Démocratie & Citoyenneté : comment réveiller la conscience civique ? 

Comment lutter contre l’abstention, contre un endormissement de la conscience civique ? Le vote est incontournable, puisqu’il fixe le choix des représentants de la nation. La défiance des citoyens envers les élites pose question. Un parti doit, aujourd’hui, s’interroger sur son rôle et renouer avec l’énergie des citoyens, militants et sympathisants. Au-delà du vote, l’engagement, ce sont aussi les mouvements, les associations, les marches, les débats, une ébullition qui ne demande qu’à se structurer.

L’eurodéputée Laurence Farreng nous parle des élections européennes, traditionnellement boudées par les électeurs, et qui représentent un véritable cas d’école. Or, en 2019, l’abstention annoncée a été moins forte que prévu. Pourquoi ? En amont, les grands débats organisés lors de la crise des Gilets jaunes ont permis à une réflexion citoyenne de mûrir, de maturer. Un éveil s’est produit. Lorsqu’en amont d’une élection, le débat s’organise, la démocratie y gagne.

L’ambassadeur Yann Wehrling observe que le climat est un enjeu fortement mobilisateur. C’est souvent un déclencheur de l’engagement. Ce sont des questions générationnelles, cruciales pour l’avenir. La forme du modèle de développement doit être interrogée. Les manifestations pour le climat ont abouti à une forme inédite, la Convention citoyenne pour le climat, qui a naturellement généré des tensions : On demande directement aux citoyens d’écrire à la place des politiques, des corps constitués qui, dès lors, voient l’entreprise d’un œil méfiant, comme un vol de leur légitimité. Or, ce n’est qu’un début. Les corps constitués comme les citoyens vont apprendre, en travaillant ensemble, à aller vers de nouveaux modes de prise de décision, plus participatifs.

Fabien Robert souligne la nécessité d’un changement d’attitude, de vocabulaire chez les élus. Les citoyens ne pardonnent pas les écarts entre le dire et le faire. Oui, abonde le secrétaire général adjoint Richard Ramos, tout est dans le faire. Nous devons avoir un autre rapport à l’autre : pas de donneurs de leçons, mais d’accompagnement dans le faire faire. Pour éveiller au goût, par exemple, faire cuisiner les enfants, les faire rencontrer un paysan. « J’ai tenu un journal pendant 17 ans, je me suis finalement trompé » lance-t-il avec malice. Ce qu’il faut, c’est aller directement au contact des gens. Est-ce le rôle d’un député ? « Lorsque j’ai déversé, avec mon écharpe, une tonne d’oignons, suis-je dans mon rôle ? » demande Richard Ramos : Oui, je le pense vraiment. Je parcours les territoires, sur le terrain, pour dénoncer les industriels qui empoisonnent les Français pour faire du fric. Je suis à la fois député de terrain et de la nation. Le Parlement ne peut pas être celui qui court derrière le peuple. Nous devons anticiper la société. Chaque député, doit son couloir de nage, doit se battre pied à pied pour répondre aux problèmes de la société.

Oui, souscrit le député Erwan Balanant, rapporteur pour le CESE, chacun avec son style, les députés doivent agir sur les questions pour lesquelles ils ont les compétences. Tout l’équilibre, délicat, consiste à articuler l’ébullition citoyenne avec la mise en œuvre institutionnelle. Le citoyen n’a jamais été aussi actif. Si le président du Mouvement Démocrate François Bayrou est très opposé au tirage au sort, Erwan Balanant estime cette piste, dans certaines conditions et limites, intéressante. Il faut transformer les institutions pour mieux articuler la démocratie représentative et la démocratie participative. Pour Erwan Balanant, il est impératif que chacun comprenne les règles de ce travail en commun : on travaille avec les citoyens, directement, sur les questions soulevées. Ensuite, c’est au Parlement de fabriquer la loi. Il faut, évidemment, que les citoyens s’y retrouvent et ne se sentent pas dépossédés. C’est tout l’enjeu.

La ministre Nathalie Elimas salue le remarquable travail d’Erwan Balanant, qui a remis récemment un rapport sur la lutte contre le harcèlement scolaire. A la racine, l’éducation est le sujet fondamental. La laïcité, l’égalité entre les femmes et les hommes, le respect mutuel, la lutte contre les violences représentent des valeurs républicaines essentielles. L’assassinat abominable de Samuel Paty a réveillé chez nous des crispations très fortes. L’investissement du ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer a été très important pour accompagner nos professeurs dans ce moment très dur, par des vademecum, des fiches claires. Nathalie Elimas œuvre pour l’éducation prioritaire : elle insiste pour que soit évitée toute stigmatisation. Les réseaux d’éducation prioritaire ne sont pas plus enclins que les autres aux actes de violence.

 Laurence Farreng, qui fait partie de la commission européenne pour la culture et l’éducation, souligne que la question de la mixité est la clé. C’est à chaque élu qu’il revient d’apporter un éclairage de terrain, un peu de fourmi. Au niveau européen, rapprocher les institutions européennes des citoyens est une nécessité. L’expression citoyenne, civique existe sur de nombreux réseaux sociaux. C’est à l’échelle européenne qu’il convient de réguler la haine en ligne.

