La Ve République et la motion de censure

Assemblée nationale

Alors que deux motions de censure seront soumises au vote ce mercredi 4 décembre à l'Assemblée nationale après le déclenchement par le Premier ministre de l'article 49-3 de la Constitution, nous revenons dans cet article sur l'histoire de ce véritable moyen de contrôle dont disposent les députés.

Sous la Ve République, une seule motion de censure a été adoptée, qui visait le gouvernement de Georges Pompidou. Le 5 octobre 1962, dans une atmosphère électrique, à 280 voix contre 241, la motion de censure déposée contre le gouvernement a été adoptée. Le général de Gaulle dissout alors l'Assemblée, et laisse le Premier ministre démissionnaire en fonction pendant les quelques semaines où se déroulent les législatives anticipées. L'issue du scrutin étant favorable au président, il renomme Georges Pompidou, qui demeure Premier ministre jusqu'en 1968.

Depuis 1958, près de 150 motions de censure ont été déposées, mais seule celle de 1962 est parvenue à renverser un gouvernement. Comme l'a bien montré l'historien de la vie parlementaire Nicolas Roussellier dans l'ouvrage de référence La Force de gouverner (2015, p.599) :

Puisque notre régime électoral nous empêche de connaître les majorités cohérentes qui assurent la bonne marche du régime parlementaire, nous sommes dans l'obligation d'imposer au Parlement des "règles détaillées" (traduisez : des dispositifs juridiques très contraignants, comme c'est le cas pour la motion de censure) qui ont pour but de protéger l'Exécutif contre les aléas de la vie parlementaire.

La discipline, ne pouvant être attendue automatiquement des groupes parlementaires, doit venir des règles imposées par la Constitution. Et cependant, c'est la Ve République qui a inventé le "fait majoritaire", soit l'existence d'une majorité cohérente et solide qui accepte de soutenir le gouvernement pendant la durée d'une législature.

Contrairement aux IIIe et IVe Républiques, où les chutes de ministères étaient fréquentes, la Ve République donnait, jusqu'à présent, au pouvoir exécutif une majorité prête à lui faciliter la tâche et à accepter la force de sa direction. On parle alors de la "divine surprise" de la Ve République.

Avec la cohérence d'une majorité prête à le soutenir, le pouvoir exécutif peut faire voter ses projets sans avoir recours de manière trop fréquente aux armes de contrainte prévues par la Constitution, comme le vote bloqué, les ordonnances, le 49.3, etc. Théoriquement, sous la Ve République, tout est fait pour rendre quasi impossible un renversement du gouvernement et une crise de l'exécutif. Il y a là un paradoxe : juridiquement, le gouvernement est responsable devant l'Assemblée nationale, et le gouvernement est physiquement et politiquement présent dans l'Assemblée. Jusqu'à présent, l'Assemblée servait ainsi de force d'appoint à la force du gouvernement.

Au moment où cette cohérence se délite et fait soudain défaut, l'équilibre est rompu. Aujourd'hui, comme l'a souligné le Premier ministre Michel Barnier, chacun doit prendre ses responsabilités.

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