Marc Fesneau : « Nous sommes prêts à nous attaquer aux niches fiscales »
À l'occasion de l'ouverture de notre Université de rentrée, notre premier vice-président et président du groupe Les Démocrates à l'Assemblée nationale revient notamment sur la participation du MoDem au gouvernement Barnier dans un entretien accordé à Ouest-France,
Avez-vous été surpris par les excuses de Michel Barnier à Marine Le Pen, après les propos du ministre de l’Économie estimant que le RN se situe en dehors de l’arc républicain ?
Je considère qu’un Premier ministre n’a pas à s’excuser devant un chef de parti. D’autant qu’il n’est fautif de rien. Ce n’est pas Marine Le Pen qui décide des orientations et de la pensée d’un ministre, d’un député, d’un président de groupe… Sinon, on entre dans un chantage inacceptable.
N’est-elle quand même pas en position de force, avec la censure qu’elle peut déclencher à tout moment ?
Face au chaos économique, face aux risques mondiaux d’embrasement, il lui faudra assumer de faire tomber un gouvernement. Ce n’est pas à la hauteur du moment.
Le jeu de Mme Le Pen est toxique. Je respecte ses électeurs, mais je combats ses idées.
Le MoDem a-t-il hésité à participer à cet exécutif Barnier ?
Profondément. Nous avons eu une discussion de fond sur le sujet.
Nous sommes entrés dans un gouvernement qui n’est pas à l’équilibre du message des Français – la gauche ayant refusé d’y participer – et dont on ne connaît pas encore la ligne politique.
C’est une originalité, puisque des forces politiques se sont rejointes après sept années d’incapacité à se mettre d’accord sur l’essentiel. J’attends avec impatience la déclaration de politique générale de Michel Barnier, mardi, pour savoir ce qu’il propose sur les retraites, la fiscalité et le budget, l’écologie, les services publics…
Pourquoi votre parti a donc accepté d’y figurer ?
À la vérité, beaucoup de facteurs plaidaient pour ne pas entrer dans ce gouvernement. Mais nous pensons qu’à un moment donné, et alors que c’est notre message depuis des années, il faut travailler ensemble sur ce qui nous rassemble. Mais je le dis, rien ne sera accepté qui ne serait pas conforme à nos valeurs et à notre histoire. Rien !
Nous ne sommes pas dans une logique de coalition, mais d’union nationale pour ne pas laisser la France dans cette crise.
(...)
Quelles doivent être les priorités budgétaires de ce gouvernement ?
Il nous faut absolument tendre vers un équilibre. C’est la souveraineté de la France qui est en jeu.
Au MoDem, nous ne sommes pas fermés à demander des efforts aux personnes les plus riches - vraiment aux tranches les plus élevées - et aux très grandes entreprises.
Non pas dans une logique de chasse aux plus fortunés, mais d’effort de redressement national via une contribution exceptionnelle pour ceux qui le peuvent le plus. Nous sommes, par ailleurs, prêts à nous attaquer aux niches fiscales, à analyser les situations de rente et à annuler les baisses d’impôts prévues, comme la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
En matière de dépenses, il nous faut aussi faire des choix d’économie sans sacrifier la sécurité, la justice, la transition écologique et les engagements déjà pris.
(...)
Craignez-vous une abrogation de la réforme des retraites ?
Ce serait totalement irresponsable. Cela nous obligerait à baisser les pensions faute de pouvoir les payer. Tous les pays, de la Chine à l’Italie en passant par la Grande-Bretagne, confrontés à un problème démographique comme nous, sont en train d’augmenter l’âge légal de départ et/ou la durée de cotisations.
On peut toujours faire des moulinets avec une épée en bois, mais il n’y a plus un sou, en France, pour financer l’abrogation de la réforme des retraites !
Ce sujet-là ne devrait pas susciter un débat aussi intense. Notre démocratie est en train de mourir de la démagogie ambiante.
Le gouvernement Barnier peut-il tenir ?
Je vais faire en sorte qu’il réussisse, dès lors qu’il respectera le MoDem. Nous, nous n’avons pas d’arrière-pensées.
Nous sommes engagés avec les doutes que j’ai exprimés. Personne ne devrait parier sur l’échec de Michel Barnier. Seul l’intérêt général nous guidera. Nous devons nous souvenir que notre Assemblée est le produit d’une colère de premier tour et d’un sursaut républicain de second tour, et qu’au sein de l’arc républicain 30 à 40 % des électeurs - des modérés et des gens de gauche - ne se reconnaissent pas dans ce qui se passe. Le Premier ministre doit donc en tenir compte. Et nous en serons les garants.