Sarah El Haïry : "Au MoDem, nous ne sommes pas des sales gosses, nous sommes un parti exigeant"
La ministre déléguée à l’Enfance, à la Jeunesse et aux Familles, Sarah El Haïry, par ailleurs vice-présidente du MoDem, défend la position occupée par son parti dans la majorité, celle d’un parti libre dans le journal L'Opinion.
Les faits - Le parti centriste tient son congrès les samedi 23 et dimanche 24 mars, à Blois (Loir-et-Cher). Les dirigeants de Renaissance et Horizons, Stéphane Séjourné et Edouard Philippe prononceront un discours en clôture du week-end
Sarah El Haïry est ministre déléguée auprès de la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, de la ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse et du garde des Sceaux, ministre de la Justice, chargée de l’Enfance, de la Jeunesse et des Familles.
Sept ans après avoir rejoint la majorité, le MoDem lui apporte-t-elle encore quelque chose ?
Oui et à plusieurs endroits. A l’Assemblée nationale, notre président de groupe, Jean-Paul Mattei, a réconcilié ses homologues, Sylvain Maillard et Laurent Marcangeli, après le départ de deux députés Renaissance vers Horizons. Au gouvernement, nous sommes en charge des sujets les plus ancrés dans la vie quotidienne : la crise agricole pour Marc Fesneau, les affaires européennes pour Jean-Noël Barrot, Marina Ferrari pour le numérique, la famille en ce qui me concerne. Autant à l’Assemblée nationale qu’au gouvernement, le MoDem apporte une sensibilité et une vue politique. La sortie de François Bayrou à la veille du remaniement illustre à quel point il est important d’avoir des paroles fortes dans le débat national. Nous sommes les seuls à pouvoir parler avec des socialistes comme avec des LR. Cela rappelle que François Bayrou est le père du dépassement.
Le refus de François Bayrou d’entrer au gouvernement et les raisons de fond avancées ont-ils été digérés par les élus du MoDem ?
Le sujet aujourd’hui, c’est comment peser plus et comment montrer qui nous sommes. Les ministères que nous occupons recoupent nos sujets historiques : la famille, les affaires européennes – nous sommes le parti le plus européen de la majorité – et l’agriculture – nous possédons un fort ancrage local. Ces sept dernières années, nous avons porté les maisons France Service, le Service national universel, le débat sur les super-profits, bientôt le congé de naissance.
Justement, la taxation des super-profits n’a jamais abouti, comme d’autres propositions historiques du MoDem, telle que la proportionnelle aux législatives... N’êtes-vous pas frustrée ?
Nous avançons malgré tout. Nous portons des propositions attendues par les Français au-delà de la majorité. La banque de la démocratie est soutenue par les oppositions. Le congé de naissance est attendu par les classes moyennes. Nous défendons les classes moyennes.
Vous avez exercé des fonctions ministérielles à la Jeunesse, à la Biodiversité, maintenant à l’Enfance. Le MoDem est-il une variable d’ajustement à chaque remaniement ?
Pas du tout. Je ne suis pas une techno, je n’ai pas un seul sujet auquel je m’intéresse. J’ai une identité qui fait que je peux réunir des gens qui ne se parlent pas autour d’une même table. Pour le SNU, j’ai réuni des militaires, des associations et des enseignants. Aujourd’hui, pour régler le problème de la garde d’enfants, j’ai besoin des entreprises, des familles, des communes. Le MoDem est un trait d’union.
Vous vous retrouvez ce week-end en congrès. Quel est son enjeu ? Est-ce que vous êtes déjà dans la préparation des prochaines échéances électorales ?
Déjà, c’est un anniversaire : les 100 ans. Un parti politique prépare toujours les échéances électorales. Nous n’avons pas attendu notre congrès pour réfléchir aux élections municipales de 2026. Nous possédons des chefs de file dans de nombreuses villes et nous travaillons déjà à des stratégies opérationnelles. Nous voulons prouver que nous, au MoDem, pouvons avoir une approche différente, fondée sur des rassemblements larges, construits à partir de réalités locales.
La succession de François Bayrou se prépare-t-elle aujourd’hui ?
Il est aujourd’hui en pleine forme. Il a réussi à faire émerger plusieurs générations de dirigeants politiques, celle de Marc Fesneau et Patrick Mignola, celle de Jean-Noël Barrot et la mienne. Il n’est pas un chef de parti qui coupe les têtes qui dépassent. Au contraire. Sinon, il n’aurait jamais permis que nous ayons cette expérience gouvernementale. Il aurait prôné une sorte de changements perpétuels entre les parlementaires et les ministres issus du MoDem.
Votre congrès s’organise selon quatre axes : humaniste, écologiste, solidaire et libre. Il fallait rappeler l’importance de cette liberté ?
Beaucoup imaginent qu’une adhésion à un parti entraîne un musèlement. Mais non, il faut continuer à amener de la contradiction. En 2017, beaucoup pensaient que nous serions des frondeurs, des mauvais camarades. Nous n’avons pas joué ce rôle. Nous avons eu une parole forte et libre. La liberté est une valeur à défendre.
Faut-il défendre plus encore votre liberté au sein de la majorité ?
Elle a toujours existé.
Faut-il la souligner ?
Personne ne peut dire aujourd’hui que le MoDem n’est pas un parti libre dans la majorité. Oui, nous sommes des bâtisseurs d’unité, mais l’unité, elle, ne passe pas par l’harmonisation. Soutenir des propositions alternatives est bénéfique pour la majorité. C’est cela qui nous guide. Nous ne sommes pas des sales gosses. Nous sommes un parti responsable et exigeant.