Tribune de Sandrine Josso : Nos enfants meurent et nous regardons ailleurs.

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Face à des cas de cancers pédiatriques dans son département de Loire-Atlantique et à l'absence de données d'analyses environnementales permettant d'en expliquer les origines, la députée Sandrine Josso s'exprime dans une tribune du journal Le Monde ce mardi 3 août 2021.

Depuis 2015, vingt-cinq enfants ont déclaré un cancer dans un périmètre de 15 kilomètres autour de la commune de Sainte-Pazanne (Loire-Atlantique). Il ne se passe donc pas six mois sans qu'un nouvel enfant soit atteint. Une jeune fille est décédée il y a quelques semaines, portant à six le nombre de morts liées à un cancer pédiatrique dans la zone. Un enfant mort, c'est un de trop. Six, c'est intolérable. 

Ce n'est pas faute d'alerter depuis plusieurs années. Dès 2017, l'agence régionale de santé (ARS) des Pays de la Loire se saisit de l'affaire à la suite du signalement d'une lanceuse d'alerte. Aucun lien direct n'est établi entre les polluants et les cancers, et aucune enquête complémentaire n'est diligentée. Bis repetita en février 2019, lorsque l'ARS saisit Santé publique France (SPF). Cette dernière conclut bien à la présence d'un foyer de cancers pédiatriques, mais ne préconise pas la poursuite d'analyses de données environnementales pour déterminer la cause des cancers. La démission des responsables publics doit nous interroger.

Comment est-il possible qu'aucune analyse ne soit menée sur le lien potentiel entre cumul de substances nocives dans l'environnement et surreprésentation des cancers pédiatriques sur le territoire ? C'est négliger le bon sens et fermer les yeux sur l'effet cocktail qui découle de l'addition de substances chimiques dans l'environnement. Le cancer est une maladie multifactorielle : refuser d'investiguer toutes ses potentielles origines, c'est laisser les métastases se propager dans le corps social. 

Principe de prévention 

L'exposition aux facteurs nocifs n'est pas un problème localisé, mais touche le pays entier, et la santé des Français doit être une priorité nationale. Pour mettre fin à ce fléau invisible, il n'est pas nécessaire de déployer l'artillerie lourde : nous avons déjà les outils. 

Passons du principe de précaution au principe de prévention. En croisant les données de SPF avec les données environnementales et de biodiversité, nous pourrions mieux saisir l'ampleur de l'effet cocktail. Ces informations en main, le passage à l'action sera plus efficace. Ensuite, la création de moratoires relatifs aux installations dans les agglomérations où une surmortalité est observée est nécessaire et urgente. Mettons également un terme aux dérogations préfectorales permettant une poursuite des activités industrielles sans prise en compte du danger. Au lendemain d'élections régionales et départementales, rappelons l'impact environnemental des décisions d'aménagement du territoire qui reposent sur ces collectivités. 

Parallèlement, il est crucial d'assurer un suivi des polluants cancérogènes dans les agglomérations et établissements recevant du public quand la surmortalité est avérée. Des observatoires de la santé environnementale pourraient recueillir les informations et établir des contrats locaux de santé consacrés à la diminution de la concentration de substances dangereuses. Tout aussi fondamentale, la recherche doit être consolidée avec des budgets mieux fléchés. 

Un peuple qui ne cherche pas à savoir se condamne à mourir. Mettre à jour et publier ouvertement le nombre de cancers pédiatriques et de cancers adultes par commune permettra à chacun de s'informer librement. Les entreprises ont aussi un rôle à jouer. Peu importe leur taille, dès lors qu'elles émettent des polluants cancérogènes, elles doivent être répertoriées sur une liste publiée dans Géorisques [une base de données publique qui diffuse de l'information sur les risques naturels et technologiques] et communiquer sur leur respect des réglementations nationale et européenne concernant les seuils d'émissions. Impliquons-les entièrement dans la résolution de cette situation, en exigeant des mesures transparentes et leur participation au financement des associations de surveillance de la qualité de l'air. 

Nos enfants meurent sous nos yeux, il est temps d'arrêter de détourner le regard. Agissons pour la santé environnementale.

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