Discours de Jean Castex, Premier ministre
Retrouvez ci-dessous le discours du Premier ministre Jean Castex, à l'occasion de notre Université de rentrée 2021.
Seul le prononcé fait foi.
Merci, mon cher François, merci à toutes et à tous de m’accueillir ici à Guidel.
Je le confesse : C’est la première fois que je viens à Guidel… mais ce n’est sûrement pas la dernière fois !
Je vous vois ici toutes et tous réunis nombreux, ce que nous n’avions pas pu faire l’année dernière à la même époque…
Certes, avec encore des masques.
Certes, en ayant eu recours au pass sanitaire.
Enfin, nous sommes là, tous ensemble.
Partout où je me déplace, et Dieu sait si je me déplace, je recommence à voir des gens réunis et heureux d’être réunis. Et ceci, mesdames et messieurs, est sans doute dû à la formidable mobilisation que tous ensemble, le peuple français dans son immense majorité, a effectué, avec la très grande résilience qu’il a mise dans la lutte contre cette crise sanitaire inédite qui n’est pas finie… Nous devons être vigilants, rester mobilisés, mais la gestion de cette crise révèle, en tout cas lorsque l’on se compare à tous les pays du monde, mesdames et messieurs, que nous n’avons pas à rougir.
C’est la première, mais pas la seule raison, qui fait que je suis heureux d’être avec vous pour cette université d’été, en cette fin de matinée, mon cher François
Mes premiers mots seront pour toi, si je peux me permettre.
Ce n’était peut-être pas complètement gagné, en dépit de nos origines proches, on ne va pas disserter entre le Gascon et le Béarnais… après tout ce que tu as dit sur les voisins, tout-à-l’heure, nous n’aurions peut-être pas tout à fait la même opinion… mais ce n’était peut-être pas écrit, il y a un certain nombre d’années, que nous nous retrouverions, ici ou ailleurs, à partager ensemble des moments politiques très importants pour notre pays.
Des choses sérieuses.
Me connaissant, te connaissant, on eût pu partager beaucoup de choses dans la convivialité, mais c’est du destin du pays qu'il s’agit.
Quand je vois ce qu’il se passe aujourd’hui, ce dont témoigne ma présence parmi nous, je le vis et le ressens comme un progrès majeur dans notre histoire politique.
Si on parle, comme tu l’as si bien fait, des références littéraires, les hommes, et j’ajouterai aujourd’hui aussi, les femmes, de bonne volonté, peuvent se retrouver alors que des lignes politiques souvent factices les en ont trop souvent empêchés.
C’est à Emmanuel Macron que nous devons, mesdames et messieurs, cette évolution formidable pour notre pays et pour notre démocratie.
Puisque je suis devant vous, une formation politique historique, m’adressant à des militants, à des combattants, à des engagés, je voudrais vous dire, cette fois-ci en qualité de chef du gouvernement, combien celles et ceux des ministres qui sont dans mon équipe et qui appartiennent à votre formation, lui font honneur (applaudissements) : Nathalie, Geneviève, Marc, Jacqueline, Sarah. C’est une belle équipe. Ils ont leurs convictions chevillées au corps. Ils travaillent bien pour le pays. Je voulais vous le dire les yeux dans les yeux.
Je voudrais dire aussi, m’adressant aux parlementaires de votre formation, les députés, d’abord, cher Patrick, président du groupe, sénateurs, membres du Parlement européen, combien il est précieux de travailler avec eux. Ah, ce n’est pas toujours un long fleuve tranquille… mais la vie en générale, et la vie politique, l’est-elle ?
Mais outre que nous savons toujours nous retrouver sur l’essentiel, outre que vous avez compris que la vie politique c’est le collectif, à un moment donné, nous devons trouver des compromis. François a parlé d’équilibre.
Leur façon d’être, leurs parcours à ces parlementaires, souvent imprégnés dans le terreau de notre République, constitue un apport essentiel à cette belle majorité parlementaire dont j’ai l’immense honneur d’être le chef. Merci à vous.
Evidemment, il n’a échappé à personne, du reste, et certainement pas à moi, que nous sommes dans un moment très particulier de l’histoire de notre pays. Pas seulement, mais disons-le, cela compte un peu, parce que s’approche chaque jour davantage une échéance, un rendez-vous majeur pour notre pays, mais aussi parce que la France, l’Europe, le monde, sont confrontés à une crise inédite. Sur le plan sanitaire, les historiens nous ramènent à la grippe espagnole de 1918-1919. Sur le plan économique, il faut remonter à la crise de 1929 et à la deuxième guerre mondiale pour que notre taux de croissance ait été aussi fortement amputé.
