Jean-Paul Matteï : "Pour pérenniser nos retraites, nous ne voterons pas cette censure"
Jean-Paul Matteï, Président du Groupe Démocrate (MoDem et Indépendants), est intervenu au nom du MoDem lors de l'examen des motions de censure suite au 49-3 sur la réforme des retraites. Revoir son discours.
Madame la Présidente, Madame la Première ministre, Mesdames et messieurs les ministres, Chers collègues.
Aboutissement attendu du point de vue institutionnel, compte tenu de la configuration de notre assemblée désormais, ces motions de censure sont une somme de regrets que je voudrais exprimer ici au nom de mon groupe.
Oui, nous avons des regrets. Notre premier regret est celui de n’avoir jamais pu pleinement examiner et voter ce texte en première lecture alors que les deux semaines prévues suffisaient à le faire.
Chers collègues de l’opposition, en dépit des règles de fairplay parlementaire et plus encore de toute vertu démocratique, vous avez décidé de détourner notre règlement pour créer une embolie parlementaire : Motions, prises de parole identiques à répétition, comportements empreints d’une forte violence symbolique, rappels au règlement et surtout plus de 20 000 amendements. Vous avez fait feu de tout bois pour empêcher la tenue de nos débats.
Tout cela dans un seul but : empêcher le débat et l’adoption, même partielle, de ce texte en transformant l’Assemblée en un véritable cirque qui fait honte à notre institution ; avec la présence, pour finir, d’un responsable politique dans les tribunes surveillant ses troupes comme un empereur romain ; je n’ose imaginer ce que serait une 6ème République, celle que vous appelez de vos vœux.
Les députés du Groupe Démocrate auraient voulu avoir le temps de présenter leur point de vue, qui nous semblait équilibré, entre la nécessaire responsabilité financière et l’objectif de justice sociale. Vous nous avez privé de ce débat et d’un véritable vote. Et je le regrette amèrement – parce que je sais que, dans l’intérêt des Français, nous aurions pu ensemble améliorer ce texte.
Heureusement, notre dialogue permanent avec les sénateurs, et notamment nos cousins de l’Union centriste, nous a permis de défendre une large partie de nos propositions – et d’en faire adopter un certain nombre au Sénat puis en commission mixte paritaire. Je voudrais les remercier pour le travail que nous avons su faire ensemble.
Je crois même pouvoir dire que ce travail en commun illustre bien ce qu’est le centrisme – loin de l’intransigeance dont font preuve aujourd’hui certains qui s’en réclament encore, mais l’ont en vérité abandonné depuis de trop nombreuses années. Je voudrais aussi souligner la qualité de nos échanges avec le Gouvernement, même si toutes nos propositions n’ont pas été reprises, notamment celles concernant le financement.
Notre second regret est le manque de responsabilité de certaines oppositions. Je ne parle pas de celles qui n’avaient pas de projet, si ce n’est de se cacher derrière une forme de respectabilité pour déposer à la fin une motion de censure en espérant que personne ne remarquerait leur absence de propositions.
Je ne parle pas non plus de ceux qui ont défendu et voté en son temps (2013) une réforme qui amenait les Français à dépasser de plus d’un an l’âge légal de 62 ans sans le dire honnêtement, et qui défendent aujourd’hui des propositions totalement illusoires, se raccrochant aux 60 ans, croyant retrouver par ce totem les grandes heures de 1981 et oubliant les graves difficultés qui ont suivi cette « parenthèse enchantée ». Je n’ai pas d’illusion pour ceux-là, même si j’espère que nos concitoyens ne se laisseront pas berner par ces mirages.
Je parle en particulier de l’opposition qui avait promis depuis des années de faire cette réforme des retraites, celle-là même que le Gouvernement a défendu en atténuant l’âge de départ par rapport aux promesses de la candidate soutenue l’année dernière.
Par l’éparpillement, la peur, les jeux de billards à 3 bandes, et malgré tous les efforts du Gouvernement faits à votre endroit, vous n’avez pas voulu afficher par un vote clair vos positions divergentes sur ce sujet qui aurait dû nous rassembler. Même si je sais que certains collègues du groupe Les Républicains voulaient en responsabilité voter ce texte issu d’un compromis après un travail sérieux et juste.
Nous voulions très majoritairement au groupe Démocrate, Modem et Indépendants, aller au vote de ce texte ; avec peut-être pour certaines et certains des doutes, mais surtout avec la conviction que cette loi était nécessaire et utile. Nous prenons acte de la décision qui été prise de déclencher la procédure prévue par l’alinéa 3 de l’article 49 de notre constitution, cet outil existe. Il permet aux forces politiques qui sont contre ce texte de le rejeter si elles sont majoritaires.
Certains, à cette tribune, parlent de l’engagement de la responsabilité du Gouvernement comme d’un déni de démocratie. A mon sens, c’est bien plus le comportement de vous autres – dans les mots comme dans les actes – qui frise le déni de démocratie. Je voudrais d’ailleurs rappeler que, de la violence verbale ou symbolique à la violence physique, il n’y a souvent qu’un pas.
Alors le Groupe démocrate prend acte ; acte de cette inconscience ; acte de l’esprit de responsabilité qui anime le Gouvernement. Et vous l’aurez compris bien sûr, soutenant le Gouvernement et persuadé de la nécessité d’une réforme pour pérenniser notre système de retraite, nous ne voterons pas cette censure.
Mais il y’aura un après. Et de toute crise, nous devons tirer des leçons : réfléchir au fond et à la méthode, ce que nous souhaitons profondément au groupe Démocrate, Modem et Indépendants. Je vous remercie.