Jean-Louis Bourlanges : "Nous devons faire vivre une République inédite."

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Jean-Louis Bourlanges, Député des Hauts-de-Seine et Président de la commission des affaires étrangères à l'Assemblée nationale, s'est exprimé dans les colonnes du Figaro sur l'actualité politique.

Alors que le débat sur la loi pouvoir d'achat s'achève dans l'hémicycle après des débats houleux, le député analyse le nouvel équilibre institutionnel. Entretien. 

Un mois après son renouvellement, l’Assemblée nationale apparaît plus fragmentée que jamais. Le pays est-il encore gouvernable ?

Jean-Louis BOURLANGES : Institutionnellement, oui. Politiquement, c’est moins sûr. La Ve République a équipé le gouvernement d’une panoplie de procédures qui, si elles ne lui permettent pas d’imposer sa volonté au législateur, lui donnent les moyens de garantir la cohérence de l’action de l’État. Nous aurons moins de lois, mais qui s’en plaindra ?

En France, on fait trop de lois et pas assez de vrais changements. La loi est peu à peu devenue le cache-misère de l’impuissance.

Ce qui complique un peu la chose, c’est que, en régime de cohabitation relative, on est partagé entre deux grammaires politiques, celle de l’arbitrage entre les partis par un président souverain, à la mode gaulliste, et celle de la coalition négociée par un premier ministre honnête courtier, qui était la règle en période de cohabitation classique.

Nous sommes aujourd’hui dans un entre-deux assez délicat : qui doit faire les travaux de couture, le Président, le Premier ministre, les partis ? Sans doute un peu les trois.

Vous faites partie des députés de la majorité qui ont conservé leur siège. Analysez-vous les élections législatives comme une défaite d’Emmanuel Macron ?

Un échec sans nul doute puisque le but, qui était d’installer une majorité absolue à l’Assemblée nationale, n’a pas été atteint, mais il est parfaitement abusif de parler de défaite, voire de déroute.

Non seulement Ensemble! dispose, avec ses 250 élus, d’une puissante majorité relative, mais aucun des groupes d’opposition n’est, de près ou de loin, en mesure de leur disputer le pouvoir et de constituer une alternative crédible.

Il est significatif que la motion de censure déposée par les quatre groupes constitutifs de la Nupes - Insoumis, socialistes, écologistes et communistes - n’ait été votée que par un quart des députés.

Ces résultats concrétisent en fait une nouvelle tentative des Français pour introduire la pluralité des pouvoirs politiques au sein d’une république exagérément consulaire.

Depuis près de quarante ans, nos concitoyens ont imaginé pour y parvenir toutes les formes de cohabitation possibles entre le président et l’Assemblée: la cohabitation gauche-droite et la cohabitation droite-gauche, la cohabitation-sanction et la cohabitation-relève, la cohabitation de fin, puis de milieu de mandat présidentiel. C’est un Kamasutra politique : toutes les figures de l’amour et de la domination sont successivement essayées.

Aujourd’hui, les électeurs tentent une nouvelle expérimentation fondée sur une double innovation : la cohabitation ab initio, qui n’implique ni vainqueur ni vaincu puisque les deux pouvoirs, élus quasi simultanément, sont également légitimes, et ce qu’on pourrait appeler « la cohabitation relative », qui exige du président et des partis politiques qu’ils fassent l’effort de sculpter ensemble une majorité de gouvernement qui n’est pas donnée par les électeurs.

Nous devons faire vivre une République inédite.

Lors de son entretien du 14 Juillet, le président s’est montré offensif. Lui et sa majorité ne sont-ils pas pourtant fragilisés ?

Pour saisir la nature exacte du futur équilibre des pouvoirs, il faut analyser les effets de l’impossibilité pour un président d’exercer plus de deux mandats consécutifs, et donc pour Emmanuel Macron de se représenter dans cinq ans à l’élection présidentielle. Ces effets sont ambivalents.

D’un côté, les élus de l’opposition seront plus à l’aise quand il s’agira de mêler leurs voix à celles de la majorité, car ils n’auront pas le sentiment d’apporter de l’eau au moulin d’un concurrent à la prochaine élection présidentielle. D’un autre côté toutefois, l’impossibilité d’un troisième mandat présidentiel ne peut que contribuer à la fragmentation de la majorité et à l’indiscipline d’élus soucieux de servir les ambitions de celui ou de celle qui sera à l’Élysée à l’heure de leur réélection.

À vrai dire, la majorité doit changer de logiciel. Elle peine à demeurer une sorte de pyramide reposant sur sa pointe, d’autant qu’elle est condamnée à échéance de cinq ans à, si j’ose dire, changer de pointe. "La politique, ce sont des idées", disait Thibaudet, et des partis pour porter ces idées.

La majorité ne peut pas vivre avec pour seul ressort la concurrence des écuries présidentielles. Il faut que les familles de sensibilités qui la constituent - la droite modérée, le centre et ce qu’on appelle improprement la social-démocratie - s’assument comme des formations certes fédérées mais dotées chacune d’une claire identité idéologique et politique. La création d’Ensemble! est un premier pas, mais nous sommes encore loin du compte.

Retrouvez l'interview complète sur le site du Figaro (accès abonné)

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