Tribune - « Renforcer la fiscalité comportementale : une urgence de santé publique »
Dans une tribune publiée dans L'Opinion, 20 députés Les Démocrates menés par Cyrille Isaac-Sibille se mobilisent pour étendre la « taxe soda », dans le cadre du projet de loi de finances de la sécurité sociale, aux aliments ultra-transformés.
Les pathologies chroniques explosent en France : cancers, maladies cardiovasculaires, diabète… Elles impactent durement le quotidien des Français, saturent un système de santé déjà sous tension, et creusent les déficits publics.
L’excédent de graisse corporelle constitue un risque majeur pour la santé, étant lié à une vingtaine de pathologies évitables, notamment des maladies cardiovasculaires, métaboliques, articulaires, respiratoires, et à certains cancers.
Actuellement, un Français sur deux est en situation de surpoids ou d’obésité, et en l’espace de 25 ans, l’obésité chez les jeunes adultes a quadruplé. Par ailleurs, les cancers et les maladies cardiovasculaires demeurent les premières causes de mortalité dans notre pays.
Comment en sommes-nous arrivés là ? En partie à cause de l’évolution de nos modes de vie et de notre alimentation. Le sucre est omniprésent dans nos assiettes : boissons sucrées, plats préparés, aliments ultra-transformés… Les plus jeunes et les ménages modestes sont particulièrement exposés.
Le phénomène des « bébés Coca », ces enfants de moins de six ans aux dents de lait noires, rongées par le sucre, en est une tragique illustration.
Face à cela, il est impératif d’agir, en déployant un éventail de solutions : en améliorant certains outils mis en place ces dernières années, en s’inspirant des travaux du rapport de Martine Laville sur la prévention et la prise en charge de l’obésité remis en 2023 au ministère de la Santé mais aussi en envisageant, sereinement et sans tabous, le levier de la fiscalité comportementale.
La fiscalité comportementale s’impose comme un des leviers efficaces pour transformer nos environnements alimentaires et encourager des choix plus sains, en complément d’autres mesures de prévention et d’éducation. Elle est largement soutenue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et mise en œuvre avec succès dans plusieurs pays, comme le Royaume-Uni, l’Afrique du Sud, le Mexique.
Pourtant, en France, la taxe sur les sucres ajoutés dans les boissons non alcoolisées, instaurée en 2012, n’a pas produit les effets escomptés. Des paliers trop nombreux ont conduit à des hausses de prix insignifiantes et à un manque d’incitation des industriels à réduire les quantités de sucre dans leurs produits.
Résultat : les aliments trop sucrés continuent de proliférer dans les rayons et, avec eux, l’obésité et les maladies chroniques. Tout cela pour un coût sociétal de plus de 20 milliards d’euros par an.
Pour réduire notre consommation de sucre, il faut s’attaquer à sa présence excessive dans nos produits de consommation courante. Deux mesures clés sont défendues par le groupe « Les Démocrates » depuis plusieurs années et le seront à nouveau dans le débat qui s’ouvre en séance publique à l’Assemblée nationale la semaine prochaine.
La première consiste à simplifier et rendre plus efficace la « taxe soda », en s’inspirant du modèle britannique à trois paliers. Au Royaume-Uni, cette taxe en trois paliers a permis une réduction de 40 % du sucre dans les boissons, avec des résultats quatre fois supérieurs à ceux observés en France.
La seconde consiste à étendre cette fiscalité aux aliments ultra-transformés, qui échappent encore à toute régulation.
L’objectif est clair : améliorer la qualité nutritionnelle des aliments en France et protéger la santé des consommateurs. Cette mesure de santé publique permettra de rendre plus compétitifs les produits vertueux, qui privilégient les sources alimentaires naturelles et peu transformées.
Les industriels soucieux à la fois du bien-être des consommateurs et de la qualité de leur production seront ainsi favorisés. Quant aux consommateurs, ils doivent être encouragés à faire des choix plus éclairés, tout en réduisant leur consommation de produits riches en sucre.
Nous saluons l’engagement de la ministre de la Santé et de l’Accès aux soins, Geneviève Darrieussecq, qui soutient cette réforme essentielle pour lutter contre cette épidémie silencieuse qui frappe près de la moitié de nos concitoyens : la surcharge pondérale.
Alors que le débat budgétaire se poursuit à l’Assemblée nationale, nous appelons le Parlement à se saisir de cette proposition de notre groupe, au-delà des différentes sensibilités, et sommes convaincus que le gouvernement saura soutenir ces mesures indispensables à la santé publique.
Signataires :
- Cyrille Isaac-Sibille, député du Rhône
- Erwan Balanant, député du Finistère
- Anne Bergantz, députée des Yvelines
- Christophe Blanchet, député du Calvados
- Blandine Brocard, députée du Rhône
- Laurent Croizier, député du Doubs
- Sandrine Josso, députée de la Loire-Atlantique
- Philippe Latombe, député de Vendée
- Pascal Lecamp, député de la Vienne
- Delphine Lingemann, député du Puy-de-Dôme
- Eric Martineau, député de la Sarthe
- Sophie Mette, députée de Gironde
- Louise Morel, députée du Bas-Rhin
- Didier Padey, député de Savoie
- Jimmy Pahun, député du Morbihan
- Frédéric Petit, député des Français établis hors de France
- Maud Petit, députée du Val-de-Marne
- Josy Poueyto, députée des Pyrénées-Atlantiques
- Sabine Thillaye, députée d’Indre-et-Loire
- Nicolas Turquois, député de la Vienne