Reconnaître le génocide ouïghour : un symbole fort envoyé par la France

Maud_Gatel-MG
(© Studio 258)

À l'approche de l'ouverture des Jeux olympiques d’hiver de Pékin, dans un contexte géopolitique tendu, l’Assemblée nationale a adopté le jeudi 20 janvier, une résolution dénonçant le « génocide » de la minorité ouïghoure perpétré par l'État chinois. Maud Gatel, députée de Paris, prend la parole. 

Qui sont les Ouïghours et quelle est leur situation en Chine ? 

Le peuple Ouïghour est une minorité résidant principalement dans la Région autonome du Xinjiang en Chine. On estime à plus de 10 millions le nombre de musulmans, ouïghours et kazakhs, qui vivent dans cette région. Depuis 2009, et encore plus depuis le lancement de la campagne « Frapper fort contre la violence terroriste » en 2014, ils font l’objet de persécutions. Des faits aujourd’hui documentés, et ce à trois niveaux : la répression et la torture, la destruction de la culture et de la filiation ouïghoures et la surveillance massive. Sur le premier volet, il est fait état de rafles, d’internements de masse dans des camps, de travail forcé, de torture, de viols ou encore de prélèvements forcés d’organes. Sur le deuxième plan, sont dans le viseur chinois, les lieux de culte et pratiques cultuelles, mais pas seulement. Des enfants sont enlevés à leurs parents pour recevoir une instruction en mandarin, des stérilisations forcées sont organisées, des cadres chinois viennent s’installer dans l’intimité de foyers ouïghours. Et tout cela s’appuie sur la mobilisation de la plus haute technologie numérique pour déployer un système de surveillance et de contrôle tentaculaire.

 L’Assemblée nationale vient de voter une proposition de résolution reconnaissant officiellement le génocide des Ouïghours. Que cela signifie-t-il ? 

L’Assemblée nationale, à la suite du Parlement européen et de plusieurs pays dans le monde, a souhaité poser un acte fort pour signifier que nous étions aux côtés du peuple ouïghour et déterminés à œuvrer, en appui au gouvernement, pour faire pression sur la Chine pour que ces actes cessent. La reconnaissance et la condamnation des crimes contre l’humanité et du génocide est un acte politique significatif. Cependant, face à la gravité des exactions commises, les symboles ne suffisent pas. Le Président Emmanuel Macron a affirmé sa volonté de subordonner l’accord d’investissement entre l’Europe et la Chine à des avancées sur la question ouïghoure. C’est une décision majeure qui va nous permettre d’accentuer la pression sur les autorités chinoises.

 L’Union européenne ne devrait-elle pas intervenir à ce sujet et montrer son unité ? 

Depuis plusieurs années, l’Union européenne exerce les nécessaires pressions sur la Chine, à travers :

  • L’attribution du prix Sakharov 2019 pour la liberté de l'esprit à Ilham Tohti, intellectuel ouïghour, condamné à la prison à vie, pour avoir remis en cause la version officielle chinoise d’une émeute.
  • La résolution du parlement européen du 17 décembre 2020 « sur le travail forcé et la situation des Ouïghours dans la Région autonome ouïgoure du Xinjiang » qui condamne « les actuelles persécutions et violations graves et systématiques des droits de l’homme qui sont assimilables à des crimes contre l’humanité » et appelle la Commission, le Conseil et les États membres à prendre des mesures à la hauteur.
  • Le règlement d’exécution du Conseil de l’Union européenne du 22 mars 2021 qui prononce des sanctions contre 11 personnes physiques et 4 personnes morales impliquées dans les violations des droits de l’homme infligées aux Ouïghours.

La Présidence française, et le levier que constitue l’accord d’investissement avec la Chine, vont permettre à la France d’agir, de concert avec les autres États membres, pour obtenir des avancées.

Le Président Emmanuel Macron a affirmé sa volonté de subordonner l’accord d’investissement entre l’Europe et la Chine à des avancées sur la question ouïghoure

Quel est le pouvoir des organisations internationales pour faire pression sur la Chine ? La situation ne risque-t-elle pas d’engendrer des tensions diplomatiques avec la Chine ?

Aujourd’hui, les autorités chinoises tiennent un discours de négation des faits et entravent les possibilités de visites d’observateurs internationaux au Xinjiang. Dès le début de l’année 2021, Jean-Yves Le Drian a lancé un appel pour qu'une mission impartiale, indépendante et transparente d'experts internationaux se rende dans le Xinjiang, sous la responsabilité de la haute-commissaire aux droits de l'homme. Un autre enjeu est que la Chine ratifie le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies et toutes les conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT), notamment celles sur le travail forcé. C’est en ce sens que travaillent les organisations internationales, l’Union européenne et la France en tête. Cette politique engendre des tensions diplomatiques avec la Chine mais, si face à des crimes contre l’Humanité, nous ne faisions pas primer l’humanité sur la préservation d’intérêts immédiats, alors notre engagement politique humaniste n’aurait pas de sens.  

 

 

 

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