Marina Ferrari : "La réforme des retraites vise l'équité et la solidarité entre les générations"
Marina Ferrari, Députée de la Savoie et Rapporteure de la Commission des Finances pour la réforme des retraites, est intervenue lors du début des débats du texte à l'Assemblée nationale. Retrouvez son intervention.
Suivant la tradition, la commission des finances s'est saisie pour avis du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023, et a émis un avis favorable à son adoption le vendredi 30 janvier, au terme d'une journée qui aura permis de distinguer d'un côté celles et ceux qui d'entre nous, comme le gouvernement, sont attachés à la protection et à la hausse du niveau de vie de nos retraités, à la répartition juste de l'effort des actifs, mais surtout à la préservation de notre système de retraite par répartition.
Et de l'autre, celles et ceux qui sont prêts à mettre en danger le service des pensions, voire à réduire leurs montants, qui considèrent le travail comme une aliénation dont on ne guérirait qu'en interdisant aux entreprises de réussir, et qui préfèrent faire financer les retraites par la dette qui pèse de plus en plus sur les générations futures.
Au regard du rapport du COR, dans l'ensemble des scénarii présentés, nous ferons face à un déficit de financement au cours des années à venir. Selon l'hypothèse centrale retenue par le gouvernement, ce déficit atteindra 0,5 point de PIB en 2040, puis 0,8 en 2070. Sur les 10 prochaines années, ce sont 150 milliards de déficit cumulé que nous risquons.
Or, un système de retraite pour tenir ses promesses vis-à-vis des retraités d'aujourd'hui et de demain se doit d'être équilibré. Le refuser, c'est hypothéquer l'avenir.
Je tiens ici à écarter certaines propositions irréalistes ou démagogiques.
Non, on ne peut pas fonder le rétablissement des comptes de l'assurance vieillesse, sur les recettes fluctuantes comme les bénéfices ou les dividendes. Mais oui, c'est en réduisant le coût du travail que l'on soutient l'emploi, que l'on renforce la compétitivité et que l'on augmente les recettes. Preuve est faite depuis 2017.
Non, on ne peut pas redescendre l'âge de départ à la retraite à 60 ans. Notre démographie très défavorable interdit tout retour en arrière, alors que nous comptions dans les années 90, 3 actifs pour un retraité, nous en avons actuellement 1,7 pour un retraité, et prochainement 1,5 actifs pour un retraité. Nier l'évidence revient à mentir aux Français.
Quelques mots à présent sur le périmètre de la loi de finances stricto sensu. Le solde 2023 serait en léger recul à moins 7,5 milliards d'euros, en raison de la mise en œuvre des mesures de revalorisation et d'amélioration.
Le déficit serait ramené dès 2026 à 12,3 milliards, contre 15,7 sans la réforme, et la trajectoire envisagée devrait conduire à l'équilibre de notre système de retraite, mesures sociales incluses, d'ici 2030.
Nous commençons donc ce jour, chers collègues, l'examen d'un texte dont l'ambition est bien l'équité et la solidarité entre les générations.
Ainsi, il est proposé d'affilier les prochains personnels de cinq régimes spéciaux au régime général. J'ai entendu dire qu'ils ne concernaient que 2% des actifs. C'est exact. Mais leur déficit concerne en revanche 100% des Français qui les financent en responsabilité.
Pour garantir que notre système demeure parmi les plus redistributifs, il est indispensable de reculer de 2 ans, de manière progressive, l'âge d'ouverture des droits et d'accélérer l'allongement de la durée de cotisation actée par la réforme Touraine.
Ce projet tient compte des inégalités de la vie, et vise, sans pouvoir toutes les réparer, à les atténuer.
C'est pour cette raison qu'est revalorisé le minimum contributif et relevé le plancher de récupération sur succession de l'allocation de solidarité aux personnes âgées ou instaurer un départ anticipé pour les travailleurs inaptes.
Parmi les nouveaux droits ouverts, notons que le cumul entre l'emploi et la retraite génèrera désormais des droits et une hausse des pensions. Nous créons également une assurance vieillesse pour les aidants. Les trimestres validés au titre de l'assurance vieillesse du parent au foyer seront désormais comptabilisés pour le bénéfice du minimum contributif et de la retraite anticipée pour carrière longue.
Alors je souhaite bon courage à celles et ceux qui voteront la motion de rejet et iront sur le terrain expliquer qu'ils refusent d'emblée les avancées proposées.
Enfin, en tant que femme, je voudrais démentir le fait que cette réforme nous soit défavorable. L'intégration de trimestres parents au foyer dans la durée cotisée pour bénéficier d'un départ anticipé pour carrières longues nous concernera en priorité.
L'inclusion de ces trimestres dans le calcul permettra à plus de femmes de bénéficier de la hausse des minima de pensions, et cette amélioration sera nettement plus marquée pour nous, comme l'a démontré l'étude d'impact. La prise en compte des périodes passées pour le calcul de la retraite concernera en majorité les femmes. Et enfin, la création de l'allocation vieillesse aidant s'appliquera davantage à nous.
Pour terminer, et parce que les mesures de ce texte engagent l'avenir, j'appelle de mes vœux l'inclusion d'une clause de revoyure permettant d'évaluer les impacts financiers et sociaux de la réforme à mi-parcours. Un amendement a été adopté en ce sens par la commission des finances et j'espère qu'il en sera de même en séance.
Mes chers collègues, je crois que les deux marques de justice d'un système de retraite par répartition sont son équilibre financier et son traitement équitable des situations individuelles les plus difficiles.