Le coût politique d’un budget social introuvable par Frédéric Bizard
Frédéric Bizard, économiste, Président fondateur de l'Institut Santé et candidat aux dernières élections législatives dans la deuxième circonscription des Deux-Sèvres, réagit dans notre billet d'humeur du jour à la censure du gouvernement de Michel Barnier survenue la veille.
La chute du gouvernement Barnier le 4 décembre dernier à la suite d’une motion de censure fait couler beaucoup d’encre sur les conséquences politiques mais peu sur les causes. Or, l’objet de la chute est le budget social 2025 (dit PLFSS 2025), qui est introuvable sans prendre des mesures d’économie qui brulent les doigts de ceux qui les voteraient.
Tout nouveau gouvernement sera donc confronté à la même problématique, avec le même risque de se faire renverser s’il ne prend pas la décision d’associer ce budget à des réformes structurelles. L’objet d’un PLFSS, depuis sa création en 1996, est de rendre le financement de notre protection sociale soutenable financièrement et socialement.
Pour cela, il faut garantir un haut niveau de protection sociale tout en maintenant l’équilibre budgétaire à moyen terme et notre compétitivité économique. Depuis une dizaine d’années, le bouclage du budget social est de plus en plus périlleux et renvoie à plus tard les mesures structurelles indispensables. Ce n’est plus possible !
Le budget 2025 a un prix politique majeur car nous sommes au bout du bout de la soutenabilité de ce modèle, en particulier pour le système de santé. Avec une dette sociale de 145 Mrds € à fin 2023, les déficits annuels de 2024 à 2028 sont d’un niveau historique jamais atteint hors période de crise, de l’ordre de 18 Mrds€.
D’une part, ces déficits sont réduits au prix de mesures sociales (désindexation des retraites, baisse de remboursement des consultations, baisse des prix des médicaments courants…) qui posent un problème d’acceptation sociale et d’efficience du modèle.
D’autre part, le financement de ces déficits n’est plus garanti, puisqu’à partir de 2026 ils ne sont plus financés. Ni la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) ni la caisse de la sécu (Acoss) ne sont, en l’état, en situation de les financer. La question de la crédibilité des comptes de notre sécurité sociale se pose pour garder la confiance des marchés financiers.
Le MoDem a fait de la refondation de notre système de santé un des thèmes de réflexion lors des journées parlementaires de septembre 2024 en Seine-et-Marne.
L’évolution d’un modèle curatif vers un modèle de santé publique (approche populationnelle et préventive), la mise en place d’un axe préventif puissant, la constitution d’un service public territorial de santé, la transformation du financement et la diffusion massive des innovations thérapeutiques et technologique sont cinq axes de transformation qui y ont été débattus. Cette refonte s’avère indispensable à lancer dès 2025 pour espérer retrouver une marge de manœuvre politique.
De même, le MoDem, par son Président Bayrou notamment, a été pionnier dans la proposition de la réforme vers un système universel de retraite à points. Ce sera la prochaine réforme sociale après la santé, à initier en début du prochain quinquennat, sans quoi la dérive financière du budget social reviendra en 2028.
On voit que le MoDem devrait jouer un rôle majeur dans la soutenabilité d’un haut niveau de protection sociale, gage incontournable de stabilité politique !
Frédéric Bizard
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