Geneviève Darrieussecq : "L'inclusion, ce n'est pas l'État qui la décrète !"
Autonomie, désintitutionnalisation, ce cap n'est plus négociable. Mais quel champ d'action dans le modèle français marqué par le fer du médico-social ? De retour de l'ONU, Geneviève Darrieussecq s'exprime sur cette "transition" nécessaire pour le site Handicap.fr. Lire son entretien.
Handicap.fr : En un an, alors que vous disiez vous-même ne pas avoir de connaissance pointue sur le handicap, comment a évolué votre vision ? Aviez-vous des idées reçues ?
Geneviève Darrieussecq : J'avais des connaissances de par ma profession de médecin et mes mandats d'élue mais je n'avais pas d'idée reçue, c'est un principe de base. J'ai pris le soin d'écouter tout le monde afin de me forger une idée générale.
Nous devons trouver un point d'équilibre entre les acteurs du handicap à l'échelle territoriale, et la stratégie que nous portons à l'échelle nationale avec les grandes associations. Dans ces dernières, l'expression des personnes handicapées ne doit pas être freinée. Il y a beaucoup d'attentes.
J'entends souvent que la France n'est pas dans les clous, les instances internationales critiquent les politiques que nous menons mais, de l'autre côté, il y a aussi parfois un discours peu propice à la mise en œuvre de ces droits.
Je peux le comprendre car nous partons d'une situation qui s'est construite dans les années 1960, avec, il ne faut pas le nier, le "tout établissement" qui excluait enfants et adultes. Nous sommes maintenant dans une période de transition, qui dure, certes, mais cela ne peut pas être instantané. Vous m'imaginez, demain, faire une conférence de presse pour annoncer que nous fermons, dans le mois, tous les établissements médico-sociaux pour nous conforter aux injonctions de l'ONU ?
Avez-vous observé la montée en puissance (sur les réseaux, dans les médias) des petites associations anti-validistes avec des prises de position très militantes ? Qu'est-ce que cela dit de la situation ? Comprenez-vous cette colère ?
Je lis moi aussi les réseaux sociaux, je reçois des messages plus ou moins sympathiques... Je pense que tous les excès sont contreproductifs. Les différents concepts qu'on entend beaucoup, par exemple : "anti-validiste" ou", "autodétermination", le grand public n'y comprend rien.
Nous ne devons pas perdre de vue que l'inclusion, ce n'est pas l'État qui la décrète. C'est toute la société qui est concernée, or elle n'a pas forcément pour habitude d'être bienveillante envers les personnes handicapées. Alors, nous devons être vigilants quant au vocabulaire que l'on emploie pour que tous nos concitoyens puissent s'approprier ces enjeux...
Il faut faire évoluer notre lexique et c'est pour cette raison que je préfère le terme "école pour tous" à celui "d'école inclusive". Je reste persuadée que l'on a besoin de cette simplicité d'expression pour faire comprendre que le monde du handicap, ce n'est pas si compliqué. J'ai bon espoir que tout cela évolue grâce aux jeunes et ça commence dès l'école.
Quelles sont les deux mesures que vous jugez importantes prises depuis votre arrivée ?
Celle qui me tient à cœur, c'est celle qui concerne les travailleurs handicapés en ESAT (Établissements et services d'aide par le travail).
Le décret, hérité de Sophie Cluzel, que j'ai signé sur la transformation des ESAT et les annonces de la dernière CNH (Conférence nationale du handicap), leur donnent désormais les mêmes droits que tout un chacun. C'était une injustice à laquelle nous avons mis un terme.