Nathalie Elimas aime à rappeler que nous formons une vraie famille politique. Avant son entrée au gouvernement, elle a d’ailleurs remis un rapport sur les évolutions de la famille, cellule essentielle de la société. Famille politique, nous devons recréer tous ensemble du commun, créer de la différenciation à partir des territoires. Attachés au dépassement des clivages, nous avons toujours su éviter le réflexe partisan, pour faire valoir notre liberté de ton et d’écoute.

Yann Wehrling, par une référence à Stéphane Hessel (Indignez-vous), remarque que l’on doit faire écho aux indignations des citoyens. Les gens ont envie de se mobiliser sur des choses qui les indignent. Oui, lance Richard Ramos : parti politique, nous ne devons pas nous replier sur les idées théoriques, mais allier le jus de cerveau, les tripes et la sueur ! C’est un projet de société qu’il nous faut porter, directement en prise avec la vie des citoyens et avec la transition écologique.

En savoir plus 

Cette table ronde est animée par Fabien Robert, Président du Mouvement Démocrate Gironde, élu municipal de Bordeaux.

Petit-fils de viticulteur, Fabien Robert a grandi dans une famille de commerçants entre la Gironde et le Lot-et-Garonne. Alors que rien ne le prédestinait à la politique, il a découvert très tôt l'engagement public. En parallèle de ses études en sciences sociales, il s’engage dans la vie estudiantine puis commence à enseigner dans une école privée d'enseignement supérieur. Resté fidèle à son engagement derrière François Bayrou, c'est sous l'aile d'Alain Juppé qu'il fait ses premiers pas en politique. Adjoint au maire de 2014 à 2019, puis 1er adjoint au Maire de Bordeaux et Vice-président de Bordeaux Métropole, il préside le Mouvement Démocrate de Gironde depuis 3 ans. Aujourd'hui élu municipal d'opposition, il se mobilise notamment sur les questions urbaines, culturelles, démocratiques et militaires.

Intervenants :

Nathalie Elimas, Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'éducation nationale et des sports, chargée de l'éducation prioritaire

Ancienne enseignante, Nathalie Avy-Elimas a beaucoup travaillé sur les questions d’éducation. Députée du Val d’Oise depuis 2017, membre de la commission des affaires sociales, vice-présidente du groupe MoDem, elle réfléchit en particulier sur la protection de l’enfance. En juillet 2020, elle remet au gouvernement Édouard Philippe un rapport sur l’adaptation de la politique familiale aux défis du XXI^e siècle.

Erwan Balanant, Député du Finistère, membre de la commission des lois

Titulaire d’une maîtrise d’histoire contemporaine, Erwan Balanant a eu un parcours singulier avant d’être nommé député du Finistère. En effet, il a été membre de l’équipe de France espoirs en saut en hauteur et photographe et réalisateur de profession, accompagnant de grands artistes musicaux français. Erwan Balanant a rejoint le Mouvement Démocrate dès sa création en 2007, parallèlement à ses activités. Nommé député en juin 2017, il est particulièrement sensible aux sujets des droits des femmes et des enfants, et est ainsi à l’origine d’un rapport de mission gouvernementale sur la lutte contre le harcèlement scolaire. Il a également rendu un rapport sur le Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Laurence Farreng, Députée européenne, membre de la commission de la culture et de l’éducation

Conseillère municipale élue à Pau, Laurence Farreng possède 20 ans d’expérience dans la publicité.  Elle devient alors directrice de la communication, de l'événementiel et du protocole de la cité paloise.

Laurence Farreng est fondatrice de l'association "Bonjour l’Europe" qui promeut et facilite auprès des jeunes l’expérience d’études, de stages et de travail dans les villes et les universités des autres pays du continent.

En 2019, elle est élue députée européenne. Elle est membre de la commission de la culture et de l'éducation et membre suppléante de la commission du développement régional. Laurence Farreng s’attache notamment à développer le soft power, outil d’attractivité et d’influence. Elle s'est donnée pour mission de structurer les médias européens.

Richard Ramos, Député du Loiret, secrétaire général adjoint du Mouvement Démocrate

Ancien chroniqueur gastronomique à la télévision sur France 3 Région Centre-Val de Loire, Richard Ramos a toujours défendu avec ferveur le combat pour le bien-manger et le bien-vivre. Il a également occupé la fonction salariée de directeur de la stratégie d’une entreprise régionale dans le secteur de l’environnement. Il est conseiller municipal dans sa commune de Fay-aux-Loges depuis plus de 12 ans, vice-président de la communauté de communes des Loges et député du Loiret depuis 3 ans. Il est également Secrétaire Général Adjoint du Mouvement Démocrate.

Yann Wehrling, Ambassadeur délégué à l’environnement, conseiller régional île-de-France

Engagé pour l’écologie depuis plus de vingt ans, Yann Wehrling a été secrétaire général des Verts avant de rejoindre François Bayrou en 2007. Porte-parole du MoDem en 2008, il en devient secrétaire général en 2018. Yann Wehrling appelle à arrêter la dégradation de la planète, non pas uniquement pour la nature, mais pour nous, l’humanité. Il se bat pour une écologie humaniste et responsable. Avec David Guillerm, il crée en 2019 le think tank Démocrates pour la planète.

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