Et il se trouve, mesdames et messieurs, que de toutes les composantes de la majorité, du Premier ministre aux parlementaires, aux militants, il se trouve que c’est nous qui sommes en responsabilité pour faire face à cette situation exceptionnelle.
Quand je me promène, quand je vais au contact de mes citoyens, plaisir suprême pour moi, les gens ne sont pas hostiles. Ils me disent souvent : « Oh là là, M. le Premier ministre, je n’aimerais pas être à votre place… ». (rires) Et je leur réponds inlassablement, comme sans doute vous pourriez le faire à ma place : « Détrompez-vous, madame, détrompez-vous, monsieur. Rien n’est plus beau que de servir notre pays, et particulièrement quand il est dans la tempête ».
C’est pour cela que le premier message qui est le mien ce matin : le peuple français nous regarde. Vous connaissez bien le peuple français, son histoire, ses caractéristiques. Ce n’est pas un peuple très facile à gérer… (rires) il a sa personnalité, son caractère, on ne le changera pas. Quelque part, c’est heureux. Il faut être fier de son peuple. Dire aussi qu’il y a des choses à changer, c’est le rôle du Premier ministre.
Mais ne nous trompons pas de diagnostic : c’est un peuple très politique, il nous observe. Il aime bien envoyer des fléchettes à ses dirigeants. C’est surtout une façon de les tester dans l’adversité, de mesurer leur sens de l’intérêt général, leur capacité à faire face. Nous devons faire face. Il nous regarde, il nous observe.
Ce que nous devons faire, c’est mon premier message, je le répète, c’est travailler, travailler, travailler encore au service de nos concitoyens. Ils voient bien, malgré toutes les polémiques, les réseaux sociaux, ce qui se dit, ce peuple sait distinguer les choses. J’en suis convaincu. Il peut regarder les résultats.
Si je vous demande ce matin, à vous qui avez, comme militants, la foi du pays, la foi de la politique chevillée au corps, si je vous demande de dire ce que nous faisons, c’est qu’il y a beaucoup à dire car nous faisons beaucoup pour notre pays.
Si c’était faux, mesdames et messieurs, ils le verraient parfaitement. Parfaitement. Si nous n’étions pas ensemble, comme je le suis personnellement, je suis derrière le président de la République en première ligne, donc je dois plus que tout autre montrer l’exemple… si nous n’étions pas au service du pays, à chaque minute, engagés jusqu’aux bout de nos forces, si nous ne faisions pas avec sincérité et humilité… cette crise est inédite, sans doute avons-nous pris des décisions parfois inadaptées ? Qui ne l’a pas fait ? A part celles et ceux qui n’ont jamais exercé aucune responsabilité et dont vous observerez qu’ils sont les premiers à donner des leçons aux autres… Ne donnons aucune leçon. Travaillons et montrons à voir ce que nous faisons. (applaudissements)
Notre pays peut être, dans les circonstances que nous traversons, fier de lui-même. Je ne dis pas cela pour le gouvernement de la République, quoique, et pour la majorité qui le soutient sans faille, et pour les militants qui l’accompagnent au quotidien, je dis cela car c’est la réalité : Nous n’avons aucune raison de nous auto-flageller. Par rapport à ce qu’il se passe ailleurs, oui, je le dis, c’est aussi une façon d’être fier de notre pays à côté de la collection des gens qui vous disent que tout va mal… il fait bon vivre dans notre pays ! (applaudissements)
En ajoutant immédiatement que notre devoir de dirigeant, de politique, de responsable, c’est de veiller à celles et ceux de nos concitoyens, de nos territoires, dont la situation demeure très difficile et que nous devons impérativement aider à s’en sortir. C’est cela l’action publique. (applaudissements)
Ce travail explique aussi que notre pays est celui, en Europe, dans le monde, où la croissance économique est la plus forte. Mesurez bien : Si j’étais venu m’exprimer à Guidel l’année dernière, si les conditions sanitaires ne m’en avaient pas empêché, je serai le Premier ministre confronté au taux de chômage le plus élevé de l’histoire, au nombre de faillites le plus élevé de l’histoire, à un effondrement quasi complet de notre économie et de notre société. Par les mesures que nous avons prises, par l’esprit de résilience de nos concitoyens, par la solidarité nationale qui s’est exprimée, nous avons tenu le choc.
