ces cadres interculturels de l’ancienne Allemagne de l'Est n'ont plus été à disposition des mairies, des régions et des entreprises. Ces territoires ont donc perdu une culture interculturelle, du contact international de la société civile… Ce n’est donc pas un hasard si ces territoires se regroupent sur eux-mêmes aujourd'hui.

J’ai été alerté par des chiffres sortis il y a 2 ans. Si vous faites le pourcentage en Allemagne de tous les indicateurs suivants : le nombre de Français installés, de jumelage avec la France, d’entreprises qui travaillent avec la France, d'écoles françaises… Chaque fois qu’un Länder de l’Est est isolé, le pourcentage ne dépasse pas 5 % du total.

Autrement dit, aujourd’hui, la relation franco-allemande est complètement déséquilibrée entre l'ancienne Allemagne de l'Est et l'Allemagne de l'Ouest.

Mais je suis content car nous avons enfin réussi à créer le premier club d'affaires franco-allemand dans un Länder de l’Est, à Leipzig. Il y a 16 clubs d’affaires franco-allemand mais aucun dans cette partie de l’Allemagne auparavant, alors qu’ils existent depuis 40 ans dans d’autres Länders. Il faut continuer. Je pense que la montée plus accentuée de l'extrême droite est liée à ce phénomène très local. 

Ensuite, il y a deux autres éléments pour expliquer la montée de l'extrême droite dans les autres pays en Europe, mais aussi en France. Tout d'abord, la complexification du monde déroute les citoyens. Les devoirs à la maison des citoyens  du XXIème siècle ne sont pas les mêmes que ceux d’il y a 50 ans.

Le monde d'aujourd'hui est plus compliqué. Il faut peut-être moins écouter BFM et les réseaux sociaux mais davantage lire un livre ou regarder des médias d'information. Il faut plus approfondir dans l’histoire. Il ne suffit pas de dire que Poutine est un méchant et que la France n'existe plus en Afrique. Ce genre de déclaration ne veut rien dire.

L’autre élément est plus méconnu. Nous sommes attaqués par des forces sournoises qui enveniment et encouragent la désinformation. Situées essentiellement à Saint-Pétersbourg, elles encouragent les citoyens à se disputer entre eux. Il est facile de mettre de l’huile sur le feu et de créer du chaos dans la société. Nous sommes confrontés à une guerre de cet ordre-là.

Je vois souvent des citoyens m'écrire avec des informations complètement fausses, qu'ils considèrent comme vraies car ils n'ont plus la force citoyenne de comprendre où est la vérité. Ils sont encouragés là-dedans par des personnes qui s'en servent pour nous détruire.

Nous allons vers le mieux, mais l'évolution est lente. Internet n’est pas un outil banal dans la vie démocratique. Il est normal que les citoyens soient un peu choqués par Internet pendant quelques décennies. Je pense que nous allons, petit à petit, sortir de cela.

Je ne suis pas surpris qu'Internet, qui représente une déflagration aussi importante pour les citoyens et pour la circulation de l'information, secoue un peu les démocraties. Mais j’ai bon espoir sur ce sujet. En revanche, je crois que nous sommes mal en point en ce qui concerne le deuxième élément. Nous avons beaucoup de responsables politiques, qui encouragent ces pratiques à l'intérieur de notre système. 

Est-ce que cela peut déstabiliser l'Union européenne ? 

Non, l'Union européenne est une idée beaucoup plus forte.

Elle peut être secouée dans le sens où ce ne sera pas un fleuve tranquille. Il y aura du combat. Mais l'UE a fait preuve de tellement de progrès, en particulier ces dernières années.

Ceux qui disent que l’UE ne marche pas ont quand même de plus en plus de mal. Une personne, qui n’était pas venue depuis les années 1990 en Pologne, s’est retrouvée sur une autre planète en revenant aujourd'hui car le pays s'est développé, les personnes sourient, les étudiants recherchent, les travailleurs travaillent, les entreprises se développent... Il est facile de dire que cela ne marche pas et de braquer les citoyens les uns contre les autres mais il est compliqué de nier les réalités tangibles.

Avec l’UE, nous avons réussi quelque chose de bien et nous allons continuer.

(...)

Lire l'entretien complet sur lepetitjournal.com

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