Jean-Noël Barrot : « La victoire de Trump est le résultat de décennies d'aveuglement des élites »

Jean-Noel Barrot

Alors que la réélection de Donald Trump bouleverse la géopolitique mondiale, Jean-Noël Barrot estime que « les Européens font face à un triple risque existentiel » dans les colonnes du Parisien. Il appelle l'Union européenne à se « muscler dans le domaine militaire, industriel et commercial ».

L'élection de Donald Trump, c'est une nouvelle victoire du populisme ?

JEAN-NOËL BARROT . L'accusation de populisme est un peu facile.

La victoire très large de Donald Trump est le résultat de décennies d'aveuglement des élites sur les bouleversements du monde, de leur déni de l'exaspération légitime des classes moyennes et populaires fatiguées de se sentir déconsidérées et dépossédées.

L'échec des démocrates réside dans leur incapacité à proposer un nouvel horizon, à répondre à cette colère. Ne subissons pas le sort des démocrates américains. Revenons aux sources de la démocratie : le pouvoir et la responsabilité aux citoyens.

Elon Musk est promis à un rôle de premier plan au sein de l'administration Trump. Cela vous inquiète ?

Souhaitons qu'il n'inflige pas à la démocratie américaine le traitement qu'il a administré à Twitter. La démocratie est un trésor fragile. Nous n'accepterons jamais que le débat public soit délocalisé sur des réseaux sociaux dérégulés aux mains d'intérêts particuliers, qu'ils soient américains ou chinois.

Quelles seront les conséquences concrètes de la victoire de Trump ? Emmanuel Macron dit que l'Europe doit cesser d'être « herbivore » dans un monde de « carnivores » : ça veut dire quoi ?

Le président de la République l'a dit avec force : soyons les auteurs de notre propre histoire plutôt que spectateurs d'une histoire écrite par d'autres.

C'est l'agenda que la France porte depuis sept ans, pour que l'Europe redevienne ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être, une puissance géopolitique sans égale. Et pour cela, qu'elle se muscle dans le domaine militaire, industriel et commercial.

La protection qu'apportaient les États-Unis n'est plus garantie, et les Européens font face à un triple risque existentiel : l'insécurité généralisée et la guerre sur le continent, le décrochage industriel et technologique, la désintégration du modèle démocratique.

Notre génération doit sortir du déni et avoir le courage d'écarter le destin qui guette l'Europe, celui d'un continent musée, vieillissant et vassalisé.

Devenir fournisseur de sécurité, dit Macron, mais comment ?

80 % des munitions et équipements militaires des armées européennes proviennent d'autres régions du monde. C'est une dépendance inacceptable. Développons massivement notre industrie de défense pour en sortir.

Si Trump stoppe le soutien américain à l'Ukraine, les Européens sont-ils prêts à les remplacer ?

Donald Trump est trop avisé pour accepter d'avaliser ce qui serait la plus grande annexion territoriale de l'histoire depuis 75 ans. Trop avisé pour oublier qu'aucune paix juste et durable ne peut être conclue dans le dos des Ukrainiens et par-dessus la tête des Européens.

Ce serait consacrer la loi du plus fort, avec des conséquences très graves en Europe et dans d'autres régions du monde.

(...)

Trump est prêt à aller voir Poutine pour faire un accord de paix, c'est un risque ?

C'est Volodymyr Zelensky que Donald Trump a appelé juste après avoir été élu, pas M. Poutine. C'est aux Ukrainiens qu'il appartient de choisir le moment d'ouvrir des négociations de paix. À leurs alliés de leur permettre de le faire en situation de force.

A-t-on les armes pour riposter à la guerre tarifaire promise par les États-Unis ?

Soyons clairs, élever des barrières commerciales contre l'Union européenne, son principal partenaire, serait une erreur historique. Cela pénaliserait les innombrables entreprises américaines établies en Europe et amputerait le pouvoir d'achat des classes moyennes américaines.

Cependant, face aux États-Unis, comme face à la Chine ou quiconque, nous défendrons nos intérêts agricoles, industriels, commerciaux, technologiques avec une volonté de fer.

Barrière contre barrière ?

Oui, barrière contre barrière. Personne ne sort gagnant des guerres commerciales.

(...)

Craignez-vous une Europe éparpillée, divisée face aux États-Unis ?

Il y a un risque, oui. Nous parviendrons à le surmonter. Tout est question de volonté. Nous l'avons encore montré à Budapest : c'est unis - et déterminés - que nous aborderons cette nouvelle administration américaine.

Qui a le leadership en Europe ? La France et l'Allemagne sont affaiblies, le moteur bat de l'aile...

