Marc Fesneau : « Nous n’avons pas de "leçons de valeurs" à recevoir »

Ce mercredi 19 février était examinée et votée la motion de censure déposée par les députés socialistes en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution. Retrouvez ci-dessous le discours de Marc Fesneau, président du groupe Les Démocrates et premier vice-président du MoDem, à la tribune.

Seul le prononcé fait foi,

Madame la présidente,

Monsieur le Premier ministre, 

Mesdames et messieurs les membres du gouvernement, 

Mesdames les députées, messieurs les députés, 

Une motion de censure, ce n’est pas une motion d’un congrès, qu’il soit du parti Socialiste ou d’une autre formation politique.

Ce n’est pas, non plus, un label ou un trophée qu’un groupe s’attribue à lui-même dans un concours assez lunaire du meilleur opposant de France.

Enfin, ce n’est pas un étendard politique brandi à chaque polémique, pour distinguer celles et ceux qui auraient des valeurs de ceux qui n’en auraient pas.

Non, une motion de censure, ce n’est pas un acte anodin, mais un acte dont les conséquences doivent être mesurées, car elles peuvent être graves.

Et, je le dis : elles peuvent être graves, en particulier face aux difficultés immenses auxquelles la France, l’Europe et le monde font aujourd’hui face. 

Aujourd’hui, celles et ceux qui entendent censurer le Gouvernement doivent par conséquent le faire en connaissance de cause. 

Censurer le gouvernement, cela signifie que le projet de loi de finances initiale et le projet de loi de financement de la sécurité sociale que le Parlement vient d’adopter après un parcours jonché d’obstacles ne pourront être déployés concrètement et rapidement, sur le terrain. 

Cela signifie que les avancées utiles que des groupes politiques, y compris des groupes d’opposition, même si maintenant ils ont du mal à l’accepter, ont obtenues avec ces lois ne pourront être déclinées au bénéfice des Françaises et des Français. 

Je pense tout particulièrement aux efforts consentis sur l’hôpital public ou pour l’éducation nationale, qu’à gauche de cet hémicycle, pourtant, vous avez, avec nous, défendus.

Censurer le gouvernement, cela signifie que la stabilité que nous avions commencé à bâtir dans un état d’esprit de compromis et de dialogue au service des Françaises et des Français, au service des entreprises, des associations ou des collectivités territoriales n’était en réalité qu’un mirage, et que nous les plongeons à nouveau brutalement dans l’incertitude et dans le désordre.

Censurer le gouvernement, cela signifie aussi mettre un coup d’arrêt à des avancées attendues :

  • Parce que censurer, c’est repousser le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations, attendu par le monde agricole, à la veille de l’ouverture du Salon International de l’agriculture ;
  • Censurer, c’est aussi renoncer à examiner rapidement la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic qui a fait l’objet d’un consensus, je sais que le mot vous gêne, au Sénat, pour que nous apportions collectivement une réponse à ce fléau funeste ;
  • Censurer, c’est enfin et sans être exhaustif retarder l’examen des deux propositions de loi sur la fin de vie et des soins palliatifs, dont nous savons qu’elles trouvent un écho puissant dans une société qui aspire à plus d’autonomie et de considération pour le choix des personnes en fin de vie.           

Alors oui, je le dis à nouveau : censurer un gouvernement est un acte tout sauf anodin, en ce moment même la France et les Français ont plus que jamais besoin et envie de stabilité.

Et alors que cette motion entend parler de valeurs, je voudrais vous dire en quelques mots ce en quoi les attendus de cette motion paraissent hors du temps, picrocholins quand des menaces globales, immédiates, nous guettent et menacent – elles - réellement nos valeurs, celles que je crois nous partageons. Accaparer cet hémicycle pour un débat sur un supposé péril des valeurs apparaît au mieux dérisoire, au pire inconscient alors qu’une guerre sur le sol européen devient aujourd’hui une éventualité.

