Sandrine Josso : "La soumission chimique, c’est le crime parfait"
Louise Colcombet pour Le ParisienDans un entretien pour Le Parisien, Sandrine Josso, députée MoDem de Loire-Atlantique, revient sur sa terrible expérience et développe ses premières pistes de réflexion pour lutter contre la soumission chimique comme la mise en place d'une mission parlementaire. Lire son entretien.
Le Parisien : Vous faites votre retour dans l'hémicycle après un long mi-temps thérapeutique. Comment allez-vous ?
Sandrine Josso : De mieux en mieux. Mais j'ai été très secouée et je souffre encore de stress post-traumatique.
J'ai vécu une sidération suivie d'une phase d'hypervigilance pendant laquelle je sursautais au moindre bruit et ne pouvais même pas sortir de chez moi... Sidération, parce que je croyais être chez un ami qui s'est révélé être un prédateur, mais aussi à cause de la drogue. Je n'en avais jamais pris de ma vie ! Les effets étaient terribles : je me suis mise à trembler, à avoir des sueurs, la nausée, le coeur qui s'emballe.
J'ai cru que je faisais une crise cardiaque et que j'allais mourir.
(...)
Que retenez-vous de cette terrible soirée ?
J'ai reçu des centaines de témoignages et, à l'évidence, le phénomène est mal connu, donc sous-évalué. On est à près de 2 000 signalements à Paris en 2022, mais on est encore loin du compte.
À Lariboisière, les médecins voient des victimes tous les jours ! Mais encore faut-il en avoir conscience, puisque le produit même vous fait douter, voire provoque une amnésie. Sans compter la honte et la culpabilité que ressentent les victimes d'abus sexuel. Or ça n'arrive pas que dans des lieux festifs, mais le plus souvent dans la sphère privée, y compris avec des médicaments courants.
Qu'on se le dise, les prédateurs sont partout. La soumission chimique, c'est du berceau à la maison de retraite !
Pourquoi être devenue marraine de l'association M'endors pas ?
Je veux que mon expérience serve. J'ai réalisé que j'avais eu, dans mon malheur, une chance incroyable parce j'ai été prise en charge immédiatement. Ces produits s'évacuent très vite, c'est donc une vraie course contre la montre. Mais pour que ces analyses, très coûteuses, soient prises en charge, il faut d'abord porter plainte. Ce qui suppose d'être reçue rapidement, d'être crue, et proche d'un hôpital.
Tous ces obstacles font qu'aujourd'hui la soumission chimique, c'est le crime parfait.
Or il est possible de court-circuiter les prédateurs : en Angleterre, des bandelettes pour tester sa boisson sont distribuées gratuitement. Ici, les capuchons pour les verres sont encore financés par les établissements eux-mêmes... On doit aussi être capable de faire des prélèvements rapides, partout en France : on pourrait s'appuyer sur les pharmacies de garde, ouvertes toute la nuit, ou les infirmières libérales.
Au-delà de votre question au gouvernement, comment comptez-vous porter ce combat ?
Dans cette période de remaniement ministériel, je tiens à dire que je mettrai tout en oeuvre et sans relâche pour que la prise en charge des victimes, avérées invisibles, soit véritablement optimisée.
Il faut une mission parlementaire pour qu'on puisse chiffrer correctement le phénomène et mettre en place des solutions efficaces pour l'endiguer.
En tant que vice-présidente de la délégation aux droits des femmes à l'Assemblée nationale, je sais que l'on en est encore à l'âge de pierre sur ces questions.
Mais il n'est pas tolérable qu'en 2024, on puisse entrer par effraction dans la tête et le corps des femmes en toute impunité.