Il ne faut pas jamais les négliger : On donne très souvent la parole à ceux qui protestent de façon véhémente, radicale. Vous devez croiser tous les jours comme moi des membres de la majorité silencieuse pour lesquels je veux avoir une forte pensée aujourd’hui. Tout simplement.
Nous devons continuer inlassablement à protéger nos concitoyens, à renforcer et transformer la France. C’est un impératif collectif. Cette relance économique par le travail, l’investissement, c’est une priorité absolue.
Je vois les débats qui sont devant nous. Non sans quelque curiosité, j’entends que les mêmes nous expliquaient il y a un an, quand j’ai présenté le plan France Relance, que nous étions des petits joueurs... Les mêmes qui disaient cela semblent nous reprocher de dépenser trop. Comprenne qui pourra ! (applaudissements)
En réalité, mesdames et messieurs, je le dis devant François Bayrou, nous n’avons aucune leçon à recevoir sur les questions d’équilibre des comptes publics et de préservation de l’avenir. C’est un sujet extrêmement sérieux. Même les experts les plus sévères – je pense au FMI – nous disent que rien ne serait pire, alors que cette crise sanitaire et économique n’est pas terminée, de faire comme on l’a fait par le passé, de succéder à la relance par l’austérité. Cela ne marcherait pas ! La société s’en trouverait d’autant plus affaiblie et dégradée. (applaudissements)
Je le dis, clairement : nous devons continuer à investir, à travailler, et nous mettrons toutes nos forces dans ce défi. Voyez bien d’ailleurs l’actualité du jour : Nous avons réussi à recréer un nombre d’emplois considérable, le taux de chômage est déjà revenu à celui d’avant-crise alors même qu’on avançait cette perspective à la fin de 2022. Dès la fin de cette année, au plus tard au début de la suivante, nous aurons reconstitué le stock de richesse nationale perdu depuis la crise sanitaire de 2020. Nous avons, plus que n’importe quel pays, préservé le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Et aujourd’hui, que nous dit-on ? Où est l’urgence ? Pour voir ces emplois ainsi crées. C’est pour cela que par la formation, par la mise en œuvre de l’assurance-chômage, par la négociation de branche, nous en avons fait l’impératif majeur de cette rentrée. Ramener le maximum de nos concitoyens au travail et à l’activité. Faire de notre économie la plus transformatrice, celle qui se numérise, celle qui se décarbone, celle qui reconquiert sa souveraineté : c’est comme cela que nous rembourserons nos dettes et que nous comblerons notre déficit. Tel est notre objectif. (applaudissements) Nous devons travailler pour les Françaises et les Français, inlassablement, jusqu’au dernier jour, pour ce qui concerne mon Gouvernement et la majorité.
Dans le même temps, nous devons dessiner l’avenir. Ce qu’attendent nos concitoyens, ce n’est pas simplement de faire face, de gérer la crise avec les résultats que vous savez, ils nous demandent d’en tirer toutes les conséquences les plus structurelles, en donnant, comme l’a dit si bien François, un sens, un cap, à l’avenir. Nous devons être au rendez-vous de tous ces défis : la transition écologique, la souveraineté économique, la cohésion sociale et territoriale. C’est tout l’objet du plan de relance, des lois que le Parlement a adoptées et va continuer jusqu’au bout, à adopter.
Nous avons, chevillé au corps, que nous devons avoir une économie plus forte, plus résiliente, mieux adaptée aux enjeux du monde et de demain, parce que nous croyons à la justice sociale, à notre modèle social, et que nous devons lui donner les moyens de s’adapter aux enjeux du vieillissement, de la pauvreté, de l’activité. C’est cela que sous l’autorité du président de la République, mon gouvernement, la majorité, a entrepris et continuera inlassablement à mener jusqu’au bout.
Une société plus humaine, François l’a dit, plus fraternelle. Je le dis devant le MoDem : aussi, plus européenne, car j’écoute comme vous tous les débats qui se déroulent. Nous devons revendiquer notre identité européenne. (applaudissements)
La souveraineté de la France, à laquelle je suis comme vous particulièrement attaché, passe par la souveraineté européenne. Le 1er janvier prochain, nous y travaillons d’arrache-pied : il se trouve que la France va prendre la présidence française de l’Union européenne. C’est un moment très important. Je vous le dis : je suis fier que soit Emmanuel Macron qui soit à la barre, à la manœuvre, dans ce moment-là.
