Pourquoi faut-il continuer de réformer la France ?
En pleine crise planétaire, économique, sociale, démocratique, comment et pourquoi est-il nécessaire de continuer à réformer le pays ? Nathalie Griesbeck, vice-présidente du Mouvement Démocrate et ancienne eurodéputée, anime cette table ronde de la Maison commune avec le Secrétaire général de En Marche ! Stanislas Guérini, le ministre chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne Marc Fesneau, la secrétaire d’Etat chargée de la Jeunesse et de l’Engagement Sarah El Haïry, le président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale et député de la Savoie Patrick Mignola.
D’entrée de jeu, Nathalie Griesbeck interroge nos représentants des forces unies de la majorité sur une question : pour réformer, il faut avoir déployé un projet de société, par la loi et par les mesures d’application de la loi, nous sommes d’accord sur la nécessité de réformer et sur le contenu des réformes : N’y a-t-il pas un problème de méthode ? Nous avons connu une semaine accablante avec les événements consécutifs à l’adoption de la loi sur la sécurité globale. Doit-on réformer la méthode ? Nathalie Griesbeck rappelle l’idée de rupture douce préconisée alors par le président de la République Valéry Giscard d’Estaing, et nous confie son amour, plus encore que pour Tocqueville, pour Montesquieu qui écrivait : « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ».
Le secrétaire général d’En Marche !, Stanislas Guérini s’inscrit dans l’hommage rendu tout au long du Congrès au président Valéry Giscard d’Estaing, rappelant que son ambition était de transformer le pays par des réformes significatives. Les réformes, c’est cela qui reste. Quels enseignements tirer des réactions violentes à la loi sécurité globale ? Pour Stanislas Guérini, nous avons eu raison de réagir rapidement, en proposant de réécrire l’article 24, et de s’unir d’une même voix pour obtenir que cette réécriture se fasse par le Parlement. Ce n’est pas reculer que de dire que l’on va réécrire un article. On a su réagir vite, en remettant les choses dans le bon ordre. Il nous faut absolument maintenir le talisman de l’unité de la majorité présidentielle. Beaucoup de voix suggèrent d’arrêter de réformer et d’attendre 2022 : suffisamment de réformes auraient été faites, la crise restreindrait les marges de manœuvre. C’est précisément l’inverse, nous dit Stanislas Guérini. La transformation du pays, c’est la promesse sur laquelle nous avons été élus. Arrêter de réformer, ce serait la trahir. Ce sont les réformes déjà mises en œuvre qui nous permettent d’affronter la crise. Avant qu’elle n’éclate, nous baissions les impôts, le chômage, les déficits. C’est la meilleure raison pour continuer à réformer. C’est notre identité, la réforme. Evidemment, nous ne pouvons pas reprendre le quinquennat où nous l’avions laissé. Mais le plan de relance constitue un outil pour mener cette réforme, en partant de la vie quotidienne des Français.
La secrétaire d’Etat chargée de la Jeunesse et de l’Engagement Sarah El Haïry est totalement d’accord sur la nécessité de tenir les promesses. Sinon, c’est la démocratie qu’on affaiblit et la confiance se perd. Sarah rappelle une phrase forte du président Valéry Giscard d’Estaing : « L’élan de la jeunesse, c’est l’élan de tout un pays ». Il faut être dans la réforme juste, dans la capacité à planifier. Le secrétaire général adjoint Richard Ramos le rappelait également dans la table ronde sur la Démocratie et la citoyenneté. Les réformes sociétales, les réformes liées à des transitions, sur les droits d’auteur, les droits à la mobilité, les solidarités européennes, sont essentielles. La réforme, cela ne doit pas être de ma législation à l’émotion, du fait divers. « La parlementaire que j’ai été et que je resterai toujours, dit Sarah El Haïry, affirme la nécessité d’un projet de société, de solidarité ». La montée des violences est une réalité. Face à cela, les débats sont absolument nécessaires. Il faut retrouver une capacité à embarquer, à créer de la convergence, de la concertation. La vulgarisation peut également être utile.
Beaucoup de choses négatives traversent notre société, de peurs, de complotisme, souligne Nathalie Griesbeck : comment lutter contre ces peurs ? Le président du groupe MoDem Patrick Mignola le dit nettement : Il faut gouverner le pays. Gouverner un pays, c’est entendre ses peurs, mais aussi ses besoins. De grands projets sont en train d’être réalisés : la dépendance avec la création du 5e pilier de la Sécurité sociale, l’environnement avec la Convention citoyenne pour le climat. Et, peut-être encore plus essentiel, le combat de notre famille politique pour l’égalité des chances, pour sortir les Français de leurs déterminismes de naissance. La justice sociale est un impératif. Patrick Mignola n’aime pas l’expression « discriminations positives », c’est sur l’équité, la justice sociale qu’il faut mettre l’accent. C’est une priorité pour remettre le pays en mouvement.
Le ministre chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne Marc Fesneau insiste sur le tempérament des centristes, constamment attachés à rendre possible le compromis. Aujourd’hui, le compromis est trop souvent associé à la compromission, à ce qui est compromettant. Pour nous, modérés, une société qui voit les choses tout en noir et blanc, sans ses riches nuances de gris, crée des difficultés de compréhension. La société actuelle n’aime pas les choses balancées. Or, nous sommes davantage capables de compromis que nous sommes solides sur nos idées. Mais, depuis 30 ans, le problème tient à ce que l’oin n’a pas préparé la France à la réforme. Il faut déjà un consensus sur le diagnostic. Aujourd’hui, la société voudrait un texte dès qu’un problème surgit. Et comme on pense que la loi est la solution, la loi bavarde, la loi piapiate. Parfois, le bon sens permet de régler les questions, sans cathédrales juridiques.
