"L’Europe n’est pas un problème pour les Français, c’est pour eux la seule solution disponible."

François_Bayrou-FB

Crise démographique, loi immigration, fin de vie, européennes : le Président du Mouvement Démocrate a répondu aux questions d'Yves-Marie Robin pour Ouest-France. L'Université de rentrée 2023 débutera demain en fin d'après-midi. 

Propos recueillis par Yves-Marie ROBIN pour Ouest-France.

Quel message allez-vous transmettre à vos adhérents, réunis ce week-end à Guidel (Morbihan) ?

La période que nous traversons est absolument cruciale pour l’avenir du pays, de l’Europe et du monde. Durant cette période, nous avons une responsabilité particulière, parce que nous avons une vision de l’avenir à défendre. Nous avons à bâtir une société productive, créative et juste.

Soutenez-vous toujours à 100 % la politique d’Emmanuel Macron ?

Nous sommes alliés. J’ai un regard autonome, fondé sur l’expérience et l’engagement, mais depuis des années, j’échange avec lui en grande confiance sur tous les problèmes fondamentaux du pays. Il peut y avoir des différences entre nous, mais je ne fais jamais d’une différence une divergence, parce que c’est une personnalité que je respecte profondément.

Le rôle du MoDem est-il d’influencer, de tempérer les décisions gouvernementales ?

Que nous soyons dans la majorité ou dans l’opposition, syndicalistes ou politiques, nous sommes tous coresponsables de l’avenir. Donc notre rôle est d’inspirer quand il le faut, de modifier quand notre vision de la réalité l’impose, de peser dans le sens des décisions les plus justes, de poser les questions brûlantes, même si personne ne les prend en charge.

Quelqu’un qui travaille et veut continuer à travailler, qui apprend notre langue, qui comprend que la France n’est pas une page blanche, mais une culture et une manière de vivre, il n’est ni possible ni juste de le laisser dans l’irrégularité.
— François Bayrou

Quelle est pour notre pays, la question la plus brûlante ?

Nous devons nous préoccuper de l’effondrement démographique de la France. C’est l’indice même de notre envie de vivre, en tant qu’êtres humains, femmes et hommes, en tant que familles, en tant que nation. Notre contrat social est insoutenable sans renouvellement des générations.

Début novembre, le Sénat commencera à débattre du projet de loi immigration. Êtes-vous pour la régularisation de travailleurs sans papiers, dans des métiers en tension ?

Ils ne sont pas sans papiers – la plupart sont entrés en France avec des papiers – mais ils se retrouvent dans une situation irrégulière. Ma vision est simple, et beaucoup de Français la partagent je crois : quelqu’un qui travaille et veut continuer à travailler, qui apprend notre langue, qui comprend que la France n’est pas une page blanche, mais une culture et une manière de vivre, il n’est ni possible ni juste de le laisser dans l’irrégularité. Multiplier les irréguliers, c’est multiplier les risques et les drames. Pour les autres, en revanche, ceux qui ne sont pas en situation d’asile ou se comportent mal, l’Europe doit les reconduire dans leur pays.

Comme Emmanuel Macron, vous dites que la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde…

C’est d’abord Michel Rocard qui a prononcé cette phrase. L’immigration est une question de proportion. Lorsque l’équilibre est respecté, la coexistence de citoyens de cultures différentes est possible et fructueuse. À l’inverse, quand les apports de populations sont trop nombreux, des chocs violents se produisent entre les communautés. Cela devient immédiatement dangereux. Autant je n’apporte aucun crédit aux gens sans cervelle qui disent immigration zéro, autant je pense qu’il faut trouver un juste équilibre.

Vous êtes commissaire au plan. Que pensez-vous de la planification écologique d’Emmanuel Macron ?

Pendant très longtemps, je me suis battu, seul, pour défendre l’idée même de planification. Le seul moyen de conduire les grandes réformes (économiques, financières, d’éducation, écologiques…), c’est de les planifier, afin qu’elles soient durables et progressives. Je soutiens donc cette vision. Sur le contenu, les spécialistes en débattront. Je trouve cette planification écologique sérieuse. Mais ne jamais oublier que la France, c’est le millième de l’atmosphère de la Terre et moins du centième de la production de CO2 de la planète. Les efforts que nous consentons chez nous ne sont rien s’il n’y a pas les mêmes efforts chez les autres, en Chine, aux États-Unis, en Russie, en Allemagne…

L’Europe n’est pas un problème pour les Français, c’est pour eux la seule solution disponible.

La question de la fin de vie va également arriver au Parlement. Quelle est votre position ?

Ma première préoccupation, c’est le développement des soins palliatifs. J’ai beaucoup d’admiration pour les équipes médicales qui les pratiquent. Elles sont extrêmement humaines. Malheureusement, il n’y a pas de soins palliatifs dans tous les départements. Au moins, un tiers d’entre eux manque d’une prise en charge efficace. Moi, je suis du côté des défenseurs de la vie. Nous devons comprendre les situations extrêmes, mais je suis opposé à l’organisation d’un service public de la mort.

Le 9 juin 2024, les Français voteront aux européennes. Quel rôle jouera le MoDem dans ce scrutin ?

Nous ferons campagne dans la majorité. La situation sera limpide : notre liste centrale sera la seule à plaider, sans réticence, pour une Europe solidaire et une politique européenne organisée. Lorsque l’on scrute le monde, l’Europe n’est pas un problème pour les Français, c’est pour eux la seule solution disponible. Regardez Mme Meloni en Italie. Elle se fait élire contre l’Europe, sur des positions virulentes qui sont celles du Rassemblement national en France. Aujourd’hui, moins d’un an après, face au problème migratoire, elle appelle l’Europe au secours. Et elle a raison de le faire ! Regardez la Grande-Bretagne. Le Brexit, trois ans après, provoque l’effondrement de la production, du niveau de vie, et l’incapacité de régler le problème migratoire, avec une explosion de l’immigration. La seule attitude responsable et courageuse est d’être proeuropéen, avec un puissant leadership de la France.

À partir du 16 octobre, vous serez jugé pour complicité de détournements de fonds publics européens, dans l’affaire des assistants d’eurodéputés du MoDem.Craignez-vous ce procès ?

Cette affaire est entièrement infondée. Elle nous paralyse depuis six ans et demi. C’est un frein à l’exercice de responsabilités. Le seul moyen de la régler, c’est qu’un procès ait lieu. C’est une épreuve redoutable, je ne vous le cache pas, pour moi qui ai fait de la moralisation de la vie publique l’axe de ma vie politique. Mais les accusations portées contre nous sont fausses et nous devrons le prouver.

 

Cet entretien est disponible aussi sur le site de Ouest-France.

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