Le conflit israélo-palestinien
Le gouvernement israélien projette d’annexer des territoires palestiniens. Vendredi 10 juillet, Université 133 a auditionné le député des Côtes d’Armor Bruno Joncour (membre de la Commission des Affaires étrangères) sur le conflit israélo-palestinien et la situation au Moyen-Orient.
A l’heure où le gouvernement de coalition israélien menace d’annexer une partie des territoires palestiniens occupés, Pierre-André Hervé (doctorant en histoire contemporaine à l'EPHE et animateur du cercle Agénor) a interrogé le député Bruno Joncour sur sa vision de cette situation alarmante, dont on ne parle pas suffisamment.
Président d’un groupe d'études sur la Palestine à l’Assemblée, Bruno Joncour s’est toujours senti très attaché à cette région. Détestant l’injustice et l’oppression, il a toujours été auprès du peuple palestinien pour la reconnaissance de ses droits. Ce peuple mérite qu’on l’accompagne et qu’on le considère. Bruno Joncour a tissé des liens à plusieurs niveaux : au niveau du groupe d'études, mais aussi en établissant des relations entre la ville de Saint-Brieuc, dont il fut maire de 2001 à 2017, et des localités palestiniennes. Ainsi avec la ville de Battir, non loin de Bethléem, qui possède un patrimoine monumental. En nouant des relations fortes avec une ville, on parvient déjà à envoyer un message de solidarité, qui compte. Les élus locaux ont une légitimité pour favoriser les contacts directs entre les peuples. Il ne manquerait plus que des communautés comme les nôtres se désintéressent du sort des Palestiniens ! Savoir que l’on pense à eux est nécessaire et précieux.
Bruno Joncour remarque l’ambiguïté du langage officiel : à l’Assemblée, il existe de nombreux groupes d’amitié mais, pour la Palestine, c’est un « groupe d’études à vocation internationale sur les territoires palestiniens ». Si la France appelle à la mise en oeuvre d'une solution au conflit israélo-palestinien impliquant deux Etats, elle ne reconnaît pas encore officiellement l'Etat palestinien, désormais observateur à l'ONU. Ce groupe s’attache à relayer les préoccupations, les messages, à l’UNESCO par exemple. Les relations suivies impliquent des déplacements, comme en avril 2019, où une délégation de 6 parlementaires s’est rendue à Jérusalem, en Cisjordanie, à Gaza. De ces voyages, on ne revient pas exactement semblable.
Pierre-André Hervé remarque qu’il est assez rare qu’un homme politique s’engage aussi explicitement sur une question inflammable, où d’aucuns hésitent à se positionner. La responsabilité historique à l’égard de ce que les Juifs ont subi est très forte. Pour Bruno Joncour, il n’y a pas d’ambiguïté : on peut soutenir la cause palestinienne sans pour autant remettre en question la solidarité vis-à-vis d’Israël. Il ne s’agit pas de contester l'exigence de sécurité qui doit être garantie à l'Etat d'Israël. En revanche, aider le peuple palestinien à trouver la voie de sa souveraineté et de sa dignité lui paraît essentiel. Pour cela, il faut sortir de ce dilemme assez hypocrite, qui conduit à l’immobilisme.
Il n’y a rien de pire pour un peuple que de se sentir humilié. La stratégie d’humiliation utilisée par le gouvernement israélien à l’égard du peuple palestinien doit cesser. De même, l’attitude de Donald Trump, qui envisage d’acheter la paix avec des dollars, est inacceptable. Le désir de souveraineté, cela ne s’achète pas.
La France peut jouer un rôle pour que les deux parties se parlent. Pierre-André s’interroge sur les bases de négociation possibles. Aujourd’hui, une solution avec 2 Etats semble de plus en plus caduque. Ne pourrait-on imaginer d’autres solutions, comme un Etat binational, ou unitaire, une réflexion sur l’égalité des droits ? Bruno Joncour reconnaît que la solution à 2 Etats est très compromise. Mais il estime que ne plus se référer aux 2 Etats reviendrait à un échec du droit international. Il faut rechercher une solution, tout en conservant à l’esprit la référence historique à la solution à 2 Etats. Le pire serait d’aboutir à une situation où l’on créerait des citoyens de seconde zone, une sorte d’apartheid.
Interrogé sur l'opportunité et la possibilité de sanctions européennes à l'égard d'Israël en réponse à ses violations du droit international et comme moyen de pression pour revenir à la table des négociations, Bruno Joncour pense en tout cas qu'une voix européenne concertée et forte est souhaitable, mais ce n’est pas encore le cas. Même si l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie se font entendre. Pour Bruno Joncour, la France devrait s’exprimer plus clairement et reconnaître l’Etat palestinien. Il y a, là-bas, une demande de France.
Au Proche-Orient, on manque aujourd’hui de grands hommes, comme ont pu l’être Yitzhak Rabbin, Shimon Péres, Anouar el-Sadate, Yasser Arafat. Lors de l'audition du président de la Knesset par la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, Bruno Joncour lui a exprimé ce regret. Les grandes figures, les grandes voix portent les grandes causes. En Israël, au niveau du gouvernement, la cause de la paix n’existe plus. Heureusement, des réactions opposées à la doctrine officielle se manifestent dans la société civile. La vie politique intérieure s’est également dégradée dans les territoires palestiniens. Et la classe politique ne se renouvelle pas.
Le projet d’annexion israélien renouvelle, toutefois, la prise de conscience des Européens et de la communauté internationale. Un texte a ainsi été adopté par un millier de parlementaires européens. C’est encourageant. Les pays arabes, au fil des années, ont donné l’impression que régler le conflit n’était plus une priorité. Le conflit israélo-palestinien ne structure plus les relations internationales autant que par le passé. Or, aujourd’hui, la réaction des pays arabes est quasi unanime pour ne pas laisser faire.
Pierre-André Hervé ouvre la discussion à la situation au Moyen-Orient, avec 3 grandes questions : sur le positionnement européen par rapport au conflit entre l’Iran et l’Arabie Saoudite ; sur l’aide aux minorités, comme les chrétiens d’Orient ; sur l’esprit démocratique qui s'affirme dans les sociétés de la région mais se solde par des échecs.
Sur la tension entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, Bruno Joncour reconnaît que l’on sent une sorte de guerre froide. L’Iran, pays nationaliste, autant dans sa population qu’au niveau de ses dirigeants, se crispe face aux coups de boutoir américains. L'Europe doit poursuivre ses efforts pour aider à contourner légalement les sanctions économiques imposées unilatéralement par les Etats-Unis. L’Arabie Saoudite, pour sa part, est une très vieille civilisation, qui peine à évoluer mais qui mérite aussi l'attention. Avec le député Claude Goasguen, disparu le mois dernier, Bruno Joncour a co-rédigé un rapport sur cette question. La France aurait un rôle positif à jouer dans ce conflit.
Sur l’aide aux minorités, Bruno Joncour souligne la nécessité de soutenir les minorités opprimées, notamment en aidant les établissements scolaires. Sur l’esprit démocratique à insuffler, il remarque que l’on ne peut l’imposer de l’extérieur. L’élan doit venir des sociétés civiles elles-mêmes, qu'il fat soutenir. En Palestine, le salut pourrait venir de la société civile, en particulier des femmes.