Certaines réformes sont nécessaires, comme la réforme des retraites. Est-ce que le système des retraites était inégalitaire ? Oui. Est-il encore plus inégalitaire avec la crise ? Oui. A-t-on besoin d’une réforme ? Oui. Le moment est-il plus compliqué pour mener cette réforme ? Oui. Il faut réformer les retraites, mais la temporalité va dépendre des prochains mois, de notre sortie de la crise, explique Marc Fesneau. Stanislas Guérini ajoute que la réforme des retraites est d’autant plus nécessaire pour ceux que la crise a frappés de plein fouet, les métiers de 2e ligne comme les éboueurs, les caissiers, aux carrières hachées.
Des réformes sont directement issues de la crise, comme le Ségur de la santé. La crise a également rendu indispensable une réforme de l’éducation. Et Stanislas Guérini rejoint Patrick Mignola sur l’importance de la dépendance et de la transition écologique. Autre réforme essentielle à mener dans ces temps difficiles : le revenu universel d’activité.
Sarah El Haïry acquiesce : le revenu universel d’activité est nécessaire. Le non accès aux droits constitue un fléau. Il faut lutter pour davantage d’information et de simplification. Un jeune sur deux ne sait pas ce que l’Etat peut faire pour l’aider. Sarah affirme sa foi en l’avenir et dans cette jeune génération qui bouscule nos manières de vivre. Leur ardeur, leur énergie nous encouragent.
Patrick Mignola souligne qu’un travail sur le champ démocratique, institutionnel s’impose. Nous avons l’obligation de travailler sur de nouvelles méthodes. Les modes de scrutin, le vote à distance sont des combats utiles et salutaires pour la démocratie. Nous devons conserver optimisme et foi dans ce que nous sommes, dans nos valeurs.
Ces échanges des représentants de notre Maison commune se terminent sur l’affirmation que l’engagement, la solidarité constituent la bonne voie pour sortir de la crise. » Un pays uni, rien ne lui résiste », rappelle Sarah El Haïry en reprenant le slogan de campagne de François Bayrou en 2012. Nous avons besoin de l’énergie de tous les militants, de faire vivre les idées, de porter des utopies et de les mettre en œuvre à l’échelle de la réalité, qui est celle de l’Europe. Réformer la France, c’est porter les transformations au niveau européen : la taxation des géants du numérique, les ressources propres pour demain, une taxe carbone aux frontières de l’Europe, la France à la présidence européenne en 2022, ce sont autant de chantiers cruciaux pour réformer dans la bonne voie.
En savoir plus :
Cette table ronde sera animée par Nathalie Griesbeck, ancienne députée européenne, vice-présidente du Mouvement Démocrate
Nathalie Griesbeck a été conseillère municipale de Metz, conseillère générale de la Moselle et maître de conférences en droit public à l’Université de Metz. Députée européenne de 2004 à 2019, Nathalie Griesbeck y a notamment présidé une commission sur le terrorisme de 2017 à 2018. La commission sur le terrorisme a eu 2 ans pour déterminer les failles de l’organisation pratique et les législations européennes et le travail en partenariat entre États-membres et avec les partenaires internationaux.
Intervenants :
Marc Fesneau, Ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le parlement et de la participation citoyenne, vice-président du Mouvement Démocrate
Ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le parlement et de la participation citoyenne, Marc Fesneau œuvre dans une logique de séparation des pouvoirs, puisqu’il assure, en médiateur, l’interface entre l’exécutif et le législatif. Marc Fesneau a été secrétaire général du Mouvement Démocrate de 2010 à 2017. Il a exercé plusieurs mandats locaux dans le Loir-et-Cher et porte une attention toute particulière aux spécificités des territoires.
Stanislas Guerini, Délégué général de la République En Marche!, député de Paris
Député de Paris, Stanislas Guérini est aussi délégué général du parti présidentiel depuis 2018. Il est diplômé d’HEC et a dirigé son entreprise d’installation de panneaux solaires avant de rejoindre la multinationale Elis. Il a participé à la fondation d’En Marche en 2016.
Patrick Mignola, Député de la Savoie, président du Groupe MoDem et Apparentés à l’Assemblée nationale, vice-président du Mouvement Démocrate
D’abord chef d’entreprise, Patrick Mignola s’engage en politique et travaille dans plusieurs cabinets ministériels. En 2001, il devient maire de La Ravoire, où il est réélu en 2008 et 2014. Il quitte ses mandats lorsqu’il devient député. Élu président de groupe en 2018, il fait entendre les voix du Mouvement démocrate, dans un esprit pluraliste et libéral. Patrick Mignola réfléchit sur la justice sociale, dans une perspective proche du premier libéralisme politique des XVIIIe-XIXe siècles.
Sarah El Haïry, Secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de l’engagement, auprès du ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports
Engagée depuis plus de dix ans en politique et dans la vie associative, Sarah El Haïry œuvre pour l’économie sociale et solidaire. A l’Assemblée nationale, en tant que députée de Loire-Atlantique et membre de la commission des finances, elle a co-présidé un groupe d’étude sur cette thématique. Sarah El Haïry réfléchit également sur les conditions d’une philanthropie à la française. Avant d’entrer au gouvernement, elle était porte-parole du Mouvement Démocrate.