Démocrate Hebdo sur la Défense avec Philippe Michel-Kleisbauer
Mercredi 23 février, notre Démocrate Hebdo était consacré aux questions de défense. Philippe Michel-Kleisbauer, député de la 5e circonscription du Var (commission de la défense et des forces armées) est venu partager avec nous ses analyses géopolitiques. Il est membre du groupe d'amitié France-Ukraine. Philippe Michel-Kleisbauer avait travaillé auprès de François Léotard, lorsqu'il était ministre de l'Intérieur. C'est Ugo Quilico, membre des JDems, étudiant en droit, qui a mené l'entretien.
Expérimenté, perspicace, le député Philippe Michel-Kleisbauer ne glose pas sur les intentions de tel ou tel acteur, il se penche plutôt sur les faits. Nous résumons ici rapidement ses analyses, en vous recommandant vivement de regarder la vidéo, vivante et éclairante. Les enjeux de défense touchent à notre rapport à la mort, à l'histoire, elles sont éminemment délicates.
En procédant par thématiques régionales, il nous a d'abord parlé de l'Afrique, où la crise est selon lui plus politique que réelle et humaine. A l'OTAN, un bureau, dirigé par un colonel, a été créé pour étudier les questions migratoires, et ses conclusions ne concordent pas avec celles que l'on nourrit spontanément. Pour l'OTAN, il n'y a pas forcément un danger migratoire. Les problèmes, en Afrique, se cristallisent par zones, selon une logique de tectonique des plaques.
Dans la course à l'armement entre le Maroc et l'Algérie, le rapport de forces est déséquilibré. La situation de l'Algérie, à court et à moyen termes, est hautement préoccupante. En Syrie, le port de Tartous est sous imprégnation russe. En Libye, le maréchal Haftar se montre conciliant envers la Russie et le groupe armé Wagner. En Méditerranée, Philippe Michel-Kleisbauer ne voit pas un risque d'escalade ou de dégradation de la situation dans les 18 à 20 mois, mais c'est un lieu où tout le monde va se retrouver dans une espèce de baignoire, avec des zones de friction. N'oublions pas que 25% du commerce mondial passe par la Méditerranée. Le premier enjeu est donc économique, et les enjeux stratégiques de demain exigent la maîtrise des savoirs-faire. C'est ce que le Haut-commissariat au Plan a fermement rappelé.De même, sur l'industrie militaire, tout ne se passe pas bien à 100% avec l'Allemagne, mais il faut aller vers de plus en plus de coopération et de maîtrise de notre production d'armements.
Sur le continent africain, on se souvient des mots du président Jacques Chirac sur la part glorieuse et la part d'ombre. Ce texte, lors du comité de l'esclavage, est très beau et juste. C'est ce que fait notre actuel président dans la manière d'aborder la mémoire. Chez les Sénégalais, et dans tout le Sahel, il y a une attente, pour que l'on dise "Oui, à un moment donné, nous avons commis un crime". Si un Boko Haram prospère, c'est parce qu'il propose des écoles coraniques. Le terrain de l'éducation et de la culture est décisif.
Au Mali, la junte militaire a requis la force Wagner pour se protéger. Ce sont là des mercenaires, gérés par un homme d'affaires proche de Poutine.
Philippe Michel-Kleisbauer est revenu sur les enjeux européens : la boussole stratégique, qui sera mise en place les 24 et 25 mars, ainsi que la Présidence française de l'Union européenne, sont les deux tangentes qui vont définir la politique européenne.
Si les pays de l'Est, Roumanie, Pays-Baltes, semblent plus éloignés aux Français que le Mali, nous voyons bien que, là aussi, une vision stratégique commune est nécessaire.
On a souvent tendance à opposer les termes "fédération" et "confédération", là où il serait peut-être judicieux d'inventer un nouveau système, à plusieurs, de collégialité.
Sur la crise urkainienne, Philippe Michel-Kleisbauer rappelle que la France ne peut pas faire cavalier seul. Et nous sommes encore très dépendants des Etats-Unis. La diplomatie est un art extrêmement difficile, dont on ne peut pas voir l'issue à l'entrée du chemin. Poutine peut très bien revenir sur les accords de Minsk. La France, depuis le début, cherche une résolution pacifique. Philippe Michel-Kleisbauer livre une intuition : Poutine a dit non à l'Ukraine dans l'OTAN, mais pas non à l'Europe. Peut-être est-ce là une clef ? Que cherche Poutine en envahissant l'Ukraine ? Impossible de le savoir exactement, mais dans un pays comme l'Ukraine, bouleversé en 2014 par la révolution Maidan, la jeunesse s'est épanouie, a ressenti une envie d'Europe. Philippe Michel Kleisbauer rend ici hommage à l'action de Marielle de Sarnez à ce moment de la révolution Maidan. Si une génération plus tard, il y avait référendum, peut-être pourrait-on faire confiance à ces populations pour manifester le désir de devenir européens. Sur la Biélorussie, Poutine a fait entrer les soldats russes, et il paraît évident que la Biélorussie va rester russe.
Sur la question des sanctions, les sacrifices seraient à faire pour les deux parties.
Depuis le Brexit, la France est le dernier pays européen qui dispose du droit de vote au sein de l'ONU, c'est précieux. Que les Allemands aient accepté la construction de Nord Stream II marque un élément d'affaiblissement de l'Europe. Aussi faut-il bien rappeler aux gaullistes que leurs analyses sont situées historiquement. Lorsque le général de Gaulle a fait sortir la France du commandement intégré de l'OTAN (et non pas de l'OTAN), les enjeux et les rapports de force n'étaient pas les mêmes. La défense opérationnelle française, ça tient dans le stade de France. Poutine, nos compétiteurs turcs, sont à 600000. La Turquie est en train de devenir une grande puissance. Ce que fait Erdogan va imprégner la Turquie pour longtemps. Le match se joue à 200000 contre 600000, et si l'on est avec nos amis de l'OTAN, on est 3M 200000 et la partie est réglée. Poutine sait, en ce cas, que le match est plié. C'est un rapport de force. Les Chinois, eux, sont 2M 300000. L'Europe a une capacité de dissuasion ou de feu utile.
Peut-on faire un parallèle entre la situation en Ukraine et celle de Taïwan ? demande une internaute. Excellente question, répond Philippe Michel-Kleisbauer, si demain le conflit se déclenche sur Taïwan, si les Chinois y accentuent leur pression, nos alliés demanderont le même type de réaction.
Durant ces 5 ans, le leadership du président Emmanuel Macron, en Europe, sur la scène internationale, s'est révélé remarquable, solide et vigilante.