Retour sur la soirée-débat immigration
Mardi 5 décembre, le Mouvement démocrate a organisé une soirée-débat sur l'immigration, au moment où le projet de loi est discuté à l'Assemblée nationale. Pour aborder ce sujet, il est nécessaire de croiser les échelles, européenne, nationale, locale : la sénatrice des Hauts-de-Seine et porte-parole du mouvement Isabelle Florennes, la députée européenne et vice-présidente du mouvement Laurence Farreng et la députée de l'Isère et vice-présidente de l'Assemblée Elodie Jacquier-Laforge ont dressé un constat et répondu aux nombreuses questions des spectateurs.
Maud Gatel (secrétaire générale du Mouvement Démocrate, députée de Paris), qui animait le débat, a rappelé que l'on devait d'abord poser des chiffres. Trop souvent, les débats sur l'immigration sont agités par des passions mauvaises, étayés par les derniers faits divers.
Derrière les chiffres, nous ne devons jamais oublier qu'il s'agit, avant tout, de personnes. Il faut distinguer les différents motifs des titres de séjour (études, humanitaires, divers), ainsi que les pays d'origine (le Maroc, la Chine, l'Algérie, en tête). Parmi les fantasmes régulièrement invoqués par le Rassemblement national ou la droite républicaine, le regroupement familial concerne en réalité entre 12000 et 14000 personnes.
La politique d'asile pose la question des valeurs républicaines à respecter, donc de l'intégration (Marielle de Sarnez avait réalisé un rapport remarquable sur la question). Et si la France est la championne des OQTF, leur mise en œuvre se révèle plus compliquée.
La sénatrice Isabelle Florennes reconnaît une faillite des politiques dans certains territoires ou banlieues, où les communautés se ferment dans la défiance réciproque. Isabelle Florennes explique que le texte actuellement débattu ne va pas agir sur l'asile, cette question relevant du niveau européen.
A l'échelle nationale, il s'agira de mieux contrôler les visas et les arrivées. Quant à la question de la transformation de l'AME en AMU, elle ne constitue pas le cœur du texte. Il faut absolument remettre de la rationalité et de la sérénité dans un débat qui peut facilement s'enflammer.
La députée européenne Laurence Farreng nous parle de la négociation du Pacte Asile Migrations, qui traite du droit d'asile. Plusieurs défis à relever : l'essence de l'Union européenne, c'est bien la libre circulation et la préservation de l'espace Schengen ; un défi humain, humanitaire (depuis 2015, ce sont 25000 migrants morts en Méditerranée) ; la traite des migrants est une source d'organisation mafieuse.
Aux Pays-bas, en Allemagne, en Suède, en Finlande, en Slovaquie, l'extrême-droite et sa rhétorique xénophobe progresse. Une exception comme le Danemark, social-démocratie mais qui impose une immigration zéro, étonne et ne peut pas faire figure de modèle en Europe.
Ce pacte Asile Migrations sera précieux pour contrôler les frontières extérieures, pour un meilleur partage des responsabilités. La coopération avec les pays tiers se trouvera renforcée. Laurence Farreng voit ce pacte comme notre meilleur argument contre les populistes et les europhobes.
La députée Elodie Jacquier-Laforge souligne que l'immigration soulève des problèmes très concrets de cohabitation des uns avec les autres. C'est souvent la peur de l'autre qui sert de réflexe. Ainsi rappelle-t-elle que l'Isère de 1788 craignait l'invasion des Savoyards. La figure de l'étranger l'Italien, le Maghrébin, concentre trop souvent les fantasmes et les haines.
A l'échelle locale, il faut absolument agir sur les freins administratifs et simplifier au maximum les procédures. Réduire les délais est impératif. Trop souvent, une OQTF ne peut être effectuée car le migrant n'a pas de laissez-passer consulaire.
Nombreuses, les questions de la salle reviennent sur plusieurs sujets. L'enjeu démographique : Sur le plan volumétrique, a-t-on besoin désormais d'une immigration plus nombreuse pour compenser le manque de naissances ? Laurence Farreng pense qu'il ne faut pas établir d'équivalence statistiques entre démographie et immigration. La démographie peut également reprendre une dynamique par des politiques familiales.
La question de la compatibilité des cultures est évoquée. Dans certains quartiers, un islam radical se diffuse, plus intransigeant que dans le pays d'origine. Laurence Farreng reconnaît que l'intégration exige une adoption des valeurs de la République, mais voit la question religieuse comme un terrain glissant : la laïcité à la française est une exception en Europe, où la plupart des pays sont davantage multiculturalistes.
Le député de la Loire Emmanuel Mandon intervient pour regretter la lepénisation croissante des esprits, qui peinent à reconnaître la richesse de l'immigration. Des faits divers montés en épingle font ainsi figure de loi générale, au mépris des chiffres, qui permettent de mieux saisir l'état des lieux.
Est-ce avec un nouveau texte que l'on résoudra les problèmes les plus épineux ? Le sénateur Jean-Marie Vanlerenberghe salue la qualité du débat et revient sur son expérience de maire d'Arras : l'immigration concentre les peurs et les fantasmes, elle touche également à la difficulté à vivre avec les autres, qui ne nous ressemblent pas. Il faut, humblement, réfléchir aux manières de se comprendre, à ce que signifient l'accueil et l'intégration.