Jamais les idées françaises n'ont eu autant d'influence qu'aujourd'hui en Europe. L'adoption unanime du concept français d'autonomie stratégique est une victoire idéologique incontestable. À Berlin, la coalition est remise en question, mais j'ai pleine confiance dans la solidité de la démocratie allemande.

Ce qui s'est passé à Amsterdam jeudi soir, après l'agression de supporters du Maccabi Tel-Aviv, c'est un « pogrom » ?

Cette attaque ignoble est une honte absolue, qui nous ramène aux pires heures de notre histoire. L'antisémitisme est un cancer contre lequel nous devons lutter collectivement et sans relâche.

Vous avez des craintes pour le match France-Israël jeudi prochain, au stade de France ?

Cessons d'importer les conflits israélo-arabes dans les enceintes sportives, universitaires. Cessons d'instrumentaliser la détresse des populations civiles au Proche-Orient, qu'elles soient israéliennes, palestiniennes ou libanaises, au profit de basses manoeuvres politiques.

Et les manifestations de militants pro-palestiniens contre la venue de Yaël Braun-Pivet à l'université Lyon III ? À quoi assiste-t-on ?

Tout dans l'âme de la France rejette l'antisémitisme. Ces provocations et ces agressions contre la présidente de l'Assemblée nationale, visage de cette institution qui représente les Français, sont inqualifiables. Je lui dis tout mon soutien.

Après l'incident diplomatique à Jérusalem, avec l'arrestation de gendarmes dans une emprise française, le domaine d'Eleona, qu'attendez-vous des autorités israéliennes, des excuses ?

J'étais à Jérusalem dans un esprit de dialogue.

Cette intrusion est indigne de la relation entre la France et Israël. Le traitement réservé aux gendarmes, au mépris de leur statut diplomatique, est proprement scandaleux.

Je suis intervenu personnellement pour mettre fin à cette situation inacceptable et leur ai exprimé tout notre soutien.

Ces images sont humiliantes pour la France...

Je vous l'ai dit, ce qui s'est passé est trop grave. J'ai immédiatement convoqué l'ambassadeur d'Israël à Paris pour lui rappeler qu'un tel incident ne doit jamais se reproduire. Nous examinons toutes les options et nous n'en resterons pas là.

Les appels au cessez-le-feu de la France sont restés lettre morte. Elle est impuissante ?

Au Proche-Orient, comme en Ukraine , nous opposons constamment la grammaire de la diplomatie à celle de la force.

En oeuvrant partout, constamment, la France agit pour éviter une poutinisation du monde qui nuirait gravement à sa stabilité et à nos intérêts.

Est-ce que Benyamin Netanyahou n'a pas le champ libre maintenant que Donald Trump est élu ? Vous ne craignez pas qu'il se dise "à Gaza, au Liban et contre l'Iran, je fais ce que je veux" ?

Dans l'intérêt d'Israël et de sa sécurité durable, à laquelle nous sommes indéfectiblement attachés, le feu doit cesser, les populations civiles doivent être protégées, et le droit international doit être respecté.

En semant la violence, on finit par récolter la violence. Et par créer parfois un mal pire encore que celui auquel on entendait remédier. Prenons le cas du Liban. En 1982, Israël a chassé l'OLP (Organisation de libération de la Palestine). Mais à force d'occupation, de destruction d'infrastructures et de victimes civiles, s'est formé le terreau duquel est né le Hezbollah. N'oublions pas les erreurs du passé.

La France a aidé militairement Israël lors des deux attaques de missiles de l'Iran. S'il y a une nouvelle attaque de ce genre, recommencera-t-elle ?

Quand je dis que la France est indéfectiblement attachée à la sécurité d'Israël, ce ne sont pas que des mots.

(...)

Souhaitez-vous, vous aussi, une nouvelle loi immigration comme Bruno Retailleau ?

J'estime que la priorité doit être de mettre en oeuvre les outils que nous nous sommes donné, à commencer par la loi immigration de janvier 2024 qui mérite d'être pleinement appliquée, et le Pacte Asile et immigration adopté par l'Union européenne qui doit être transposé en droit français.

Quand on entend les prises de position des différents ministres, sur ce sujet comme sur d'autres, on se demande ce qui vous lie ? Cela a-t-il un sens ? Cela peut-il tenir ?

Le gouvernement de Michel Barnier et les forces politiques qui le soutiennent ont fait un choix responsable, courageux, après s'être affrontés pendant des années : celui du compromis au service du pays. Le temps des grandes confrontations politiques viendra. Mais aujourd'hui, le temps est à l'action.

Lire l'entretien complet dans Le Parisien

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