Frédéric Petit : "Les Ukrainiens se battent pour leur liberté et la nôtre, nous devons les soutenir !"

Frédéric Petit, Député des Français établis en Allemagne-Europe centrale et Balkans, est intervenu lors du débat sur la guerre en Ukraine et les conséquences pour la France, organisé à l'Assemblée nationale ce 3 octobre.

Madame la Présidente,
Madame la Première Ministre,
Mes chers collègues,

Le 24 février dernier, jour de l’invasion j’avais à cette tribune utilisé les termes de guerre culturelle, d’anti-Europe. Je voudrais revenir sur ce point pour commencer mon intervention.

Je représente les Français d’Europe Centrale, aux premières loges de ce conflit, mais je représente aussi le Franco-Allemand, le Franco-Allemand profond, ancien et en plein renouveau, le Franco-Allemand solide, le Franco-Allemand citoyen. 

Il y a bientôt 80 ans, des ennemis héréditaires quand les ruines sont encore fumantes à certains endroits, quand, au sortir de l’horreur, des villes entières ont encore faim et froid l’hiver, quand la région de la Sarre est encore française, et le sera pour encore douze ans, en proie à des tensions communautaires parfois violentes, quand le Bade-Wurtemberg n’est pas l’Allemagne mais zone d’occupation, C’est à ce moment, dans ces tensions, que ces ennemis héréditaires, par un contre-pied génial au déterminisme et aux nationalismes étriqués, que ces ennemis héréditaires fondent une communauté du Charbon et de l’Acier, et fondent un modèle unique de réconciliation par le faire-ensemble, sur les terres belligènes de notre chère Europe.

Oui, nos territoires sont belligènes, et le resteront. Comment en serait-il autrement ? Sur un isthme, assez contraint, tant de nations, de peuples, de religions, de systèmes administratifs, de langues, d’alphabets même, tant de systèmes de valeurs, de nostalgies contradictoires, se sont entrecroisés et s’entrecroisent encore, tant de migrations, 
parfois lentes parfois rapides, parfois récentes, parfois anciennes, parfois spontanées, parfois contraintes, tant de migrations qui ont rendu chacun aussi différent, mais aussi légitime que ses voisins, voire que ses co-locataires…

Deux modèles face à cette question posée depuis des siècles à notre Europe : un modèle impérialiste, rétrograde, souvent violent, tourné vers la domination de l’une des nations ; ou un modèle coopératif, qui prône « l’unité dans la diversité », tourné vers les défis communs et supérieurs, à partir d’une gestion humaniste des conflits indispensables à la diversité européenne, et où l’histoire est un débat scientifique et un outil de rapprochement.

Les masques sont tombés. L’histoire devient une arme au service de l’Etat Major de l’agresseur, les soldats ne sont plus des citoyens avertis, la langue devient un oukase. 
Quand l’impérialisme moscovite se concentre sur sa propre survie, alimente sa nostalgie, comment pourra-t-il affronter les vrais défis du XXIème siècle. La défense de la planète ? La lutte contre les inégalités dans le monde ? Comment pourrait-il participer, de près ou de loin, à un effort commun ?

On nous accuse souvent d’utiliser des grands mots, que le terme de « valeurs » ne veut rien dire face à l’hiver qui arrive et aux vrais intérêts de nos concitoyens.

Cette guerre met du concret, de l’évidence, du tangible, sur cette confrontation de modèles, cette confrontation de valeurs. Non, nos valeurs ne sont pas une novlangue pour cacher l’anti-France, pour les uns, ou cacher la guerre sociale, pour les autres.

Le modèle porté sans masque aujourd’hui par le régime de Moscou, c’est l’assignation à résidence permanente : assignation à résidence, dans une langue, dans une narration historique, et, les dernières parodies de référendum l’ont prouvé, ces assignés à résidence n’ont même plus besoin d’être chez eux pour que l’empereur leur impose son choix. Nous sommes revenus aux temps de Gogol : ce ne sont plus les âmes mortes que l’ont fait participer, ce sont les âmes enfuies, les familles réfugiées et déplacées dont on nous explique qu’elles ont voté…

Dans notre modèle, nous nous battons pour émanciper, nous nous battons contre l’assignation à résidence. L’Union Européenne n’est pas un arrangement tranquille quand tout va bien, ce n’est pas une vieille idée avachie de fin de banquet électoral. Et cette guerre nous le rappelle. L’Union Européenne, c’est une méthode permanente de règlement humaniste des conflits inhérents, voire nécessaires, à nos territoires ; c’est une idée jeune, parfois incomprise. 

C’est une organisation qui se trompe et fait des fautes parfois, oui c’est vrai ! 

Mais c’est une idée vitale, indispensable à notre diversité européenne, et qui aujourd’hui nécessite de la vaillance de notre part, dans les agressions qu’elle subit, dans l’escalade de violence et dans le tourbillon de bas-instincts qui la menace aujourd’hui.

Non défendre cette ligne, ce n’est pas être va-t-en-guerre. C’est être lucide sur ce qu’une paix durable exige de vaillance. Ce n’est pas être va-t-en-guerre, mais être bats-toi pour la paix. Ce n’est pas notre guerre, mais c’est notre confrontation.

Quelles conséquences pour nos concitoyens ? Pour notre rôle de parlementaires français ?

