Sandrine Josso : "Nous voulons donner la parole aux victimes de soumission chimique"

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(© Journées parlementaires 2020)

Les auditions de la mission gouvernementale sur la soumission chimique ont commencé. La députée MoDem, qui a elle-même été droguée à son insu, en présente les enjeux pour Le Point.

Le Point : Les premières auditions de la mission gouvernementale ont commencé hier, comment se passent-elles ?

Sandrine Josso : Nous avons vraiment voulu donner la parole aux victimes de soumission chimique, qui deviennent malgré elles des expertes. Des hommes et des femmes ont témoigné, parfois, sous le couvert de l'anonymat. C'était très émouvant. Toutes ces personnes nous ont raconté leur histoire. Celles qui ont porté plainte nous ont décrit comment elles l'ont vécu, et ce qu'il fallait améliorer selon elles. Celles qui ont choisi de ne pas le faire, nous en ont détaillé les raisons.

Nous avons parlé des difficultés rencontrées dans la vie sociale et la vie professionnelle, comment elles vivent avec ce traumatisme, comment leurs proches aussi – victimes collatérales – appréhendent cet épisode, et les accompagnent. Et puis, nous avons aussi évoqué la réparation de ce traumatisme qui peut être longue et très difficile.

Toutes les personnes auditionnées, qui connaissent très bien le parcours douloureux après une soumission chimique, feront partie d'un groupe de travail qui aura pour vocation d'apporter des propositions.

Vous-même avez été victime de soumission chimique. Entendre le récit de toutes ces personnes a dû être très éprouvant…

Six mois après, je commence tout juste ma reconstruction.

J'aborde ces auditions avec humilité et détermination, et ayant aussi conscience de ma vulnérabilité. Car quand vous avez été drogué à votre insu, vous êtes figé dans votre traumatisme, et votre tête ne suit plus.

Vous avez des douleurs à l'intérieur de votre corps, et vous êtes en hypervigilance. Moi-même, j'ai souffert d'une sciatique et d'une hernie discale, parce que je me crispais tout le temps. Je n'étais jamais détendue. Je n'avais plus confiance en mon corps, en mes capacités. C'est un déséquilibre total : physique, psychologique, relationnel et social. Et malheureusement, tout ce que j'ai vécu, c'est ce que traversent toutes les victimes.

Parce qu'une soumission chimique, c'est une atteinte à l'intégrité de la personne humaine : on a voulu vous empoisonner. C'est aussi un abus de confiance, car les prédateurs sont souvent des personnes que la victime connaît, donc c'est d'une violence extrême. Comment, dans notre société, peut-on continuer à vivre lorsque le lien est tellement abîmé ?

Votre mission durera six mois. Quels en sont les objectifs ?

L'un des objectifs est le recensement précis des victimes dans tout le territoire. Actuellement, il est difficile d'en connaître le nombre puisque toutes ne portent pas plainte.

Dans notre mission, il existe tout un volet prévention pour reconnaître les signes, savoir comment agir, et faciliter le parcours des victimes. Une fois que la personne prend conscience de ce qu'il s'est passé – ce qui n'est pas aisé –, une course contre la montre commence. Il faut se rendre dans un laboratoire pour faire une prise de sang ou une analyse d'urine. Certains peuvent aussi faire une analyse séquentielle des cheveux, qui permet de retrouver les substances administrées plusieurs mois après. Et là encore, les délais d'attente peuvent être très importants, en fonction de la présence des laboratoires sur le territoire.

Et il faut ensuite pouvoir faciliter le dépôt de plainte. Si le personnel – dans les commissariats, dans la justice et la médecine – peut être formé aux violences sexistes et sexuelles, peu de gens le sont à la soumission chimique et à l'accompagnement des victimes.

L'objectif serait enfin d'améliorer la prise en charge. Aujourd'hui, les victimes sont mal accompagnées : commencer un processus de réparation et porter plainte n'est possible que si on a les moyens de payer un psychologue, de payer un avocat.

(...)

Qu'est-ce que vous espérez ?

Il faut vraiment que la peur change de camp. Aujourd'hui, les prédateurs ont parfois plus de droits que les victimesPourquoi 94 % des plaintes sont-elles classées sans suite ? Pourquoi certains agresseurs s'en sortent-ils avec du sursis ? Pourquoi les laisser dans l'impunité ? Plusieurs questions se posent dont celle de l'imprescriptibilité.

Ainsi, lorsque les victimes décident d'aller porter plainte, il faut qu'elles puissent être mieux accompagnées, plus écoutées à tous les niveaux, tant dans les commissariats qu'à l'hôpital, qu'auprès des psychologues.

Que cette mission aboutisse à une loi et à des peines exemplaires pour les prédateurs.

J'aimerais enfin que toutes les victimes puissent être reconnues et crues. Malheureusement, ce n'était pas possible d'auditionner toutes les personnes, mais toutes celles qui le souhaiteront pourront livrer leur témoignage, anonyme ou non, au sein d'un livre blanc qui fera partie des annexes dans la remise du rapport.

Toutes les personnes souhaitant livrer leur témoignage dans ce livre blanc peuvent le faire sur ce lien : : https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSdnzMNu26Sw_eevc0-kWrpk0tmVe89VYkFuwsbRECwxEoODkA/viewform ?pli=1

🗞 Retrouvez l'entretien complet dans Le Point

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