Tribune : Le courage de Gisèle Pelicot ne doit pas être une exception, mais un exemple à suivre, par Sandrine Josso
Missionnée par le gouvernement Attal puis par celui de Michel Barnier, la députée MoDem Sandrine Josso s’engage, à la veille de la clôture du procès des viols de Mazan, à porter la parole des victimes de soumission chimique et le souligne dans une tribune publiée par Libération.
La soumission chimique est une expression scientifique pour qualifier un des premiers modes opératoires des agressions sexuelles, qui consiste à administrer à une personne à son insu une substance médicamenteuse ou une drogue dans le but de la rendre vulnérable pour abuser d’elle à des fins sexuelles ou délictuelles.
C’est un fléau de santé publique, dans 80 % des cas les victimes connaissent leurs agresseurs et ces agressions se passent dans 90 % des cas dans la sphère privée, par un proche issu du cercle familial ou amical.
99 % des victimes n’ont pas de preuve car c’est un véritable contre-la-montre pour les obtenir, avec de nombreuses embûches liées au secteur géographique, à la sédation – qui consiste à endormir les victimes – et à l’errance de diagnostic pour la repérer, et au fait que ces substances disparaissent rapidement du corps. C’est le crime parfait.
Augmentation des signalements
La soumission chimique dans la sphère intrafamiliale, longtemps passée sous silence médiatique et ignorée du grand public, a été révélée aux yeux du monde par l’affaire Pelicot.
Ce procès a clarifié la volonté et l’engagement de nombreux professionnels de santé, tant l’errance médicale de Gisèle Pelicot a été soulignée. Il a aussi révélé le climat incestueux dans cette famille avec la fille de Gisèle Pelicot, qui est la grande oubliée de ce procès faute de preuves, ce qui est justement le propre de ce crime : l’absence de preuve.
En France, l’augmentation des signalements est notable ces dernières années. Le mouvement #MeToo a permis une libération de la parole des victimes et a eu pour répercussion une hausse de 69 % de cas dénoncés entre 2021 et 2022.
Demain se termine à Avignon LE procès de la soumission chimique en France, avec 51 accusés, dont Dominique Pelicot, ce procès aura duré trois mois et demi.
Même les scénaristes les plus sombres n’auraient pu imaginer l’horreur de ce qui s’est passé à Mazan et de ce qu’a subi Gisèle Pelicot.
A travers cette affaire, nous avons découvert une perversité extrême et une instrumentalisation de la femme sans aucune limite. Ce que Gisèle Pelicot a enduré est insoutenable à découvrir et entendre.
Pourtant, son courage a transcendé les frontières de ce procès. Sa prise de parole a résonné bien au-delà de la salle d’audience, inspirant d’autres victimes à briser le silence. Elle incarne ces valeurs universelles que nous aspirons à retrouver dans nos institutions : la vérité, la résilience et la solidarité.
L’arbre qui cache la forêt des violences sexuelles
Alors que le procès touche à sa fin, il est essentiel que la société dans son ensemble retienne les leçons de cette affaire. Le courage de Gisèle Pelicot ne doit pas être une exception, mais un exemple à suivre. Pour cela, il faut créer les conditions d’un monde où chacun peut s’exprimer sans craindre de représailles, où les crimes des puissants ne restent pas impunis, et où la dignité humaine est au cœur des priorités. La présomption d’innocence est un principe fondamental de notre droit, pas de notre morale. La parole de la victime doit être protégée et sacralisée. La présomption d’innocence ne doit jamais être un frein à la libération de la parole des victimes, ni même minimiser l’impact des conséquences sur la santé physique, la santé mentale et la vie des victimes.
Ce procès historique par son ampleur, par sa durée, par le nombre d’accusés, par son retentissement international, et je l’espère par l’exemplarité des peines qui seront prononcées, doit faire bouger les lignes, et il le fera à tous les niveaux que ce soit : le travail des enquêteurs, l’activité des experts, le rôle des avocats…
J’y veillerai au travers de la mission gouvernementale qui m’a été confiée d’abord par Gabriel Attal puis par Michel Barnier jusqu’au mois de mai, et dont l’objet est de faire des propositions pour endiguer la soumission chimique, qui est l’arbre qui cache la forêt des violences sexuelles, tant sur le plan de la prévention que de l’éducation, mais aussi sur le plan judiciaire, sans oublier le domaine de la santé, pour assurer un véritable parcours sécurisé pour les victimes.
Il reste donc énormément à faire, tant sur le plan législatif que réglementaire. Vous pouvez compter sur mon engagement pour faire en sorte que la honte change de camp, pour que les victimes puissent se réparer en toute sérénité et atteindre l’objectif de mettre fin à l’impunité.
Victimes, vous n’êtes plus seules.
Retrouvez la tribune dans Libération.