Car s’il s’agit de parler des valeurs, des principes et des fondements de notre République, alors je nous invite à ouvrir les yeux sur les véritables risques qui menacent notre démocratie et donc tout notre système de valeurs :

  • Je pense à ceux liés aux impérialismes conquérants et brutaux, dont les contours de dessinent chaque jour plus nettement, à l’Ouest comme à l’Est ;
  • Je pense à ce qui se dessine d’un nouvel ordre - nous pourrions plutôt parler de désordre - international qui, demain, serait régi par la loi du plus fort, par l’influence de multinationales permettant l’ingérence de puissances étrangères au cœur de nos démocraties
  • Je pense aux guerres commerciales qui se profilent et qui peuvent mettre à mal toutes nos économies et plonger notre pays comme tous les pays européens dans une crise économique et sociale immense ;
  • Je pense aux crises climatiques à venir qui vont bouleverser les équilibres sociaux, démographiques et économiques ;
  • Je pense enfin aux nouveaux défis technologiques : le sommet sur l’Intelligence artificielle qui s’est tenu à Paris montre l’ampleur des défis devant nous.

C’est tout cela qui menace véritablement nos valeurs. Et pas autre chose !

Donc, alors que s’ouvre sous nos yeux une ère nouvelle, nous devrions collectivement - nous qui partageons les valeurs multiséculaires de notre République - être à la hauteur du défi historique que la France et l’Europe doivent affronter avec lucidité !

Ce qui menace nos valeurs, ce sont celles et ceux qui, de l’intérieur, participent à l’affaiblissement du pays en la déstabilisant, alors que les défis et risques que je viens de décrire sont immenses !    

Ce qui menace nos valeurs, ce sont ceux qui affaiblissent la voix de la France et ainsi de l’Europe face à l’agression russe en Ukraine et au changement de pied brutal des États-Unis !    

Ce qui menace nos valeurs, ce sont celles et ceux qui organisent l’impuissance et la soumission de l’Union européenne de l’intérieur, soutiennent tous les régimes illibéraux et sont fascinés par leurs dirigeants autoritaires ! Ce qui menace nos valeurs, ce sont celles et ceux qui prônent le repli sur soi, alors que l’Europe doit être, au contraire, un amplificateur de notre souveraineté sur des enjeux aussi stratégiques que la défense, l’énergie, l’agriculture ou encore l’intelligence artificielle !    

En tout état de cause, mesdames et messieurs les membres du groupe Socialistes et apparentés qui avez déposé cette motion de censure, nous n’avons pas nous, les Démocrates, au Centre, de « leçons de valeurs » à recevoir, ne vous en déplaise.

Notre histoire, nos choix parfois difficiles, les combats que nous menons depuis des années d’ailleurs avec François Bayrou, tout dans nos actes parle plus fort que vos paroles. Nous avons su – nous - prendre notre risque pour tenir ferme sur les valeurs.

Ce sont ces enjeux et tant d’autres qui devraient nourrir nos débats, et sur lesquels nous devrions chercher de manière constante à faire vivre le pluralisme, en dépassant nos désaccords, pour faire avancer l’intérêt général et pour protéger l’essentiel.

« Quand les blés sont sous la grêle, fou qui fait le délicat, fou qui songe à ses querelles au cœur du commun combat » disait Aragon.

C’est à ce combat existentiel que je nous invite – car c’est de cela dont il est question. Et c’est pour ce combat qu’il y a, je le crois, encore une majorité dansle pays et dans cet hémicycle.

C’est ce rendez-vous que nous donne sans aucun doute l’Histoire. J’espère que vous serez avec nous – dans le respect de nos différences - à la hauteur de ces enjeux-là. Parce qu’ils sont vitaux et que nous serons jugés sur cela.

Et c’est pour ce motif que j’appelle chacun au nom de mon Groupe et en conscience, à ne pas voter cette motion de censure.

Je vous remercie.

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