Portons un regard neuf sur la santé mentale

 Brahim_Hammouche-BH
(© Assemblée nationale)

Longtemps mise sous le tapis et peu considérée, la santé mentale était un sujet tabou. La pandémie est passée par là et a mis l’évidence devant nos yeux : énormément de nos concitoyens ont besoin d’un accompagnement. Longtemps, les moyens n’ont pas été à la hauteur. 

Le 28 septembre dernier, en clôture des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, Emmanuel Macron a annoncé plusieurs mesures telles que le remboursement de consultations de psychologue et la création de 800 postes dans les centres médico-psychologiques.

Psychiatre, gériatre, député de la 8ème circonscription de Moselle, Brahim Hammouche nous apporte son analyse. 

Brahim Hammouche, vous êtes psychiatre et êtes donc bien placé pour parler en connaissance de cause. Quels sont les chiffres les plus éloquents au sujet de la santé mentale ? 

La santé mentale est au cœur de la vie quotidienne de 13 millions de Français soit une personne sur cinq dans notre pays. Nous sommes une personne sur trois à avoir dans notre entourage proche une personne en souffrance psychique. Souffrance psychique ressentie par deux tiers de nos compatriotes.  

Les tentatives de suicide restent très élevées dans notre pays, une des plus élevée de l’Union Européenne. Enfin, les dépenses publiques de remboursement s'élèvent à plus de 23 milliards d’euros par an, devant les pathologies cardiovasculaires et les cancers. Par ailleurs, la Covid-19, les phases de confinement, les fermetures de classes ont été révélatrices que la santé est globale, physique et mentale, individuelle et collective, sociale et environnementale, professionnelle et privée dans sa dimension au travail ou en famille. N’oublions pas que 75% des maladies psychiatriques débutent avant 25 ans !

Pourtant, il persiste dans nos représentations de la maladie psychiatrique, des détresses psychiques, beaucoup de préjugés négatifs renforçant la perte d'estime de soi. Il y a une véritable perte de chance pour le patient en lien avec le retard diagnostique pouvant aller jusqu’à 10 ans pour les troubles bipolaires de l’humeur et 2 ans pour la durée de la psychose non traitée. Les maladies psychiatriques sont invalidantes physiquement et psychiquement et constituent la première cause mondiale d’invalidité. L’espérance de vie réduite de près de 16 ans soit des taux de mortalité 2 à 5 fois plus nombreuse qu’en population générale quel que soit la cause de décès et un taux prématurée de mortalité quadruplée.

Les annonces du Président vont-elles dans le bon sens ? 

Le Président de la République rappelait qu'en 40 ans le nombre de lits a chuté de 120000 à 40000. L'urgence en psychiatrie n'a pas attendu la crise sanitaire qui nous a révélé les failles de notre système de santé. Les annonces viennent poursuivre les mesures engagées dans « Ma Santé 2022 » avec  1,9 milliards d'euros investis sur 5 ans pour sortir la psychiatrie de son sous-investissement chronique et redonner aux professionnels la considération dont ils avaient tant manqué ces dernières années.

Trois axes prioritaires sont annoncés : considération, l'information et prévention ; l'organisation claire des soins et enfin, la recherche.

Cela va contribuer à corriger la trajectoire pour restaurer « la dimension humaine de la folie » et rétablir durablement l’organisation en santé mentale des territoires dans le sens attendu par les patients, leurs familles et les professionnels.

Investir 80 millions d’euros et la création de 800 postes dédiés à la santé mentale, aux innovations en neurosciences qui vont permettre l’amélioration des soins au quotidien, concrètement, pour nos lecteurs, qu’est-ce que cela engendre ? 

Concrètement, ces mesures vont améliorer les pratiques, l'accueil, l'aide, l’accompagnement ainsi que la la recherche qui n’est pas oubliée :

Au niveau de la prévention : 

  • Un numéro national gratuit de prévention du suicide pour un montant de 246 millions d’euros.
  •  Un financement des premiers secours en santé mentale pour passer de 10.000 répondants à 60.000 en 2023 et 150.000 en 2025 pour un montant de 800.000 €. 