Gardons-nous tout d’abord de l’arrogance. Nous avons besoin d’un langage de vérité, et non de certitudes ou de divisions. Ce n’est pas l’arrogance qui permettra la lente construction d’institutions démocratiques fiables, mais l’entraide, la franchise, et toujours le respect. Poutine est en difficulté sur le plan militaire, il est encore efficace sur le terrain politique. Il met à l’épreuve notre constance : notre constance à défendre nos valeurs, notre constance à défendre notre modèle, notre constance même à défendre notre avenir. 

Alors que l’hiver s’annonce difficile et que des partis politiques, par calcul électoral, ou par soumission intellectuelle, voudront mettre un terme aux sanctions et à l’aide à l’Ukraine, il faudra tenir notre cap et nos engagements. 

Il faut clairement poser la question au Rassemblement National : devons-nous abandonner des sanctions économiques contre un régime qui, par exemple, déportent des milliers d’enfants et de civils ukrainiens pour les russifier ? Ce n’est ni conformes à nos valeurs, ni même dans nos dans nos intérêts. Nous, députés Démocrate, depuis le premier jour, nous sommes très clairs sur notre position et nous n’avons jamais tergiversé, nous sommes pour le renforcement des sanctions à l’encontre du régime moscovite. 

Nous devons nous engager aujourd’hui dans la reconstruction de l’Ukraine.

Qu’est-ce que cela veut dire : reconstruire, en octobre 2022, en Ukraine : bien entendu, du dur, des bâtiments bombardés souvent sans raisons tactiques, des maisons, des hôpitaux, des écoles, des routes, des ponts, des infrastructures (réseaux de chaleur). 

Cela veut dire aussi remettre en place des administrations fragiles depuis longtemps à cause de la bureaucratie ancienne et de la corruption. Cela veut dire recréer des circuits de finances publiques et collectives. Oui, nous devons commencer à reconstruire, participer de façon assumée à cette reconstruction, maintenant !

Tout d’abord, parce que les Ukrainiens nous le demandent, en plus des moyens militaires que nous leur fournissons. Et ils nous demandent même plus que de la simple reconstruction. Dans tous les contacts, les nombreuses visites et rencontres que j’ai pu effectuer, mes interlocuteurs ukrainiens parlent plus de modernisation que de simple reconstruction. Ils assument leurs fragilités de démocratie récente, leur dysfonctionnement, leurs divisions, et ils ne veulent pas reconstruire à l’identique, dans un grand bricolage plus ou moins humanitaire, ni reprendre les mêmes processus.

Ils veulent que nous les aidions à moderniser, à transformer, à rendre leurs pratiques publiques plus transparentes et plus efficaces. Je l’ai entendu de gouverneurs de région, de responsables d'associations, de maires, de directeurs d’école ou d’hôpital.

Nous avons des outils en France et en Union Européenne, nous avons des outils pour lutter contre la corruption et pour la libre et juste entreprise, contre l’endoctrinement des médias et pour la citoyenneté éclairée, contre l’embrigadement et pour l’émancipation dans les écoles ; vous voyez, les mots que je choisis prouve que la vigilance doit rester de mise sur ces sujets y compris chez nous… 

Nous n’allons pas aider des « gentils » contre des « méchants », nous allons développer et construire, sur un territoire de conflits anciens et récents, nous allons construire avec vaillance, le seul modèle qui garantira, si nous y arrivons, que la fin de la guerre d’aujourd’hui ne sera pas l’origine de celles de demain.

Donc cette reconstruction doit être la nôtre, avec nos faiblesses, nos imperfections, mais avec nos forces et surtout notre boussole. Dans cet affrontement de modèles, qui ne se limite pas à l’affrontement armé dans l’Est de l’Ukraine, cette reconstruction sera également notre manière de nous engager, non pas dans la guerre, mais en résistance.

Il y a, au cœur de notre action, un enjeu critique, aujourd’hui dramatique : les enfants d’Ukraine sont l’avenir de l’Ukraine. Nous devons aider le système scolaire à rester simplement en vie : relier, garder les enfants ukrainiens réfugiés en lien avec leur pays, les ramener dès que possible, aider à les éduquer, multiplier les échanges entre écoles, collèges et lycées, comme nous l’avons fait entre Français et Allemands. Et nous devrons réussir à faire revenir de captivité ceux que le régime Russe a kidnappés et déportés – il n’y a pas d’autres mots.

Notre engagement dans l’avenir de l’Ukraine, dans sa reconstruction, sa modernisation, dans l’éducation de ses enfants, ne sera pas un geste d’un grand frère à un petit frère, 
de nations dominantes à des soi-disant esclaves ou colonisés, mais la lente construction d’une coopération où, oui, l’Ukraine apportera à la communauté ses forces, celles que l’on connaît, son agriculture mais aussi la décarbonation de l’énergie à laquelle on pense moins, ou la tradition de construction aéronautique et la recherche scientifique.

Cette construction, Madame la première ministre, doit être encadrée, organisée au niveau français, comme au niveau européen : notre opérateur Expertise France, filiale aujourd’hui de l’Agence Française de Développement, est déjà sur place, la plateforme européenne est en cours, accélérons ces efforts !

C’est notre manière de faire, c’est notre modèle de coopération, notre boussole européenne dans le fracas du monde. Planifier, structurer, et faire ensemble dès aujourd’hui, 
pour vivre en paix durable et souveraine demain.

Les Ukrainiennes et les Ukrainiens se battent pour leur liberté,
Et la nôtre,
Nous devons les soutenir.
Nous devons, avec vaillance et courage, prendre la main sur la reconstruction, pour notre souveraineté,
Et la leur.

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