Université 133 Société et solidarités: auditions de Géraldine Bannier, Cyrille Isaac-Sibille, Sarah El Haïry, Michèle de Vaucouleurs, Sylvie Brunet
Pour notre réflexion collective Université 133, Christophe Bellon (historien, vice doyen de la Faculté de droit de l’Université catholique de Lille) et Olivia Leboyer (politologue, Sciences po) ont réuni, à distance, des universitaires pour auditionner 5 de nos députés sur le thème des solidarités, que les bouleversements qui s’enchaînent mettent à l’épreuve.
Une société ne peut tenir bon sans ses solidarités. L’organisation de la solidarité est une question d’avenir qui se pose pour notre société, pour nos sociétés. L’histoire du concept de « solidarité », depuis son apparition en droit romain jusqu’à sa moderne diffusion en biologie, en sociologie et en droit social met l’accent sur les idées de solidité et d’interdépendance. La solidarité est l’un des ferments de la recomposition de la société. Aussi François Bayrou souligne-t-il, depuis la crise des Gilets jaunes et aujourd’hui à plus forte raison, que la crise sociale exige un projet social d’ensemble, et non une série de réformes dispersées et de court-terme. Pour qu’une loi juste l’emporte sur la loi du plus fort.
Christophe Bellon a exposé comment les centristes se sont positionnés, depuis la IIIe République, sur la question sociale, en examinant 3 grands sujets : les politiques familiales, les retraites et la santé. L’occasion de découvrir l’engagement de figures centristes importantes et de revenir sur un mouvement comme le solidarisme de Léon Bourgeois.
Raphaël Liogier (sociologue et philosophe, Université d’Aix-Marseille), rapporteur de l’atelier, a présenté une vision radicale du centre aujourd’hui. Dans notre société libérale, la recherche de la justice sociale oblige à s’interroger sur les fondements. En particulier, il convient de réfléchir sur la manière de fonder l’impôt : sur le capital, voilà qui lui semblerait plus juste que sur le revenu.
Notre groupe de chercheurs (composé de l’historien Jean Garrigues, du sociologue Julien Damon, de l’historien Charles Mercier, de la juriste Sarah Durelle-Marc, du juriste Thibault Desmoulins, du député et médecin psychiatre Brahim Hammouche, de notre secrétaire générale adjointe Alice Le Moal ) a auditionné 5 de nos députés sur les thèmes suivants :
- Géraldine Bannier (députée de la Mayenne, professeure), sur l’éducation et l’inégalité des chances
- Cyrille Isaac-Sibille (député du Rhône, médecin) sur le grand-âge et la dépendance
- Michèle de Vaucouleurs (députée des Yvelines) et Sarah El Haïry (députée de Loire-Atlantique, co-présidente du groupe d’études sur l’économie sociale et solidaire) sur la possibilité d’un revenu universel
- Sylvie Brunet (députée européenne) sur la reprise de l’emploi après le confinement, au niveau européen
Riche et animée, la discussion a fait ressortir des points saillants :
Dans le domaine de l’éducation, la solidarité, cela s’apprend. Les parcours de réussite peuvent être très divers et ne se mesurent pas aux seuls diplômes universitaires. Géraldine Bannier a insisté sur la plus grande place que devrait occuper l’objet-livre partout dans notre société. Charles Mercier l’a notamment interrogée sur la question de la carte scolaire et des seuils pour les allocations familiales.
Cyrille Isaac-Sibille a rappelé que nous vivons dans une société fortement intergénérationnelle, où la problématique du grand-âge se pose. Le fil rouge de sa réflexion de médecin et de parlementaire est la nécessité de la prévention. Le député Brahim Hammouche est revenu également sur l’importance de la solidarité intergénérationnelle, de la reconnaissance de l’humain.
La question du revenu universel a donné lieu à un débat substantiel. Sarah El Haïry a défendu avec chaleur et précision cette mesure, qui constituerait, idéologiquement, un nouveau pacte social, très fort. Si nous souhaitons un citoyen véritablement émancipé, établissons un revenu vraiment universel, accompagné d’une grande réforme fiscale. Raphaël Liogier, pleinement d’accord avec cette vision, détaille les modalités de cette révolution. C’est un changement de système qu’il faut alors envisager. Michèle de Vaucouleurs apporte un éclairage d’expérience, puisqu’elle mène actuellement une mission flash sur le sujet pour le gouvernement : elle expose les implications de ce revenu, ses effets potentiellement bénéfiques, mais également la nécessité de faire valider la mesure par le peuple, peut-être par la voie d’un référendum. Géraldine Bannier se dit gênée par l’idée d’un revenu universel d’existence, inconditionnel, qui ne demande pas, en contrepartie, un travail ou un effort pour la collectivité. Julien Damon se montre également plus mesuré, préférant, à cette mesure radicale, l’idée d’une dotation universelle de départ, comme au Japon, mais qui ne s’étendrait pas tout au long de la vie. Thibault Desmoulins estime l’idée du revenu universel intéressante, à condition que le peuple soit consulté. Passionnante, la discussion a permis de clarifier les tenants et aboutissants de cette proposition.
Avec Sylvie Brunet, qui nous a rejoints en cours d’atelier, nous avons abordé la douloureuse question de la reprise de l’emploi et des mécanismes (comme SURE) chargés de l’encadrer. Sarah Durelle-Marc l’a notamment interrogée sur le rôle des agences. Sylvie Brunet l’a rappelé avec humilité : nous sommes encore loin de mesurer toutes les conséquences pour l’emploi. L’Europe va s’efforcer d’accompagner au mieux les transitions digitale, démographique, environnementale, avec différentes temporalités.