Marc Fesneau : Il faut « épargner les plus petites retraites »

Par Isabelle Ficek et Frédéric Schaeffer
Marc Fesneau
(© Nicolas Lascourrèges)

Dans une interview aux « Echos », notre président du groupe MoDem à l'Assemblée nationale, Marc Fesneau, regrette les critiques internes à la coalition derrière Michel Barnier sur le budget qui arrive en débat en commission au Parlement ce mercredi.

Le budget 2025 est déjà très critiqué, y compris au sein de la coalition derrière Michel Barnier. Partagez-vous tout de même le constat du gouvernement sur la gravité de la situation des finances publiques ?

Il ne faut pas se dérober sur le constat : la situation actuelle est très dégradée et il ne faut pas laisser déraper les déficits plus longtemps, au risque de voir la dette s'emballer et perdre la confiance des marchés. C'est une question vitale de souveraineté.

Je vois en effet les critiques mais je m'étonne qu'elles soient formulées par d'anciens membres du gouvernement et de partis qui composent l'actuelle coalition. Le dérapage constaté devrait tous nous inciter à la modestie, à ne pas nous défausser et à proposer des solutions crédibles et responsables.

Le gouvernement défend un budget de « justice fiscale », un thème cher au MoDem. Les hausses d'impôts prévues vous paraissent-elles justes et bien calibrées ?

L'équilibre du budget 2025, tel que présenté par le gouvernement entre économies sur les dépenses et hausse d'impôts, me paraît bon globalement et les mesures fiscales sont suffisamment ciblées pour répondre à l'enjeu de justice fiscale et de besoin de recettes. Nous avons toutefois un doute sur le rendement de 8 milliards d'euros attendu de la surtaxe sur 400 grandes entreprises.

En revanche, l'on ne pourra pas agir sur le levier fiscal tous les ans, d'où la nécessité de réformes structurelles également.

Le budget arrive mercredi à l'Assemblée. Que veut porter le MoDem en la matière ?

La responsabilité, la justice et l'efficacité.

Et donc sur la fiscalité, nous souhaitons aller plus loin sur le prélèvement forfaitaire unique (« flat tax »), la fiscalité de la transmission des contrats d'assurance-vie et l'imposition des plus-values de cession intragroupe (« niche Copé »). Il faut aussi regarder le crédit d'impôt recherche (CIR), qui est un très bel outil mais qui coûte très cher et que l'on peut sans doute recibler un peu.

Il faut faire ainsi également sur toutes les niches fiscales. Nous porterons aussi un certain nombre de propositions sur la fiscalité du logement.

Lesquelles ?

Nous proposerons une réforme des plus-values immobilières, dont le système d'exonérations, aujourd'hui, conduit à de la rétention de biens alors que nombre de nos concitoyens ne parviennent pas à se loger.

Nous souhaitons lancer un débat parlementaire sur le périmètre de l'Impôt sur la fortune Immobilière, qui a remplacé l'ISF en 2018.

C'était notre position dès 2017 : on ne doit pas revenir à l'ISF, mais cet IFI doit être amélioré pour ne plus être un Impôt sur la fortune immobilière, mais sur la fortune improductive, en intégrant du patrimoine qui a un impact limité sur l'économie productive.

Sur la fiscalité, peut-il y avoir des majorités sur vos amendements avec le Nouveau Front populaire ?

Avec tous, j'espère ! Nous parlons depuis longtemps de justice fiscale. Je pense donc que l'on peut trouver des points de convergence sur la partie recettes. A condition que chacun ne reste pas arc-bouté sur ses positions, sinon nous mettrons en scène notre impuissance parlementaire.

Trouvons des convergences mais en gardant la trajectoire proposée et en visant l'efficacité de la fiscalité.

Le MoDem porte depuis longtemps l'idée de mieux rémunérer le travail… La baisse des exonérations de charges, assortie de 4 milliards d'économies, va-t-elle dans le bon sens ?

Cela va dans le bon sens car les exonérations de charges actuelles juste au-dessus du SMIC constituent une trappe à bas salaire à laquelle il faut s'attaquer.

Par ailleurs, ces allègements constituent un manque à gagner colossal qu'il n'est pas anormal de réinterroger dans les circonstances budgétaires actuelles. Nous avons beaucoup aidé les entreprises ces dernières années et cette proposition n'est pas pour nous choquante.

(...)

Le report de 6 mois de l'indexation des pensions provoque des tirs de barrage. A juste titre ?

La mesure a du sens mais elle doit être plus juste.

Le MoDem portera des amendements à l'Assemblée visant à épargner les plus petites retraites et faire en sorte que ces dernières soient indexées dès janvier.

(...)

Côté dépenses, regrettez-vous, comme une partie des députés Ensemble pour la république, qu'il manque des réformes ?

Il est sûr que les fusions d'opérateurs de l'Etat et d'agences ne dégageront pas d'économies immédiates mais cela fait partie des éléments de crédibilité vis-à-vis de nos partenaires. Au même titre que le coup de rabot supplémentaire de 5 milliards sur les crédits des ministères qu'envisage le gouvernement. Si nous le respectons, contrairement à ce qui est fait depuis quarante ans, ce sera déjà un changement.

Mais il faut que le gouvernement documente mieux les économies qu'il souhaite faire dans le moyen terme. Au MoDem, nous ferons des propositions, par exemple sur la réduction des dépenses de la formation professionnelle.

Michel Barnier a-t-il eu raison de redonner la main aux partenaires sociaux en abandonnant au passage la réforme de l'assurance-chômage de Gabriel Attal ?

Le Premier ministre a fait le choix de relancer le dialogue avec les partenaires sociaux. Dont acte.

Je n'étais pas choqué par la réforme Attal et il faudra de toute façon arriver au même équilibre financier et conserver la philosophie d'incitation au travail.

(...)

Elisabeth Borne a dû l'an dernier recourir au 49.3 pour faire adopter le budget. Comment imaginer qu'il en soit autrement cette année ?

La situation est encore plus compliquée. Et il est possible que certains des partenaires du socle gouvernemental défendent l'inverse de ce qu'ils ont parfois défendu ces dernières années. Certains ont beaucoup discouru de la nécessité de baisse de la dépense publique sans jamais voter d'amendement en ce sens. Les mêmes qui défendaient le bouclier tarifaire sur l'énergie crient aujourd'hui au dérapage budgétaire.

Mais sur la partie recettes, je ne désespère pas que nous soyons raisonnables et que nous arrivions à la voter.

Sur les dépenses, je ne vois pas comment éviter le 49.3, mais je le regrette. Essayons de travailler à des consensus. C'est ce que les Français ont demandé lors des dernières élections.

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