Nous nous sommes fixés des objectifs ambitieux pour faire valoir une vision de la France dans l’Europe, qui est toujours la sienne : respectueuse des autres partenaires, mais qui caractérise notre œuvre commune. Nous travaillons ardemment à faire aboutir pendant cette présidence française le SMIC européen. C’est tellement important pour nos concitoyens, cette Europe sociale. Nous voulons par exemple faire avancer, peut-être aboutir, cette taxe carbone aux frontières de l’Union européenne. Car il n’y a aucune raison, alors que nous sommes parmi les plus vertueux sur le sentier de la transition écologique, que rentrent en Europe des produits venant de pays moins respectueux de ces règles, qui du coup sont moins chers et viennent concurrencer nos producteurs, nos agriculteurs. C’est cela le chemin européen de la France. (applaudissements)
Et puis, mesdames et messieurs, il y a évidemment des projets, l’action, des résultats. Il n’y a, je ne cesse de le dire depuis mon entrée en fonctions, une méthode, une façon de faire.
J’ai dit lorsque je me suis présenté devant les parlementaires, députés et sénateurs, à la faveur de mon discours de politique générale que je serais l’homme de l’« intendance ». Quel gros mot ! Je vois beaucoup de champions des idées. Mais pour faire société, pour donner du sens, j’ai la conviction que le « comment » a autant d’importance que le quoi. Alors oui, c’est vrai, je vous invite à revendiquer autour de vous que nous devons être le parti du rassemblement.
Plus que jamais dans la crise, inlassablement, alors que les discours radicaux pourraient donner l’illusion d’apporter des solutions, plus que jamais notre pays a besoin d’être rassemblé. Plus que jamais. Ce n’est pas facile, car il faut apprendre, réapprendre à vivre les uns avec les autres.
J’ai la conviction par mon histoire, par mon passé, par ce que je sens au plus profond de moi-même, que cette recicatrisation du pays, son développement, passera par les territoires. Je l’ai dit souvent, chère Jacqueline, je l’illustre. Je vais beaucoup dans les territoires, à la rencontre de mes concitoyens. Nous étions vendredi dans l’Yonne. J’aime la France des sous-préfectures. Nous avons été les premiers à nous attaquer à la désertification médicale, au numerus clausus, au fond du problème !
Quand j’étais mardi, il y a trois jours, en Seine-Saint-Denis, pour m’occuper notamment des quartiers de la politique de la ville, je le fais aussi. En toute circonstance, nous menons une politique cohérente : ressouder la France.
Faisons-le avec bon sens, avec humilité, avec sincérité : n’oublions jamais que la première vertu de la politique, monsieur l’ancien ministre de l’Education nationale, c’est la pédagogie. Expliquer ce que nous faisons. Surtout quand nous avons fait, nous faisons et nous ferons beaucoup pour notre pays. Rassembler, fédérer, écouter, éclairer l’avenir.
Au fond, vous savez, au-delà des débats idéologiques et, vous les voyez se dérouler sous nos yeux sans que j’aie besoin de commenter... Les Français voient bien.
Nous devons nous-mêmes nous rassembler, montrer l’exemple, quand d’autres, sans doute, laissons-le leur, afficheront leur division. Nous devons le faire dans la clarté et dans la sincérité.
Je vois des gens aujourd’hui qui, sans doute pour conquérir un certain type d’électorat, radicalisent leur discours au point de n’être plus eux-mêmes. Les Français s’en aperçoivent.
Soyons nous-mêmes. Sans fierté excessive. Tout est là.
A l’écoute de nos concitoyens qui ont tant à nous apprendre.
De ce rassemblement fort dont nous devons montrer le chemin résultera un élargissement. Nous devons faire venir à nous, élargir.
Au bout du bout, vous savez, au-delà des débats idéologiques légitimes, nous sommes une grande démocratie. Toutes les idées se respectent. Mais n’oubliez pas particulièrement dans ces temps troublés, dans ce monde plus incertain que jamais, qu’au bout du bout, nos concitoyens se poseront la question : qui est le plus capable ? Le plus à même de rassembler la nation France ? De porter les belles valeurs historiques ? De la représenter, de la faire prospérer ? Ce sera, comme toujours, dans ce rendez-vous avec nous-mêmes qu’est une élection présidentielle, la question ultime.
Si nous continuons à travailler, à être humbles et à l’écoute, à éclairer l’avenir, à rassembler, à commencer par nous-mêmes, alors on peut espérer pour notre pays et pour 2022.
Je vous remercie.