L’enfance et l'adolescence : 

  •  La mise en œuvre de la stratégie des 1000 premiers jours véritable enjeux de santé publique notamment en périnatalité pour un montant de 10 millions d'euros. 
  • Les équipes mobiles : 15 à 20 seront dédiées pour un montant de 5 millions d’euros.
  • Unités de consultation et d’hospitalisation parents-bébé : 5 à 10 unités pour un montant de 5 millions d’euros 
  •  Une « maison adolescent » par département pour un montant de 5 millions d’euros en 2022, 10,5 millions d'euros en 2023.
  • 100 places en accueil familial thérapeutique sur 2 ans à créer pour un montant de 2,5 millions d'euros en 2022 et 5 millions d’euros en 2023.
  •  400 équivalents temps plein sur 3 ans dans les centres médicaux psychologiques de l’enfant et de l’adolescent pour un montant de 8 millions d’euros dès 2022, 16 millions d’euros en 2023 et 24 millions d'euros en 2024. 

Les adultes : 

  • 400 postes équivalents temps plein sur 3 ans seront créés dans les Centres Médicaux Psychologiques adultes pour un montant de 8 millions d’euros. 
  • 20 équipes mobiles de prise en charge de la psychiatrie du sujet âgé en EHPAD et dans le médico-social pour un montant de 5 millions d’euros.  

Pour terminer la recherche, le lancement de projets hospitaliers de recherches cliniques « Santé Mentale et Psychique » pour un montant de 80 millions d’euros correspondants à : 

  • 12 postes supplémentaires d’enseignants chercheurs
  •  Création de l’institut de simulation cérébrale pour les prises en charge et la recherche des épisodes dépressifs résistants et des hallucinations chroniques 
  • Création de l’@Care pour la prise en charge de la recherche sur la psychiatrie de l’enfant. 

Comment améliorer l’accompagnement des personnes plus fragiles ? 

Au niveau des besoins populationnels et des fragilités de notre organisation en santé mentale, il est nécessaire de consolider les premières lignes, de créer les conditions pour qu’un même panier de soins soit proposé sur l’ensemble du territoire. 

Pour les populations précaires, la prévalence de troubles psychiques sévères est dix fois plus importante qu’en population générale et la majorité d’entre-elles ne sont pas suivies.  

La prévention est insuffisante et ses conséquences sont tragiques pour les populations les plus vulnérables.  

L’esprit de transdisciplinarité et de l’expérience créative des patients et de leurs familles issues du terrain clinique devraient garantir à chacun l’égal accès à des soins de qualité et de proximité tant dans les soins primaires, d’expertises ponctuelles et de recours spécialisés.

Avez-vous abordé ces sujets depuis le début de votre mandature à l’Assemblée nationale ? 

J’ai présidé en novembre 2019, une mission parlementaire d’information sur l’organisation territoriale de la santé mentale pour «Bâtir la santé mentale du XXIe siècle : préserver la dignité des patients et redonner la fierté aux soignants ».

De nombreuses questions d’actualités ou écrites, ont été également adressées au gouvernement. Une lettre a été envoyée au Président de la République en juillet 2020 à la sortie du confinement devant la détresse psychique de notre jeunesse, de nos étudiants, de l’isolement de nos aînés en Ehpad, des difficultés liées au télétravail demandant le remboursement des psychothérapies réalisées par les psychologues. L’annonce d’une prise en charge à hauteur de 50 millions d’euros dès 2022 pour l’ensemble de la population d’un forfait de séances chez le psychologue en ville est une véritable avancée.

Il nous faut pour l’avenir tenir bon en terme d’attractivité des métiers à renforcer et assurer à tous une prise en charge la plus précoce possible en terme de réhabilitation psychosociale dans ses dimensions de remédiation cognitive, des habiletés sociales, de psycho-éducation, de réduction des risques somatiques et psychiques et de prévention de la qualité relationnelle au quotidien pour promouvoir la bientraitance,notamment dans les soins sous contrainte. 

Un regard de bienveillance et d’aidance sur la souffrance psychique, sur « le temps long du prendre soin » relationnel et expérientiel au cœur de la souffrance psychique, au cœur de la reconnaissance de la valeur humaine de la folie, au cœur des parcours de reconnaissance de l’homme dans son humaine condition. Reconnaissance qui porte en elle-même la définition de l’homme, de son parcours de soin, de son parcours de vie.

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