Sarah El Haïry : "On doit construire un soutien à la parentalité"
Propos recueillis par Paula Pinto Gomes pour La CroixDans La Croix, Sarah El Haïry, ministre de l'Enfance, de la Jeunesse et des Famille annonce la reformation de la commission parentalité, enterrée quelques jours après sa création fin 2023. Composée des mêmes spécialistes, elle fera des propositions d’ici à décembre.
La commission parentalité créée par Aurore Bergé en décembre 2023, à la suite des émeutes de l’été, n’a jamais vu le jour. Plusieurs experts ont renoncé à y participer, estimant qu’elle était placée « sous l’égide de méthodes répressives ». Aujourd’hui, vous la relancez. Quelle sera l’orientation de la nouvelle commission ?
Sarah El Haïry : Moi, je n’ai pas la culture de la phrase choc mais plutôt celle du consensus et du dialogue. Je suis allée chercher un à un les membres de cette commission pour qu’ils reviennent autour de la table. Mon objectif est de recréer de la confiance parce que nous avons besoin de ces experts pour répondre aux questions que se posent les parents. Nous avons reconstruit une feuille de route avec les deux coprésidents, qui a vocation à être travaillée en toute indépendance. Il n’y a pas de commande politique.
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Quelle est la nouvelle feuille de route ?
S. E. H. : La commission travaillera pour aider les familles à relever les nouveaux défis auxquels elles sont confrontées. Comment faire face aux écrans ? Comment construire l’équilibre familial quand on a un travail qui ne s’arrête plus à la porte de la maison et que le rapport au temps a changé ? La parentalité des années 1960 n’est pas celle des années 2000, qui n’est pas celle d’aujourd’hui.
Les experts s’intéresseront en particulier à l’adolescence. Cette période souvent difficile n’est pas assez prise en compte dans l’aide à la parentalité. Ils réfléchiront également à des pistes pour aller vers les parents les plus en difficulté, qui ont du mal à demander de l’aide. On doit construire un soutien à la parentalité qui ne soit pas jugeant. Aujourd’hui, les familles sont plurielles et peuvent avoir besoin d’être accompagnées à différents moments de leur vie : l’arrivée d’un enfant, une recomposition familiale... Il faut sortir de l’image du « super-parent » qui conduit parfois au burn-out.
Ce comité abordera aussi la question de l’exercice de la responsabilité parentale par les deux parents en cas de séparation pour garantir un investissement éducatif équilibré. Il réfléchira, enfin, à la manière de soutenir les familles dans les espaces de vie collectifs, où elles sont de moins en moins tolérées, ou encore en entreprise.
L’actualité récente, à Montpellier ou Viry-Châtillon, interpelle sur la violence des jeunes. Comment aider les parents ?
S. E. H. : Je veux d’abord dire aux parents que l’État protège leurs enfants. Conformément à l’objectif fixé par FrançoisBayrou dès 1996, l’école doit être un sanctuaire. C’est le sens du plan pour la sécurisation des établissements annoncé jeudi, avec la sécurisation physique de 500 établissements identifiés comme les plus sensibles, la formation des personnels, la création d’équipes mobiles nationales et l’accompagnement des victimes.
Les parents ne doivent pas être seuls. C’est le rôle de tous les adultes de ne pas tolérer la violence infantile, d’intervenir et de créer les conditions pour qu’elle soit sanctionnée de manière graduée et adaptée à l’âge des élèves. Les petits renoncements exposent aux grandes défaites.
À quelle date la commission fera-t-elle ses propositions ?
S. E. H. : Ma demande, c’est que les experts puissent travailler en deux temps pour faire d’abord un état des lieux, en juin ou juillet, puis des propositions concrètes, d’ici à la fin de l’année. C’est un calendrier assez intense.